Évaluation de la précarité financière face à une créance sociale en situation de remboursement.

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Évaluation de la précarité financière face à une créance sociale en situation de remboursement.

L’Essentiel : Le tribunal du contentieux de l’incapacité d’Amiens a, par jugement du 18 septembre 2018, fixé le taux d’incapacité de Madame [K] [C] à 5 %, entraînant un versement de 1 952,33 euros par la Cpam. Suite à un appel, la CNITAAT a rétabli le taux à 0 % le 11 octobre 2022. Le 19 juin 2023, la Cpam a réclamé le remboursement du capital. En dépit d’une demande de remise de dette, rejetée par la CRA, [K] [C] a saisi le tribunal judiciaire d’Amiens, arguant que ses charges n’avaient pas été correctement prises en compte.

Jugement initial et versement de capital

Le tribunal du contentieux de l’incapacité d’Amiens a, par jugement du 18 septembre 2018, fixé le taux d’incapacité permanente partielle de Madame [K] [C] à 5 %. En conséquence, la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme a versé à l’assurée sociale un capital de 1 952,33 euros.

Appel et décision de la CNITAAT

Suite à l’appel interjeté par [K] [C], la CNITAAT a, par arrêt du 11 octobre 2022, infirmé le jugement initial et rétabli le taux d’incapacité à 0 %, tel que fixé par le médecin-conseil.

Remboursement réclamé par la Cpam

Le 19 juin 2023, la Cpam de la Somme a adressé une lettre recommandée à l’assurée sociale, lui réclamant le remboursement du capital versé.

Demande de remise de dette

Le 17 août 2023, [K] [C] a sollicité une remise de dette auprès de la commission de recours amiable (CRA) de la Cpam, invoquant une situation financière difficile. La CRA a rejeté cette demande le 4 janvier 2024, tout en proposant des délais de paiement.

Procédure judiciaire

Le 4 mars 2024, [K] [C] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens pour demander la remise totale de sa dette, arguant que ses charges n’avaient pas été correctement prises en compte par la CRA. L’affaire a été mise en délibéré après l’audience du 5 novembre 2024, avec une décision attendue le 25 novembre 2024.

Prétentions des parties

[K] [C], représentée par son époux, a maintenu sa demande, précisant que les charges du foyer s’élevaient à 2 000 euros par mois, et a sollicité un échéancier de paiement. La Cpam a, quant à elle, demandé le rejet de la demande de remise de dette et le paiement de la somme résiduelle de 1 850,63 euros.

Motivation du tribunal

Le tribunal a rappelé que, selon l’article L.256-4 du code de la sécurité sociale, les créances des caisses peuvent être réduites en cas de précarité, sauf en cas de fraude. Il a noté que [K] [C] ne contestait pas le montant de la dette et a examiné la précarité de sa situation financière.

Évaluation de la situation financière

Les revenus du couple s’élevaient à 3 425 euros par mois, avec des charges mensuelles totalisant 2 000 euros. Le reste à vivre du couple était de 1 425 euros par mois pour quatre personnes. Malgré cela, [K] [C] a proposé de régler sa dette rapidement.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a constaté que la demande de remise de dette était devenue sans objet, laissant les éventuels dépens de l’instance à la charge de [K] [C].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de remise de dette selon l’article L.256-4 du code de la sécurité sociale ?

L’article L.256-4 du code de la sécurité sociale stipule que, hormis en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l’application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse.

Cette réduction est possible sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.

Ainsi, pour qu’une remise de dette soit accordée, il est nécessaire que le débiteur prouve sa précarité financière.

Il est également important de noter que la décision de remise doit être motivée, ce qui implique que la caisse doit justifier sa décision par des éléments concrets relatifs à la situation financière du débiteur.

Comment le juge apprécie-t-il la situation de précarité du débiteur ?

Le juge, lorsqu’il est saisi d’un recours contre une décision administrative ayant rejeté une demande de remise gracieuse, doit apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette.

Cette appréciation se fait en tenant compte des éléments de preuve fournis par le débiteur, notamment ses revenus, ses charges mensuelles et sa situation familiale.

La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2020 (n°18-26.512), souligne que le juge doit examiner les circonstances particulières de chaque cas.

Il doit également s’assurer que la bonne foi du débiteur est établie, ce qui peut être le cas lorsque la dette résulte d’une décision judiciaire infirmant une précédente décision.

Quels éléments doivent être pris en compte pour évaluer la précarité financière d’un débiteur ?

Pour évaluer la précarité financière d’un débiteur, plusieurs éléments doivent être pris en compte :

1. **Les revenus du débiteur** : Il est essentiel d’examiner le montant total des ressources du foyer, y compris les salaires, les allocations et autres revenus.

2. **Les charges mensuelles** : Les dépenses courantes, telles que le loyer, les factures, les impôts et les frais de transport, doivent être détaillées pour comprendre la situation financière.

3. **La composition du foyer** : Le nombre de personnes à charge et leur situation (étudiants, autonomes, etc.) influencent également la précarité financière.

4. **Les dettes éventuelles** : Les mensualités de prêts ou autres dettes doivent être prises en compte pour évaluer le reste à vivre.

Ces éléments permettent de déterminer le reste à vivre du débiteur, qui est un indicateur clé de sa précarité financière.

Quelles sont les conséquences d’une demande de remise de dette devenue sans objet ?

Lorsque la demande de remise de dette est déclarée sans objet, cela signifie que le tribunal n’a pas à statuer sur la demande initiale du débiteur.

Cela peut se produire si le débiteur a trouvé un moyen de régler sa dette ou si les circonstances de sa situation financière ont changé de manière significative.

Dans ce cas, le tribunal constate simplement que la demande n’a plus de raison d’être, et il n’y a pas de décision sur le fond concernant la remise de dette.

Les éventuels dépens de l’instance sont alors laissés à la charge du débiteur, ce qui signifie qu’il devra supporter les frais liés à la procédure, même si sa demande n’a pas été examinée.

DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

__________________

POLE SOCIAL

__________________

[K] [C]

C/

CPAM DE LA SOMME

__________________

N° RG 24/00100
N°Portalis DB26-W-B7I-H3MP

Minute n°

Grosse le

à :

à :

Expédition le :

à :

à :

Expert
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS

POLE SOCIAL
_

J U G E M E N T

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Emeric VELLIET DHOTEL, vice-président au tribunal judiciaire d’Amiens chargé du pôle social,
M. [X] [P], assesseur représentant les travailleurs salariés
M. [T] [H], assesseur représentant les travailleurs non salariés

et assistés de M. David CREQUIT, greffier lors du prononcé par mise à disposition au greffe.

DÉBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 4 novembre 2024 du pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, tenue par M. Emeric VELLIET DHOTEL, président de la formation de jugement, M. Julien DONGNY et M. François DESERABLE, assesseurs, assistés de M. David CREQUIT, greffier.

ENTRE :

PARTIE DEMANDERESSE :

Madame [K] [C]
200 rue de La croix
80132 VAUCHELLES LES QUESNOY
Représentée par son époux, [S] [C]
Muni d’un pouvoir en date du 03/11/2024

ET :

PARTIE DEFENDERESSE :

CPAM DE LA SOMME
8 Place Louis Sellier
80021 AMIENS CEDEX
Représentée par Mme [F] [L]
Munie d’un pouvoir en date du 09/09/2024

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 25 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

Jugement contradictoire et en dernier ressort

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant jugement du 18 septembre 2018, le tribunal du contentieux de l’incapacité d’Amiens a fixé à 5 % le taux d’incapacité permanente partielle de Madame [K] [C].
Tirant les conséquences de cette décision, la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme a versé à l’assurée sociale un capital de 1 952,33 euros.

Saisie de l’appel interjeté par [K] [C], la CNITAAT, par arrêt du 11 octobre 2022, a infirmé le jugement et rétabli le taux de 0 % fixé en son temps par le médecin-conseil.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juin 2023, la Cpam de la Somme a réclamé à l’assurée sociale le remboursement du capital versé.

Le 17 août 2023, [K] [C] a sollicité une remise de dette auprès de la commission de recours amiable (CRA) de l’organisme, motif pris d’une situation financière difficile.

Par décision du 4 janvier 2024, la CRA a rejeté la demande, tout en faisant part de son accord de principe sur l’octroi de délais de paiement dont les modalités seraient à définir avec le service recouvrement.

Procédure :

C’est dans ces circonstances que, suivant lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 4 mars 2024, [K] [C] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens d’une demande tendant à la remise totale de la dette, exposant que ses charges courantes n’avaient que partiellement été prises en compte par la CRA, et que sa situation financière était donc réellement précaire.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 5 novembre 2024, à l’issue de laquelle le président a indiqué qu’elle était mise en délibéré et que la décision serait rendue le 25 novembre 2024 par mise à disposition publique au greffe de la juridiction, en application des dispositions des articles 450 alinéa 2 et 451 alinéa 2 du code de procédure civile.

La Cpam de la Somme a été invitée à indiquer par note en délibéré les délais de paiement qu’elle serait disposée à accorder à la demanderesse.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[K] [C], régulièrement représentée par son époux [S] [C], maintient sa demande.
Elle expose pour l’essentiel être employée en contrat à durée déterminée par la Cpam de la Somme ; que son mari est manager de rayon en supermarché ; que le total des ressources du couple s’élève à 3 425 euros par mois et que, sur ses trois enfants, deux sont encore à la charge des parents, [U] étant étudiante et [N] lycéenne.
Elle ajoute que les charges du foyer ne s’élèvent pas à 1 501,27 euros par mois, comme l’a retenu la CRA, mais à 2 000 euros en tenant compte des frais de carburant de l’ordre de 500 euros par mois exposés par les époux pour les besoins du travail.
Elle sollicite subsidiairement l’octroi d’un échéancier pour s’acquitter du montant de la dette.

La Cpam de la Somme, régulièrement représentée, développe ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024 et demande au tribunal de rejeter la demande de remise de dette et de condamner [K] [C] au paiement de la somme résiduelle de 1 850,63 euros restant due après retenues sur prestations.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux conclusions de la CPAM de la Somme pour l’exposé de ses moyens.

Au regard du montant de la demande en son dernier état, il sera statué par décision en dernier ressort.

MOTIVATION

Selon l’article L.256-4 du code de la sécurité sociale, hormis en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l’application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.

Décision du 25/11/2024 RG 24/00100

Des lors qu’il est régulièrement saisi d’un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse d’une dette née de l’application de la législation de sécurité sociale au sens du texte susmentionné, il appartient au juge d’apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause (en ce sens : Cass. Civ. 2ème, 28 mai 2020 n°18-26.512, publié au bulletin).

[K] [C], qui ne conteste ni le principe ni le quantum de l’indu réclamé par la Cpam de la Somme au titre des indemnités journalières maladie versées à tort, sollicite du tribunal une remise totale ou partielle de sa dette. Au soutien de sa demande, elle excipe de sa bonne foi et de la précarité de sa situation financière.

La bonne foi de l’assurée sociale n’est pas discutée par la Cpam de la Somme. Elle s’infère incidemment du fait que la dette est née d’une décision judiciaire infirmant une précédente décision au terme de laquelle avait été versé un capital indemnisant une incapacité permanente partielle.

S’agissant de la précarité de la situation de [K] [C], il résulte des éléments produits aux débats que :

– les revenus du couple s’élèvent à 3 425 euros par mois, outre une allocation personnalisée au logement de 220 euros ; leur fille [U] est bénéficiaire d’une bourse mensuelle de 160 euros ;

– des trois enfants du couple, seule l’aînée est financièrement autonome, les deux autres étant à la charge du foyer ;

– les charges mensuelles du foyer s’élèvent à la somme mensuelle de 2 000 euros comprenant 120 euros d’impôt foncier ; 153,22 euros d’assurances (automobile, habitation, prêt) ; 300,26 euros de consommation de fluides ; 206,99 euros de frais de cantine et d’études pour l’enfant [U] (loyer APL déduit) ; 174 euros de factures de téléphone et internet ; 546,80 euros de mensualités de prêts (prêt à la consommation et prêt à taux 0) ; et environ 500 euros de frais de carburant en lien avec les déplacements professionnels des époux, qui résident à Vauchelles-les-Quesnoy.

Il résulte de ces données – dont la CRA ne disposait pas de l’intégralité – que le reste à vivre du couple de l’assurée sociale s’établit à la somme de 1 425 euros par mois, pour un foyer de quatre personnes.

Il résulte pour autant des courriels produits en cours de délibéré que [K] [C] propose de régler à bref délai sa dette envers la Cpam de la Somme.

Il convient en conséquence de constater que la demande est devenue sans objet.

Les éventuels dépens de l’instance seront supportés par [K] [C].

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, statuant après débats en audience publique par décision contradictoire en dernier ressort, publiquement mise à disposition au greffe,

Constate que la demande de remise de dette est devenue sans objet,

Laisse les éventuels dépens de l’instance à la charge de [K] [C].

Le greffier, Le président,
David Créquit Emeric Velliet Dhotel


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