Évaluation des loyers commerciaux : enjeux de la surface et de la valeur locative dans le cadre d’un renouvellement de bail.

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Évaluation des loyers commerciaux : enjeux de la surface et de la valeur locative dans le cadre d’un renouvellement de bail.

L’Essentiel : Le 17 juillet 2009, la SCI SECOVALDE a signé un bail commercial de 12 ans avec la SARL FIRECREST pour un local au centre commercial Val d’Europe. En juin 2020, la SCI a notifié un congé avec une offre de renouvellement à un loyer annuel de 167 500 euros, que la SARL a contesté. En janvier 2021, face à l’absence d’accord, la SCI a demandé la fixation du loyer, entraînant une expertise judiciaire. Le rapport a proposé un loyer minimum de 136 610 euros, tandis que la SARL a demandé 74 000 euros, illustrant le désaccord persistant sur la valeur locative.

Contexte du Bail Commercial

Le 17 juillet 2009, la SCI SECOVALDE a conclu un bail commercial avec la SARL FIRECREST pour un local situé dans le centre commercial Val d’Europe, d’une durée de 12 ans à compter du 1er janvier 2009. Le loyer annuel minimum était fixé à 30 000 euros, avec un loyer variable de 7,1% du chiffre d’affaires.

Congé et Offre de Renouvellement

Le 29 juin 2020, la SCI SECOVALDE a signifié un congé à la SARL FIRECREST, accompagné d’une offre de renouvellement pour 12 ans à un loyer annuel minimum de 167 500 euros. La SARL FIRECREST a accepté le principe du renouvellement mais a contesté la durée et le montant du loyer proposé.

Litige sur le Montant du Loyer

Face à l’absence d’accord sur le loyer, la SCI SECOVALDE a notifié une demande de fixation du loyer le 21 janvier 2021, suivie d’une assignation devant le juge des loyers commerciaux le 5 mars 2021. Le juge a constaté le renouvellement du bail et a ordonné une expertise judiciaire.

Rapport d’Expertise et Demandes des Parties

Le rapport d’expertise déposé le 20 janvier 2023 a conduit la SCI SECOVALDE à demander un loyer minimum garanti de 136 610 euros, tandis que la SARL FIRECREST a demandé un loyer de 74 000 euros. Les deux parties ont également formulé des demandes de condamnation aux dépens.

Détermination de la Surface Louée

Un désaccord a émergé concernant la surface des locaux loués, la SCI SECOVALDE revendiquant 71,90 m², tandis que la SARL FIRECREST soutenait une surface de 67 m². Le contrat stipulait que la surface était approximative, permettant un ajustement en fonction de la mesure réelle.

Évaluation de la Valeur Locative

La valeur locative du loyer renouvelé devait être déterminée selon les caractéristiques du local et les prix pratiqués dans le voisinage. L’expert a évalué la valeur locative à 1 600 euros par m², tandis que les parties ont proposé des montants divergents.

Fixation du Loyer Annuel

Le loyer annuel minimum a été fixé à 126 374,32 euros, basé sur une moyenne des prix pratiqués pour des locaux équivalents. Les demandes d’abattements formulées par la SARL FIRECREST ont été rejetées, car seules les caractéristiques des locaux de référence pouvaient être prises en compte.

Rappels de Loyers et Intérêts

La demande de la SCI SECOVALDE concernant les rappels de loyers a été déclarée irrecevable, le jugement constituant un titre exécutoire pour le recouvrement des loyers. Les intérêts au taux légal ont été fixés à compter du 21 janvier 2021, avec possibilité de capitalisation.

Dépens et Frais d’Expertise

Les dépens ont été partagés entre les parties, et les demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées, chaque partie devant supporter ses propres frais.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations contractuelles de l’entrepreneur en matière de construction ?

L’entrepreneur est soumis à des obligations contractuelles spécifiques, notamment un devoir de conseil et une obligation de résultat.

Selon l’article 1217 du Code civil, « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution. »

Ces obligations impliquent que l’entrepreneur doit réaliser les travaux conformément aux règles de l’art et aux spécifications convenues.

Il doit également informer le maître d’ouvrage des risques liés aux travaux, notamment en cas de nécessité d’études préalables, comme une étude de sol.

En cas de manquement à ces obligations, la responsabilité de l’entrepreneur peut être engagée, sauf preuve d’une cause étrangère, comme un risque pris par un maître d’ouvrage informé.

Comment se détermine la responsabilité de l’entrepreneur en cas de désordres constatés ?

La responsabilité de l’entrepreneur est engagée lorsqu’il est prouvé qu’il a manqué à ses obligations contractuelles.

En l’espèce, l’expert a constaté plusieurs désordres, dont certains relèvent de la responsabilité de l’EURL RENOV 417.

Pour le désordre 2, relatif aux fissurations de la façade de la salle de sport, l’expert a noté un défaut de ferraillage et une insuffisance de traitement des joints.

Cela constitue un manquement aux règles de l’art, engageant ainsi la responsabilité de l’entrepreneur.

En revanche, pour d’autres désordres, comme le désordre 3 concernant les termites, la responsabilité de l’entrepreneur ne peut être retenue en l’absence de stipulations contractuelles précises.

L’article 1792 du Code civil stipule que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ».

Ainsi, la responsabilité de l’entrepreneur est conditionnée par la nature des désordres et les obligations contractuelles définies.

Quelles sont les conséquences financières des manquements contractuels de l’entrepreneur ?

Les conséquences financières des manquements contractuels peuvent inclure des réparations, des dommages-intérêts et des réductions de prix.

L’article 1217 du Code civil permet à la partie lésée de demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Dans le cas présent, l’EURL RENOV 417 a été condamnée à payer à Monsieur [Z] [P] des sommes pour la reprise de désordres, notamment 5 500 euros pour les fissurations de la façade et 1 276,25 euros pour le carrelage qui sonne creux.

Ces montants correspondent aux coûts estimés par l’expert pour remédier aux désordres constatés.

En outre, le tribunal a également accordé une indemnité pour préjudice de jouissance, fixée à 500 euros, en raison de l’impact esthétique des désordres sur l’usage de la salle de sport.

Il est important de noter que les montants dus peuvent être ajustés en fonction des responsabilités respectives des parties, comme cela a été le cas pour la facture de l’EURL RENOV 417, qui a été réduite en raison des désordres constatés.

Comment se calcule le montant dû par le maître d’ouvrage en cas de désordres ?

Le montant dû par le maître d’ouvrage est calculé en tenant compte des travaux réalisés et des désordres constatés.

Dans cette affaire, le tribunal a déterminé que Monsieur [Z] [P] devait régler une partie de la facture de l’EURL RENOV 417, soit 10 530,36 euros, après déduction des montants relatifs aux désordres.

Cette déduction a été effectuée sur la base des éléments fournis par l’expert, qui a évalué les coûts des travaux nécessaires pour remédier aux désordres.

Il est essentiel de noter que le tribunal a pris en compte les obligations contractuelles de l’entrepreneur et les manquements constatés pour ajuster le montant final.

Les intérêts moratoires ont également été appliqués à compter de la date de la mise en demeure, conformément aux dispositions légales, afin de compenser le retard dans le paiement.

Ainsi, le calcul du montant dû repose sur une évaluation précise des travaux, des désordres et des responsabilités respectives des parties.

– N° RG 21/01196 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCEUO
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Loyers Commerciaux

Date : 26 Novembre 2024

N° RG 21/01196 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCEUO

Minute n° 24/00011

Formule Exécutoire délivrée
le : 26-11-2024

à : Me Laetitia JOFFRIN + dossier

Copie Conforme délivrée
le : 26-11-2024

à : Me Antoine ASSIE + dossier

JUGEMENT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

SCI SOCIETE POUR L’EQUIPEMENT COMMERCIAL DU VAL D’EUROPE – SCI SECOVALDE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Régis HALLARD, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant
Me Antoine ASSIE, avocat au barreau de MEAUX, avocat postulant,

DEFENDERESSE

S.A.R.L. FIRECREST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jérémy GENY-LA ROCCA, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant
Me Laetitia JOFFRIN, avocat au barreau de MEAUX, avocat postulant, non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré : M. Maxime ETIENNE, Juge statuant comme juge des loyers commerciaux

DEBATS

A l’audience publique du 24 Septembre 2024,

GREFFIER

Lors des débats et du délibéré : Madame Béatrice BOEUF, Greffière

JUGEMENT

réputée contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. Maxime ETIENNE, Juge, ayant signé la minute avec Madame Béatrice BOEUF, Greffière ;

Par acte sous seing privé en date du 17 juillet 2009, la SCI SOCIETE POUR L’EQUIPEMENT COMMERCIAL DU VAL D’EUROPE – SCI SECOVALDE (ci-après la SCI SECOVALDE) a donné à bail à la SARL FIRECREST un local commercial n°P1 137 situé au niveau 1 du centre commercial Val d’Europe se trouvant sur la commune de Serris (77), pour une durée de 12 ans à compter du 1er janvier 2009 et moyennant le paiement d’un loyer annuel minimum garanti de 30 000 euros hors taxes et hors charges révisable annuellement selon la variation de l’indice de référence des loyers publié par l’INSEE et d’un loyer variable correspondant à 7,1% hors taxe du chiffre d’affaires hors taxe.

– N° RG 21/01196 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCEUO
Par acte d’huissier de justice en date du 29 juin 2020, la SCI SECOVALDE a fait signifier à la SARL FIRECREST un congé avec offre de renouvellement pour 12 ans à compter du 1er janvier 2021, moyennant un loyer annuel minimum garanti de 167 500 euros hors taxes et hors charges, les autres charges et conditions du bail demeurant inchangées.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 décembre 2020, la SARL FIRECREST a accepté le principe du renouvellement mais s’est opposée à la durée proposée ainsi qu’au montant du loyer du bail renouvelé.

Aucun accord n’ayant été trouvé sur le montant du loyer du bail renouvelé, la SCI SECOVALDE a notifié à la SARL FIRECREST un mémoire préalable en demande de fixation du loyer par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 janvier 2021.

Par acte d’huissier de justice en date du 5 mars 2021, elle l’a fait assigner devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Meaux.

Par jugement avant dire droit du 22 juin 2021, le juge des loyers commerciaux a notamment constaté que le bail a été renouvelé à compter du 1er janvier 2021, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Meaux pour statuer sur la durée du bail renouvelé, a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. [U] [T], a fixé le montant du loyer provisionnel au montant du loyer actuel et a sursis à statuer sur les autres demandes.

Le 20 janvier 2023, M. [T] a déposé son rapport définitif.

Par mémoire n°2 après dépôt du rapport d’expertise notifié par lettre recommandé avec accusé de réception, la SCI SECOVALDE demande au juge des loyers commerciaux de :

Fixer le loyer minimum garanti du bail renouvelé à la somme de 136 610 euros ou subsidiairement à celle de 115 000 euros, à compter du 1er janvier 2021,Dire que la SARL FIRECREST devra régler les rappels de loyer depuis le 1er janvier 2021, avec les intérêts au taux légal à compter de cette date, puis à compter de chaque échéance trimestrielle, et capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an,Condamner la SARL FIRECREST aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,La condamner à payer une somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par mémoire n°2 après dépôt du rapport d’expertise notifié par lettre recommandé avec accusé de réception, la SARL FIRECREST demande au juge des loyers commerciaux de :

Débouter la SCI SECOVALDE de toutes ses demandes,Fixer le montant du loyer de base du bail renouvelé à la valeur locative, soit à la somme de 74 000 euros hors taxe par an à compter du 1er janvier 2021, Condamner la SCI SECOVALDE au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,Condamner la même au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé des moyens des parties.

L’affaire a été retenue à l’audience du 24 septembre 2024 et mise en délibéré au 26 novembre 2024, date de la présente décision.

MOTIFS

Sur la demande de fixation du loyer minimum (ou de base) du bail renouvelé

Sur la surface des locaux loués

Les parties ne s’entendent pas sur la surface des locaux loués. La SCI SECOVALDE demande que la surface soit retenue à 71,90 m2 GLA (ou surface commerciale utile) et la SARL FIRESCRET à 67 m2 GLA.

L’article 2 des conditions particulières du bail stipule que la surface louée est de « 67 m2 ».

L’article 2 des conditions générales stipule que : « Les locaux, objet des présentes, consistent en un ou plusieurs locaux commerciaux repérés en traits renforcés ou hachurés ou colorisés sur le ou les plans ci-annexés (annexe 1) et comprenant une surface commerciale ou commercialisable définie aux stipulations particulières du présent bail. Cette surface est définie à plus ou moins 5%, dans les conditions stipulées à l’annexe 2 ou dans les stipulations du « Descriptif Technique et Cahier des Charges Preneur ». La surface du local étant établie à + ou – 5% près, conformément à l’article 2 du bail, le Bailleur notifiera au Preneur la surface mesurée des lieux loués lors de la livraison en lui remettant copie du plan de parcelle lequel sera approuvé par les parties. Si la surface mesurée dépasse ou est inférieure à la surface ci-dessus stipulée de + ou – 5%, le loyer minimum (article 22) sera réajusté au prorata de la différence. »

Il en résulte que la surface stipulée dans le contrat de bail était approximative puisque définie à plus ou moins 5%.

Pour déterminer la valeur réelle du local, le bailleur produit un plan établi en novembre 2009 par un géomètre expert incluant une terrasse sur le mail et retenant une surface de 71,90 m2 GLA.

L’expert judiciaire retient quant à lui une surface pondérée de 71,90 m2 en se fondant sur ce plan et en expliquant que les parties avaient convenu de prendre en compte la terrasse « de 7 m2 environ » dans le calcul de la valeur locative à l’occasion d’une première réunion d’expertise, ce qui n’est pas contesté.

S’il convient de relever que la SCI SECOVALDE n’établit pas, ni même ne soutient, qu’elle a notifié la surface mesurée des lieux loués au preneur lors de son entrée dans les lieux, en lui remettant une copie du plan de parcelle qui aurait été approuvée, la SARL FIRECREST ne conteste pas que le plan établi en novembre 2009 tient spécifiquement compte d’une terrasse sur le mail, ni que cette terrasse est exploitée dans le cadre de son activité.

Or pour déterminer la valeur locative, il convient de retenir la surface réelle exploitée par le preneur et non celle approximative stipulée dans le contrat de bail.

En l’état des éléments précités, il apparaît que la surface réelle occupée par la SARL FIRECREST est de 71,90 m2 GLA.

Le preneur sollicite subsidiairement que la surface correspondant à la terrasse fasse l’objet d’une pondération à un coefficient inférieur au coefficient 1 retenu par l’expert pour l’ensemble des surfaces loués.

Un tel coefficient apparaît toutefois adapté à la localisation de la terrasse qui est située à proximité immédiate de la surface de vente donnant sur le mail ainsi qu’à son accessibilité, sa surface et son utilisation qui permettent l’installation de mobiliers utilisés par la clientèle.

La surface du local loué sera donc fixée à 71,90 m2 pondérée.

Sur le mode de calcul de la valeur locative

Il résulte de l’article L. 145-33 du code de commerce que le montant du loyer du bail renouvelé ou révisé doit correspondre à la valeur locative qui, à défaut d’accord des parties, est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En l’espèce, l’article 35 des conditions générales du contrat de bail stipule que « […] Le loyer de renouvellement sera nécessairement le loyer à deux composantes de l’article 22 du présent bail, c’est-à-dire :

un loyer de base égal à la valeur locative du local considéré à la date d’effet du renouvellement du bail, et un loyer variable complémentaire fixé au taux convenu aux conditions particulières du présent bail.
Les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d’un commun accord entre elles par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

A défaut d’accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative, laquelle sera déterminée par ce dernier, selon les mêmes critères que ceux arrêtés ci-dessus en cas d’accord amiable ».

Cette stipulation formalise un accord des parties sur les critères permettant de déterminer la valeur locative du bail renouvelé et doit donc primer sur les critères supplétifs prévus par l’article L. 145-33 précité.

Si la SARL FIRECREST soutient le contraire en se fondant sur deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 3 novembre 2016, il convient de relever que ces affaires concernaient des baux dans lesquels les parties avaient expressément convenus que le loyer renouvelé serait fixé par le juge des loyers commerciaux, à défaut d’accord, « selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur ». Ces arrêts ne sont donc pas applicables au cas d’espèce.

La valeur locative du loyer de base renouvelé le 1er janvier 2021 sera par conséquent déterminée par la seule référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigée en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Sur les prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial

M. [T] a évalué la valeur locative à la somme de 1 600 euros par m2 pondéré en s’appuyant sur les loyers de 10 baux commerciaux conclus entre le 2 août 2014 et le 31 janvier 2017, communiqués par la SCI SECOVALDE et portant sur des locaux situés dans le centre commercial Val d’Europe et d’une surface comprise entre 49 m2 et 90 m2.

Les parties sollicitent que cette valeur soit, selon les cas, diminuée ou augmentée.

La SARL FIRECREST demande que la valeur locative par mètre carré pondéré soit fixée à la somme maximale de 1 400 euros avant abattements, en s’appuyant sur des références qui n’ont pas été retenues par l’expert (MARC ORIAN, LOUIS PION, LA CANTINE LIBANAIRE et MOKKA) dont les deux premières concernent des locaux situés à proximité immédiate de celui qu’elle loue et les deux dernières des locaux dans lesquels une activité similaire à la sienne est exploitée.

La SCI SECOVALDE demande quant à elle que la valeur locative par mètre carré soit fixée à la somme de 1 900 euros par m2 pondéré. Elle relève que la moyenne des loyers tenant compte des réductions temporaires accordées par le bailleur en cours d’exécution de bail (ou loyers économiques) est de 1 734 euros par mètre carré et que celle des loyers tenant compte des droits d’entrée (ou loyers économiques capitalisés) est de 1 946 euros par mètre carré. Elle explique également que l’expert a écarté les références DANIEL WELLINGTON, LOVISA et RENDEL alors qu’elles correspondent à des locaux situés face au local loué par la SARL FIRESCRET et sont proches de la date de renouvellement.

Les observations faites par la SCI SECOVALDE ont fait l’objet d’un dire auquel l’expert a répondu en indiquant que : « La valeur locative d’un local ne peut résulter de la simple moyenne des références locatives quand bien même celles-ci seraient situées dans le même centre commercial, puisque les loyers conclus sont fonction de la prise d’effet du bail, des activités autorisées, des éventuelles conditions locatives particulières (bien que les baux aient été ici consentis à des clauses et conditions sensiblement identiques) de la situation dans le centre commercial et des caractéristiques propres du local.
C’est en considération et de l’analyse de ces éléments de comparaison, mais aussi de la destination permise au bail que nous avons estimé la valeur locative à 1.600 €/m²/an, en soulignant deux points :
Les loyers conclus postérieurement à la date d’effet du bail à renouveler doivent être écartés conformément à la jurisprudence dominante de la cour de Cassation, raison pour laquelle nous n’avons pas pris en compte les loyers des références LOVISA et RENDEL.
Les cessions des droits d’entrée et des droits aux baux ont été également ignorées conformément à la jurisprudence dominante. »

Or il ne peut être tenu compte des activités autorisées, des conditions locatives particulières et de la destination des lieux stipulées dans les baux relatifs aux références retenues par l’expert puisque les parties se sont entendues pour que la valeur locative soit déterminée exclusivement par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à ce que ces éléments servent à apprécier les caractéristiques des locaux, leur surface, volume, état d’entretien, équipements, situation au sein du centre commercial et commodité d’accès pour la clientèle.

Il s’ensuit qu’en l’état des débats, la méthode apparaissant comme étant la plus appropriée pour évaluer la valeur locative du local loué à la SARL FIRECREST est celle qui consiste à calculer la moyenne des prix pratiqués pour des locaux équivalents, notamment ceux retenus par l’expert dans son rapport dès lors qu’ils ne font pas l’objet de contestations des parties.

A ces prix, il conviendra d’ajouter ceux relatifs aux références DANIEL WELLINGTON (2 300 euros / m2), MOKKA (1378 euros / m2), MARC ORIAN (1 443 euros / m2) et LA CANTINE LIBANAISE (1 488 euros / m2) qui correspondent à des locaux d’une superficie proche de celle du local occupé par le preneur, soit respectivement 76 m2, 76 m2, 51 m2 et 61 m2, étant relevé, d’une part, que l’expert n’a pas répondu à la SCI SECOVALDE sur les raisons qui l’ont conduit à exclure la référence DANIEL WELLINGTON, d’autre part, que la SARL FIRECREST ne formule pas d’observation sur la demande de voir retenir cette référence et, enfin, que le simple fait que les locaux occupés par l’enseigne MARC ORIAN offrent une visibilité moindre que le local en angle loué à la SARL FIRECREST ne constitue pas un motif suffisant pour exclure totalement cette référence.

Il n’y pas lieu, en revanche, de retenir les références LOVISA et RENDEL puisqu’elles portent sur des locaux d’une superficie de 40 mètre carré bien inférieure à la superficie du local loué à la SARL FIRECREST, ni la référence LOUIS PION relative à un bail conclu le 1er octobre 2013, soit à une date trop éloignée de celle de renouvellement.

Par ailleurs, parmi les différents loyers mentionnés par l’expert dans son rapport et compte tenu de l’article 35 des conditions générales du contrat de bail conclu entre les parties, seul le loyer annuel au m2 devra être retenu, à l’exclusion du loyer économique et du loyer économique capitalisé et ce dès lors, notamment, que la SARL SECOVALDE ne produit pas d’élément permettant de déterminer si les droits d’entrées évoquées, qui peuvent inclure d’autres éléments de valorisation non strictement liés à l’économie de loyer et revêtir une valeur d’opportunité ou de stratégie de développement, constituent une contrepartie de la propriété commerciale à caractère indemnitaire ou un supplément de loyer.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le loyer annuel hors taxes et hors charges par m2 sera fixé comme suit :

24607
(1 900 + 2 000 + 2 241 + 2 051 + 1 190 + 1 950 + 1 740 + 1 360 + 1 444 + 2 122 + 2 300 + 1 378 + 1 443 + 1 488)
/
14 (nombre de références retenues) = 1 757,64 euros

soit un loyer annuel hors taxes et hors charges de 126 374,32 euros (1 757,64 X 71,90).

Sur l’application d’abattements

La SARL FIRECREST soutient que plusieurs abattements doivent être appliqués en raison d’obligations mises à sa charge par le contrat de bail.

Or les parties se sont accordées pour que le loyer du bail renouvelé soit exclusivement fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents. Seules peuvent donc être prises en compte les caractéristiques des locaux considérés et non les obligations mises à la charge des parties dans le contrat de bail renouvelé ou dans les baux relatifs aux références retenues ci-avant.

Par conséquent, il n’y a pas lieu d’appliquer d’abattements sur le loyer dû par la SARL FIRECREST.

Le loyer annuel minimum (ou de base) du contrat de bail conclu entre les parties sera donc fixé à la somme de 126 374,32 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er janvier 2021.

Sur la demande relative aux rappels de loyers depuis le 1er janvier 2021

Selon l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

En application de ce texte, la compétence du juge des loyers est limitée à la fixation du loyer du bail commercial.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande formulée par la SCI SECOVALDE tendant à dire que la SARL FIRECREST devra « régler les rappels de loyers depuis le 1er janvier 2021 », étant rappelé que le présent jugement constitue un titre exécutoire suffisant pour procéder au recouvrement des loyers échus.

Sur les demandes accessoires

Sur les intérêts et leur capitalisation

En application de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

L’article 1343-2 du code civil dispose par ailleurs que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

En l’espèce, la SCI SECOVALDE a fait signifier à la SARL FIRECREST son mémoire préalable en demande de fixation du loyer du bail renouvelé le 21 janvier 2021, date qui doit être retenue au titre du point des intérêts au taux légal qui courent sur les sommes dues au titre des trop-perçus.

Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Compte tenu des succombances respectives, les dépens seront partagés par moitié entre les parties en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité commande de laisser à chacune des parties les frais qu’elles ont exposés et non compris dans les dépens. La SCI SECOLDE et la SARL FIRECREST seront donc déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

FIXE le montant du loyer minimum (ou de base) du contrat de bail conclu entre la SCI SOCIETE POUR L’EQUIPEMENT COMMERCIAL DU VAL D’EUROPE – SCI SECOVALDE et la SARL FIRECREST à la somme annuelle de 126 374,32 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er janvier 2021 ;

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à dire que la SARL FIRECREST devra régler les rappels de loyer depuis le 1er janvier 2021 ;

DIT que les intérêts au taux légal courent à compter du 21 janvier 2021 sur les sommes dues au titre des moins-perçus ;

PRONONCE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

DEBOUTE la SCI SOCIETE POUR L’EQUIPEMENT COMMERCIAL DU VAL D’EUROPE – SCI SECOVALDE de sa demande de condamnation de la SARL FIRECREST au paiement d’une somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SARL FIRECREST de sa demande de condamnation de la SCI SOCIETE POUR L’EQUIPEMENT COMMERCIAL DU VAL D’EUROPE – SCI SECOVALDE au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, seront supportés par moitié par chacune des parties.

Le Greffier Le Président


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