Évaluation de la légalité des mesures de soins psychiatriques sans consentement

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Évaluation de la légalité des mesures de soins psychiatriques sans consentement

L’Essentiel : Le 21 décembre 2024, M. [U] [Y] a été admis en soins psychiatriques sans consentement en raison d’un péril imminent pour sa santé. L’hospitalisation complète a été prolongée d’un mois le 23 décembre, et le patient a saisi le tribunal pour contester cette décision. L’avocat a argué d’irrégularités dans la procédure, soulignant que le certificat médical initial ne justifiait pas l’urgence. Malgré les déclarations de M. [U] [Y] souhaitant sortir, le magistrat a jugé la procédure régulière et a autorisé la poursuite de l’hospitalisation, considérant que son état ne lui permettait pas de consentir aux soins.

Admission en soins psychiatriques

Le 21 décembre 2024, le directeur de l’établissement public de santé de [Localité 8] a admis M. [U] [Y] en soins psychiatriques sans consentement, en raison d’un péril imminent pour sa santé. Cette hospitalisation complète a pris effet le 20 décembre 2024, mais la décision n’a pas été notifiée au patient en raison de son état.

Poursuite des soins psychiatriques

Le 23 décembre 2024, le directeur a décidé de prolonger l’hospitalisation complète pour un mois, et cette décision a été notifiée au patient le même jour. Le 26 décembre, il a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir la poursuite de l’hospitalisation.

Avis du procureur

Le procureur de la République a donné un avis favorable au maintien de l’hospitalisation par réquisitions écrites le 30 décembre 2024. Les débats ont eu lieu lors d’une audience publique le 13 décembre 2024, où l’avocat de M. [U] [Y], Me Stéphan Boudon, a été entendu.

Arguments de l’avocat

L’avocat a déposé des conclusions le 30 décembre 2024, demandant la mainlevée de la mesure en raison d’irrégularités dans la procédure. Il a soutenu que le certificat médical initial ne caractérisait pas le péril imminent et que la décision d’admission se contentait de reprendre les motifs du certificat sans précisions supplémentaires.

État de santé du patient

Le certificat médical du 20 décembre 2024, établi par le docteur [T] [V], décrit des symptômes tels que l’agitation psychomotrice, des propos décousus et un vécu persécutif. D’autres certificats médicaux ont été établis les 21 et 23 décembre 2024, confirmant l’état de santé du patient.

Déclarations du patient

Lors de l’audience, M. [U] [Y] a exprimé son désir de sortir immédiatement, affirmant qu’il avait été hospitalisé pour un problème physique et non pour des troubles psychiatriques. Il a également mentionné avoir arrêté son traitement médicamenteux pour son trouble bipolaire avant l’hospitalisation.

Décision du magistrat

Le magistrat a conclu que la procédure était régulière et que les troubles psychiatriques de M. [U] [Y] persistaient, rendant impossible son consentement aux soins. Il a donc autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète, rejetant le moyen d’irrégularité soulevé par l’avocat. L’ordonnance a été notifiée et bénéficie de l’exécution provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure à suivre pour l’hospitalisation complète d’un patient en soins psychiatriques ?

L’article L. 3211-12-1, I-1° du code de la santé publique précise que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire,

préférablement saisi par le directeur de l’établissement, ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission.

Le juge doit être saisi dans un délai de huit jours suivant l’admission. Cela garantit que les droits du patient sont respectés et que la décision d’hospitalisation est justifiée par des éléments médicaux.

En l’espèce, le directeur de l’établissement a respecté cette procédure en saisissant le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny le 26 décembre 2024,

ce qui est conforme aux exigences légales.

Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un patient puisse être hospitalisé sans consentement ?

L’article L. 3212-1, I du code de la santé publique stipule que pour qu’une personne atteinte de troubles mentaux puisse faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement,

deux conditions doivent être réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats, justifiant soit une hospitalisation complète, soit une prise en charge sous une autre forme.

Dans le cas présent, le certificat médical initial a établi que M. [U] [Y] présentait des troubles mentaux qui rendaient son consentement impossible,

et que son état nécessitait des soins immédiats, ce qui justifie l’hospitalisation complète.

Comment la régularité de la procédure d’hospitalisation est-elle vérifiée ?

L’article L. 3211-3, alinéa 1er du code de la santé publique indique que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état mental du patient.

Cela implique que la procédure d’hospitalisation doit être régulièrement suivie et que les décisions doivent être fondées sur des avis médicaux motivés.

Dans cette affaire, plusieurs certificats médicaux ont été établis, confirmant l’état de santé de M. [U] [Y] et la nécessité de son hospitalisation.

L’avis médical motivé du 27 décembre 2024 a également confirmé la persistance des troubles psychiatriques, ce qui a permis de conclure à la régularité de la procédure.

Quels sont les droits du patient en matière d’hospitalisation psychiatrique ?

L’article L. 3211-3, alinéa 1er du code de la santé publique souligne que la dignité de la personne doit être respectée et que sa réinsertion doit être recherchée.

Cela signifie que même en cas d’hospitalisation sans consentement, le patient doit être traité avec respect et que des efforts doivent être faits pour faciliter sa réinsertion.

Dans le cas de M. [U] [Y], bien que son hospitalisation ait été jugée nécessaire, il a exprimé son désir de reprendre ses activités et de recevoir des soins en ambulatoire,

ce qui doit être pris en compte dans le cadre de son traitement et de sa réinsertion future.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE

DÉLAI DE 12 JOURS

ADMISSION A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

N° RG 24/10860 – N° Portalis DB3S-W-B7I-2NKF
MINUTE: 24/2556

Nous, Thomas SCHNEIDER, juge, magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny désigné par le président en application de l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire, assisté de Lucie BEAUROY-EUSTACHE, greffier, avons rendu la décision suivante concernant:

LA PERSONNE EN SOINS PSYCHIATRIQUES :

Monsieur [U] [Y]
né le 05 Juin 1997 à ALGERIE ([Localité 3])
[Adresse 7]
[Localité 5]

Etablissement d’hospitalisation: L’EPS DE [Localité 8], sis [Adresse 2] – [Localité 4]

présent assisté de Me Stéphan BOUDON, avocat commis d’office

PERSONNE A L’ORIGINE DE LA SAISINE

Madame la directrice de L’EPS DE [Localité 8]
Absente

MINISTÈRE PUBLIC

Absent
A fait parvenir ses observations par écrit le 31 décembre 2024

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par décision du 21 décembre 2024, le directeur de l’établissement public de santé de [Localité 8] a admis M. [U] [Y] en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète à compter du 20 décembre 2024 en raison d’un péril imminent pour sa santé. La décision n’a pas été notifiée au patient en raison de son état de santé.

Il a décidé le 23 décembre 2024 de poursuivre pour un mois les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète. La décision a été notifiée au patient le même jour.

Le 26 décembre 2024, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète.

Le procureur de la République a donné un avis favorable au maintien de l’hospitalisation par réquisitions écrites du 30 décembre 2024.

Les débats se sont déroulés à l’audience publique tenue le 13 décembre 2024 dans la salle d’audience aménagée de l’établissement public de santé de [Localité 8], située au centre [6], [Adresse 1] à [Localité 5].

Me Stéphan Boudon, avocat de la personne hospitalisée, a été entendu en ses observations.

L’ordonnance a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIVATION

Sur le moyen d’irrégularité

Par conclusions déposées le 30 décembre 2024, l’avocat de la personne hospitalisée demande la mainlevée de la mesure en raison de l’irrégularité de la procédure. Il fait valoir que le certificat médical initial ne caractérise pas le péril imminent pour le patient et la décision d’admission se borne à s’approprier les motifs de ce certificat médical, sans autre précision sur le péril imminent, en contradiction avec l’article L. 3212-1, II 2° du code de la santé publique. Il estime qu’une liste de symptômes ne permet pas, à elle-seule, de caractériser un péril imminent.

Le certificat médical initial établi le 20 décembre 2024 par le docteur [T] [V] relate les manifestations du trouble psychiatrique affectant M. [U] [Y], à savoir : agitation psychomotrice à domicile, accélération du débit verbal, patient qui ne tient pas en place et est excité, propos décousus, vécu persécutif contre son entourage, anosognosie, imprévisibilité, refus des soins.

Il en conclut au péril imminent pour sa santé et se fonde nécessairement sur les manifestations précédemment décrites, en particulier l’agitation psychomotrice à domicile, le vécu persécutif contre son entourage et son comportement imprévisible.

Le moyen d’irrégularité sera donc rejeté.

Sur la poursuite de l’hospitalisation complète

L’article L. 3211-12-1, I-1°, du code de la santé publique dispose que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l’État dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 du même code. Le juge est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission.

L’article L. 3212-1, I, du même code précise qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.

L’article L. 3211-3, alinéa 1er du même code prévoit que, lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

En l’espèce, le certificat médical initial établi le 20 décembre 2024 par le docteur [T] [V], médecin, décrit l’état suivant du patient : agitation psychomotrice à domicile, accélération du débit verbal, propos décousus, vécu persécutif contre son entourage, anosognosie, imprévisibilité. Il constate le péril imminent pour sa santé.

Des certificats médicaux ont été établis les 21 et 23 décembre 2024 par les docteurs [S] [Z] et [A] [X], médecins psychiatres, afin de constater l’état de santé de la personne hospitalisée.

L’avis médical motivé dressé le 27 décembre 2024 par le docteur [W] [B], psychiatre de l’établissement, relate l’état suivant du patient : patient hospitalisé pour épisode maniaque ; ce jour, mauvais contact, humeur exaltée, instabilité, intolérance aux frustrations, logorrhée, tachypsychie, adhésion difficile aux soins.

M. [U] [Y] a déclaré à l’audience qu’il se sent très fatigué par l’hospitalisation ; qu’il a été hospitalisé, car il est allé aux urgences pour un problème à la cuisse droite et non pas pour une agitation et un trouble psychiatrique ; qu’il prenait un traitement médicamenteux pour son trouble bipolaire, qu’il avait arrêté une dizaine de jours avant l’hospitalisation en raison d’un voyage ; qu’il souhaite sortir tout de suite pour reprendre sa vie, notamment son activité de gestion de cryptomonnaies ; qu’il veut reprendre les soins en ambulatoire ; et qu’il est shooté par les médicaments qu’on lui donne, qui ne correspondent pas à son traitement habituel.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la procédure est régulière. L’avis médical motivé et l’audition établissent que les troubles psychiatriques de la personne hospitalisée persistent. Son état de santé, tel que rapporté par l’avis médical motivé, ne lui permet pas de consentir réellement aux soins.

La nécessité de soins assortis d’une surveillance médicale constante justifie la poursuite de l’hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat du siège,

Rejette le moyen d’irrégularité ;

Autorise la poursuite de l’hospitalisation complète de M. [U] [Y] ;

Laisse les dépens à la charge de l’État ;

Rappelle que l’ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Bobigny le 31 décembre 2024.

Le Greffier

Lucie BEAUROY-EUSTACHE

Le Juge

Thomas SCHNEIDER

Ordonnance notifiée au parquet le à
le greffier

Vu et ne s’oppose :

Déclare faire appel :


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