L’Essentiel : Les parcelles cadastrées AY [Cadastre 11] et AY [Cadastre 12], d’une superficie de 922 m², appartiennent à la SCI ONYX et comprennent un local commercial en R+1. Suite à la déclaration d’utilité publique des travaux d’aménagement par le préfet de la Gironde, la SPL LA FAB BORDEAUX METROPOLE a proposé des indemnités à la SCI. En l’absence d’accord, le juge de l’expropriation a été saisi. La FAB demande une indemnité de 1 224 478 euros, tandis que la SCI réclame 2 037 656 euros. Le juge fixe finalement les indemnités à 1 480 138 euros pour la dépossession.
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Faits et ProcédureLes parcelles cadastrées section AY [Cadastre 11] et AY [Cadastre 12], d’une superficie totale de 922 m², sont situées à [Adresse 6] dans la commune de [Localité 18] et appartiennent à la SCI ONYX. Ces parcelles comprennent un local commercial en R+1, divisé en plusieurs cellules. Le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique les travaux d’aménagement du secteur « [Localité 19] » par un arrêté du 28 novembre 2023. La SPL LA FAB BORDEAUX METROPOLE a proposé des indemnités à la SCI ONYX par courrier du 8 septembre 2023. Un arrêté du 22 avril 2024 a déclaré cessibles les biens nécessaires à l’opération d’aménagement et a ordonné l’expropriation des parcelles au profit de la FAB. En l’absence d’accord sur les indemnités, la FAB a saisi le juge de l’expropriation pour fixer l’indemnité de dépossession. Prétentions des PartiesLa FAB demande au juge de fixer l’indemnité principale à 1 224 478 euros, l’indemnité de remploi à 123 447,78 euros et l’indemnité pour perte de revenus à 107 330 euros, tout en rejetant les demandes de la SCI ONYX. La SCI ONYX, quant à elle, demande une indemnité principale de 2 037 656 euros, une indemnité de remploi de 204 766 euros et une indemnisation pour préjudice locatif de 116 317 euros. Les deux parties s’accordent sur la méthode d’évaluation par comparaison, mais divergent sur les termes de comparaison et la valorisation des locaux. Consistance du Bien ExpropriéLe bien exproprié est un terrain bâti situé le long de l’avenue de la Somme, comprenant un bâtiment en R+1 construit dans les années 1990. Le rez-de-chaussée abrite deux locaux commerciaux, tandis que l’étage est occupé par des bureaux. Lors du transport sur les lieux, certains locaux étaient vacants, tandis que d’autres étaient occupés. L’état général du bâtiment est jugé bon, bien que des travaux d’entretien soient nécessaires. Date de Référence et QualificationLa date de référence pour l’évaluation de l’indemnité est fixée au 10 mars 2020, date à laquelle la parcelle était considérée comme terrain à bâtir selon le code de l’expropriation. Cette date est déterminée par la dernière révision du PLU affectant la zone où se situe le bien. Indemnité PrincipaleL’indemnité de dépossession doit être fixée selon la valeur du bien à la date de l’ordonnance d’expropriation, en tenant compte de sa consistance et de son usage. Les parties s’accordent sur la méthode d’évaluation par comparaison, mais la FAB conteste l’utilisation de la méthode par le revenu. Après analyse des termes de comparaison, la valeur du bien est estimée à 1 480 138 euros. Indemnité de RemploiL’indemnité de remploi est fixée à 149 013,80 euros, calculée selon les pourcentages habituels appliqués à la fraction de l’indemnité principale. Indemnités AccessoiresLes indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct causé par l’expropriation. La perte de loyers est évaluée à 116 317 euros, correspondant à la demande de la SCI ONYX pour une période de 12 mois. Dépens et Frais IrrépetiblesLa FAB est condamnée aux dépens, et la SCI ONYX se voit allouer une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, en raison des frais engagés pour faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure d’expropriation. Décision FinaleLe juge de l’expropriation fixe les indemnités définitives de dépossession à 1 480 138 euros pour l’indemnité principale, 149 013,80 euros pour l’indemnité de remploi, et 116 317 euros pour la perte des revenus locatifs. La FAB est également condamnée à payer 2 500 euros à la SCI ONYX pour les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la consistance du bien exproprié selon le code de l’expropriation ?L’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique stipule : « Le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. » Dans cette affaire, l’ordonnance d’expropriation a été rendue le 13 juin 2024. Le bien exproprié est un terrain situé le long de l’avenue de la Somme, à proximité d’une galerie commerciale. Il est bâti et supporte une construction en R+1, avec des locaux commerciaux au rez-de-chaussée et des bureaux à l’étage. Le transport sur les lieux a eu lieu le 29 juillet 2024, permettant d’évaluer l’état et la consistance matérielle du bien. Le bâtiment est en bon état, bien que certaines parties nécessitent des travaux d’entretien. Il est important de noter que la consistance juridique du bien est également prise en compte, car tous les baux étaient en cours à la date de l’ordonnance d’expropriation, ce qui signifie que le bien doit être considéré comme occupé. Comment est déterminée la date de référence pour l’évaluation du bien exproprié ?La date de référence pour l’évaluation du bien exproprié est déterminée par les articles L. 322-2 du code de l’expropriation et L. 213-4 du code de l’urbanisme. Ces articles stipulent que la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est situé le bien a été rendue opposable aux tiers. Dans cette affaire, la dernière modification du PLU a été rendue opposable le 10 mars 2020, ce qui constitue la date de référence pour l’évaluation. À cette date, le terrain était qualifié de terrain à bâtir selon l’article L. 322-3 du code de l’expropriation. Il est donc essentiel de prendre en compte cette date pour évaluer correctement la valeur du bien exproprié. Quelles sont les méthodes d’évaluation des indemnités d’expropriation ?Les articles L. 322-1 à L. 322-3 du code de l’expropriation précisent que l’indemnité de dépossession doit être fixée d’après la valeur du bien au jour du jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance d’expropriation et de son usage effectif ou de sa qualification de terrain à bâtir à la date de référence. La méthode d’évaluation par comparaison est généralement retenue, car elle permet de trouver plusieurs termes de comparaison relatifs à des biens ayant des caractéristiques similaires dans un secteur géographique proche. Il est également possible d’utiliser la méthode d’évaluation par le revenu, mais cela nécessite des données de comparaison précises et nombreuses pour dégager un taux de capitalisation dominant. Dans cette affaire, le juge a retenu la méthode par comparaison, tout en écartant certaines méthodes proposées par les parties, notamment en raison de l’absence de données vérifiables. Comment sont calculées les indemnités accessoires en cas d’expropriation ?L’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique stipule que les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. Les indemnités accessoires, telles que l’indemnité de remploi et l’indemnité pour perte de loyers, sont calculées en fonction des pertes subies par le propriétaire exproprié. L’indemnité de remploi est généralement fixée à un pourcentage de l’indemnité principale, tandis que l’indemnité pour perte de loyers est calculée sur la base des loyers perdus pendant la période nécessaire à la recherche d’un bien équivalent. Dans cette affaire, la SCI ONYX a demandé une indemnité pour perte de loyers, qui a été évaluée à 116 317 euros, correspondant à la perte de revenus locatifs sur une période d’un an. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre d’une expropriation ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme déterminée pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans le cadre d’une expropriation, cet article permet à la partie expropriée de demander une indemnité pour couvrir les frais d’avocat et autres frais liés à la procédure. Dans cette affaire, la SCI ONYX a demandé une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700, et le juge a finalement alloué une somme de 2 500 euros, considérant que la demande était justifiée au regard des frais engagés pour faire valoir ses droits. Cette disposition vise à garantir l’équité entre les parties et à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses intérêts dans le cadre d’une procédure d’expropriation. |
JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE
JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.
le JEUDI NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
N° RG 24/00094 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZJHQ
NUMERO MIN: 25/00006
Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier
A l’audience publique tenue le 21 Novembre 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 09 Janvier 2025, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile
ENTRE :
LA FABRIQUE DE BORDEAUX MÉTROPOLE
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Maître Sarah HEITZMANN, avocat au barreau de RENNES
ET
S.C.I. ONYX représentée par M. [B] [P], gérant
[Adresse 4]
[Localité 18]
représentée par Maître Nicolas ALBRESPY de la SARL ALBRESPY AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
En présence de Madame Catherine FLATTOT, Commissaire du Gouvernement
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Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :
Les parcelles cadastrées section AY [Cadastre 11] et AY [Cadastre 12], d’une contenance totale de 922 m², situées [Adresse 6] sur la commune de [Localité 18] sont issues d’une division de la parcelle mère AY [Cadastre 9]. Elles appartiennent à la SCI ONYX.
Ces parcelles comprennent un local commercial en R+1, divisé en plusieurs cellules.
Par arrêté du 28 novembre 2023, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique les travaux de relatifs à l’opération d’aménagement du secteur « [Localité 19] » à [Localité 18].
Par courrier du 8 septembre 2023, reçu le 13 septembre 2023, la SPL LA FAB BORDEAUX METROPOLE (ci-après « La FAB ») a fait connaître à la société ONYX ses propositions indemnitaires.
Par arrêté du 22 avril 2024, le préfet de la Gironde a déclaré cessibles les biens nécessaires à la réalisation de l’opération d’aménagement [Localité 19] et l’urgence à prendre possession des biens.
Par ordonnance du 13 juin 2024, le juge de l’expropriation a ordonné l’expropriation des parcelles AY [Cadastre 11] et AY [Cadastre 12] susvisées au profit de la FABRIQUE DE BORDEAUX METROPOLE.
A défaut d’accord sur les indemnités, et au vu de l’urgence déclarée, la FAB a, par mémoire enregistré au greffe le 24 juin 2024, saisi le juge de l’expropriation aux fins de fixation de l’indemnité de dépossession selon les règles applicables à la procédure d’urgence.
L’ordonnance fixant le transport sur les lieux au 29 juillet 2024 à 11h30 et l’audience au 5 septembre 2024 a été rendue par le juge de l’expropriation le 1er juillet 2024.
Le transport sur les lieux a eu lieu en présence du représentant et du conseil de la FAB, des représentants et du conseil de la société ONYX et du commissaire du gouvernement.
Par ordonnance du 29 juillet 2024, le juge de l’expropriation a fixé les indemnités provisionnelles suivantes : 1 272 000 euros au titre de l’indemnité principale, 128 200 euros au titre de l’indemnité de remploi, 116 000 euros au titre de la perte des loyers.
Initialement fixée au 5 septembre 2024, l’affaire a été plaidée à l’audience du 21 novembre 2024.
PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions du 18 novembre 2024, la FAB demande au juge de l’expropriation de fixer à 1 224 478 euros l’indemnité principale, à 123 447,78 euros l’indemnité de remploi et à 107 330 euros l’indemnité au titre de la perte de revenus. Elle demande le rejet des demandes de la SCI ONYX.
Elle expose en premier lieu être d’accord pour retenir une surface du local de 672,79 m². Elle précise que le bâtiment comprend au rez-de-chaussée deux locaux commerciaux ayant été occupés par la SARL ELTRIMER (enseigne « Les Foulées ») et la SARL [Localité 18] EPIL STORY (enseigne « Epil Story », locataires évincés qui ont quitté les lieux. L’étage du bâtiment est entièrement occupé par des bureaux. Elle indique avoir trouvé un accord les occupants de certains bureaux loués.
Elle expose que si à l’intérieur, l’état du bâti est globalement bon, le bâtiment est de conception simple, à certains endroits usés par le temps et les prestations sont datées. L’ensemble est en outre mal isolé (absence d’isolation du toit). A l’extérieur, l’état du bardage métallique est moyen. Elle conteste le « très bon état » des locaux. Sur la situation locative, elle expose que les locaux ont fait l’objet de plusieurs baux commerciaux et baux dérogatoires. Si les locaux sont désormais libres d’occupants, elle souligne qu’elle a indemnisé 5 des preneurs évincés. S’agissant de la société SAS RENOVATION DESIGN CONSTRUCTION, elle indique qu’il a été constaté lors du transport sur les lieux qu’elle n’occupait pas les lieux. Il en va de même de la SASU DEVOLI. Elle en déduit que le bien exproprié doit être évalué en valeur occupée. Concernant les loyers, à défaut d’autre élément produit, elle s’en tient aux loyers mentionnés dans les baux.
La FAB expose que l’emprise est située en zone de droit de préemption urbain et que la date de référence à retenir est celle du 6 mars 2020, date à laquelle la 9e modification du PLU, dernière qui a affecté la zone UPZ7-3 du PLU 3.1 de Bordeaux Métropole, a été rendue opposable aux tiers. Elle fait valoir qu’à cette date, l’emprise était un terrain à bâtir au sens de l’article L. 322-3 1° du code de l’expropriation. Elle conteste la pertinence de la qualification retenue par la SCI ONYX d’immeuble bâti, notion qui ne figure pas à l’article L. 322-3 du code de l’expropriation relatif à la détermination de la date de référence. Les parties s’accordent en tout état de cause sur le fait que le bien doit être évalué en valeur de « bâti terrain intégré », en utilisant la méthode par comparaison. Elle écarte l’utilisation de la méthode par capitalisation, même à titre de recoupement comme le propose la SCI ONYX en raison de sa trop grande imprécision.
Sur l’évaluation, elle conteste la méthode de la SCI ONYX consistant à distinguer une valeur au m² pour les surfaces de bureaux et d’autre part une valeur au m² pour les surfaces commerciales, ce qu’elle n’estime pas pertinent dès lors que les marchés des immeubles à usage commercial ou professionnel sont proches sinon similaires. Elle souligne que si la cour d’appel de Paris a pu l’admettre dans un arrêt produit en défense, celle-ci a en réalité suivi les parties qui s’accordaient sur cette méthode et que tel n’est pas le cas en l’espèce. Elle reproche à la SCI ONYX, qui s’appuie sur un rapport d’expertise non contradictoire, de se fonder sur 4 termes de comparaison « bureaux » sans que les actes ou les références de ces actes ne soient produits, empêchant toute vérification des informations.
Elle soutient qu’elle apporte de nombreux termes de comparaison, recevables, pertinents et qui démontrent que la valeur des locaux commerciaux ou à usage de bureaux est sensiblement la même. Elle fait valoir que la SCI ONYX ne démontre pas le contraire et ne démontre pas non plus que la valeur des surfaces commerciales dépend directement de leur visibilité et de leur accessibilité. Elle ajoute que si son TC 5 peut être écarté comme étant trop ancien, il est généralement admis que sont recevables à titre de comparaison les mutations de moins de 5 ans. Elle ajoute également que ses termes de comparaison révèlent que la superficie des biens n’a pas d’influence particulière sur les valeurs au m². Enfin, ses termes de comparaison issus de cessions intervenues [Adresse 23], [Adresse 16], [Adresse 17], [Adresse 20], etc sont pertinentes car s’intègrent dans des ilôts voisins contenant de nombreuses surfaces commerciales ou de bureaux très facilement accessibles.
La FAB propose outre l’indemnité de remploi une indemnité pour perte de revenus locatifs correspondant à une perte de loyers d’un an, calculée sur la base des loyers HT/HC. Si la SCI ONYX produit des quittances, celles-ci comprennent la provision de l’impôt foncier qui doit être déduite, cette provision n’étant pas indemnisable.
Pour les baux dérogatoires dont l’échéance était postérieure de quelques mois à l’ordonnance d’expropriation, seuls ces quelques mois doivent donner lieu à indemnisation.
En réplique, aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 20 novembre 2024, la SCI ONYX demande au juge de l’expropriation de fixer le montant de l’indemnité principale à la somme de 2 037 656 euros, celui de l’indemnité de remploi à la somme de 204 766 euros. Elle sollicite en outre une indemnisation au titre du préjudice locatif à la somme de 116 317 euros. Elle demande également une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société ONYX soutient que l’emprise est très bien située dans la zone commerciale de [Localité 19], et que cet emplacement particulièrement qualitatif est un critère déterminant à prendre en compte dans la valorisation de son bien ; à cet égard elle rejette toute comparaison possible avec des biens situés dans le secteur Rocade comme le fait la FAB.
Concernant le bâtiment, elle expose que celui-ci est érigé à cheval sur les deux parcelles, centré sur l’unité foncière laissant les parties résiduelles pour une superficie d’environ 580 m² libres de toute construction. Elle fait valoir que le bâtiment est construit en R+1, date des années 1990 et est en très bon état d’entretien. Les locaux commerciaux du rez—de-chaussée bénéficient de vitrines donnant sur l’avenue de la Somme, avec pour le local Epil Story un vitrage blindé anti-effraction installé par la SCI ONYX à la demande de son précédent locataire, un établissement bancaire. Le bandeau d’enseigne dépasse sur les parties latérales du bâtiment, ce qui donne aux enseignes commerciales installées une très bonne visibilité. Elle conteste les allégations de la FAB selon lesquelles le bâtiment serait mal ou insuffisamment isolé et souligne que si les façades extérieures du bâtiment mériteraient un nettoyage voire une remise en peinture, cela n’entraînerait qu’un prix modique, la structure du bâti et son aspect étant conforme aux standards de constructions modernes. Elle ajoute que la configuration intérieure de l’immeuble au 1er étage, permettant d’accueillir différents types de preneurs (la plus petite superficie étant de 22 m², la plus grande de 74 m²), est un élément déterminant de la valeur de l’immeuble.
Elle considère que la configuration particulière des lieux n’est pas comparable avec les principaux termes de comparaison de la FAB ou du commissaire du gouvernement, qui présentent des mono occupants et des surfaces de bureaux annexées aux parties commerciales, non indépendantes. Elle en déduit que ces surfaces de bureaux ne permettent pas d’améliorer le rendement tiré de l’immeuble, et donc sa valeur. Elle estime qu’il s’agit là d’une particularité notable du bien exproprié et d’une circonstance déterminante dont il doit être tenu compte pour sa valorisation.
S’agissant de l’état des bureaux, elle souligne qu’ils sont en bon état voire en très bon état d’entretien, à l’exception d’une cellule en état d’usage, et dotés d’un système de climatisation réversible avec pompe à chaleur. Les locaux sont également dotés d’un système de sécurité incendie de norme supérieure aux standards requis pour ce type d’immeuble. Les bureaux sont également équipés de la fibre. Concernant les locaux occupés par Epil Story, elle souligne leur bon état d’entretien contrairement à ce que laisse entendre la FAB. En ce qui concerne les locaux de l’enseigne FOULEES, le locataire ayant quitté les lieux, la SCI ONYX n’a pas, compte tenu de la procédure d’expropriation, exigé de remise en état de lieux. Elle souligne néanmoins le très bon état d’entretien. Quant à la superficie du bâtiment, elle indique avoir procédé à un mesurage qui révèle une superficie utile totale de 672,29 m². Elle souligne que la parcelle accueille 15 places de stationnement, constituant un atout majeur pour des locaux commerciaux/bureaux et que les deux-tiers de la superficie du terrain sont non construits. En ce qui concerne l’état locatif, la SCI ONYX souligne que si l’état locatif à la date de l’ordonnance d’expropriation induit la prise en compte du loyer afférent au titre du préjudice locatif, la FAB ne récupérera aucun occupant et n’aura pas de procédure d’éviction à assumer. Elle indique que si la FAB reconnaît que les locaux sont désormais libres, elle ne verse aucun élément permettant d’appréhender le rôle qu’elle aurait joué dans la survenance de ces libérations. Elle estime qu’en application de la jurisprudence, s’il est établi que l’expropriant n’a joué aucun rôle pour la relocalisation des occupants, nonobstant leur départ post ordonnance d’expropriation, l’abattement pour occupation doit être très largement minoré. Elle indique que la société ELTRIMER (enseigne « LES FOULEES ») a donné congé bien antérieurement à l’ordonnance d’expropriation, de même que la société ADM 21. Elle en déduit que c’est a minima pour près de 50% de l’immeuble que celui-ci doit être considéré comme libre d’occupation. Pour les reste, la FAB ne justifie pas avoir versé des indemnités d’éviction. Elle ne discute pas la date de référence ni le zonage. Elle indique que les biens expropriés présentant toutes les caractéristiques d’un immeuble bâti, sa valorisation devra se faire via la méthode de terrain intégré. Concernant les termes de comparaison utilisés par la FAB, la SCI ONYX estime que les biens concernés sont moins qualitatifs que les biens expropriés, que la sélection opérée par la FAB est opportuniste, que les activités exploitées sont bien différentes et qu’ils ne sont pas situés dans un secteur comparable.
Concernant l’évaluation faite par le commissaire du gouvernement, il est précisé que la superficie retenue de 636 m² est erronée et doit être corrigée pour retenir une superficie de 672,79 m².
S’agissant de sa propre demande, la SCI ONYX demande à distinguer, pour l’évaluation, les surfaces commerciales des surfaces de bureau. Elle souligne que la localisation influe très largement sur le niveau des prix, dès lors qu’il ressort de son rapport d’expert une valorisation supérieure à proximité d’une zone de centralité active par rapport aux sones excentrées. Elle souligne également que son expert a souhaité recouper son évaluation principale via la méthode de valorisation par le revenu effectif, en tant que méthode de recoupement, qui permet de confirmer la valorisation issue de son analyse.
S’agissant du préjudice locatif, la SCI ONYX soutient qu’à la date de l’expropriation, elle bénéficiait de 116 317 euros de revenus locatifs annuels ; elle demande une somme équivalente à ce revenu annuel. Elle considère que la minoration demandée par la FAB en raison de la fin de baux est infondée car l’expropriation a empêché de chercher de nouveaux locataires.
Aux termes de ses dernières conclusions du 28 août 2024, le commissaire du gouvernement propose une indemnité principale de 1 272 000 euros outre une indemnité de remploi de 128 200 euros, fondée sur 4 termes de comparaisons portant sur des cessions de bien de nature et d’implantation comparables, à savoir des terrains bâtis supportant un immeuble à usage commercial/loué d’une surface équivalente localisés dans la zone commerciale de [Localité 19] dans un rayon de 1 km sur une période la plus récente possible. Il ne se prononce pas sur les indemnités accessoires.
Sur la consistance du bien exproprié
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : “Le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété.”
En l’espèce, l’ordonnance d’expropriation a été rendue le 13 juin 2024. Le transport sur les lieux a eu lieu le 29 juillet 2024.
Sur la consistance matérielle :
L’emprise exproprié est un terrain situé le long de l’avenue de la Somme sur la commune de [Localité 18], à proximité immédiate de la galerie commerciale du magasin Carrefour « [Localité 19] ». Elle est située à proximité d’un arrêt de la Ligne A du tramway reliant le centre ville de Bordeaux à l’aéroport.
Le terrain est bâti et supporte une construction en R+1 avec un terrain à usage de circulation et de parking attenant. Il s’agit d’un bâtiment à toit plat, de forme cubique des années 1990, d’ossature métallique. Les façades sont également en pans métalliques, en bon état. A l’arrière du bâtiment sont présentes des places de parking et un groupe de climatisation.
Le rez-de-chaussée est divisé en deux locaux commerciaux.
Le local « Les Foulées » était vide d’occupants le jour du transport sur les lieux. Une grande vitrine donne sur l’[Adresse 14]. Le local, quitté par ses occupants la semaine précédente, est en état d’usage. Outre la pièce principale, le local, traversant, est doté d’une salle à usage de réserve, de sanitaires (douche et wc). Les éléments de structure sont en bon état. Il n’y a aucun aménagement particulier.
Le local « Epil Story » était occupé lors du transport sur les lieux. Il occupe la seconde partie du rez-de-chaussée et une partie de l’étage. L’espace comprend une salle d’attente, un comptoir d’accueil, un bureau fermé. Il y a également plusieurs cabines d’esthétique constituées par des cloisons amovibles. L’ensemble est en très bon état d’entretien. Un escalier mène à l’étage où se trouvent deux salles de soin en très bon état, dont une dotée d’une cabine de douche, une salle dédiée au vestiaire, une salle de réserve.
L’accès aux autres bureaux situés au premier étage du bâtiment se fait par une entrée indépendante située sur le côté du bâtiment.
Hors la partie occupée par Epil Story, l’étage comprend 13 pièces occupées en bureaux. 4 bureaux étaient occupés, au jour du transport, par ADM RETAIL. RENOVATION DESIGN CONSTRUCTION occupait deux bureaux : cependant les deux pièces sont en enfilade et ne sont dotées que d’un puis de lumière, sans fenêtre sur l’extérieur. ADM 21 occupait 3 bureaux, lesquels étaient vidés lors du transport. GEIQ SAGE occupait 4 bureaux, dont 3 à usage de bureau et un à usage de salle de réunion. Les revêtements des bureaux sont soit en moquette ou carrelage, peintures ou tapisseries murales. Les pièces sont parfaitement indépendantes mais les cloisons sont mobiles.
Sont présentes pour tout l’étage 2 toilettes.
L’ensemble est apparu en bon état d’usage.
Lors du transport, certains locataires avaient quitté les lieux.
Sur la consistance juridique :
Il n’est pas contesté qu’à la date de l’ordonnance d’expropriation, soit le 13 juin 2024, tous les baux étaient en cours. Le bien doit donc être considéré comme occupé.
Sur la date de référence et sur la qualification de terrain à bâtir à la date de référence
La parcelle expropriée, située en zone UP-Z7-3 du PLU 3.1 de Bordeaux Métropole est incluse dans le périmètre du droit de préemption urbain.
Par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est située le bien en cause a été rendue opposable aux tiers.
En l’espèce, le PLU 3.1 a été approuvé le 16 décembre 2016. La dernière modification ayant affecté la zone est la 9e modification du 24 janvier 2020, devenue opposable aux tiers le 10 mars 2020, non le 6 mars 2020 comme mentionné par l’expropriant par erreur.
La date de référence sera donc fixée au 10 mars 2020. A cette date, le terrain revêtait la qualification de terrain à bâtir au sens de l’article L. 322-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Sur l’indemnité principale
Par application des articles L. 322-1 à L. 322-3 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession doit être fixée d’après la valeur du bien au jour du présent jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance d’expropriation et de son usage effectif ou de sa qualification de terrain à bâtir à la date de référence.
Sur la méthode d’évaluation
Les parties ne sont pas strictement en désaccord sur la méthode qu’il convient d’adopter pour procéder à l’évaluation de l’emprise, la méthode par comparaison étant retenue. La FAB conteste toutefois l’utilisation de la méthode d’évaluation par le revenu à titre de recoupement.
La méthode par comparaison de transactions est celle habituellement retenue ; elle suppose de trouver plusieurs termes de comparaison relatifs à des biens ayant des caractéristiques comparables dans un secteur géographique proche et similaire. Cette méthode est généralement considérée comme la plus sûre pour estimer un bien à sa valeur de marché du moment, sous réserve de disposer de données de comparaison suffisantes.
Lorsque le propriétaire du bien en cause est principalement intéressé par le revenu que produit son immeuble, la méthode d’évaluation par le revenu peut être également retenue, mais à la condition que les données de comparaison soient suffisamment précises, nombreuses, pour permettre de dégager un taux de capitalisation dominant, reflétant l’état du marché locatif. Ce taux ne saurait être approximatif et doit reposer sur une étude très précise du marché immobilier, relative aux cessions mais aussi aux loyers pratiqués. Cette méthode permet d’obtenir la valeur vénale du bien en divisant le revenu brut de l’immeuble par un taux de capitalisation.
Il convient de rappeler que le juge de l’expropriation a le libre choix de la méthode d’évaluation, à charge pour lui d’en expliquer le contenu. Il est par ailleurs tout à fait possible d’utiliser une méthode et l’autre pour recoupement, sous les mêmes réserves que cette énoncées plus haut.
En l’espèce, si l’expert mandaté par la SCI ONYX a choisi d’appliquer un taux de rendement de 5.5%, force est de constater que le choix de ce taux n’est pas du tout explicité dans le rapport. Le recoupement demandé n’a donc pas de pertinence.
Il y a donc lieu d’examiner les termes de comparaison produits et de les comparer au bien litigieux.
Méthode retenue : évaluation par comparaison
Il convient de rappeler que l’immeuble faisait l’objet de plusieurs baux commerciaux, dont deux seulement, relatifs aux cellules du rez-de-chaussée, à destination d’activité commerciale (SARL ELTRIMER pour « Les Foulées » et SARL MERGINAC ESTHETIQUE pour « Epil Story »). Les autres baux commerciaux sont à usage de bureaux, ainsi que le précisent expressément les baux versés aux débats (ADM21, SAS RENOVATION DESIGN CONSTRUCTION, ADM RETAIL, GEIQ SAGe).
Il y a donc deux activités, l’une commercial, l’autre de bureau, qui coexistent dans cet immeuble.
En conséquence, il y a lieu de rechercher en priorité des termes de comparaison issus de locaux à usage mixte (commerce et bureaux) puis, si ceux-ci ne sont pas suffisamment nombreux, des termes de comparaison issus de locaux à usage de commerces puis de bureaux, dans un périmètre proche ou un quartier présentant les mêmes caractéristiques.
Il convient également de souligner le nombre important de locataires hébergés par la SCI ONYX dans ses locaux. S’agissant de locaux destinés à être loués pour des usages de bureaux ou de commerce, la possibilité de louer le local à plusieurs locataires doit nécessairement être prise en compte comme un facteur de plus-value de l’immeuble.
Il en va de même de sa localisation à proximité d’un axe routier ou de transports en commun facilitant l’accès, pour les bureaux et les commerces, et la visibilité, pour les commerces, de même que l’existence de places de parking.
En l’espèce, la FAB produit 16 termes de comparaison. La SCI ONYX a concentré ses critiques sur les TC 1, 5, 4 et 11 pour démontrer une sous-évaluation faite par la FAB de son propre bien, estimant que l’ensemble des autres sont inopérants car ne correspondent en rien aux caractéristiques de l’immeuble.
Le TC 1 (terme n°4 du commissaire du gouvernement) concerne un bâtiment divisé en local commercial et en bureaux, sis [Adresse 1], soit à 1,4km du bien exproprié, côté rocade. Il résulte d’un jugement rendu par le juge de l’expropriation le 27 avril 2023. Le juge de l’expropriation avait dans son jugement évalué le bien au regard d’autres termes de comparaison résultant de biens occupés, à usage commercial dans un périmètre proche ainsi que des immeubles à usage de bureau dans le même périmètre. Le prix au m² retenu est 2051 euros. La SCI ONYX souligne que le bien se révèle bien différent et ne saurait offrir les mêmes atouts que le bien exproprié. Il convient néanmoins de relever que la structure du bâti est également métallique et que le bien est, ainsi que le souligne le commissaire du gouvernement, divisé en 2 lots distincts, l’un composé de 11 bureaux et l’autre d’un espace commercial. Ce terme de comparaison peut être retenu. Il convient toutefois de souligner que le bien concerné bénéficie d’un emplacement moins favorable que le bien exproprié, n’étant pas desservi par le tramway et plus excentré de la zone commerciale [Localité 19]. Il reste néanmoins à l’intérieur d’une zone très fréquentée par les chalands.
Le TC 2 est également issu d’un jugement du juge de l’expropriation du 27 avril 2023. Il porte sur un bâtiment à usage de commerce de plain pied bénéficiant de 5 emplacements de stationnement, cédé à 1930 euros le m². Il est situé [Adresse 1]. Le prix unitaire est de 1930 euros. Il peut également être retenu, mais il convient de souligner les mêmes caractéristiques géographiques que le TC 1 et le fait que le local ne peut être loué que par un seul occupant.
Le TC 3 est un local commercial occupé par un magasin de vêtements situé [Adresse 13], cédé à un prix unitaire de 1774 euros le m². La [Adresse 16] est située à 2,7 km du bien exproprié, encore plus proche de l’axe routier de la rocade que l’[Adresse 15]. Elle est également éloignée du tramway et de l’axe de l’[Adresse 14], même si dans une zone commerciale. Du fait de sa localisation excentrée par rapport au bien exproprié, de son occupation par un seul locataire, ce terme de comparaison doit être écarté, la visibilité pour un commerce étant nécessairement un facteur de plus-value ou de moins-value. Pour les mêmes raisons, le TC 6 et le TC 16 (TC 3 du commissaire du gouvernement) seront écartés. Il en va de même du TC 14 ([Adresse 3], à proximité, TC 1 du commissaire du gouvernement).
Le TC 4 est relatif à un local commercial à usage de bureaux et services sis [Adresse 2] au prix unitaire de 1927 euros. La SCI ONYX conteste toute comparabilité au motif qu’il s’agit d’un local occupé par un unique occupant, que s’il y a des bureaux, ceux-ci complètent le show room. Au regard de la localisation de ce bien, le terme de comparaison doit être retenu. Il sera toutefois tenu compte du fait que le local n’est occupé que par un seul occupant.
Le TC 5 doit être écarté en raison de son ancienneté (cession du 8 avril 2019).
La FAB produit quatre termes de comparaison résultant de cessions intervenues [Adresse 23] à [Localité 18], soit à un peu plus de 2 km de l’emprise (TC 7, 8, 10 et 13), Mais contrairement à ce qui est soutenu par la FAB, le quartier dans lequel est située cette rue, proche de la rocade et de l’aéroport, n’a pas des caractéristiques comparables à celles de l’[Adresse 14] dans la mesure où la [Adresse 23] est essentiellement bordée de locaux à usage de bureaux ou des hôtels et ne présente pas la même attractivité commerciale que la [Adresse 21], longeant le centre commercial [Localité 19], également proche d’habitations. Elle ne présente pas non plus la même attractivité pour des immeubles de bureau, éloignés des transports en commun et des commodités.
Il en va de même du terme de comparaison n°12 qui est situé [Adresse 22], à 2km de l’emprise expropriée, éloigné d’autant du centre commercial [Localité 19]. Il en va de même du terme de comparaison n°9 (terme n°2 du commissaire du gouvernement) relatif à une cession [Adresse 7], éloigné de plus de 2 km. Le terme 15 est encore plus éloigné : 4 km, de sorte qu’il y a lieu de l’écarter.
Le TC n°11 est situé [Adresse 10], d’une superficie de 745 m². Le prix au m² est de 2282 euros. Il se situe à 450 mètres de l’emprise expropriée.La SCI ONYX critique la pertinence de ce terme de comparaison tout en critiquant le commissaire du gouvernement de l’avoir un temps pris en compte avant de l’exclure.
Ce terme de comparaison est relatif à la cession d’un local commercial avec bureaux. La SCI ONIX estime que s’agissant d’un show room avec quelques bureaux abritant uniquement des fonctions support, l’ensemble loué par un seul preneur, ne peut être comparé au bien exproprié mais reconnaît qu’il s’agit du seul terme de comparaison proche géographiquement même so en retrait de l’avenue passante. Lors de la cession, le bien était libre de toute occupation. L’expropriant estimant toutefois que ce terme est pertinent, ceci étant dans l’intérêt de l’exproprié, il y a lieu de le retenir. Il n’y a toutefois pas lieu de retenir un prix de cession plus bas au motif que le prix de vente comprendrait l’indemnité de remploi dès lors que la cession amiable serait intervenue dans le cadre d’une expropriation. En effet, comme pour tout terme de comparaison, c’est le prix de vente publié qui doit être pris en considération. De même la circonstance que le preneur ait été en liquidation judiciaire n’a pas d’incidence sur le prix de cession des murs, le bien ayant été vendu libre d’occupation. Si la SCI ONYX allègue que le bien était à l’abandon « selon cliché de mars 2022 », cette date n’est toutefois pas justifiée.
Au regard de la localisation du bien, il sera tenu compte de ce terme de référence au prix unitaire de 2282 euros tel que mentionné dans les premières conclusions du commissaire du gouvernement, qui n’explique pas les raisons du retrait de ce terme de comparaison dans ses dernières écritures.
Le commissaire du gouvernement a produit les mêmes termes de comparaison que ceux de l’expropriant. Ils ont été analysés ci-dessus.
La SCI ONYX, au travers le rapport de son expert, fait valoir 4 termes de comparaisons de ventes de bureaux et 4 de ventes de commerces. Cependant, les actes de cession ne sont pas produits et aucune référence de publication n’est précisée, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier le contenu de ces cessions ni leur certitude. En effet, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt publié du 19 septembre 2024 (3e civ. n°23-19.783), si les parties peuvent se prévaloir de termes de comparaison issus de bases de données accessibles au public, dès lors qu’ils comportent les informations énoncées à l’article R. 112 A-1 du livre des procédures fiscales, encore faut-il qu’ils soient accompagnés des références de publication, permettant le cas échéant d’obtenir auprès du service de la publicité foncière les actes des mutations concernées, afin de mettre les parties en mesure de débattre contradictoirement de leur bien-fondé ou de leur pertinence.
En tout état de cause, les photographies produites ne montrent aucune similitude des bâtiments retenus comme référence, qui apparaissent offrir des prestations plus qualitatives que le bâtiment objet du litige. Concernant les termes de comparaison de locaux commerciaux, il convient de constater que le bâtiment dédié à la chaine Quick présente des caractéristiques et aménagements spécifiques propres à cette chaîne ayant nécessité d’importants aménagements, ce qui n’est pas davantage comparable. Enfin, les commerces situés en rez-de-chaussée d’un immeuble n’ont pas non plus les mêmes caractéristique que le local à bardage métallique.
Au total, seuls les TC 1, 2, 4 et 11 de la FAB peuvent être retenus comme pertinents.
Soit une moyenne de ((2051+1930+1927+2282)/4) 2047,50 euros le m², étant précisé que les termes de comparaison retenus ne permettent pas de distinguer entre valeur de bureau et valeur de local commercial.
Il doit être souligné ici que si l’immeuble faisait l’objet de baux commerciaux à la date de l’ordonnance, et que si la FAB retient l’état d’occupation, elle n’en tire aucune conséquence concernant sa valorisation, n’appliquant aucun abattement pour occupation. De plus, les termes de comparaison sélectionnés par la FAB concernent tant des locaux occupés que des locaux libres d’occupation. Ainsi, les développements de la société ONYX selon lesquels la FAB récupérera en réalité des locaux libérés par les occupants ou ne justifie pas avoir versé d’indemnité d’éviction sont inopérants dans le cadre de la présente évaluation.
Au regard de la situation géographique des biens objets des cessions retenues à titre de référence, de la situation géographique privilégiée dont dispose le bien exproprié, le long d’un axe très passant, desservi par le tramway et encore plus proche des commodités que les termes de référence, de l’existence d’un parking, de la possibilité d’optimiser ses possibilités de location par son agencement, il y a lieu d’arrondir la valeur obtenue à titre de moyenne à 2200 euros le m², soit pour une surface, non contestée, de 672,79 m² : 1 480 138 euros.
Sur l’indemnité de remploi
L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.
L’indemnité de remploi sera donc fixée en l’espèce à la somme de 149 013,80 euros (5 000x 20 % + 10 000x 15% +1 465 138×10% ).
Sur les indemnités accessoires
En application de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Sur la demande d’indemnité au titre de la perte des loyers
Cette indemnité est habituellement destinée à indemniser le temps nécessaire à rechercher un bien équivalent.
Les parties ne s’opposent pas sur la durée à indemniser, soit 12 mois de pertes de loyer, sauf pour les baux précaires qui devaient arriver à échéance avant ce terme.
Il ressort des écritures et des pièces produites que deux baux précaires ont été conclus entre la SCI ONYX et la société ADM RETAIL et la société ADM 31. La date de fin de ces baux était fixée au 14 septembre 2024 et au 1er septembre 2024. Ils étaient toutefois en cours à la date de l’ordonnance d’expropriation de sorte que les loyers perdus doivent être inclus dans l’assiete d’indemnisation.
En outre, l’indemnité à allouer ne peut correspondre qu’à la perte des loyers eux-mêmes, déduction faite des provisions sur charges et taxes, ces charges et taxes n’étant plus à la charge du bailleur à compter de l’expropriation et n’ont en tout état de cause pas pour objet d’enrichir le bailleur.
En conséquence, il y a lieu d’établir le préjudice au regard des factures de loyer produites, déduction faite des provisions sur charges et sur impôts fonciers :
SARL ELTRIMER : loyer du 2e trimestre 2024 : 13 007,99 euros, soit un loyer annuel de 52 032 euros
SARL [Localité 18] ESTHETIQUE : loyer du 2e trimestre 2024 : 8626,69 euros, soit un loyer annuel de 34 507 euros
ADM 21 : loyer du mois d’avril 2024 : 671,15 euros, soit un loyer annuel de 8054 euros
RENOVATION DESIGN CONSTRUCTION : loyer du mois d’avril 2024 : 222,35 euros, soit un loyer annuel de 2668 euros
ADM RETAIL : loyer du mois d’avril 2024 : 624,83 euros, soit un loyer annuel de 7498 euros
ADM RETAIL : loyer du mois d’avril 2024 : 271,33 euros, soit un loyer annuel de 3256 euros
GEIQ SAGe loyer du 2e trimestre 2024 : 2075,70 euros, soit un loyer annuel de 8303 euros
Soit une perte de loyer annuelle à indemniser de 116 317 euros correspondant à la demande de la SCI ONYX.
Sur les dépens
Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, la FAB sera condamnée aux dépens.
Sur l’indemnité au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile: “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :/1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;/2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991./Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat.”
En l’espèce, il n’est pas inéquitable d’allouer à la SCI ONYX une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles, qui a engagé des frais d’avocat pour faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure d’expropriation et qui a sollicité un expert immobilier.
Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
FIXE la date de référence au 10 mars 2020,
FIXE les indemnités définitives de dépossession revenant à la SCI ONYX pour l’expropriation Les parcelles cadastrées section AY [Cadastre 11] et AY [Cadastre 12], d’une contenance totale de 922 m², situées [Adresse 6] sur la commune de [Localité 18] aux sommes suivantes :
1 480 138 euros au titre de l’indemnité principale,
149 013,80 euros au titre de l’indemnité de remploi,
116 317 euros au titre de la perte des revenus locatifs
Condamne la Fabrique de Bordeaux Métropole aux dépens.
Condamne la Fabrique de Bordeaux Métropole à payer à la SCI ONYX la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Dorine LEE-AH-NAYE, greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier Le Juge de l’Expropriation
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