Évaluation du taux d’incapacité professionnelle et prise en charge des maladies liées au travail

·

·

Évaluation du taux d’incapacité professionnelle et prise en charge des maladies liées au travail

L’Essentiel : Mme [V] [F] [M], assistante de caisse depuis 2008, a déclaré une maladie professionnelle en lien avec une pathologie reconnue par la Caisse en janvier 2017. Après un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) initial de 17%, celui-ci a été réduit à 13% par la commission de recours amiable. Licenciée en juin 2019, la société a contesté ce taux, entraînant une expertise ordonnée par le tribunal. En mars 2022, le taux d’IPP a été fixé à 7%, décision confirmée par la cour malgré l’appel de la Caisse, qui n’a pas apporté de nouveaux éléments médicaux. La Caisse a été condamnée aux dépens.

Exposé du litige

Mme [V] [F] [M] a été employée par la société [5] depuis 2008 en tant qu’assistante de caisse. En juin 2016, elle a soumis un certificat médical à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde, indiquant une rupture partielle de la coiffe des rotateurs gauche. En septembre 2016, elle a déclaré une maladie professionnelle liée à cette pathologie. La Caisse a reconnu cette maladie au titre des risques professionnels en janvier 2017. En avril 2019, un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 17% a été attribué à Mme [F] [M], et elle a été déclarée inapte à tout poste en mai 2019, entraînant son licenciement en juin 2019. La société a contesté le taux d’IPP, qui a été réduit à 13% par la commission de recours amiable en janvier 2020. La société a ensuite saisi le tribunal judiciaire d’Evry.

Jugement et expertise

Le tribunal a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé en novembre 2021. En mars 2022, le tribunal a entériné ce rapport, fixant le taux d’IPP à 7% et condamnant la Caisse aux dépens. Ce jugement a été notifié à la Caisse, qui a interjeté appel en juillet 2022. L’affaire a été mise en délibéré à plusieurs reprises, avec une audience prévue en mai 2024.

Prétentions des parties

Lors de l’audience, la Caisse a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance d’un taux d’IPP de 10%. De son côté, la société [5] a sollicité la confirmation du jugement initial et le maintien du taux d’IPP à 7%. La Caisse a soutenu que le taux professionnel devait être pris en compte, tandis que la société a mis en avant les conclusions de l’expert qui avaient fixé le taux à 7%.

Motifs de la décision

La cour a jugé que l’appel de la Caisse était recevable. Elle a noté que la Caisse n’avait pas produit de nouveaux éléments médicaux pour contester le rapport d’expertise. Les conclusions de l’expert étaient jugées confuses, mêlant des états antérieurs et la pathologie déclarée. La cour a également relevé que l’inaptitude de Mme [F] [M] à tous postes ne pouvait pas être directement liée à la pathologie reconnue comme maladie professionnelle. En conséquence, la cour a confirmé le jugement initial, fixant le taux d’IPP à 7%.

Dépens et conclusion

La Caisse, ayant perdu l’appel, a été condamnée à supporter les dépens. La cour a statué publiquement, confirmant le jugement du tribunal judiciaire d’Evry tout en infirmant certaines parties du jugement concernant le rapport d’expertise. Les parties ont été déboutées de toute autre demande.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure de détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) selon le Code de la sécurité sociale ?

La détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est régie par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule :

« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

La victime titulaire d’une rente, dont l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une prestation complémentaire pour recours à tierce personne lorsqu’elle est dans l’incapacité d’accomplir seule les actes ordinaires de la vie.

Le barème de cette prestation est fixé en fonction des besoins d’assistance par une tierce personne de la victime, évalués selon des modalités précisées par décret. Elle est revalorisée au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25.

En cas d’accidents successifs, le taux ou la somme des taux d’incapacité permanente antérieurement reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l’augmentation prévue au deuxième alinéa pour le calcul de la rente afférente au dernier accident.

Lorsque, par suite d’un ou plusieurs accidents du travail, la somme des taux d’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, l’indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l’attribution d’une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l’attribution d’une indemnité en capital dans les conditions prévues à l’article L. 434-1.

Le montant de la rente afférente au dernier accident ne peut dépasser le montant du salaire servant de base au calcul de la rente.

Lorsque l’état d’invalidité apprécié conformément aux dispositions du présent article est susceptible d’ouvrir droit, si cet état relève de l’assurance invalidité, à une pension dans les conditions prévues par les articles L. 341-1 et suivants, la rente accordée à la victime en vertu du présent titre dans le cas où elle est inférieure à ladite pension d’invalidité, est portée au montant de celle-ci. Toutefois, cette disposition n’est pas applicable si la victime est déjà titulaire d’une pension d’invalidité des assurances sociales. »

Cet article établit les critères et les modalités de calcul du taux d’IPP, en tenant compte de divers facteurs liés à la victime.

Quelles sont les obligations de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) lors de la détermination du taux d’IPP ?

L’article R. 434-32 du Code de la sécurité sociale précise les obligations de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dans le cadre de la détermination du taux d’IPP :

« Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre.

Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident.

Le double de cette décision est envoyé à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.

La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l’aide d’un formulaire annexé à la notification, s’ils demandent l’envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d’une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l’article R. 434-31.

La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales. »

Cet article souligne l’importance de la notification et de la transparence dans le processus de détermination du taux d’IPP, ainsi que l’obligation de la CPAM de se prononcer sur l’existence et le taux d’incapacité permanente.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle le lien entre la pathologie et l’inaptitude professionnelle ?

La jurisprudence a établi que le lien entre la pathologie et l’inaptitude professionnelle doit être clairement démontré. Dans le cas présent, la cour a noté que :

« si Mme [V] [M] a bien été licenciée pour inaptitude, le lien avec la pathologie en cause ici est d’autant moins patent qu’elle a été déclarée par le médecin du travail inapte à tous postes dans l’entreprise, tandis que l’expert a considéré qu’elle pouvait continuer à exercer un emploi, sous réserve des adaptations.

La cour ne peut que relever ici que l’inaptitude liée à la pathologie déclarée ne pouvait en aucun cas conduire à l’inaptitude à tous postes déterminée par le médecin du travail. »

Cela signifie que pour qu’une pathologie soit reconnue comme cause d’inaptitude, il doit exister un lien direct et pertinent entre la pathologie et la capacité de la personne à exercer son emploi.

La cour a également souligné que les conclusions de l’expert étaient contradictoires, ce qui a conduit à une évaluation du taux d’IPP qui ne pouvait être attribuée uniquement à la pathologie déclarée.

Ainsi, la jurisprudence insiste sur la nécessité d’une évaluation précise et cohérente des impacts de la pathologie sur la capacité professionnelle de l’individu.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/07155 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGEKX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2022 par le Pole social du TJ d’EVRY RG n° 20/00169

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

ADP Société [5] pour [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0304 substitué par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 mai 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Monsieur Philippe BLONDEAU, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 21 juin 2024, prorogé au 20 septembre 2024 et au 20 décembre 2024 puis au 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Agnès IKLOUFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] [F] [M] était salarié de la société [5] (ci-après, la ‘société’) depuis 2008, en qualité d’assistante de caisse lorsqu’elle a transmis à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde (ci-après, la ‘Caisse’ ou la ‘CPAM 33’) un certificat médical initial, en date du 27 juin 2016, faisant état d’une rupture partielle de la coiffe des rotateurs gauche.

Le 18 septembre 2016, Mme [F] [M] a établi une déclaration de maladie professionnelle, mentionnant à la rubrique ‘nature de la maladie’: « épaule gauche rupture ».

La Caisse a décidé de prendre cette pathologie en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, sur la base du tableau 57 des maladies professionnelles et en a informé Mme [F] [M] le 18 janvier 2017.

L’état de Mme [F] [M] a été considéré comme consolidé au 30 avril 2019 et un taux d’incapacité permanente partielle (‘IPP’) de 17% lui a été reconnu, dont 14% pour le taux médical et 3% pour le taux professionnel.

Le 9 mai 2019, Mme [F] [M] a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise.

Elle a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre de la société du 24 juin 2019.

Le 5 septembre 2019, la Caisse a notifié le taux de 17% d’IPP à la société, qui l’a contesté devant la commission de recours amiable de cet organisme, laquelle, en sa séance du 30 janvier 2020 a décidé de rapporter le taux opposable à l’employeur à 13%, dont 3% de taux socio-professionnel.

Le 7 février 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire d’Evry.

Par jugement du 18 mai 2021, ce tribunal a ordonné une expertise, confiée au docteur [N].

L’expert a déposé son rapport le 19 novembre 2021.

Puis, par jugement en date du 29 mars 2022, ce tribunal a notamment :

– entériné le rapport d’expertise du docteur [N] du 19 novembre 2021 ;

– déclaré opposable à la société [5] le taux d’incapacité permanente partielle de 7% dont 3% pour le taux professionnel de sa salariée, Mme [V] [M] ;

– condamné la Caisse aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise.

Ce jugement a été notifié par lettre recommandée, accusé de réception signé le 30 juin 2022 par la Caisse.

Le 6 juillet 2022, la CPAM 33 a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été appelée à l’audience de la cour du 7 mai 2024 puis mise en délibéré le

21 juin 2024, prorogé au 20 septembre 2024 et au 20 décembre 2024 puis finalement prorogé au 10 janvier 2025,

PRÉTENTIONS DES PARTIES

A l’audience du 7 mai 2024, les parties ont déposé leurs dossiers de plaidoiries.

Par dernières conclusions déposées le 7 mai appel, la Caisse demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 13 mars 2021 ;

– dire que le taux d’incapacité permanente partielle globale de 10% déterminé en réparation des séquelles de la maladie professionnelle dont Mme [M] a été reconnue atteinte le

27 juin 2016 est justifié ;

– déclarer opposable à la Société un taux de 10% des suites de la maladie professionnelle dont a été reconnue atteinte sa salariée, Mme [M], le 27 juin 2016.

Par dernières conclusions déposées le 7 mai 2024, la société [5] sollicite la cour de, notamment :

– confirmer le jugement entrepris ;

– fixer le taux d’IPP à 7%.

EXPOSE DES MOTIFS

L’appel de la Caisse est régulier et recevable.

La CPAM 33 soutient, en particulier que lorsqu’il existe des preuves d’un retentissement professionnel (perte de salaire, licenciement pour inaptitude…), il en est tenu compte dans l’établissement du taux global et qu’à la date de la détermination du taux d’IPP de Mme [V] [M], la Caisse avait connaissance du préjudice professionnel que celle-ci subissait, qui a été licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle.

Le taux professionnel doit donc s’ajouter au taux médical.

La Caisse estime qu’ainsi, « on voit mal comment le positionnement de l’expert sur ces points pourrait perdurer ».

Dès lors que le juge reconnaît l’existence d’un taux socio-professionnel, celui-ci ne peut pas être compris dans le taux médical.

En première instance, la Société ne s’opposait pas à l’évaluation d’un taux socio-professionnel de 3%, même si elle l’incluait dans le taux global.

La cour doit donc fixer ce taux opposable à l’employeur à 10%.

La Société fait notamment valoir, pour sa part, que le médecin expert désigné par le tribunal a conclu à une IPP de 7% ; que Mme [M] est atteinte d’une tendinopathie calcifiante de l’épaule gauche à l’origine, pathologie qui n’est pas reconnue comme maladie professionnelle et dont le rhumatologue a indiqué qu’elle évoluait depuis quatre ans.

De plus, l’examen clinique du médecin-conseil ne montre pas d’amyotrophie du membre supérieur gauche non dominante, il n’y a pas eu de comparaison entre les mouvements actifs et passifs « ce qui prouve que l’examen a été incomplet ».

Au maximum, si on devait reconnaître une partie de la pathologie en maladie professionnelle, un taux de 5% maximum serait acceptable.

Devant la cour, la Caisse ne produit aucun nouvel élément médical de nature à contester la position retenue par le médecin expert, dont il résulte un taux d’IPP de 7%.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 7 mai 2024.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable :

« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

La victime titulaire d’une rente, dont l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une prestation complémentaire pour recours à tierce personne lorsqu’elle est dans l’incapacité d’accomplir seule les actes ordinaires de la vie. Le barème de cette prestation est fixé en fonction des besoins d’assistance par une tierce personne de la victime, évalués selon des modalités précisées par décret. Elle est revalorisée au

1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25.

En cas d’accidents successifs, le taux ou la somme des taux d’incapacité permanente antérieurement reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l’augmentation prévue au deuxième alinéa pour le calcul de la rente afférente au dernier accident. Lorsque, par suite d’un ou plusieurs accidents du travail, la somme des taux d’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, l’indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l’attribution d’une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l’attribution d’une indemnité en capital dans les conditions prévues à l’article L. 434-1. Le montant de la rente afférente au dernier accident ne peut dépasser le montant du salaire servant de base au calcul de la rente.

Lorsque l’état d’invalidité apprécié conformément aux dispositions du présent article est susceptible d’ouvrir droit, si cet état relève de l’assurance invalidité, à une pension dans les conditions prévues par les articles L. 341-1 et suivants, la rente accordée à la victime en vertu du présent titre dans le cas où elle est inférieure à ladite pension d’invalidité, est portée au montant de celle-ci. Toutefois, cette disposition n’est pas applicable si la victime est déjà titulaire d’une pension d’invalidité des assurances sociales » (souligné par la cour).

L’article R. 434-32 du même code précise, dans sa version applicable :

« Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident. Le double de cette décision est envoyé à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.

La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l’aide d’un formulaire annexé à la notification, s’ils demandent l’envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d’une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l’article R. 434-31.

La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales » (souligné par la cour).

A titre préliminaire, il convient de relever que, de façon quelque peu surprenante, alors que le débat portait non seulement sur le taux d’IPP global devant être attribué à Mme [F] [M] mais sur la part du taux d’IPP professionnel devant y être inclus, la mission confiée à l’expert ne comportait aucune demande d’avis sur le taux d’IPP professionnel proprement dit.

Par ailleurs, la Société ne peut valablement soutenir, au prétexte de la contestation du taux d’IPP retenu par la Caisse, que la pathologie présentée par Mme [F] [M] ne rentre pas dans le cadre des maladies professionnelles et qu’elle aurait dû être présentée à un CRRMP, dès lors qu’elle n’a pas contesté la décision de prise en charge de la Caisse à cet égard dans les délais impartis.

Ensuite, les conclusions de l’expert sont pour le moins confuses, qui font état d’un état antérieur, en l’occurrence, une « calcification tendineuse de la coiffe », et indiquent que :

– cette calcification a nécessité un traitement par ponction-aspiration ;

– la date de consolidation de ce type de lésion à sept mois, soit au 27 janvier 2017, alors que la Caisse a fixé la date de consolidation au 30 avril 2019, date qui n’a pas été contestée par la Société ;

– le « taux d’incapacité permanente partielle concernant cet état antérieur est de 7% selon le barème indiqué » (en gras comme dans l’original du rapport), alors que ce qui intéressait le tribunal était le taux d’IPP attribuable à la pathologie prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

– à partir du 28 janvier 2017, l’état tendineux de la coiffe de l’épaule de Mme [F] [M] a évolué pour son propre compte. Il n’est en aucun cas en lien avec la calcification tendineuse (état antérieur).

Ainsi, les conclusions du rapport d’expertise sont intrinsèquement contradictoires, qui mélangent état antérieur et pathologie déclarée.

Cette incohérence est confirmée par la conclusion de l’expert que la « calcification tendineuse » (donc, selon ce qu’il écrit en début de rapport, l’état antérieur) et son traitement ne peuvent pas entraîner de modification dans la situation professionnelle actuelle (on ignore laquelle, ni l’expert ni les parties ne le précisent, étant souligné qu’il n’avait pas été demandé à l’expert d’examiner la victime et qu’il n’a pas jugé utile de le faire et que, en outre, la réunion d’expertise s’est tenue bien après que Mme [F] [M] avait été licenciée pour inaptitude).

L’incohérence persiste lorsque l’expert indique que la calcification tendineuse et son traitement ne nécessitent pas non plus de changement d’emploi pour retenir juste après que Mme [F] [M] « pourrait effectivement reprendre une autre activité professionnelle. Elle devra cependant éviter la sollicitation accrue de son membre supérieur gauche ».

L’expert ne précise cependant rien quant à un éventuel taux d’IPP professionnel et conclut que l’ « état antérieur (soit la calcification tendineuse) n’influe en aucun cas sur l’évolution de la tendinopathie de la coiffe qui a été déclarée comme maladie professionnelle et qui évolue pour son propre compte ».

Il souligne, enfin que l’état antérieur (calcification tendineuse) « ne peut pas être considéré comme une maladie professionnelle ».

La Caisse n’apporte aucun élément médical nouveau devant la cour. Elle se borne à critiquer les conclusions du rapport d’expertise mais n’a sollicité aucun complément d’expertise, aucune contre-expertise.

La cour ne peut que constater que, d’une part, si Mme [V] [M] a bien été licenciée pour inaptitude, le lien avec la pathologie en cause ici est d’autant moins patent qu’elle a été déclarée par le médecin du travail inapte à tous postes dans l’entreprise, tandis que l’expert a considéré qu’elle pouvait continuer à exercer un emploi, sous réserve des adaptations ; la cour ne peut que relever ici que l’inaptitude liée à la pathologie déclarée ne pouvait en aucun cas conduire à l’inaptitude à tous postes déterminée par le médecin du travail.

D’autre part, si l’on doit suivre le raisonnement de l’expert, il en résulterait, en fait, que le taux d’IPP qu’il reconnaît par ailleurs à Mme [V] [M] ne résulte pas de la pathologie déclarée mais d’une pathologie antérieure, à savoir la calcification tendineuse de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.

Dans ces conditions, dès lors que la Société accepte de considérer que le taux global d’IPP opposable à l’employeur est celui déterminé par l’expert, il convient de fixer à 7% le taux global d’IPP de Mme [V] [M] attribuable à la pathologie déclarée le 18 septembre 2016 sur la base d’un certificat médical initial du 27 juin 2016.

Le jugement sera confirmé, même si pour d’autres motifs, la cour n’entérinant pas le rapport d’expertise.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Caisse, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

INFIRME le le jugement du tribunal judiciaire d’Evry en date du 29 mars 2022 (RG 20/00169), en ce qu’il a entérine le rapport d’expertise du docteur [N] du 19 novembre 2021 ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire d’Evry en date du 29 mars 2022 (RG 20/00169), en ce qu’il a :

– déclaré opposable à la société [5] le taux d’incapacité permanente partielle de 7% dont 3% pour le taux professionnel de sa salariée, Mme [V] [M] suite à la maladie professionnelle du 27 juin 2016 ;

– condamné la Caisse aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde aux dépens d’appel ;

DÉBOUTE les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon