L’Essentiel : M. [K] [S], salarié de la société [6], a déclaré une maladie professionnelle en janvier 2018, reconnue par la caisse d’assurance maladie. Après une évaluation, un taux d’incapacité de 10 % lui a été attribué, contesté par la société devant le tribunal. En mars 2022, le tribunal a confirmé ce taux, mais la cour a ordonné une nouvelle expertise en mai 2023. Le rapport du docteur [T] a conclu à un taux de 8 %. Lors de l’audience d’octobre 2024, la cour a jugé que cette expertise remettait en question l’évaluation initiale, fixant le taux à 8 % et condamnant la caisse aux dépens.
|
Contexte de l’affaireM. [K] [S], salarié de la société [6] de [Localité 5] en tant qu’aide conducteur de machine, a déclaré une maladie professionnelle le 12 janvier 2018, spécifiquement une ‘tendinopathie chronique du supra épineux gauche’. La caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or a accepté cette déclaration le 24 mai 2018, en se basant sur le tableau n° 57 des maladies professionnelles. Évaluation de l’incapacitéL’état de santé de M. [S] a été jugé consolidé le 15 mai 2019, et un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % lui a été attribué par décision du 22 juillet 2019. Après avoir contesté ce taux sans succès auprès de la commission médicale de recours amiable, la société a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Jugement du tribunalLe tribunal a rendu son jugement le 29 mars 2022, déclarant le recours de la société recevable, mais a débouté la société de toutes ses demandes, confirmant le taux d’incapacité de 10 % et condamnant la société aux dépens. La société a ensuite interjeté appel. Consultation médicale ordonnéeLe 25 mai 2023, la cour a suspendu le jugement et a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée au docteur [R] [T], pour évaluer le taux d’incapacité permanente partielle de M. [S]. L’expert a remis son rapport le 15 novembre 2023, concluant à un taux de 8 %. Arguments des partiesLors de l’audience du 23 octobre 2024, la société a demandé à la cour d’infirmer le jugement précédent, s’appuyant sur le rapport d’expertise du docteur [T] et la note de son médecin consultant, qui soutenaient que le taux d’incapacité devait être réduit à 8 %. La caisse, dispensée de comparaître, a maintenu que le taux de 10 % était conforme aux barèmes et aux constatations médicales. Analyse des expertisesLe médecin conseil de la caisse a justifié le taux de 10 % en se basant sur une limitation douloureuse des mouvements de l’épaule gauche. En revanche, le docteur [T] a noté que la victime souffrait également d’arthrose, ce qui a pu influencer la limitation de mouvement, concluant à un taux d’incapacité de 8 %. Décision de la courLa cour a jugé que les conclusions du docteur [T] étaient suffisamment précises pour remettre en question l’évaluation du médecin conseil de la caisse. En conséquence, elle a fixé le taux d’incapacité permanente partielle à 8 % à la date de consolidation, infirmant ainsi le jugement précédent et condamnant la caisse aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure à suivre pour contester un taux d’incapacité permanente partielle ?La contestation d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) doit suivre une procédure précise, comme le stipule l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. Cet article précise que le taux d’incapacité permanente est déterminé en tenant compte de plusieurs facteurs, notamment la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ainsi que ses facultés physiques et mentales. Il est également important de noter que la contestation peut être portée devant la commission médicale de recours amiable, qui a pour mission d’examiner les décisions prises par la caisse primaire d’assurance maladie. Si la décision de la commission n’est pas satisfaisante, le recours peut être introduit devant le tribunal judiciaire, comme cela a été le cas dans l’affaire présentée. Le jugement du tribunal peut alors être contesté en appel, ce qui permet à la cour d’examiner à nouveau les éléments de preuve et les arguments des parties. Dans cette affaire, la société a contesté le taux d’IPP de 10 % attribué à la victime, ce qui a conduit à une expertise médicale et à une réévaluation du taux à 8 %. Quels sont les critères d’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle ?L’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle est régie par l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, qui énonce que le taux doit être déterminé en fonction de plusieurs critères. Ces critères incluent : – La nature de l’infirmité Le barème indicatif d’invalidité, qui est un outil essentiel pour cette évaluation, précise les taux applicables en fonction des limitations fonctionnelles. Dans le cas présent, le médecin conseil de la caisse a initialement évalué le taux d’IPP à 10 % en se basant sur une limitation douloureuse moyenne des mouvements de l’épaule gauche. Cependant, l’expert désigné par la cour a conclu à un taux de 8 %, en tenant compte d’une limitation légère de certains mouvements, ce qui a conduit à une réévaluation du taux d’incapacité. Comment la cour a-t-elle justifié la réévaluation du taux d’incapacité permanente partielle ?La cour a justifié la réévaluation du taux d’incapacité permanente partielle en se basant sur les conclusions du rapport d’expertise du docteur [T]. Ce rapport a mis en évidence plusieurs éléments clés : – La présence d’une arthrose, qui n’est pas liée à la maladie professionnelle, mais qui limite également le mouvement d’abduction. L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale stipule que le taux doit être déterminé en tenant compte de l’ensemble des éléments médicaux pertinents. Ainsi, la cour a conclu que le rapport du docteur [T] était suffisamment étayé pour remettre en cause l’analyse du médecin conseil de la caisse, justifiant ainsi la fixation du taux d’IPP à 8 %. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour sur les parties impliquées ?La décision de la cour a des conséquences significatives pour les parties impliquées, notamment la société et la caisse primaire d’assurance maladie. En infirmant le jugement précédent, la cour a statué que le taux d’incapacité permanente partielle de la victime devait être fixé à 8 %, ce qui a des implications financières pour la caisse. Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans ce cas, la caisse, ayant perdu son recours, a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Cela signifie qu’elle devra couvrir les frais engagés par la société pour contester le taux d’IPP, ce qui peut représenter un coût significatif pour la caisse. En résumé, la décision de la cour a non seulement modifié le taux d’incapacité, mais a également entraîné des conséquences financières pour la caisse, soulignant l’importance d’une évaluation précise et complète des incapacités. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
Ch.protection sociale 4-7
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JANVIER 2025
N° RG 23/03347 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WG3G
AFFAIRE :
S.N.C. [6] DE [Localité 5]
C/
CPAM DE LA COTE D’OR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre
N° RG : 20/00581
Copies exécutoires délivrées à :
Me Guillaume ROLAND
CPAM DE LA COTE D’OR
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.N.C. [6] DE [Localité 5]
CPAM DE LA COTE D’OR
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.N.C. [6] DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Guillaume ROLAND de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014 substituée par Me Hugo TANGUY, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
CPAM DE LA COTE D’OR
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée
Dispensée de comparaître par ordonnance du 07 octobre 2024
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Charlotte MASQUART, conseillère chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,
Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre,
Madame Charlotte MASQUART, conseillère,
Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,
Salarié de la société [6] de [Localité 5] (la société) en qualité d’aide conducteur de machine, M. [K] [S] (la victime) a souscrit, le 12 janvier 2018, une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une ‘tendinopathie chronique du supra épineux gauche’, que la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or (la caisse) a prise en charge, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, par décision du 24 mai 2018.
L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 15 mai 2019 et un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % lui a été attribué, par décision du 22 juillet 2019.
Après avoir saisi en vain la commission médicale de recours amiable, la société a contesté ce taux devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre, qui, par jugement du 29 mars 2022, a :
– déclaré recevable le recours de la société ;
– a débouté la société de l’ensemble de ses demandes ;
– confirmé le taux de 10 % ;
– condamné la société aux dépens.
La société a relevé appel du jugement. L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 mars 2023.
Par arrêt du 25 mai 2023, la cour a sursis à statuer sur la demande et a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée au docteur [R] [T], aux fins d’évaluer le taux d’incapacité permanente partielle de la victime.
L’expert a déposé son rapport le 15 novembre 2023 aux termes duquel il conclut à un taux d’incapacité permanente partielle de 8 %.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 23 octobre 2024.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société, qui comparaît représentée par son avocat, demande à la cour d’infirmer le jugement déféré.
La société s’appuie sur la note de son médecin consultant et le rapport d’expertise du docteur [T] pour considérer que le taux d’incapacité permanente partielle de la victime doit être ramené à 8%. Elle demande à la cour d’entériner le rapport du docteur [T].
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, concernant la caisse, dispensée de comparaître par ordonnance du 7 octobre 2024, à ses conclusions écrites reçues le même jour et régulièrement communiquées, lesquelles tendent à la confirmation du jugement déféré.
La caisse expose que le taux d’incapacité permanent partielle de 10 % attribué à la victime est conforme au barème et aux constatations médicales et qu’il indemnise ‘de manière juste et parfaite les séquelles de la maladie professionnelle’.
Sur l’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle
Aux termes de l’article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité
En l’espèce, il est constant que la caisse a pris en charge, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles, la tendinopathie aigüe de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, déclarée par la victime.
Le médecin conseil de la caisse retient, à la date de consolidation, un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % au titre d’une ‘limitation douloureuse moyenne des mouvements de l’épaule gauche, non dominante chez un assuré de 59 ans, l’abduction étant à 90 °’.
La commission médicale de recours amiable a confirmé le taux de 10 % considérant qu’il était conforme au barème.
Le barème indicatif d’invalidité des accidents du travail pour l’atteinte des fonctions articulaires (chapitre 1.1.2) prévoit un taux de 15 % en cas de limitation moyenne de tous les mouvements de l’épaule non dominante, et de 8 à10 % en cas de limitation légère de tous les mouvements.
Le médecin consultant de la société, le docteur [F], évalue le taux d’incapacité permanente partielle de la victime à 8 %, considérant qu’il existe une limitation légère de certains mouvements de l’épaule non dominante. Il relève que l’affection déclarée par la victime ‘n’est pas susceptible de laisser une restriction articulaire’, et s’interroge donc sur l’existence d’une limitation en mobilité passive. Il note une contradiction entre une abduction active notée à 90 ° par le médecin conseil et la réalisation d’un mouvement main-nuque alors que ce mouvement nécessite une abduction active comprise entre 120 ° et 140°. Il relève l’absence de réalisation d’un test tendineux par le médecin conseil.
Le docteur [T], médecin désigné par la cour, considère que seule la tendinopathie relève de la maladie professionnelle, mais il note que la victime souffre également d’une arthrose, qui ne relève pas de la maladie professionnelle objet du présent litige, mais qui est de nature à limiter le mouvement d’abduction et qu’en conséquence, la limitation de l’abduction n’est pas due uniquement à la maladie professionnelle. Il considère que le mouvement main-nuque nécessite une abduction supérieure à 90 °, ce qui ne correspond pas aux mesures prises par le médecin conseil. Il relève l’absence d’appréciation ‘de la vigueur des mouvements contrariés’ ce qui ‘prive d’un élément d’estimation de l’état du tendon’. Il note également l’absence de test du mouvement de rotation interne et considère que contrairement à ce qu’a noté le médecin conseil, il n’y a pas d’amyotrophie du biceps mais une ‘hypotrophie de 1 cm’ qui correspond ‘à une différence normale entre côté dominant et côté non dominant’.
Il en conclut que le taux d’incapacité permanente partielle de la victime doit être fixé à 8 % pour des séquelles consistant en une limitation légère de certains mouvements de l’épaule.
Le médecin conseil de la caisse, en réponse au rapport d’expertise du docteur [T], indique que ‘le mouvement main nuque peut être réalisé avec une abduction quasiment nulle si les coudes restent collés au corps ce qui n’est pas en contradiction avec une abduction à 90 °’. Il relève que le ‘mouvement main-vertex n’est pas réalisé à gauche’ et que l’habillage et le déshabillage sont difficiles. Il considère que ‘l’importance de la limitation de l’abduction et la présence de douleurs résiduelles’ justifie un taux de 10 %.
Les conclusions du médecin expert désigné par la cour sont suffisamment précises et étayées pour remettre en cause l’analyse du médecin conseil de la caisse.
Le rapport du docteur [T] sera dès lors entériné.
Au vu de ces éléments, des séquelles subies par la victime, consistant en une limitation légère de certains mouvements de l’épaule non dominante, de l’examen incomplet du médecin conseil de la caisse, et du barème d’invalidité, le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé à 8 % à la date de consolidation du 15 mai 2019, dans les rapports entre la caisse et la société.
Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.
La caisse, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré le recours de la société [6] de [Localité 5] recevable ;
Statuant à nouveau,
Dit que les séquelles de la maladie professionnelle ‘tendinopathie aigüe de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche’, déclarée par M. [K] [S] le 12 janvier 2018, justifient, dans les rapports de la société [6] de [Localité 5] avec la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or, l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 8 %, à la date de consolidation du 15 mai 2019 ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or aux dépens de première instance et d’appel ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.
La greffière La conseillère
Laisser un commentaire