L’Essentiel : Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] contestent la conformité des travaux réalisés par la SCI MRFB, dirigée par Monsieur [T] [P], sur un terrain voisin. En mai 2024, ils assignent en référé pour demander la désignation d’un expert, arguant de non-respect du permis de construire et des servitudes de vue. Lors de l’audience du 9 octobre 2024, le juge rappelle que la décision doit se fonder sur la régularité des demandes. Finalement, une expertise contradictoire est ordonnée, tandis que Monsieur [P] est mis hors de cause et les époux [K] condamnés à verser une provision pour les frais d’expertise.
|
Propriétés et ConstructionsMonsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K] possèdent une maison dans un lotissement à [Localité 12]. Le lot adjacent, numéro 12, a été acquis par la SCI MRFB, dirigée par Monsieur [T] [P], qui a construit une maison sur ce terrain après avoir obtenu un permis de construire en août 2021. La déclaration d’achèvement des travaux a été faite en mars 2024. Conflit et AssignationLes époux [K] ont contesté la conformité des travaux réalisés par la SCI MRFB, arguant qu’ils ne respectaient pas le permis de construire ni les servitudes de vue. En mai 2024, ils ont assigné en référé Monsieur [T] [P] et la SCI MRFB pour demander la désignation d’un expert. En réponse, Monsieur [P] et la SCI MRFB ont également assigné la SAS ATELIER SAN GREGORIO et la compagnie MAF, demandant que l’expertise soit commune. Audiences et ConclusionsLors de l’audience du 9 octobre 2024, les instances ont été jointes. Les époux [K] ont demandé la désignation d’un expert pour examiner les non-conformités et les troubles causés par la construction. De leur côté, Monsieur [P] et la SCI MRFB ont demandé l’écartement de certaines pièces et la mise hors de cause de Monsieur [P], tout en contestant les demandes des époux [K]. Questions de ProcédureLe juge a rappelé que la décision en référé doit être fondée sur la régularité et la recevabilité des demandes. Les demandes de la SAS ATELIER SAN GREGORIO concernant la nature de ses conclusions ont été jugées hors du champ d’application du référé. Les pièces contestées des époux [K] ont été écartées des débats pour atteinte à la vie privée. Mesure d’InstructionLes époux [K] ont justifié leur demande d’expertise par des troubles liés à la construction de la SCI MRFB. Le juge a reconnu un motif légitime pour ordonner une expertise, bien que les demandes de vérification des servitudes de vue et des non-conformités au règlement du lotissement aient été partiellement acceptées. L’expertise a été limitée aux éléments pertinents. Décision du JugeLe juge a ordonné une expertise contradictoire, désignant un expert pour examiner les constructions et les éventuels troubles causés. Monsieur [P] a été mis hors de cause, et les époux [K] ont été condamnés à verser une provision pour les frais d’expertise. Les dépens ont été laissés à leur charge, et aucune indemnité pour frais irrépétibles n’a été accordée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de mise en œuvre de l’article 145 du code de procédure civile ?L’article 145 du code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Cet article permet donc d’ordonner des mesures d’instruction avant même qu’un procès ne soit engagé, à condition qu’il existe un motif légitime. Il appartient au juge de caractériser ce motif légitime sans avoir à examiner la recevabilité d’une éventuelle action au fond. Il suffit de prouver qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement déterminés, et que la mesure d’instruction sollicitée ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux d’autrui. En l’espèce, les époux [K] ont justifié d’un motif légitime en invoquant des non-conformités aux règles d’urbanisme et des troubles du voisinage, ce qui a conduit à l’ordonnance d’une expertise. Comment l’article 9 du code civil s’applique-t-il dans ce contexte ?L’article 9 du code civil dispose que : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. » Dans le cadre de cette affaire, Monsieur [P] et la SCI MRFB ont invoqué cet article pour demander l’écartement de certaines pièces produites par les époux [K], arguant qu’elles portaient atteinte à leur vie privée. Les juges ont considéré que les photographies en question, prises sur le fonds adverse, ne justifiaient pas d’une nécessité probatoire suffisante pour contrebalancer l’atteinte à la vie privée. Ainsi, les pièces ont été écartées des débats, car les requérants n’ont pas démontré que leur production était indispensable à la preuve de leur demande. Quelles sont les implications de l’article 678 du code civil concernant les servitudes de vue ?L’article 678 du code civil stipule que : « Les servitudes de vue sont celles qui permettent à un propriétaire de voir le fonds voisin. Elles peuvent être établies par la loi ou par un acte. » Dans le cadre de cette affaire, les époux [K] ont soulevé des violations potentielles des servitudes de vue en raison de la construction de la SCI MRFB. Les juges ont noté que des brises-vues avaient été constatés, remettant en cause l’existence de vues droites ou obliques. Cependant, ils ont également souligné qu’aucun motif légitime n’avait été établi pour justifier une atteinte à ces servitudes, ce qui a conduit à une évaluation limitée de la mission de l’expert. Ainsi, la question des servitudes de vue a été prise en compte, mais sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise exhaustive sur ce point. Comment se justifie la mise hors de cause de Monsieur [T] [P] ?La mise hors de cause de Monsieur [T] [P] repose sur le fait qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir sa responsabilité personnelle dans les faits reprochés. Les juges ont constaté qu’il n’était pas propriétaire et qu’aucun moyen de fait ou de droit ne prouvait l’existence d’une faute détachable de sa fonction de gérant de la société MRFB. En conséquence, la décision de le mettre hors de cause a été justifiée par l’absence de lien direct entre ses actions et les troubles allégués par les époux [K]. Cette mise hors de cause est conforme aux principes de droit qui stipulent que la responsabilité personnelle d’un gérant ne peut être engagée que si des fautes distinctes de sa fonction sont prouvées. Quelles sont les conséquences des demandes accessoires sur les dépens ?Les dépens de l’instance de référé sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui précise que : « Les dépens de l’instance de référé ne peuvent être réservés ou mis à la charge de la partie qui succombe au fond dans la mesure où l’éventuelle instance au fond n’est pas certaine. » Dans cette affaire, les juges ont décidé de laisser les dépens à la charge de la partie qui a intérêt à la mesure d’expertise, c’est-à-dire les époux [K]. Ils ont également noté que l’équité ne commandait pas de condamner l’une des parties à payer les frais irrépétibles de l’autre, ce qui a conduit à un rejet des demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile. Ainsi, les dépens ont été laissés à la charge des époux [K], reflétant la nature incertaine de l’issue de l’instance au fond. |
D E D R A G U I G N A N
____________
O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/04323 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KIBY
MINUTE n° : 2025/ 58
DATE : 22 Janvier 2025
PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEURS
Monsieur [X] [K], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Charles-henri PETIT, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
Madame [H] [F] épouse [K], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Charles-henri PETIT, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
DEFENDEURS
Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHIRECTES FRANCAIS, dont le siège social est sis [Adresse 4]
non comparante
SAS ATELIER SAN GREGORIO, dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Gérard MINO, avocat au barreau de TOULON
S.C.I. MRFB, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [T] [P], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 11 Décembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Jean philippe FOURMEAUX
Me Gérard MINO
Me Charles-henri PETIT
2 copies service des expertises
1 copie dossier le Envoi com-ci
Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K] sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation constituant le lot numéro 11 du lotissement [Adresse 10] construit sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 12].
Le lot voisin, numéro 12 du lotissement, a été acquis le 5 octobre 2021 par la SCI MRFB, ayant pour gérant Monsieur [T] [P].
Sur ce lot, il a été procédé par la SCI MRFB à la construction d’une maison à usage d’habitation suivant contrat de maîtrise d’œuvre signé le 24 mars 2021 et confié à la SAS ATELIER SAN GREGORIO, assurée auprès de la compagnie MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), et selon permis de construire délivré par arrêté municipal du 17 août 2021.
La déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux a été déposée par la SCI MRFB 1er mars 2024.
Exposant que les travaux ne sont pas conformes au permis de construire ni aux servitudes légales de vue applicables et par exploits du 31 mai 2024, les époux [K] ont fait assigner en référé Monsieur [T] [P] et la SCI MRFB (instance enrôlée RG 24/04323) aux fins de solliciter principalement, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’un expert.
Par exploits de commissaire de justice des 21 et 22 août 2024, Monsieur [P] et la SCI MRFB ont fait assigner devant la présente juridiction la SAS ATELIER SAN GREGORIO et la compagnie MAF (instance enrôlée RG 24/06470) en leur dénonçant l’assignation à l’instance principale RG 24/04323 et aux fins de solliciter, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, que les opérations d’expertise qui seraient ordonnées à la demande des époux [K] soient communes et opposables aux défenderesses appelées en cause.
A l’audience du 9 octobre 2024, il a été ordonné la jonction de l’instance RG 24/06470 à l’instance RG 24/04323 sous ce dernier numéro.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024 après jonction, reprenant leurs précédentes écritures et soutenues à l’audience du 11 décembre 2024, Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K] sollicitent du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :
Désigner un expert avec mission de :
1° se rendre sur place ;
2° se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
3° visiter les lieux ;
4° examiner les désordres, troubles soufferts, non-conformités au permis de construire, vues illégales (vue droite et oblique), exhaussements illégaux, inachèvements fautifs (défaut de crépissage ou embellissements) allégués ainsi que les dommages ;
5° rechercher s’ils proviennent d’une non-conformité aux documents du cahier du charges, du permis de construire ;
6° fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis ;
7° indiquer et évaluer les travaux nécessaires à la finition et à la mise en conformité par démolition ou autre et en chiffrer le coût ;
8° renseigner le tribunal sur les éléments constituant le préjudice qui pourra être allégué ;
9° répondre plus généralement à toute question des parties ;
10° leur soumettre son pré-rapport.
DEBOUTER Monsieur [P] et la société MRFB de toutes demandes, fins, conclusions comme irrecevables et infondées ;
DIRE ET JUGER que les dépens seront mis à la charge de la partie qui viendra à succomber au fond par suite.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024 après jonction, reprenant leurs précédentes écritures et soutenues à l’audience du 11 décembre 2024, Monsieur [T] [P] et la SCI MRFB sollicitent, au visa des articles 9 du code civil, 226-1 du code pénal et 145 du code de procédure civile, outre de joindre l’instance principale à celle d’appel en cause, de :
ECARTER des débats les pièces 12, 15, 16 et 17 communiquées par les époux [K], en application des dispositions de l’article 9 du code civil ;
METTRE HORS DE CAUSE Monsieur [T] [P] ;
DEBOUTER les époux [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, ceux-ci ne disposant d’aucun motif légitime tendant à l’instauration d’une mesure d’instruction ;
Subsidiairement, COMPLETER la mission de l’expert qui recevra la mission suivante :
– se rendre au sein de la propriété des époux [K] [Adresse 5],
– dire si les travaux réalisés par les époux [K] sont conformes au cahier des charges et au règlement du lotissement [Adresse 11],
– dans la négative, dire et évaluer les travaux propres à la mise en conformité de l’ouvrage aux dispositions du cahier des charges et du règlement du lotissement ;
DECLARER les opérations d’expertise qui seraient ordonnées à la demande des époux [X] [K] communes et opposables à la société ATELIER SAN GREGORIO, ainsi qu’à son assureur la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (M.A.F.) ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [X] [K] et Madame [H] [K] à leur payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens.
Suivant leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024 dans l’instance RG 24/06470, auxquelles elle se réfère à l’audience du 11 décembre 2024, la SAS ATELIER SAN GREGORIO sollicite, sans néanmoins aucune approbation préjudiciable des demandes de Monsieur [P] et la société MRFB et/ou de toute autre partie au procès et aux instances pendantes, mais au contraire sous les réserves les plus expresses de tous droits et actions, de toutes nullités, fins de non-recevoir, prescriptions, exceptions de forme et de fond, et toutes autres réserves de fait et de droit, de :
JUGER que les présentes conclusions constituent une demande en justice au sens des articles 4 et 64 du code de procédure civile et sont interruptibles de prescription au sens notamment des articles 2241 et 2224 du code civil ;
Lui DONNER ACTE de ce qu’elle formule toutes protestations et réserves concernant la demande formulée par Monsieur [P] et la société MRFB sans aucune reconnaissance de la recevabilité et du bien-fondé de la procédure et sous les plus expresses réserves de garantie.
La société d’assurance mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), citée à personne dans l’instance RG 24/06470, n’a pas constitué avocat ni présenté ses observations.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur les questions de procédure
Il est relevé que l’article 472 du code de procédure civile, applicable en référé lorsque le défendeur ne comparaît pas, impose au juge de statuer sur la demande et de n’y faire droit que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
De plus, par application de l’article 474 du même code, la présente décision, rendue en premier ressort, sera réputée contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.
S’agissant de la demande de juger que les conclusions de la SAS ATELIER SAN GREGORIO constitueraient une demande en justice au sens des articles 4 et 64 du code de procédure civile et qu’elles seraient interruptibles de prescription au sens notamment des articles 2241 et 2224 du code civil, une telle demande ne relève manifestement pas des pouvoirs du juge des référés. Il s’agit en effet d’une question de fond, rattachée à une action en justice au fond et il n’y a pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande tendant à écarter des débats certaines pièces, Monsieur [P] et la SCI MRFB s’appuient sur l’article 9 du code civil selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Ils font observer que l’article 226-1 du code pénal réprime le fait de capter, enregistrer ou transmettre sans son consentement l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Les époux [K] objectent que les pièces sont uniquement versées dans le cadre judiciaire face aux infractions pénales causées par Monsieur [P].
En l’espèce, les photographies prises par les époux [K] sur le fonds adverse portent atteinte à l’intimité de la vie privée des défendeurs.
De plus, un procès-verbal de constat de commissaire de justice est versé aux débats pour justifier de la demande principale de voir désigner un expert si bien que les images en litige ne sont pas les seuls potentiels éléments de preuve.
Aussi, les requérants ne justifient pas de la nécessité de produire de telles images à des fins probatoires.
Le motif de l’éventuelle commission d’infractions pénales par leurs voisins ne saurait davantage justifier l’atteinte à l’intimité de la vie privée.
Il sera écarté des débats les pièces 12, 15, 16 et 17 des époux [K].
Sur la mesure d’instruction sollicitée
Les requérants fondent leurs prétentions sur l’article 145 du code de procédure civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Ils font valoir que leur cadre de vie est totalement défiguré par la construction de Monsieur [P] et que ce dernier s’est rendu coupable de fautes détachables de sa fonction de gérant de la société MRFB, outre que son comportement personnel est également en cause.
Sur la demande reconventionnelle adverse, ils soutiennent qu’elle n’est pas recevable à défaut de lien suffisant avec leur demande principale.
En défense, Monsieur [T] [P] prétend à sa mise hors de cause alors qu’il n’est pas propriétaire et aucun moyen de fait et de droit n’est de nature à prouver l’existence d’une faute détachable de sa fonction de gérant. Monsieur [P] et la société MRFB relèvent en outre l’absence de motif légitime à instaurer une mesure d’expertise dans la mesure où l’action des requérants est manifestement vouée à l’échec. En effet, ils soutiennent qu’aucune violation du permis de construire n’a été constatée par l’autorité administrative, que le règlement du lotissement est caduc, qu’il n’existe aucun droit acquis à la vue mer et que la création de vues sur le fonds voisin n’est pas avérée, les vues invoquées étant obstruées et conformes aux règles d’urbanisme.
Subsidiairement, ils font valoir que les troubles du voisinage invoqués par les requérants peuvent provenir de le la construction qu’ils ont eux-mêmes réalisée s’il était démontré un non-respect du règlement du lotissement à l’époque non caduc. Aussi, il existe un lien suffisant entre la demande de désignation d’un expert et leur demande de complément de mission de ce chef.
Il est constant que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 précité.
Il appartient au juge saisi de l’application de ce texte de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction sans toutefois procéder préalablement à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond.
Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. De plus, le litige potentiel ne doit pas être manifestement voué à l’échec et il en va ainsi lorsque toute action au fond est manifestement irrecevable.
Les époux [K] versent aux débats, outre les pièces relatives à la construction adverse, le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 2 avril 2024 qui fait état sur le lot de la société MRFB :
d’une emprise de la maison et du bâti à proximité immédiate de la propriété voisine au Nord, la limite des deux fonds étant estimée à moins de 50 centimètres ;de la présence de brises-vues en aluminium, dont l’un est équipé d’une serrure et d’une poignée permettant l’accès à une terrasse supérieure, située à environ 50 centimètres de la limite de propriété et offrant une vue plongeante sur le fonds des requérants ;de l’existence d’une terrasse couverte en-dessous de la précédente, comportant un espace de vie aménagé avec tables et chaises ;du fait que le soubassement de la maison voisine, visible depuis l’espace piscine des requérants, laisse voir des tranches des terrasses à l’état brut de béton sans embellissement, outre le fait que le bassin de la piscine voisine a été bâti à environ 5 mètres de hauteur, avec un mur destiné à recueillir les eaux du débordement (bac tampon), et que le local technique a été bâti, flanqué à la façade sous le plancher de la terrasse de la piscine, non fermé par une porte, et avec un bruit de fonctionnement des appareils de filtration ou de traitement de l’eau perceptible depuis le fonds des requérants ;en partie basse du terrain, de l’exhaussement par des déblais ou remblais de terre, avec des pierres, gravats et déchets visibles, créant une butte excédant le niveau naturel du terrain.
Il est relevé que, si les requérants n’ont pas à préciser explicitement le fondement juridique du litige potentiel exigé par l’article 145 précité, ils doivent démontrer l’utilité de la mesure d’instruction sollicitée.
A ce titre, les requérants évoquent de multiples irrespects des règles d’urbanisme ou du règlement du lotissement, des servitudes de vue et l’existence de troubles du voisinage.
En premier lieu, si les requérants peuvent prétendre à l’existence d’un préjudice à raison des non-conformités aux règles d’urbanisme, il est justement rappelé par leurs adversaires qu’il incombe à la seule autorité administrative de vérifier la conformité de la construction au regard du permis de construire.
Les pièces fournies par les défendeurs attestent qu’un agent municipal a relevé deux non-conformités de la construction tenant à l’absence de communication d’un formulaire et à la présence d’un garde-corps non prévu au plan, éléments sans lien avec les problèmes d’altimétrie ou d’implantation soulevés par les époux [K].
S’agissant d’un potentiel non-respect du règlement du lotissement présent dans le cahier des charges des HAUTS DES RIVES D’OR et pouvant tenir lieu de règles d’urbanisme applicables, il n’est pas démontré qu’à l’évidence ces règles seraient caduques alors que l’article L.442-9 du code de l’urbanisme conditionne une telle caducité à l’existence d’un plan local d’urbanisme, ou d’un document en tenant lieu, régissant le lotissement. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque les défendeurs admettent s’être conformés au seul règlement national d’urbanisme en l’absence de plan local d’urbanisme de la commune.
Les requérants justifient dès lors d’un motif légitime de vérifier la conformité de la construction en litige au seul règlement du lotissement, celui-ci limitant notamment les hauteurs des constructions selon les précisions apportées par les défendeurs (le règlement du lotissement n’est pas versé aux débats, seul le cahier des charges est communiqué).
En deuxième lieu, les requérants se plaignent d’un non-respect des servitudes de vue, fixées à l’article 678 du code civil.
Des brises-vues ont été constatées au niveau des terrasses supérieure comme couverte, de nature à remettre en cause l’existence de vues droites ou obliques.
Aucun motif légitime de ce chef n’est ainsi caractérisé.
En troisième lieu, il est relevé que les autorisations d’urbanisme sont délivrées sous réserve des droits des tiers.
Aussi, même si les règles relatives aux distances ont été respectées, les requérants sont fondés à prétendre à l’existence de troubles anormaux, notamment liés à la proximité de la construction adverse, dont ils démontrent le caractère vraisemblable par le procès-verbal de constat.
Ils justifient ainsi d’un motif légitime de ce chef, mais la mission de l’expert sera précisée afin de vérifier l’existence des seuls troubles d’une intensité significative, de nature sonore ou visuelle, et non de l’ensemble des « troubles soufferts » comme sollicité.
Il sera fait droit à la demande d’expertise avec une mission limitée aux seuls éléments pertinents selon les distinctions opérées ci-avant.
Par ailleurs, il est manifeste que ces actions ne concernent que la propriété adverse, ses conditions de construction et les éventuels troubles résultant de la proximité de ladite construction.
Ces éléments sont susceptibles de mettre en cause le seul propriétaire, à savoir la société MRFB, et non les occupants à titre personnel.
De la même manière, il n’appartient pas à la présente juridiction de qualifier une « faute » personnelle du gérant de la société et aucun élément ne peut être sérieusement retenu à ce stade pour justifier une mise en cause personnelle de Monsieur [P] alors que les prétendus manquements multiples aux règles de droit restent à vérifier dans le cadre contradictoire.
Il sera enfin relevé que la commission d’infractions pénales évoquée par les époux [K] n’est manifestement pas dans l’office de l’expert désigné, chargé d’établir les faits en lien avec un litige potentiel, et non avec un litige terminé.
Monsieur [P] sera mis hors de cause et l’expertise sera ordonnée au contradictoire des trois autres défenderesses.
Il sera donné acte à la SAS ATELIER SAN GREGORIO de ses protestations et réserves, lesquelles n’impliquent nullement une reconnaissance de responsabilité.
Sur la mission de l’expert, outre les limites déjà évoquées, il n’appartient pas à l’expert de renseigner l’ensemble des préjudices des requérants mais seulement de donner son avis sur les préjudices personnels invoqués par ces derniers. De même, l’expert n’a pas à répondre à « toute question » des parties, mais doit répondre aux dires des parties conformément à la loi.
Sur le complément sollicité par la SCI MRFB, la conformité de la construction des requérants au règlement du lotissement, en particulier son article 10 sur la hauteur des constructions, est indéniablement en lien avec la demande principale. En effet, les époux [K] prétendent être troublés par la construction adverse qui défigure leur cadre de vie. Dès lors, le respect par chacune des parties du règlement du lotissement est un élément essentiel pour apprécier les préjudices ainsi invoqués.
En outre, la délivrance d’un certificat de conformité, de nature administrative, est sans lien avec le respect du règlement du lotissement.
Il sera fait partiellement droit à la demande de complément de la mission de l’expert par la SCI MRFB dans la mesure où seuls les problèmes de hauteur de construction et d’affouillements du sol sont évoqués et feront ainsi l’objet de la mesure d’expertise.
Le surplus des demandes relatives à la mesure d’expertise sera rejeté.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de l’instance de référé ne peuvent être réservés ou mis à la charge de la partie qui succombe au fond dans la mesure où l’éventuelle instance au fond n’est pas certaine. Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, ils seront laissés à la partie qui a intérêt à la mesure d’expertise et à l’origine de l’introduction de l’instance, à savoir les époux [K].
Par ailleurs, l’équité ne commande pas de condamner l’une des parties à payer à une autre ses frais irrépétibles de sorte qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et que les époux [K], Monsieur [P] et la SCI MRFC seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire, exécutoire de droit et en premier ressort :
DISONS n’y avoir lieu à référé sur la demande de la SAS ATELIER SAN GREGORIO tendant à juger que ses conclusions constituent une demande en justice,
ECARTONS des débats les pièces 12, 15, 16 et 17 de Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K],
ORDONNONS la mise hors de cause de Monsieur [T] [P],
ORDONNONS une expertise au contradictoire des autres parties et désignons pour y procéder:
Monsieur [N] [V]
[Adresse 8]
Tél : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02]
Mèl : [Courriel 9]
lequel aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait communiquer tous documents utiles, avoir entendu les parties ainsi que tout sachant :
– se rendre sur les propriétés des époux [K] et de la SCI MRFB (lots 11 et 12 du lotissement [Adresse 11] à Roquebrune-sur-Argens) et visiter les lieux ;
– examiner les lieux au regard des doléances exprimées par la partie demanderesse dans son acte introductif d’instance et du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 2 avril 2024 ;
– dire si les travaux réalisés par la SCI MRFB et visés par le procès-verbal de constat sont conformes au cahier des charges et au règlement du lotissement ; dans la négative, préciser la nature des non-conformités ;
– dire si la construction entreprise par la SCI MRFB est susceptible de causer à la partie demanderesse des nuisances, notamment sonores et visuelles, d’une intensité significative ;
– dire si les travaux réalisés par les époux [K] sont conformes au cahier des charges et au règlement du lotissement en ce qui concerne la hauteur de la construction et les affouillements du sol ; dans la négative, préciser la nature des non-conformités et leurs conséquences éventuelles quant aux préjudices invoqués par les époux [K] sur leur cadre de vie ;
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion des responsabilités ;
– déterminer, notamment grâce à des devis fournis par les parties, la nature, la durée et le coût des travaux propres à la mise en conformité de l’ensemble des ouvrages qui seraient non conformes aux dispositions du cahier des charges et du règlement du lotissement, en envisageant le cas échéant des démolitions totales ou partielles ; déterminer par le même moyen les travaux propres à remédier à l’ensemble des désordres constatés ; dans l’hypothèse où les parties ne fournissent pas les devis attendus, procéder à une estimation des travaux préconisés ; en cas d’urgence, proposer les travaux indispensables aux frais avancés de la partie demanderesse ou de toute partie concernée ; donner son avis sur l’ensemble des préjudices invoqués notamment par la partie demanderesse ;
– faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité,
DISONS que l’expert fera connaître sans délai s’il accepte la mission,
DISONS que l’expert sera autorisé à recourir aux services d’un sapiteur de son choix dans une spécialité qui n’est pas la sienne,
DISONS qu’à la fin de ses opérations, l’expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
DISONS qu’il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
DISONS que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
DISONS toutefois que, dans l’hypothèse où l’expert aurait recueilli l’adhésion formelle des parties à l’utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
DISONS que Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K] verseront au régisseur d’avances et de recettes du tribunal une provision de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) à valoir sur la rémunération de l’expert, dans le délai de DEUX MOIS à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par l’Etat,
DISONS qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
DISONS que, lors de la première réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
DISONS qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,
DISONS que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de DIX MOIS suivant la date de la présente ordonnance,
DISONS qu’en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d’office ou à la demande de la partie la plus diligente,
DISONS que l’expert devra aviser le tribunal d’une éventuelle conciliation des parties,
DISONS que le contrôle des opérations d’expertise sera assuré par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
DONNONS acte à la SAS ATELIER SAN GREGORIO de ses protestations et réserves,
LAISSONS les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [X] [K] et Madame [H] [F] épouse [K],
DISONS n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Laisser un commentaire