Contexte de l’affaireLe tribunal de proximité d’Antony a, par ordonnance du 4 avril 2024, constaté l’acquisition de la clause de résolution d’un bail entre M. et Mme [L] et M. [Y] et Mme [S], entraînant l’expulsion de M. [Y] et de tous occupants. Cette décision a été signifiée le 23 avril 2024. Commandement de quitter les lieuxM. et Mme [L] ont délivré à M. [Y] un commandement de quitter les lieux par actes d’huissier en date des 23 avril et 16 mai 2024. En réponse, M. [Y] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 19 juin 2024, demandant des délais de paiement et de départ. Arguments de M. [Y]M. [Y] a justifié sa demande en évoquant des problèmes d’addictologie aux jeux d’argent et une amélioration de sa situation financière prévue pour septembre 2024. Il a également mentionné son statut de commercial et son suivi par une assistante sociale, tout en indiquant qu’il n’avait pas encore trouvé de nouveau logement. Réponse de M. et Mme [L]M. et Mme [L] ont contesté la demande de M. [Y], arguant de son irrecevabilité en l’absence d’éléments nouveaux et de l’aggravation de sa dette locative. Ils ont demandé le rejet de sa demande et, si des délais étaient accordés, que ceux-ci soient conditionnés à la reprise du paiement de l’indemnité d’occupation. Décision sur les délais de paiementLe juge a déclaré la demande de délais de paiement de M. [Y] irrecevable, car elle n’avait pas été formée par assignation, comme l’exige la loi. Recevabilité de la demande de délais avant expulsionConcernant la demande de délais avant expulsion, le juge a jugé celle-ci recevable, notant que l’ordonnance précédente n’avait pas statué sur cette question. Examen de la demande de délais avant expulsionLe juge a constaté que la dette locative de M. [Y] avait continué d’augmenter, atteignant 15 886,68 euros, sans qu’aucun paiement n’ait été effectué. De plus, M. [Y] n’avait pas entrepris de démarches pour se reloger, ce qui a conduit à rejeter sa demande de délais d’expulsion. Conséquences et condamnationsM. [Y] a été condamné aux dépens et à verser 500 euros à M. et Mme [L] au titre des frais de justice. Le jugement a été rendu en premier ressort par le juge de l’exécution. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG n°
24/05177
AFFAIRE : [D] [Y] / [G] [L], [Z] [L]
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Cécile CROCHET
GREFFIER : Marie-Christine YATIM
DEMANDEUR
Monsieur [D] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant
DEFENDEURS
Monsieur [G] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Laurence DENOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1666
Madame [Z] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurence DENOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1666
Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 01 Octobre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 05 Novembre 2024, par mise à disposition au Greffe.
Par ordonnance contradictoire du 4 avril 2024, signifiée le 23 avril 2024, le tribunal de proximité d’Antony a constaté à la date du 28 septembre 2023 l’acquisition de la clause résolution figurant au bail conclu le 8 avril 2022 entre M. et Mme [L] et M. [Y] et Mme [S] portant sur le bien situé au [Adresse 2] et ordonné leur expulsion et tous occupants de leur chef.
Par actes d’huissier en date des 23 avril 2024 et 16 mai 2024, M. et Mme [L] ont fait délivrer à M.[Y] un commandement de quitter les lieux.
Par requête reçue au greffe le 19 juin 2024, M. [Y] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre;
M. [Y] sollicite des délais de paiement de douze mois afin de s’acquitter de sa dette locative ainsi qu’un délai de six mois pour quitter les lieux.
A l’appui de la recevabilité de sa demande, M. [Y] fait valoir qu’il est suivi pour ses problématiques d’addictologie aux jeux d’argent à l’Hôpital [4] depuis le mois d’avril 2024. Il ajoute que les saisies sur salaires opérées par les services fiscaux cessant au mois de septembre 2024, il a recouvert sa pleine capacité financière de sorte qu’il a repris le paiement de l’indemnité d’occupation le même mois.
Il expose qu’il vit désormais seul, confirmant le départ de son ex-épouse et exerce la profession de commercial au sein de la société Paristore depuis le 1er janvier 2024, percevant à ce titre un salaire mensuel net de 2 800 euros. Il indique être suivi par l’assistante sociale de la commune d’[Localité 3] et n’avoir effectué à ce jour aucune démarche pour trouver un nouveau logement, ne pouvant bénéficier ni d’un logement social au regard de ses revenus ni d’une location dans le secteur privé au regard de sa dette locative à apurer et de son incapacité financière à régler les frais et la caution.
En défense, M. et Mme [L] soulèvent l’irrecevabilité de la demande de délais formée par M. [Y] en l’absence d’éléments nouveaux. Sollicitant le rejet de sa demande, ils soulignent l’aggravation de la dette locative et l’absence de diligences effectuées par le requérant afin de se reloger. Subsidiairement, en cas d’octroi de délais d’expulsion, ils demandent de les voir conditionner à la reprise du paiement de l’indemnité d’occupation.
Sur la demande de délais de paiement
En application des dispositions de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a compétence, après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie, pour accorder un délai de grâce.
En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut notamment, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En application des dispositions de l’article R.121-11 du code des procédures civiles d’exécution, sauf dispositions contraires, la demande est formée devant le juge de l’exécution par assignation à la première audience utile du juge de l’exécution.
Si la demande relative à l’exécution d’une décision de justice ordonnant l’expulsion peut être formée au greffe du juge de l’exécution par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction, l’article R.442-2 du même code dispose que ce mode de saisine est dérogatoire à celui prévu par l’article R.121-11 précité.
Ainsi, aucune disposition particulière ne prévoit la possibilité de saisir le juge de l’exécution d’une demande de délais de grâce, autrement que par voie d’assignation, qui demeure le mode de saisine du juge, imposé par les textes en la matière.
En l’espèce, la demande de délais de paiement formée par M. [Y] ne l’ayant pas été par assignation, elle est irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de délais à l’expulsion
En application des articles 122 et 125 du code de procédure civile, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir que le juge peut soulever d’office. L’article 1355 du code civil exige une identité de cause, de demande et de parties pour que l’autorité de chose jugée soit reconnue, sauf en cas d’élément nouveau.
L’article L.412-3 du code de procédures civiles donne compétence au juge qui ordonne l’expulsion pour octroyer des délais d’expulsion, mais cette demande doit être portée devant le juge de l’exécution dès lors que le commandement de quitter les lieux a été signifié en application de l’article R.412-3 du même code.
Lorsqu’un précédent jugement a statué sur une demande de délais à l’expulsion, un élément nouveau est nécessaire pour qu’elle soit recevable.
En l’espèce, M. et Mme [L] soulèvent l’irrecevabilité de la demande de délais formée par M. [Y] en l’absence d’éléments nouveaux.
Néanmoins, il y a lieu de relever que l’ordonnance de référé du 4 avril 2024 n’a statué sur aucune demande de délais à l’expulsion, en l’absence de prétentions formées en ce sens par les défendeurs à l’instance.
Par conséquent, la demande de M. [Y] sera jugée recevable.
Sur la demande de délais avant expulsion
En application de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 applicable en l’espèce, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et à condition que lesdits occupants ne soient pas entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Aux termes de l’article L.412-4 du même code, dans la même version que précédemment, applicable depuis le 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que la dette locative de M. [Y] , arrêtée au mois de février 2024 et fixée par ordonnance du 4 avril 2024 à 8 296,50 euros a continué de s’aggraver.
Le décompte arrêté au 12 août 2024 produit par M. et Mme [L] montre en effet que la dette s’élève désormais à la somme de 15 886,68 euros sans qu’aucun règlement ne soit intervenu entre le 5 janvier 2024 et le 12 août 2024.
Il n’est par ailleurs produit aucune pièce concernant la cessation des saisies sur salaires et la reprise du paiement de l’indemnité d’occupation au mois de septembre 2024 alléguées par le requérant.
Nonobstant les difficultés personnelles et éventuellement financières de M. [Y] liées à ses problématiques d’addiction aux jeux d’argent, il apparaît qu’aucun réglement n’ait toutefois été effectué afin d’apurer sa dette, ne serait-ce que pour partie.
Celui-ci ne justifie au surplus d’aucune démarche afin de se reloger.
Enfin, M. et Mme [L], qui supportent la charge financière de leur bien occupé par M. [Y], ne peuvent être privés de la libre disposition de leur bien et du revenu qu’il devrait générer.
En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande de M. [Y] tendant à obtenir des délais d’expulsion.
Sur les demandes accessoires
Succombant à l’instance, M. [Y] sera condamné aux dépens.
L’équité commande également de le condamner à verser à M. et Mme [L] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DÉCLARE M. [Y] irrecevable en sa demande de délais de paiement,
DÉCLARE M. [Y] recevable en sa demande de délais avant d’être expulsé,
DÉBOUTE M. [Y] de sa demande de délais pour quitter les lieux,
CONDAMNE M. [Y] à payer àM. et Mme [L] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [Y] aux dépens.
Le Greffier Le Juge de l’Exécution
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