Évaluation des besoins en aide humaine pour une personne en situation de handicap

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Évaluation des besoins en aide humaine pour une personne en situation de handicap

L’Essentiel : Mme [H] [I], bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés, a demandé le renouvellement de sa prestation de compensation du handicap (PCH) à la MDPH du Nord. La CDAPH a accordé une aide humaine de 2 heures par jour. Insatisfaite, Mme [I] a contesté cette décision et a obtenu, en première instance, 2 heures 30 d’aide. En appel, elle a sollicité une augmentation à 6 heures, invoquant une aggravation de son état de santé. La cour a confirmé le jugement initial, estimant que l’allocation de 2 heures 30 répondait à ses besoins, tout en accordant l’aide juridictionnelle provisoire.

Demande de renouvellement de la PCH

Mme [H] [I], bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés avec un taux d’incapacité supérieur à 80%, a demandé le renouvellement de sa prestation de compensation du handicap (PCH) à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Nord. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a accordé une aide humaine de 2 heures par jour pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023.

Contestation et jugement initial

Insatisfaite de la réduction de son aide, qui était auparavant de 6 heures, Mme [I] a saisi le tribunal après le rejet de son recours administratif. Le tribunal judiciaire de Lille a jugé sa demande recevable et a accordé une aide humaine de 2 heures 30 par jour, réparties entre les actes essentiels de la vie quotidienne et la participation à la vie sociale, tout en condamnant la MDPH aux dépens.

Appel et expertise médicale

Le 11 avril 2023, Mme [I] a interjeté appel du jugement. Une ordonnance a été émise pour une mesure de consultation sur pièces, et un rapport médical a été établi par le docteur [V] en septembre 2023. Les parties ont été convoquées à l’audience du 14 novembre 2024.

Demandes de Mme [I] en appel

Dans ses conclusions, Mme [I] a demandé l’aide juridictionnelle provisoire, la recevabilité de son appel, l’annulation de la décision de la CDAPH, et l’augmentation de son aide à 6 heures par jour. Elle a également sollicité une expertise en milieu écologique pour évaluer ses besoins réels, en raison de son état de santé qui s’est aggravé.

État de santé et besoins d’aide

Mme [I] a exposé souffrir d’anosognosie, rendant difficile l’évaluation de ses besoins par un simple examen clinique. Elle a souligné la nécessité d’une surveillance régulière et d’un accompagnement accru, en raison de son incapacité à gérer ses affaires et de son isolement social.

Arguments de la MDPH et évaluation des besoins

La MDPH n’était pas présente à l’audience. Les médecins consultants ont justifié le maintien de l’aide humaine à 2 heures 30, considérant que les besoins de Mme [I] étaient satisfaits par cette allocation. Ils ont noté l’absence de suivi psychiatrique et d’autres éléments probants pour justifier une augmentation des heures d’aide.

Décision de la cour

La cour a accordé l’aide juridictionnelle à titre provisoire à Mme [I] et a confirmé le jugement initial, considérant que l’allocation de 2 heures 30 d’aide humaine correspondait à ses besoins. Les frais de consultation médicale ont été attribués à la Caisse nationale d’assurance maladie, et chaque partie a conservé la charge de ses dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’attribution de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) selon le Code de l’Action Sociale et des Familles ?

La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est régie par plusieurs articles du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF).

Selon l’article L. 245-3 du CASF, la PCH peut être affectée à des charges liées à des besoins d’aides humaines, y compris celles apportées par des aidants familiaux, ainsi qu’à des besoins d’aides techniques.

Cet article précise que :

1. La PCH est accordée aux personnes qui présentent une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités, telles que définies dans le référentiel figurant à l’annexe 2-5 du CASF.

2. L’article D. 245-4 du même code stipule que la PCH est ouverte aux personnes qui nécessitent l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou qui requièrent une surveillance régulière.

Ainsi, pour bénéficier de la PCH, il faut démontrer une incapacité significative dans la réalisation des actes de la vie quotidienne, ce qui est évalué par des équipes pluridisciplinaires.

Comment la juridiction judiciaire évalue-t-elle les besoins en aide humaine dans le cadre de la PCH ?

L’évaluation des besoins en aide humaine pour la PCH repose sur des critères précis établis par le CASF.

L’article L. 245-4 du CASF précise que l’élément de la prestation relevant de l’aide humaine est accordé lorsque l’état de la personne handicapée nécessite l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou requiert une surveillance régulière.

La surveillance régulière est définie comme :

– Veiller sur une personne handicapée pour éviter qu’elle ne s’expose à un danger menaçant son intégrité ou sa sécurité.
– Cela concerne les personnes ayant une altération substantielle, durable ou définitive de leurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques.

L’appréciation des besoins se fait en tenant compte des documents médicaux contemporains à la décision contestée, ainsi que des évaluations réalisées par des professionnels de santé.

Quels sont les recours possibles en cas de désaccord sur le montant de la PCH attribuée ?

En cas de désaccord sur le montant de la PCH, plusieurs recours sont possibles.

Tout d’abord, l’article R. 142-18 du Code de la Sécurité Sociale impose un recours non contentieux préalable avant de saisir le tribunal.

Si ce recours est rejeté, la personne peut alors saisir le tribunal judiciaire.

Il est important de noter que la juridiction judiciaire n’a pas compétence pour annuler ou infirmer la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH), mais elle peut statuer sur le fond et évaluer si le montant attribué est justifié au regard des besoins de la personne.

En cas de besoin d’une expertise, la personne peut également demander une évaluation complémentaire pour justifier ses besoins réels, comme cela a été fait dans le cas de Mme [I].

Quels sont les éléments à prendre en compte pour évaluer la nécessité d’une aide humaine ?

L’évaluation de la nécessité d’une aide humaine repose sur plusieurs éléments, comme le stipule l’annexe 2-5 du CASF.

Les besoins d’aide humaine peuvent être reconnus dans trois domaines principaux :

1. **Les actes essentiels de l’existence** : Cela inclut l’entretien personnel (toilette, habillage, alimentation), les déplacements intérieurs et extérieurs, et la participation à la vie sociale.

2. **La surveillance régulière** : Ce besoin doit être durable ou survenir fréquemment, et concerne les personnes qui s’exposent à un danger en raison d’une altération de leurs fonctions mentales ou cognitives.

3. **Les frais supplémentaires liés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective**.

L’évaluation doit également prendre en compte les accompagnements déjà en place et les dispositifs d’aide existants, comme les services médico-sociaux, qui peuvent influencer le besoin d’aide humaine.

Quelles sont les conséquences d’une anosognosie sur l’évaluation des besoins en aide humaine ?

L’anosognosie, qui est un trouble neurologique rendant une personne incapable de reconnaître son handicap, a des conséquences significatives sur l’évaluation des besoins en aide humaine.

Dans le cas de Mme [I], son anosognosie complique l’examen de ses besoins, car elle n’a pas conscience de ses troubles neurologiques et émotionnels.

Cela peut entraîner une sous-estimation de ses besoins réels en aide humaine, car elle peut ne pas signaler les difficultés qu’elle rencontre dans les actes de la vie quotidienne.

Les médecins doivent donc être particulièrement attentifs à cette condition lors de l’évaluation, en tenant compte des témoignages de proches et des observations faites dans des contextes variés, comme à domicile, pour établir un plan d’aide adapté.

L’anosognosie peut également justifier la nécessité d’une surveillance accrue et d’une aide plus importante que celle initialement évaluée.

ARRET

[I]

C/

MDPH DU NORD

Copie certifiée conforme délivrée à :

– Mme [H]

[I]

– MDPH DU NORD

– Me Julie PATERNOSTER

– tribunal judiciaire

Copie excéutoire :

– MDPH DU NORD

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 13 JANVIER 2025

*************************************************************

N° RG 23/01773 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IXUR – N° registre 1ère instance : 22/01898

Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 15 mars 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [H] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMÉE

MDPH DU NORD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non représentée

DEBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathalie LÉPEINGLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

Mme [H] [I], bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés en raison d’un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80%, a sollicité de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Nord, le renouvellement de sa prestation de compensation du handicap (PCH).

La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a fait droit à sa demande d’aide humaine dans le cadre de la PCH à hauteur de 2 heures par jour du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023.

Contestant le nombre d’heures qui était auparavant de 6 heures, Mme [I], après rejet de son recours administratif préalable obligatoire, a saisi le tribunal.

Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

– dit la demande de Mme [H] [I], recevable sur la forme,

Vu les conclusions du médecin consultant,

– attribué à Mme [H] [I] dans le cadre de la prestation de compensation du handicap, -aide humaine- à hauteur de 2 heures 30 par jour du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2026, décomposés comme suit :

toilette : 10 minutes par jour

habillage : 10 minutes par jour

repas : 40 minutes par jour

participation vie sociale : 1 heure 30

total : 2 heures 30

– dit que les frais de consultation médicale sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie,

– condamné la MDPH du Nord aux dépens.

Le 11 avril 2023, Mme [I] a relevé appel du jugement.

Par ordonnance du 12 juin 2023, le magistrat chargé de l’instruction de l’affaire a ordonné une mesure de consultation sur pièces confiée au docteur [V], lequel a établi un rapport en date 5 septembre 2023, réceptionné au greffe le 29 février 2024.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 14 novembre 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 14 novembre 2024, Mme [I] demande à la cour de :

– lui accorder l’aide juridictionnelle provisoire,

– déclarer son appel recevable,

– annuler la décision de la CDAPH en date du 3 mai 2022 et la confirmation suite au RAPO du 30 août 2022,

– infirmer le jugement en ce qu’il a limité à 2,5 heures par jour le besoin en aide humaine au titre de la PCH,

– lui accorder la PCH à hauteur de 6 heures par jour,

– lui accorder la PCH pour une période de 10 ans,

– subsidiairement avant dire droit, ordonner une expertise en milieu écologique par une neuropsychologue ou un médecin spécialisé en médecin physique et de réadaptation ou encore un psychiatre, les mieux à même de décrire ce dont elle souffre, et de décrire ses besoins réels,

– fixer les honoraires de l’expert comme en matière d’aide juridictionnelle,

– condamner la CDAPH à payer à Me Julie Paternoster une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1991,

– condamner la CDAPH aux dépens.

Mme [I] expose qu’elle souffre notamment d’une anosognosie, qui est un trouble neurologique qui rend incapable d’avoir conscience de la maladie ou du handicap ; que n’ayant pas conscience de ses troubles neurologiques, émotionnels, de comportement, cela rend impossible l’examen de ses besoins par un simple examen clinique en cabinet.

Elle conteste donc l’avis du médecin consultant désigné par la cour qui s’est basé sur l’examen clinique réalisé par le médecin en première instance et qui n’avait pas au surplus son entier dossier médical, et demande subsidiairement qu’une expertise soit ordonnée en milieu écologique soit à son domicile.

Elle fait valoir que son état s’aggrave ; qu’elle est toujours sous traitement (Depakote et Lorazepam) ; que son suivi au CMP s’est interrompu en raison du départ de son psychiatre et de l’incapacité pour le CMP de lui attribuer un médecin ; qu’elle a besoin d’un accompagnement de plus en plus fréquemment comme en atteste son médecin traitant qui note qu’elle s’isole ; qu’elle est aidée par sa mère âgée de 90 ans pour ses comptes et pour ses courses ; qu’il lui est arrivé de faire un chèque de 1 000 euros pensant qu’il s’agissait de 10 ; qu’elle ne sait pas gérer la nourriture, vide son frigo oubliant qu’elle a mangé une heure plus tôt ; qu’un homme qui lui demandait de l’aide est venu chez elle et a vidé ses comptes ; qu’elle nécessite une surveillance régulière ; qu’ une évaluation à domicile par une équipe pluridisciplinaire est nécessaire.

Elle considère qu’en référence à l’annexe 2-5 du CASF et à l’examen médical du docteur [K] qui l’a examinée le 1er février 2023, ses besoins sont de 6 heures par jour, soit :

– 1 heure par jour pour l’aide aux repas,

– 3 heures par jour pour la surveillance (aide aux courses, aux démarches administratives)

– 1 heure par jour pour les relations à autrui (maîtrise du comportement, du stress, relations sociales)

– 1 heure par jour pour le soutien à l’autonomie (participation à la vie sociale, déplacements à l’extérieur)

La MDPH du Nord, régulièrement convoquée, n’était ni présente, ni représentée à l’audience.

Motifs

Sur l’aide juridictionnelle à titre provisoire

Eu égard à la situation économique de Mme [I], il y a lieu de faire droit à sa demande d’aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur la demande d’annulation ou d’infirmation des décisions de la CDAPH

Si l’article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, subordonne la saisine du tribunal à la mise en ‘uvre préalable d’un recours non contentieux, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité ou la nullité de la décision rendue sur ce recours qui revêt un caractère administratif.

De même, la juridiction judiciaire qui doit statuer au fond, n’a pas à annuler ou infirmer la décision critiquée.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande d’annulation des décisions de la CDAPH

Sur la PCH

Aux termes de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges :

1° liées à un besoin d’aides humaines, y compris le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ;

2° liées à un besoin d’aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l’assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations prévues au 1° de l’article L.160-8 du code de la sécurité sociale ;

(…).

L’article D. 245-4 du code de l’action sociale et des familles dispose qu’ouvre doit à la prestation de compensation, la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles.

En application du chapitre 2 de l’annexe 2-5 dans sa version application au litige, les besoins d’aide humaine peuvent être reconnus dans les 3 domaines suivants :

– les actes essentiels de l’existence (section 1),

– la surveillance régulière (section 2),

– les frais supplémentaires liés à l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective (section 3),

– l’exercice de la parentalité (section 4).

Les actes essentiels visés à la section 1 concernent l’entretien personnel (toilette, habillage, alimentation, élimination), les déplacements intérieurs et extérieurs et la participation à la vie sociale (relations avec autrui notamment).

La surveillance régulière (section 2) est définie ainsi : ‘La notion de surveillance s’entend au sens de veiller sur une personne handicapée afin d’éviter qu’elle ne s’expose à un danger menaçant son intégrité ou sa sécurité. Pour être pris en compte au titre de l’aide humaine, ce besoin de surveillance doit être durable ou survenir fréquemment et concerne :

– soit les personnes qui s’exposent à un danger du fait d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques ;

– soit les personnes qui nécessitent à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d’aide pour les gestes de la vie quotidienne. (…)

1. Les personnes qui s’exposent à un danger du fait d’une altération d’une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques.

Le besoin de surveillance s’apprécie au regard des conséquences que des troubles sévères du comportement peuvent avoir dans différentes situations :

– s’orienter dans le temps,

– s’orienter dans l’espace,

– gérer sa sécurité,

– utiliser des appareils et techniques de communication,

– maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui.

(…)

L’appréciation de ce besoin au titre de la prestation de compensation nécessite de prendre en considération les accompagnements apportés par différents dispositifs qui contribuent à répondre pour partie à ce besoin. (…)’.

L’article L. 245-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit :

‘L’élément de la prestation relevant du 1° de l’article L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou requiert une surveillance régulière ; soit lorsque l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective lui impose des frais supplémentaires.

Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d’heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail (…)’.

Il est constant que seules les pièces médicales contemporaines de la décision contestée peuvent être prises en considération pour apprécier si à la date de renouvellement, les conditions pour obtenir le bénéfice de la prestation sollicitée étaient remplies.

En l’espèce, Mme [I], éligible à la PCH besoin en aide humaine (présence d’une difficulté absolue pour la réalisation d’un acte essentiel de la vie quotidienne ou de deux difficultés graves pour la réalisation d’au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles et/ou surveillance pour au moins 45 minutes par jour), conteste le nombre d’heures au titre de l’aide humaine qui lui a été attribué lors du renouvellement de la PCH pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 selon décisions du 28 avril 2022 de la CDAPH et du 25 août 2022 sur recours administratif, soit 2 heures pour les actes essentiels alors qu’elle bénéficiait de 6 heures auparavant (3 heures pour les actes essentiels et 3 heures de surveillance).

Le tribunal a retenu une durée de 2 heures 30 pour les actes essentiels.

Il importe de préciser que dans ses décisions du 28 avril 2022, la CDAPH a attribué à Mme [I], outre la PCH, le renouvellement de l’AAH du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2026 (taux d’incapacité supérieur à 80%), une orientation vers un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) du 28 avril 2022 au 31 décembre 2026 (nouveau droit) destinée à lui apporter ‘une aide dans la vie quotidienne et dans les démarches courantes dans la vie sociale et professionnelle, ainsi que des soins médicaux et para médicaux’ (articles D312-162 et D312-167 du code de l’action sociale et des familles).

Les décisions du 28 avril 2022 font suite au plan de personnalisation de compensation du handicap établi par une équipe pluridisiciplinaire de la MDPH après une évaluation à domicile des besoins de Mme [I] compte tenu de la demande déposée le 18 octobre 2021. Ce plan proposait l’AAH, le rejet de la carte mobilité inclusion stationnement CMI S (périmètre de marche non inférieur à 200 mètres, déplacements extérieurs ne nécessitant pas systématiquement le recours à une aide humaine), le rejet du complément de ressources (CPR), l’attribution de la CMI invalidité, l’attribution de l’aide humaine dans le cadre de la PCH du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 permettant la prise en charge des actes essentiels de l’existence, l’attribution EMS EAM (établissement médico social ou établissement d’accueil médiatisé) correspondant à un accueil dans un établissement médicalisé apportant une aide dans la vie quotidienne, un soutien dans l’autonomie, des soins et une surveillance médicale (nouveau droit), l’attribution SMS SAMSAH (services médico sociaux ou service d’accompagnement médico social pour adultes handicapés) apportant une aide dans la vie quotidienne et dans les démarches courantes de la vie sociale et professionnelle outre des soins médicaux et paramédicaux (nouveau droit). Ces nouveaux droits proposés du 24 février 2022 au 31 décembre 2026 ont été contestés comme le nombre d’heures de PCH.

Dans la décision sur la PCH du 28 avril 2022, figure un tableau révélant un montant de PCH de 3 254,52 euros du 1er janvier 2022 au 30 avril 2022 puis de 1 338, 26 euros du 1er mai 2022 au 31 décembre 2023 correspondant à 2 heures par jour versés au service d’aide à domicile.

Il ressort du dossier que selon le certificat du docteur [F], psychiatre, en date du 10 juin 2021 (pièce 24), Mme [I], née en 1971, est suivie de longue date pour des troubles de l’humeur avec éléments psychotiques, troubles cognitifs de plus en plus présents (affabulations, anosognosie), troubles du sommeil, pertes de repères spatiotemporaux. Le docteur [F] indique que les capacités d’autonomie de Mme [I] sont de plus en plus difficiles, que la prise du traitement (Dekapote 500 2xjour, Lorazepam 2,5 mg 1/2 cp le soir) semble parfois aléatoire et qu’elle nécessite un accompagnement de plus en plus fréquent des auxiliaires de vie.

Le médecin traitant, le docteur [L], atteste dans un certificat du 27 septembre 2022 que Mme [I] n’a plus de suivi psychiatrique depuis septembre 2021 suite au départ de la psychiatre du CMP et qu’elle assure son suivi dans l’attente d’un suivi par un psychiatre (pièce 27). Elle ajoute dans un certificat du 6 décembre 2022 que l’état de Mme [I] nécessite un accompagnement par une auxiliaire de vie de plus en plus fréquemment : ‘elle ne sort pas sans être accompagnée, excepté pour faire des petites courses’ et qu’elle n’a plus la possibilité de se rendre à ses activités associatives et culturelles, que son aidant principal est sa mère âgée de 90 ans (pièce 29).

Au terme de sa consultation lors de l’audience du 8 février 2023 devant le tribunal, le docteur [G], médecin consultant désigné, indique :

‘Mme [I] a 50 ans au moment de sa demande de prestation de compensation du handicap le 18 octobre 2021 sur la base d’un certificat médical de septembre 2021 d’un praticien psychiatre qui note des troubles de l’humeur atypiques, des troubles cognitifs évoquant une encéphalopathie de Korsakoff (…). Le praticien trace également la note C sur les actes de la vie quotidienne, aide humaine nécessaire pour tous les actes, entretien personnel, vie quotidienne et domestique.

Mme [I] a travaillé dans sa vie dans plusieurs entreprises et a plusieurs diplômes. Elle a arrêté de travailler en 2012 pour un problème de dépression et de burnout. Elle bénéficie de l’allocation adulte handicapé depuis 2013 avec un taux 3.

Dans les documents, on a un courrier de suivi d’un CMP de juin 2021 par un psychiatre qui trace les troubles cognitifs, l’affabulation, une anosognosie (c’est la méconnaissance par le malade de sa maladie) ainsi que des troubles du sommeil.

Dans les différents courriers il est évoqué une évaluation de la mémoire, Mme [I] dit que ça a été fait mais on n’a pas la documentation ainsi que le bilan neuropsychologique qui est évoqué et qui aurait été fait mais là aussi le document n’est pas disponible.

Sur le plan domestique, Mme [I] vit seule dans un appartement au quatrième étage.

Dans le dossier on n’a pas la notion d’un suivi en CMP et elle signale ne pas voir de psychiatre régulièrement mais elle a un traitement qui est géré par son médecin traitant.

Aujourd’hui lors de l’entretien, elle se présente habillée correctement avec une certaine élégance dans le choix des vêtements et avec des couleurs coordonnées.

La discussion à bâtons rompus montre qu’elle parle relativement beaucoup et change souvent de sujet mais quand on la remet dans la ligne elle répond correctement aux questions.

Nous avons tracé une journée complète avec elle et bien sût il faut tenir compte de l’anosognosie.

Lorsqu’elle se lève le matin, elle va à la toilette seule, elle prend ses médicaments qu’elle signale bien en évidence. Elle connaît le nom des médicaments, la dose et l’heure à laquelle elle les prend le matin et le soir.

Elle signale avec quoi elle déjeune et fait sa vaisselle. Ensuite elle a un temps de repos. Elle réalise une toilette dit-elle seule au niveau d’une douche et s’habille.

Elle est accompagnée par une personne pour sortir ou faire les courses mais pas systématiquement. Elle s’habille seule et sort de chez elle si elle est accompagnée en faisant à pied les quatre étages, descendre et remonter.

Les courses sont réalisées avec une accompagnante.

Elle signale aller à l’occasion dans un salon de thé avec la personne pour prendre un café.

Elle signale manger et préparer son repas seule le midi.

Enfin le soir, elle regarde la télévision et s’endort devant ou dans le fauteuil mais se couche sans difficulté et éteint les lumières elle-même.

Elle signale que le ménage est fait dans l’appartement par une société.

Au niveau de la mémoire, elle a quand même lors de l’entretien initial listé un certain nombre d’entreprises avec lesquelles elle a travaillé. Elle se rappelait le nom du film qu’elle avait vu hier soir.

Au niveau de la situation dans le temps et dans l’espace, elle a su dire qu’on était le mercredi 8 février, qu’on était au tribunal et qu’on était l’après-midi.

Au total sur les temps de répartition de la prestation de compensation du handicap, on pourrait maintenir les temps qui ont été proposés et peut-être à la discrétion du tribunal augmenter le temps de vie sociale d’une demi-heure pour avoir un total de 2h30. 1h30 de vie sociale, 10 minutes de stimulation pour la toilette, 10 minutes pour l’habillage, 40 minutes établies pour les repas.’

Le docteur [V], médecin consultant désigné par la cour a émis l’avis suivant :

‘Les éléments d’accompagnement proposé par le Dr [G] lors de la décision du TJ de Lille le 15.03.2023 apparaissent justifiés et en adéquation avec les besoins évoqués par l’échange entre le praticien et Mme [I].

Toute demande de temps complémentaire devrait être accompagnée d’une justification sur le plan médical ce qui n’est pas le cas puisqu’il n’est pas décrit de prise en charge CMP, de passage d’IDE pour le traitement, d’hospitalisation, d’hospitalisation à domicile, le temps d’aide à domicile n’est pas quantifié, ni justifié, il n’y a pas de suivi psychiatrique décrit. Il n’y a pas de courriers du médecin traitant permettant de caractériser le besoin accru.

Ainsi, à la date du 15.03.2023, 2h30 d’aides humaines pour 1h30 de sociabilisation, 10 min de stimulation pour l’habillage, 10 min pour la toilette, 40 min pour la stimulation pour les repas apparaît justifié selon les pièces transmises.’

A la lecture des rapports des médecins consultants, il ne peut être valablement soutenu que ces derniers se sont tenus à l’entretien avec Mme [I] pour évaluer ses besoins dès lors qu’ils ont pris en compte le certificat du docteur [F] du 10 juin 2021 décrivant sa pathologie et ses troubles (affabulations, anosognosie) ainsi que le certificat médical du 10 septembre 2021 du docteur [M], psychiatre, joint à la demande de renouvellement.

En revanche, Mme [I] critique à juste titre certains éléments retenus par le médecin consultant désigné par le tribunal pour caractériser le défaut de preuve d’un besoin accru d’aide humaine, à savoir l’absence de prise en charge au CMP et de suivi psychiatrique dès lors qu’elle a justifié des raisons de l’absence de suivi CMP qui ne révèlent nullement une amélioration de son état mais qui ont trait au manque d’effectif. Ces éléments ne sont donc pas probants.

Cela étant, il appartient à Mme [I] via son conseil d’établir l’insuffisance du nombre d’heures alloué.

Les heures ont été allouées au titre des actes essentiels de la vie. Mais Mme [I] considère que son état de santé nécessite également une aide au titre de la surveillance régulière.

La surveillance régulière concerne les personnes qui s’exposent à un danger du fait d’une altération substantielle durable d’une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques ou qui nécessitent à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d’aide pour les gestes de la vie quotidienne. Elle soutient que ses troubles ont des conséquences dans les situations visées par l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles : s’orienter dans l’espace, dans le temps, maîtriser son comportement. Elle évalue le besoin en aide humaine à 3 heures par jour au titre de la surveillance régulière et à 1 heure par jour au titre de la maîtrise du comportement, outre 1 heure par jour au titre de l’accompagnement dans l’exercice de l’autonomie (participation à la vie sociale), soit 5 heures au total.

Elle en veut pour preuve son incapacité à effectuer des démarches seules, à se repérer dans le temps et dans l’espace, à gérer ses comptes compte tenu de sa pathologie.

Devant la cour, l’appelante produit :

– un certificat de son médecin traitant du 4 novembre 2024 qui atteste que son état de santé ‘nécessite un passage pluriquotidien d’une infirmière à domicile pour administration des médicaments et une aide dans les actes de la vie quotidienne comme les RDV médicaux, les courses, le ménage ou la préparation des repas. Les troubles cognitifs se sont aggravés depuis quelques années et l’aide de 2h30/j est devenue insuffisante, elle avait auparavant 6h/j’. (pièce32).

– une attestation du docteur [M], psychiatre au CMP de [Localité 5] en date du 28 mars 2024, dont il ressort que Mme [I] bénéficie d’un suivi infirmier et médical régulier au CMP ‘que sa pathologie psychiatrique s’est aggravée depuis quelques années avec apparition de troubles cognitifs de plus en plus envahissants. C’est pour cette raison qu’un passage d’infirmiers libéraux a été mis en place en novembre 2023 pour s’assurer de la bonne observance du traitement’. (pièce 33).

– un certificat médical circonstancié en vue de l’ouverture d’une mesure de protection établi par le docteur [K] le 1er février 2023, laquelle indique que Mme [I] (en réponse aux items oui, difficilement, non) ne peut pas se déplacer seule, ni gérer seule ses affaires et son argent, qu’elle peut difficilement compter, se repérer dans le temps et se repérer dans l’espace, qu’elle peut rester seule à domicile avec la poursuite d’aides à domicile. Elle préconise la mise en place d’une curatelle renforcée exercée par une association tutélaire (pièce 31).

La cour relève que si ces pièces médicales sont trop éloignées de la décision contestée pour être prises en considération, certains des éléments qu’elles contiennent à savoir, la surveillance pour s’assurer de la prise des médicaments, la perte des repères spatiotemporaux et la nécessité d’une aide pour tous les actes de la vie quotidienne ressortaient des documents produits en première instance (notamment le certificat du docteur [F] du 10 juin 2021 et celui du docteur [L] du 6 décembre 2022).

Or ces éléments ont été pris en considération par le tribunal pour évaluer les besoins en aide humaine pour les actes essentiels de la vie. Par ailleurs, la cour retient qu’outre la PCH, la CDAPH a mis en place de nouveaux dispositifs d’accompagnement de Mme [I] comme l’EMS EAM et le SMS SAMSAH qui sont des services médico sociaux pour adultes handicapés apportant une aide dans la vie quotidienne et dans les démarches courantes de la vie sociale, dispositifs dont il convient de tenir compte dans l’appréciation des besoins d’accompagnement et de surveillance comme mentionné au chapitre 2 de l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles rappelé précédemment.

Ainsi au vu de l’ensemble de ces éléments, l’allocation par le tribunal d’une aide humaine à hauteur de 2 heures 30 apparaît correspondre aux besoins de Mme [I].

Par conséquent, le jugement sera confirmé

Sur la demande au titre des frais irrépétibles et sur les dépens

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel et la demande de Mme [I] tendant à la condamnation de la MDPH à payer à Me Julie Paternoster des frais irrépétibles sur le fondement de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition,

Accorde à Mme [H] [I] l’aide juridictionnelle à titre provisoire,

Confirme le jugement entrepris,

Rappelle que les frais de consultation médicale sont à la charge de la Caisse nationale de l’assurance maladie,

Rejette la demande sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel,

Le greffier, Le président,


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