Évaluation des avantages en nature et charge de la preuve dans le cadre des cotisations sociales

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Évaluation des avantages en nature et charge de la preuve dans le cadre des cotisations sociales

L’Essentiel : L’affaire concerne un contrôle de l’URSSAF d’Aquitaine sur une société pour les années 2011 à 2013. Suite à une mise en demeure, la société a formé un recours, contestant le redressement lié aux avantages en nature des véhicules. Elle soutient que ces véhicules étaient fournis par une association et que les salariés payaient une cotisation, ne constituant pas un avantage en nature. La Cour rappelle que l’utilisation d’un véhicule doit être incluse dans l’assiette des cotisations et conclut que la société n’a pas prouvé l’absence d’avantage en nature, validant ainsi le redressement.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne un contrôle effectué par l’URSSAF d’Aquitaine sur la société cotisante, portant sur les années 2011 à 2013. Suite à ce contrôle, une lettre d’observations a été envoyée le 3 octobre 2014, suivie d’une mise en demeure datée du 30 décembre 2014.

Recours de la société cotisante

En réponse à la mise en demeure, la société cotisante a décidé de former un recours devant une juridiction spécialisée dans le contentieux de la sécurité sociale, contestant les conclusions de l’URSSAF.

Arguments de la société cotisante

La société soutient que la cour d’appel a erronément confirmé le redressement concernant les avantages en nature liés aux véhicules. Elle argue que les véhicules étaient mis à disposition par une association et que les salariés payaient une cotisation, ce qui ne constituait pas un avantage en nature au sens de la législation.

Réponse de la Cour

La Cour rappelle que les avantages en nature, tels que l’utilisation d’un véhicule, doivent être inclus dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Elle précise que la mise à disposition d’un véhicule, même par l’intermédiaire d’un tiers, peut constituer un avantage en nature si cela permet aux salariés d’économiser des frais de transport.

Charge de la preuve

La Cour souligne que l’URSSAF doit d’abord prouver la mise à disposition d’un véhicule par l’employeur. Ensuite, il incombe à l’employeur de démontrer que cette mise à disposition ne génère pas d’avantage en nature, en prouvant qu’il prend en charge uniquement les frais professionnels.

Évaluation des preuves

La Cour conclut que les éléments de preuve fournis par la société cotisante étaient insuffisants pour établir qu’elle ne couvrait que les frais professionnels. Elle a donc validé le redressement de l’URSSAF, considérant que l’employeur n’avait pas prouvé l’absence d’avantage en nature pour les salariés.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la définition des avantages en nature selon le Code de la sécurité sociale ?

Les avantages en nature sont définis par l’article L. 242-1, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« Les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l’occasion du travail sont compris dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. »

Cette disposition implique que tout avantage accordé à un salarié, en dehors de son salaire, doit être pris en compte pour le calcul des cotisations sociales.

En l’espèce, la mise à disposition d’un véhicule par l’employeur, même si elle est réalisée par l’intermédiaire d’un tiers, constitue un avantage en nature, car elle permet aux salariés d’économiser des frais de transport qu’ils auraient normalement à supporter.

Quelles sont les modalités d’évaluation des avantages en nature selon l’arrêté du 10 décembre 2002 ?

L’article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 modifié précise les modalités d’évaluation des avantages en nature, notamment :

« Lorsque l’employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l’avantage en nature constitué par l’utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l’employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d’un forfait annuel en pourcentage du coût d’achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l’entretien et l’assurance du véhicule en location ou en location avec option d’achat, toutes taxes comprises. »

Cela signifie que l’employeur a le choix entre deux méthodes pour évaluer l’avantage en nature : soit en se basant sur les dépenses réelles, soit en utilisant un forfait.

Cette évaluation est déterminante pour déterminer le montant des cotisations sociales dues.

Qui a la charge de la preuve concernant l’existence d’un avantage en nature ?

Selon l’article 1353 du Code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui affirme un fait. Dans le contexte des avantages en nature, il est établi que :

« Il incombe d’abord à l’URSSAF d’établir, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu’à preuve contraire, la mise à disposition permanente, par l’employeur, d’un véhicule au profit de ses salariés. »

Cependant, une fois que l’URSSAF a établi cette mise à disposition, il revient à l’employeur de prouver que cette mise à disposition ne constitue pas un avantage en nature.

Cela signifie que l’employeur doit démontrer qu’il prend en charge uniquement les frais professionnels et non ceux liés à l’usage personnel du véhicule.

Comment la cour d’appel a-t-elle interprété la mise à disposition des véhicules par un tiers ?

La cour d’appel a jugé que :

« La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l’intermédiaire d’un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l’existence d’un avantage en nature, lorsque l’attribution de cet avantage résulte de l’appartenance des salariés à l’entreprise. »

Cela signifie que même si un tiers met les véhicules à disposition, cela ne change pas le fait que les salariés bénéficient d’un avantage en nature en raison de leur lien avec l’employeur.

La cour a également souligné que l’employeur doit prouver qu’il ne couvre que les frais professionnels, ce qui implique une obligation de transparence et de justification des dépenses.

Quelles sont les conséquences de l’insuffisance de preuve apportée par l’employeur ?

La cour d’appel a conclu que :

« L’employeur n’établit pas que les factures qu’il règle à l’association couvrent exclusivement des frais professionnels non soumis à cotisations pour chacun des salariés concernés. »

En conséquence, si l’employeur ne parvient pas à prouver que les frais engagés sont uniquement liés à l’usage professionnel, l’URSSAF est fondée à procéder à un redressement.

Cela signifie que l’employeur doit fournir des preuves solides et corroborées pour éviter un redressement sur la base d’une évaluation forfaitaire de l’avantage en nature.

Ainsi, l’insuffisance de preuve peut entraîner des conséquences financières significatives pour l’employeur.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 2 FS-B

Pourvoi n° D 21-25.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-25.916 contre l’arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF d’Aquitaine, et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, Hénon, Mme Le Fischer, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Pieri-Gauthier, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 4 novembre 2021), à la suite d’un contrôle portant sur les années 2011 à 2013 de son établissement de Saint-Médard d’Eyrans, suivi d’une lettre d’observations du 3 octobre 2014, l’URSSAF d’Aquitaine (l’URSSAF), a notifié à la société [4] (la société cotisante) une mise en demeure du 30 décembre 2014.

2. La société cotisante a formé un recours à l’encontre de cette mise en demeure devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société cotisante fait grief à l’arrêt de confirmer le chef de redressement relatif aux avantages en nature véhicules et de valider la mise en demeure pour son entier montant, alors :

« 1°/ qu’il résulte de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que revêtent le caractère d’avantages en nature, les avantages constitués par l’économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition permanente d’un véhicule dont l’entreprise assume entièrement la charge ; que, pour valider le chef de redressement relatif à un avantage en nature véhicule, la cour d’appel a relevé que l’association d’utilisateurs de véhicules mettait à la disposition de salariés du groupe [2] auquel appartient la société cotisante un véhicule que ces salariés utilisaient pour leurs besoins professionnels et personnels, que l’association prenait en charge l’assurance et les frais d’entretien des véhicules et fournissait une carte de carburant aux salariés, qu’en contrepartie les salariés versaient à l’association une cotisation annuelle d’un montant variant en fonction de la catégorie du véhicule, que l’employeur contribuait au financement de l’association en réglant les factures établies par celle-ci mentionnant l’identité du salarié, son numéro d’adhérent, la marque et le type de véhicule, le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel, la valeur unitaire de l’indemnité kilométrique et le décompte TTC, que le ratio entre les dépenses engagées par les salariés dans le cadre d’un usage personnel des véhicules et la cotisation annuelle qu’ils versaient à l’association était disproportionné de sorte que cette redevance ne permettait pas de couvrir l’utilisation personnelle des véhicules, que la société ne contrôlait pas la réalité des déplacements professionnels des salariés tenus à une simple obligation déclarative de kilomètres parcourus pour des motifs professionnels et qu’elle n’établissait pas que les factures réglées à l’association couvraient exclusivement des frais professionnels non soumis à cotisations pour chacun des salariés concernés ; qu’en considérant, en dépit de ces constatations dont il ressort que la société cotisante ne mettait pas de véhicule à la disposition de ses salariés et qu’en outre, elle n’en assumait pas entièrement la charge, la cour d’appel qui a néanmoins considéré que les salariés concernés bénéficiaient d’un avantage en nature grâce au concours de la société, a statué par des motifs ne caractérisant ni en son principe ni en son montant l’existence de l’avantage en nature litigieux et a violé les articles L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que la preuve de l’existence d’un avantage en nature incombe à l’URSSAF ; qu’en énonçant qu’il incombait à la société cotisante de démontrer que les salariés ne bénéficiaient pas d’un avantage en nature résultant d’une prise en charge de l’usage privé des véhicules par l’employeur, tout en relevant que les véhicules étaient mis à la disposition des salariés, pour leurs besoins professionnels et personnels, non par la société mais par l’association d’utilisateurs de véhicules en contrepartie du versement par les salariés d’une cotisation annuelle dont le montant était fonction de la catégorie du véhicule, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l’article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l’occasion du travail sont compris dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

5. En application de l’article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, lorsque l’employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l’avantage en nature constitué par l’utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l’employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d’un forfait annuel en pourcentage du coût d’achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l’entretien et l’assurance du véhicule en location ou en location avec option d’achat, toutes taxes comprises.

6. Il résulte de ces textes que la mise à la disposition permanente, par l’employeur, au profit de ses salariés, d’un véhicule pouvant être utilisé pour leurs déplacements privés, permettant ainsi aux bénéficiaires de faire l’économie de frais de transport qu’ils devraient normalement assumer, constitue, en principe, un avantage en nature.

7. La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l’intermédiaire d’un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l’existence d’un avantage en nature, lorsque l’attribution de cet avantage résulte de l’appartenance des salariés à l’entreprise.

8. L’administration de la preuve de cet avantage en nature doit être gouvernée par les règles générales applicables en cette matière.

9. Ainsi, s’il incombe d’abord à l’URSSAF d’établir, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu’à preuve contraire, la mise à disposition permanente, par l’employeur, d’un véhicule au profit de ses salariés, il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que cette mise à disposition, fût-ce par l’intermédiaire d’un tiers, est exclusive de tout avantage en nature.

10. L’employeur doit, par conséquent, rapporter la preuve qu’il prend exclusivement en charge le coût afférent aux kilomètres parcourus par ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels, sans aucune participation au coût de l’usage personnel du véhicule par ces derniers.

11. Si, conformément à l’article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen, elle ne peut cependant résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition des salariés, lesquelles doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.

12. L’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que l’intervention d’un tiers dans la mise à disposition d’un véhicule au profit d’un salarié n’exclut pas par elle-même l’existence d’un avantage en nature. Il constate que les véhicules mis à disposition des salariés de la société par l’association des utilisateurs de véhicules, en raison de la relation de travail avec l’employeur, sont utilisés par les salariés tant pour leurs besoins professionnels que personnels. Il retient qu’il incombe à l’employeur de démontrer que les salariés ne bénéficient pas d’un avantage résultant d’une prise en charge de l’usage privé des véhicules par l’employeur. Après avoir relevé que l’employeur contribue au financement de l’association qui met les véhicules à disposition des salariés en réglant les factures que celle-ci a établies, mentionnant l’identité du salarié, son numéro d’adhérent, la marque et le type de véhicule, le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel, la valeur unitaire de l’indemnité kilométrique et le décompte TTC, l’arrêt retient que l’employeur n’établit pas que les factures qu’il règle à l’association couvrent exclusivement des frais professionnels non soumis à cotisations pour chacun des salariés concernés.

13. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d’appel, ayant estimé que les éléments de preuve apportés par la société cotisante étaient insuffisants à démontrer qu’elle prenait exclusivement en charge les déplacements professionnels effectués par ses salariés, a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l’URSSAF était fondée à procéder au redressement sur la base d’une évaluation forfaitaire de l’avantage procuré aux salariés, minorée du montant de la redevance réglée annuellement par ceux-ci.

14. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.


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