L’Essentiel : L’estoppel sanctionne un comportement procédural versatile, interdisant à une partie de soutenir des positions incompatibles dans une même procédure. Toutefois, ce principe ne peut être opposé au directeur de l’INPI, car il n’est pas partie prenante dans les procédures engagées devant lui ou devant la cour d’appel. En l’espèce, la société Providis conteste la décision de l’INPI concernant l’enregistrement de la marque « Framboise et Potiron », arguant d’une violation du principe de la contradiction. Cependant, la cour rappelle que l’INPI n’avait pas d’obligation de communiquer des éléments à Providis, qui n’était pas partie à la procédure initiale.
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L’estoppel sanctionne un comportement procédural versatile, témoignant d’une absence de loyauté d’une partie qui soutient dans le cadre d’une même procédure, deux positions incompatibles, de sorte que sa demande ou son moyen de défense fait l’objet d’une irrecevabilité, sans examen au fond. Le principe de l’estoppel ne peut être opposé au directeur de l’INPI dans la mesure où il n’est pas une partie, ni dans les procédures engagées devant lui ni dans les procédures qui se déroulent devant la cour d’appel où il est seulement entendu en ses observations. RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE LYON 1ère chambre civile A ARRET DU 15 Décembre 2022 N° RG 20/04448 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NDD5 Décision de l’Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 5] du 02 juillet 2020 DEMANDEUR AU RECOURS : SASU PROVIDIS LOGISTIQUE [Adresse 3] [Adresse 3] Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475 Ayant pour avocat plaidant l’AARPI BALSAN RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1440 DEFENDEURS AU RECOURS : M. le Directeur de I’Institut National de la Propriété Industrielle [Adresse 4] [Adresse 4] Non constitué SASU C BON FRAIS CARCASSONNE [Adresse 2] [Adresse 2] Non constituée Mme LA PROCUREURE GENERALE [Adresse 1] [Adresse 1] * * * * * * Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Novembre 2021 Date de mise à disposition : 20 janvier 2022, prorogée au 17 mars 2022, puis 5 mai 2022,30 juin 2022, 29 septembre 2022, 15 décembre 2022 les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : — Anne WYON, président — Françoise CLEMENT, conseiller — Annick ISOLA, conseiller assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile. Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. * * * * La société Providis logistique (ci-après Providis) est titulaire de la marque verbale française CERISE ET POTIRON déposée le 16 juin 2008 sous le n° 35 823 79 et régulièrement renouvelée le 20 juin 2018, pour désigner divers produits. Le 4 octobre 2019, la société C’bon frais Carcassonne a déposé une demande d’enregistrement n° 19 4 587 580 portant le signe verbal Framboise et Potiron, pour désigner divers produits : « Classe n° 29 : Viande ; poisson ; volaille ; gibier ; fruits conservés ; fruits secs ; fruits cuisinés ; légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; confitures ; compotes ; oeufs ; lait ; produits laitiers ; huiles à usage alimentaire ; beurre ; charcuterie ; salaisons ; crustacés (non vivants) ; coquillages non vivants ; insectes comestibles non vivants ; conserves de viande ; conserves de poisson ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine ; Classe n° 31 : Produits de l’agriculture et de l’aquaculture, produits de l’horticulture et de la sylviculture ; animaux vivants ; fruits frais ; légumes frais ; semences (graines) plantes naturelles ; fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; crustacés vivants ; coquillages vivants ; insectes comestibles vivants ; appâts vivants pour la pêche ; céréales en grains non travaillés ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; bois bruts ; fourrages ». Le 23 décembre 2019, la société Providis a formé opposition à l’enregistrement de cette marque pour l’intégralité des produits et services désignés, sur la base de sa marque verbale renouvelée CERISE ET POTIRON. Le 22 janvier 2020, l’Institut national de la propriété intellectuelle (ci-après INPI), a émis une objection provisoire à l’enregistrement du signe contesté Framboise et Potiron pour les produits suivants : « fruits conservés ; fruits congelés ; fruits secs ; fruits cuisinés ; Produits de l’agriculture ; fruits frais ; semences (graines » ; cette objection n’a pas été contestée par son titulaire. Par décision du 2 juillet 2020, le directeur de l’INPI a accueilli partiellement l’opposition, en ce qu’elle porte sur les produits suivants : «viande ; poisson ; volaille ; gibier ; oeufs ; lait ; produits laitiers ; huiles à usage alimentaire ; beurre ; charcuterie ; salaisons ; crustacés (non vivants) ; coquillages non vivants ; conserves de viande ; conserves de poisson ; fromages; boissons lactées où le lait prédomine ; produits de l’aquaculture, produits de l’horticulture et de la sylviculture ; animaux vivants ; plantes naturelles ; fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; crustacés vivants ; coquillages vivants ; insectes comestibles vivants ; appâts vivants pour la pêche ; céréales en grains non travaillés ; plantes; plants ; arbres (végétaux) ; bois bruts ; fourrages » , rejetant en conséquence la demande d’enregistrement pour les produits précités en relevant que les produits étaient identiques et similaires mais que le signe contesté ne constituait l’imitation de la marque antérieure qu’au regard de certains d’entre eux. Selon déclaration du 6 août 2020, la société Providis a formé un recours à l’encontre de cette décision. Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 6 juillet 2021 par la société Providis qui demande à la cour d’annuler partiellement la décision rendue par le directeur de l’INPI le 2 juillet 2020, en ce qu’elle a rejeté l’opposition formée à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque Framboise et Potiron n° 19 4 587 580 pour les produits suivants : « légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées; confitures ; compotes (classe 29) légumes frais (classe 31) », Vu les observations déposées le 5 mai 2021 par le directeur de l’INPI qui conclut au rejet du recours mal fondé, Vu l’absence d’observations en date du 12 novembre 2021, du parquet général à qui le dossier a été communiqué le 21 octobre 2021, Vu l’absence de toute observation déposée par la société C’bon frais Carcassonne à qui ont été signifiées, par actes d’huissier de justice des 23 octobre 2020, 1er avril et 16 juillet 2021,remis à personne habilitée, assignation à intimée non constituée et copies des conclusions déposées à l’initiative de la société Providis, aucun avocat n’ayant été constitué pour elle. MOTIFS ET DECISION In limine litis, la cour entend rappeler que tant le présent recours que la procédure d’opposition qui s’est déroulée devant l’INPI ne sont pas soumis aux nouvelles dispositions issues du décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019, lesquelles sont entrées en vigueur le 15 décembre 2019 mais ne sont pas applicables aux demandes d’enregistrement, telle la demande en cause, déposées avant son entrée en vigueur. Dès lors, seules les dispositions du décret n° 92-100 du 30 janvier 1992 recevront application. I Sur le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction : La société Providis soutient que la motivation de la décision de l’INPI du 2 juillet 2020 est incompréhensible et incohérente, violant le principe du contradictoire dans la mesure où la décision d’objection à enregistrement ne lui a pas été communiquée avant la présente instance. Le directeur de l’INPI soutient quant à lui qu’aucune violation du principe de la contradiction ne peut lui être reprochée dans la mesure où la procédure d’examen de fond et de forme de la demande d’enregistrement Framboise et Potiron a été menée en parallèle par l’INPI et a abouti à une objection provisoire d’enregistrement pour certains produits, seule la société déposante étant partie à cette procédure alors même qu’aucune disposition légale n’octroie la possibilité à l’INPI de communiquer, de sa propre initiative, des éléments d’information à un tiers à une procédure en cours ; il ajoute en tout état cause que l’objection à enregistrement dont fait état la requérante ne lui fait pas grief puisqu’elle aboutit au rejet partiel de la demande contestée pour certains produits. Sur ce : La décision de refus provisoire partiel d’enregistrement pour certains produits est prévue et réglementée par le code de la propriété intellectuelle ; la décision du 22 janvier 2020 ne mettait pas en cause la société Providis qui n’était nullement partie à cette procédure et il n’appartenait pas à l’INPI de communiquer à cette dernière qui n’était alors qu’un tiers, la décision provisoire devenue définitive qui a été rendue. La cour constate d’ailleurs que la connaissance de cette décision de refus partiel d’enregistrement qui n’a pu causer aucun grief à la société Providis puisqu’elle a abouti au rejet partiel de la demande contestée, n’aurait pu comme le soutient cette dernière, lui permettre de présenter différemment sa défense dans le cadre de la procédure d’opposition, dans la mesure où l’objection provisoire à enregistrement est devenue définitive le 7 mars 2020 en l’absence de toute observation du titulaire de la demande d’enregistrement, soit postérieurement au délai de deux mois dont disposait la société Providis pour faire opposition ou compléter celle-ci, lequel expirait le 26 décembre 2019. Aucun manquement au respect du principe de la contradiction ne peut donc être reproché au directeur de l’INPI. II Sur le moyen tiré de la violation du principe de l’estoppel : La société Providis soutient que si la marque Framboise et Potiron a été rejetée pour certains produits, c’est donc bien que l’INPI admis son caractère distinctif pour ceux-ci et il ne peut sans se contredire, indiquer dans la décision déférée, qu’au regard de certains produits de la demande d’enregistrement reconnus identiques ou similaire à ceux invoqués par la marque antérieure, les termes FRAMBOISE et POTIRON, apparaissent dépourvus de caractère distinctif en ce qu’ils renvoient à la nature des produits ou à leur composition ; elle ajoute que cette contradiction est d’autant plus choquante qu’elle viole l’article L. 712-7 du code de la propriété intellectuelle. Le directeur de l’INPI fait valoir quant à lui que les conditions de l’estoppel ne sont pas réunies en l’espèce dans la mesure où d’une part l’INPI n’est pas une partie et d’autre part les positions contraires soulevées par la requérante ne concernent pas la même procédure mais deux procédures distinctes n’opposant pas les mêmes parties et n’ayant pas le même objet. Sur ce : L’estoppel sanctionne un comportement procédural versatile, témoignant d’une absence de loyauté d’une partie qui soutient dans le cadre d’une même procédure, deux positions incompatibles, de sorte que sa demande ou son moyen de défense fait l’objet d’une irrecevabilité, sans examen au fond. Le directeur de l’INPI fait valoir à juste titre que le principe susvisé ne saurait lui être opposé dans la mesure où d’une part il n’est pas une partie, ni dans les procédures engagées devant lui ni dans les procédures qui se déroulent devant la cour d’appel où il est seulement entendu en ses observations et où d’autre part les positions contraires reprochées par la société Providis ne concernent pas la même procédure mais deux procédures distinctes. Dès lors le moyen retenu par le directeur de l’INPI tenant à l’absence de risque de confusion entre les signes à l’égard des produits suivants : « légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; ; confitures ; compotes ; légumes frais » ne peut être frappé d’une fin de non-recevoir. III Sur la comparaison des produits : Suite à la proposition de régularisation faite par l’INPI, réputée acceptée par le titulaire de la demande d’enregistrement faute par ce dernier de toute observation dans le délai prévu, le libellé à prendre en considération aux fins de la présente procédure est le suivant : « viande; poisson ; volaille ; gibier ; légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; confitures ; compotes ; oeufs ; lait ; produits laitiers ; huiles à usage alimentaire ; beurre ; charcuterie ; salaisons ; crustacés (non vivants) ; coquillages non vivants ; insectes comestibles non vivants ; conserves de viande ; conserves de poisson ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine ; produits de l’aquaculture, produits de l’horticulture et de la sylviculture ; animaux vivants ; légumes frais ; plantes naturelles ; fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; crustacés vivants ; coquillages vivants ; insectes comestibles vivants ; appâts vivants pour la pêche ; céréales en grains non travaillés ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; bois bruts ; fourrages ». La marque antérieure a été enregistrée notamment pour les produits suivants : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Fruits conservés dans l’alcool ; tranches de fruits ; crème fouettée ; pollen préparé pour l’alimentation ; soupes et jus de légumes ; confiserie ; produits agricoles, horticoles, forestiers (ni préparé ni transformé) ; graines (semences) ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; plantes et fleurs naturelles ; aliments pour animaux, malt ; bagasse de canne à sucre à l’état brut ». Comme l’a relevé à juste titre l’INPI dans sa décision critiquée, les produits de la demande d’enregistrement contestée sont identiques ou similaires aux produits invoqués de la marque antérieure, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par la société déposante et n’est pas discuté non plus par la société opposante. IV Sur la comparaison des signes : La demande d’enregistrement contestée porte sur le signe verbal ainsi reproduit « Framboise et Potiron » ; la marque antérieure porte sur le signe verbal ainsi reproduit « CERISE ET POTIRON ». La société Providis soutient que l’INPI commet une erreur de droit manifeste en se référant à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, dans son ensemble ; qu’en effet si l’INPI peut, à l’occasion d’une procédure d’opposition, invoquer le caractère distinctif de la marque antérieure pour apprécier le risque de confusion, il ne peut en aucun cas tenir compte du degré de caractère distinctif de la marque contestée pour apprécier ce risque ; qu’en conséquence, si la marque contestée n’a pas de caractère distinctif pour certains produits, l’INPI à l’obligation de la rejeter en application de l’article L. 712-7 du code de la propriété intellectuelle ; qu’il s’ensuit que la décision attaquée en ce qu’elle concerne les produits relevant des places 29 et 31, est entachée d’illégalité. Elle ajoute que l’INPI, conscient de ses errements, développe dans ses observations en réponse une nouvelle argumentation distincte de celle qu’il soutenait dans la décision d’opposition contestée et procède encore une fois, à une appréciation erronée du risque de confusion dans la mesure où d’une part même en admettant que l’élément « et potiron » soit faiblement distinctif, cela ne signifie pas qu’il doive être écarté de l’analyse comparative et d’autre part, pour limiter l’analyse du risque de confusion aux seuls éléments « cerise/framboise », l’INPI aurait dû établir au préalable que les autres composants de la marque étaient négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, ce qu’il n’a pas fait alors que l’élément « et potiron » est d’une intensité égale à l’élément « cerise/framboise ». Elle considère que visuellement, si les signes en présence se distinguent effectivement par leur terme d’attaque, ces termes sont tous deux employés au singulier et possèdent le même nombre de syllabes dont la dernière est identique ; que les deux signes ont en commun leur séquence finale très remarquable nonobstant son caractère prétendument peu distinctif et qu’ils se ressemblent aussi par une structure commune. Phonétiquement, elle indique que les deux signes ont en commun un rythme et une architecture commune ainsi que cinq sonorités finales identiques qui retiennent l’attention tout autant que les séquences premières qui sont distinctes. Conceptuellement, elle soutient que les deux signes possèdent le même pouvoir évocateur, renvoyant dans l’esprit du public à l’image d’un petit fruit rouge, rond et sucré, associée à l’image du potiron et qui, par leur présentation au singulier sans article défini et relié par la conjonction de coordination « et », génère une impression d’ensemble proche. Elle considère en conséquence qu’il existe un risque de confusion certain entre les signes en présence pour le consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui sera amené à croire que les produits et services désignés par la demande d’enregistrement sont proposés par la société Providis, titulaire de la marque antérieure, ou par une entreprise liée à celle-ci et qu’ils ont donc une même origine. Le directeur de l’INPI fait valoir que les signes en cause tirent leur ressemblance visuelle, phonétique et intellectuelle, de la présence commune des éléments verbaux « ET POTIRON », précédés d’un terme désignant un fruit ; il soutient que pour apprécier l’existence d’un risque de confusion entre les signes, il a à juste titre considéré l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celle-ci ; que le caractère distinctif d’un signe ou de l’élément d’un signe s’apprécie par rapport au produit désigné ; qu’ainsi, il a pu retenir qu’il existait un risque de confusion pour une partie seulement des produits de la marque contestée, à savoir ceux pour lesquels l’ensemble verbal « ET POTIRON » présente un caractère arbitraire et ainsi distinctif ; qu’en revanche tel n’est pas le cas pour les « légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; confitures ; compote ; légumes frais » ; qu’en effet le potiron désigne botaniquement un fruit, majoritairement consommé en tant que légume ; que dès lors, appliqué à ces produits visés par la demande d’enregistrement, il est susceptible d’en désigner la nature ou la composition ; qu’ainsi la séquence commune aux deux signes « ET POTIRON » ne peut bénéficier d’une protection pour ces produits, étant dépourvue de caractère distinctif. Il ajoute que si la procédure d’opposition n’a pas en tant que telle pour objet d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée, il n’en demeure pas moins que son faible degré de distinctivité doit être pris en compte dès lors que s’il n’a pas d’incidence sur la validité de la marque, il a en revanche pour effet, lorsqu’il est faible, d’en réduire la portée dans les comparaisons à opérer. S’agissant de l’impression d’ensemble produite par les signes, le directeur de l’INPI considère que visuellement les signes diffèrent par leur terme d’attaque, le premier étant beaucoup plus long que le second ; que phonétiquement les signes débutent par des sonorités très différentes, et qu’ainsi ils présentent des différences qui justifient d’écarter tout risque de confusion, l’élément commun ne présentant pas un caractère distinctif suffisant pour créer un effet de déclinaison. Sur ce : Pour apprécier l’existence d’un risque de confusion entre les signes, il convient de rechercher l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. Les signes en cause Framboise et Potiron et CERISE ET POTIRON tirent leurs ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles de la présence commune des éléments verbaux « ET POTIRON », précédés d’un terme désignant un fruit. Le caractère distinctif d’un signe ou de l’élément d’un signe s’apprécie par rapport aux produits désignés. C’est ainsi que le directeur de l’INPI a reconnu partiellement justifiée l’opposition à la demande d’enregistrement de la marque Framboise et Potiron pour les produits « viande ; poisson ; volaille ; gibier ; oeufs ; lait ; produits laitiers ; huiles à usage alimentaire ; beurre; charcuterie ; salaisons ; crustacés (non vivants) ; coquillages non vivants ; conserves de viande ; conserves de poisson ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine ; produits de l’aquaculture, produits de l’horticulture et de la sylviculture ; animaux vivants ; plantes naturelles ; fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; crustacés vivants ; coquillages vivants ; insectes comestibles vivants ; appâts vivants pour la pêche ; céréales en grains non travaillés ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; bois bruts ; fourrages», en retenant qu’il existait une même impression d’ensemble et un risque de confusion pour ces produits pour lesquels l’ensemble verbal « ET POTIRON » présentait un caractère arbitraire et ainsi distinctif et que le signe verbal Framboise et Potiron constituait donc l’imitation de la marque verbale antérieure CERISE ET POTIRON à l’égard de ces produits. La société Providis qui ne conteste pas ce rejet partiel, reproche cependant à la décision du directeur de l’INPI de ne pas l’avoir étendu aux produits supplémentaires suivants : « légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; confitures ; compotes (classe 29) légumes frais (classe 31) » ; elle invoque à ce titre la reproduction de la marque antérieure par le signe contesté qui sera perçu comme une déclinaison de la marque antérieure, et l’interdépendance des critères qui doit être prise en considération dans l’appréciation du risque de confusion. Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes que ceux-ci ont visuellement, phonétiquement et intellectuellement en commun la même architecture associant un terme désignant un fruit rouge placé en position d’attaque (FRAMBOISE pour le signe contesté et CERISE pour la marque antérieure) aux termes « ET POTIRON » placés en position finale. Le terme « POTIRON » désigne botaniquement un fruit ; il est cependant consommé majoritairement en tant que légume ; dès lors, appliqué aux produits suivants : « légumes conservés ; légumes surgelés ; légumes séchés ; légumes cuits ; gelées ; confitures ; compotes (classe 29) légumes frais (classe 31) » de la demande d’enregistrement, il est susceptible d’en désigner la nature ou la composition. Ainsi la séquence commune « ET POTIRON » est dépourvue de caractère distinctif et ne peut donc bénéficier de la protection pour ces produits. Si comme le relève la société Providis, la procédure d’opposition n’a pas en tant que telle pour objet d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée, il n’en demeure pas moins que le faible degré de distinctivité doit être pris en compte dès lors qu’il a pour effet, lorsqu’il est faible, d’en réduire la portée dans les comparaisons à opérer. Toutes les entreprises fournissant les produits susvisés doivent pouvoir utiliser l’ensemble verbal « ET POTIRON », commun aux deux signes, qui ne matérialise pas la provenance commerciale des produits en cause mais renseigne sur leur nature ou leur composition. S’agissant de l’impression d’ensemble produite par les signes, la cour constate que les deux signes en cause débutent phonétiquement par des sonorités différentes, le terme FRAMBOISE se trouvant plus long que le terme CERISE ; qu’ils présentent ainsi des différences qui justifient d’écarter tout risque de confusion, l’élément commun « ET POTIRON » ne présentant pas un caractère distinctif suffisant pour créer l’effet de déclinaison allégué. Dès lors, ainsi que l’a retenu le directeur de l’INPI, les signes diffèrent suffisamment pour écarter tout risque de confusion. Il convient en conséquence de rejeter le recours formé par la société Providis, la cour rappelant que la juridiction saisie peut seulement annuler la décision contestée ou rejeter le recours, sans pouvoir procéder par voie d’annulation partielle comme le réclame la société Providis qui n’a pas engagé une procédure administrative en annulation de l’enregistrement de la marque Framboise et Potiron pour les produits susvisés. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort, Rejette le recours formé par la société Providis logistique contre la décision rendue le 2 juillet 2020 par le directeur de l’INPI, Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur de l’INPI, LE GREFFIER LE PRESIDENT |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que l’estoppel et comment s’applique-t-il dans le contexte juridique ?L’estoppel est un principe juridique qui sanctionne un comportement procédural versatile d’une partie. Il s’applique lorsque cette dernière soutient, dans le cadre d’une même procédure, deux positions incompatibles. Cela entraîne l’irrecevabilité de sa demande ou de son moyen de défense, sans examen au fond. Ce principe vise à protéger la loyauté et la bonne foi dans les procédures judiciaires, en empêchant une partie de changer de position de manière opportuniste. Pourquoi le principe de l’estoppel ne peut-il pas être opposé au directeur de l’INPI ?Le principe de l’estoppel ne peut pas être opposé au directeur de l’INPI car ce dernier n’est pas considéré comme une partie dans les procédures engagées devant lui. Il n’est impliqué que pour donner ses observations dans le cadre des procédures devant la cour d’appel. Ainsi, l’INPI ne peut pas être tenu responsable d’une contradiction dans les positions d’une partie, car il n’est pas partie prenante dans le litige. Quel est le contexte de l’affaire entre la société Providis et l’INPI ?La société Providis logistique est titulaire de la marque CERISE ET POTIRON, tandis que la société C’bon frais Carcassonne a déposé une demande d’enregistrement pour la marque Framboise et Potiron. Providis a formé opposition à cette demande, arguant que la nouvelle marque était similaire à la sienne. L’INPI a partiellement accueilli l’opposition, mais a rejeté certaines demandes, ce qui a conduit Providis à contester cette décision devant la cour d’appel. Quels étaient les arguments de la société Providis concernant la décision de l’INPI ?La société Providis a soutenu que la décision de l’INPI était incohérente et violait le principe du contradictoire, car elle n’avait pas été informée de l’objection à l’enregistrement avant la procédure. Elle a également fait valoir que l’INPI avait admis le caractère distinctif de la marque Framboise et Potiron pour certains produits, ce qui contredisait la décision de rejet pour d’autres produits. Ces arguments reposaient sur l’idée que l’INPI ne pouvait pas changer de position sans justifications claires. Comment la cour a-t-elle évalué le risque de confusion entre les marques ?La cour a évalué le risque de confusion en examinant l’impression d’ensemble produite par les marques en question. Elle a noté que les signes Framboise et Potiron et CERISE ET POTIRON partageaient des éléments communs, notamment la séquence « ET POTIRON ». Cependant, la cour a également pris en compte les différences visuelles et phonétiques entre les deux marques, concluant qu’il n’y avait pas de risque de confusion pour certains produits, notamment ceux où le terme « potiron » désigne la nature ou la composition. Quelle a été la décision finale de la cour d’appel de Lyon ?La cour d’appel de Lyon a rejeté le recours formé par la société Providis contre la décision de l’INPI. Elle a confirmé que l’INPI avait correctement évalué le risque de confusion entre les marques et que les arguments de Providis ne justifiaient pas une annulation partielle de la décision. La cour a souligné que la procédure d’opposition ne permettait pas d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée de manière isolée. |
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