L’Essentiel : Monsieur [T] [U], né en 1990 au Maroc, a été condamné en 2015 à 105 heures de travail d’intérêt général pour conduite sans permis. En 2019, la préfecture du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Malgré une requête en 2021 pour corriger une mention erronée sur son casier judiciaire, celle-ci est devenue sans objet. En 2020, une nouvelle demande de carte de résident a également été rejetée. En 2022, Monsieur [U] a assigné l’Agent judiciaire de l’Etat, mais le tribunal a conclu à l’absence de faute lourde, le déboutant de ses demandes.
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Présentation de Monsieur [T] [U]Monsieur [T] [U] est né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 8] au Maroc. Il est le fils de Monsieur [P] [Y] et de Madame [Z] [X]. Condamnation de Monsieur [U]Le 25 juin 2015, Monsieur [U] a été condamné par le tribunal correctionnel de Saumur à 105 heures de travail d’intérêt général pour conduite sans permis et refus de se soumettre aux vérifications d’alcoolémie, faits commis le 26 avril 2015. Refus de titre de séjourEn février 2019, la préfecture du Nord a refusé à Monsieur [U] la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel. Ce refus a été suivi d’une demande de suppression d’une mention erronée sur son casier judiciaire. Requête pour suppression de mention erronéeMonsieur [U] a formé une requête le 26 janvier 2021 pour obtenir la suppression de la mention erronée sur son casier judiciaire. Cependant, cette requête est devenue sans objet car la condamnation ne figurait plus sur le bulletin n°1 de son casier. Nouvelle demande de carte de résidentLe 25 septembre 2020, la préfecture du Nord a de nouveau refusé la délivrance d’une carte de résident à Monsieur [U], considérant que la demande n’était pas recevable. Assignation de l’Agent judiciaire de l’EtatMonsieur [U] a assigné l’Agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal le 25 juillet 2022, demandant des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, ainsi que le remboursement des frais de justice. Arguments de Monsieur [U]Monsieur [U] soutient que les erreurs sur son casier judiciaire constituent une faute lourde du service public de la justice, entraînant des préjudices moral et financier, notamment des honoraires d’avocat. Réponse de l’Agent judiciaire de l’EtatL’Agent judiciaire de l’Etat a reconnu une erreur due à une homonymie, mais a contesté la responsabilité pour le préjudice financier, arguant que Monsieur [U] n’a pas justifié ses frais et que le second refus de la préfecture n’était pas imputable à la justice. Position du ministère publicLe ministère public a conclu au rejet des demandes de Monsieur [U], soulignant qu’il avait eu accès à des recours et que les difficultés rencontrées étaient dues à l’homonymie, non à des fautes du service public. Décision du tribunalLe tribunal a statué que l’erreur sur le casier judiciaire avait été corrigée par les voies de recours, ne laissant pas de faute lourde du service public. Monsieur [U] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens. Exécution du jugementL’exécution provisoire de ce jugement est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Qui est Monsieur [T] [U] ?Monsieur [T] [U] est né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 8] au Maroc. Il est le fils de Monsieur [P] [Y] et de Madame [Z] [X]. Quelle a été la condamnation de Monsieur [U] ?Le 25 juin 2015, Monsieur [U] a été condamné par le tribunal correctionnel de Saumur à 105 heures de travail d’intérêt général. Cette condamnation était pour conduite sans permis et refus de se soumettre aux vérifications d’alcoolémie, faits commis le 26 avril 2015. Pourquoi la préfecture du Nord a-t-elle refusé un titre de séjour à Monsieur [U] ?En février 2019, la préfecture du Nord a refusé à Monsieur [U] la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel. Ce refus a été suivi d’une demande de suppression d’une mention erronée sur son casier judiciaire. Qu’est-ce que Monsieur [U] a demandé concernant son casier judiciaire ?Monsieur [U] a formé une requête le 26 janvier 2021 pour obtenir la suppression de la mention erronée sur son casier judiciaire. Cependant, cette requête est devenue sans objet car la condamnation ne figurait plus sur le bulletin n°1 de son casier. Quelle a été la décision de la préfecture du Nord concernant la carte de résident ?Le 25 septembre 2020, la préfecture du Nord a de nouveau refusé la délivrance d’une carte de résident à Monsieur [U]. Elle a considéré que la demande n’était pas recevable. Quelles actions a entreprises Monsieur [U] contre l’Agent judiciaire de l’Etat ?Monsieur [U] a assigné l’Agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal le 25 juillet 2022. Il demandait des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, ainsi que le remboursement des frais de justice. Quels arguments a avancés Monsieur [U] dans son assignation ?Monsieur [U] soutient que les erreurs sur son casier judiciaire constituent une faute lourde du service public de la justice. Cela a entraîné des préjudices moral et financier, notamment des honoraires d’avocat. Quelle a été la réponse de l’Agent judiciaire de l’Etat ?L’Agent judiciaire de l’Etat a reconnu une erreur due à une homonymie. Cependant, il a contesté la responsabilité pour le préjudice financier, arguant que Monsieur [U] n’a pas justifié ses frais et que le second refus de la préfecture n’était pas imputable à la justice. Quelle a été la position du ministère public ?Le ministère public a conclu au rejet des demandes de Monsieur [U]. Il a souligné qu’il avait eu accès à des recours et que les difficultés rencontrées étaient dues à l’homonymie, non à des fautes du service public. Quelle a été la décision du tribunal concernant Monsieur [U] ?Le tribunal a statué que l’erreur sur le casier judiciaire avait été corrigée par les voies de recours. Il n’y avait donc pas de faute lourde du service public. Monsieur [U] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens. Quelles sont les implications de l’exécution du jugement ?L’exécution provisoire de ce jugement est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile. Cela signifie que le jugement doit être appliqué immédiatement, même si une éventuelle contestation est en cours. Sur quelle base l’Etat est-il responsable selon le code de l’organisation judiciaire ?En vertu de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire, l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. Comment le tribunal a-t-il évalué la responsabilité de l’Etat dans ce cas ?Le tribunal a constaté qu’une mention a été portée par erreur sur les bulletins n°1 et n°2 du casier judiciaire de Monsieur [U], en raison d’une homonymie. Cependant, il a noté que les voies de recours avaient permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, ne laissant subsister aucune faute lourde du service public de la justice. Quelles ont été les conséquences pour Monsieur [U] suite à la décision du tribunal ?Monsieur [U] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens. Il a également été débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/10164 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXOTC
N° MINUTE :
Assignation du :
25 Juillet 2022
JUGEMENT
rendu le 27 Novembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [T] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Hansu YALAZ, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #R177 et par Maître Brigitte KARILA, avocat plaidant au barreau de LILLE, [Adresse 3] [Localité 4]
DÉFENDEUR
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Ali SAIDJI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J076
MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur
Décision du 27 Novembre 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/10164 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXOTC
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Cécile VITON, Première vice-présidente adjointe
Présidente de formation,
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs
assistés de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors des débats et de Madame Marion CHARRIER, Greffier lors du prononcé
DEBATS
A l’audience du 30 Octobre 2024
tenue en audience publique
Monsieur Benoit CHAMOUARD a fait un rapport de l’affaire
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Monsieur [T] [U] est né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 8] (Maroc), de Monsieur [P] [Y] et Madame [Z] [X].
Le 25 juin 2015, Monsieur [T] [U], né le [Date naissance 2] 1990 à Oujda (Maroc), de Monsieur [W] [U] et Madame [A] [V], a été condamné par le tribunal correctionnel de Saumur à une peine de 105 heures de travail d’intérêt général pour des faits de conduite sans permis et refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l’état alcoolique, commis à Saumur le 26 avril 2015.
Cette condamnation a été portée au casier judiciaire de Monsieur [U], né à [Localité 8] (ci-après « Monsieur [U] »).
En février 2019, la préfecture du Nord a refusé la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel à Monsieur [U].
Par l’intermédiaire de son conseil, Monsieur [U] a sollicité la suppression de la mention erronée. Le 26 janvier 2021, il a formé une requête devant le président de la chambre correctionnelle du tribunal correctionnel de Saumur sur le fondement de l’article 778§5 du code de procédure pénale afin d’obtenir la suppression de la mention erronée.
Cette requête est toutefois devenue sans objet puisqu’il s’est avéré que la condamnation ne figurait plus au bulletin n°1 du casier judiciaire de Monsieur [U].
Le 25 septembre 2020, la préfecture du Nord a refusé la délivrance d’une carte de résident à Monsieur [U], au motif que celle-ci n’était pas recevable.
Dans ce contexte, Monsieur [U] a fait assigner l’Agent judiciaire de l’Etat devant ce tribunal sur le fondement de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire par acte du 25 juillet 2022.
Par dernières conclusions du 1er septembre 2023, Monsieur [U] demande au tribunal de condamner l’Agent judiciaire de l’Etat au paiement de 5 000€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 3 000€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier. Il sollicite également la condamnation de l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens et au paiement de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [U] expose que les erreurs persistantes commises sur son casier judiciaire sont constitutives d’une faute lourde du service public de la justice. Il souligne qu’il est établi que son casier judiciaire était vierge uniquement à la date du 13 juillet 2022 et qu’il y a tout lieu de penser que la condamnation litigieuse figurait toujours sur le fichier de traitement des antécédents judiciaires.
Il soutient que ces mentions erronées et les difficultés qui s’en sont suivies lui ont occasionné un préjudice moral et un préjudice financier, constitué des honoraires des avocats qu’il a dû solliciter.
Par dernières conclusions du 1er décembre 2023, l’Agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de débouter Monsieur [U] de ses demandes.
L’Agent judiciaire de l’Etat expose que le casier judiciaire a effectué un rapprochement entre deux homonymes, divergeant sur le lieu de naissance, et a ainsi commis une erreur. Il admet que suite à la délivrance d’un bulletin inexact, la préfecture a opposé un premier refus de délivrance de titre de séjour à Monsieur [U].
Au titre du préjudice financier, l’Agent judiciaire de l’Etat relève que le demandeur ne produit qu’une partie des factures acquittées et ne justifie d’aucun frais au titre des démarches effectuées par son avocat. Il ajoute que le second refus de la préfecture du Nord n’est pas imputable au service public de la justice et que le préjudice financier en résultant ne pourra pas être indemnisé.
Concernant le préjudice moral, l’Agent judiciaire de l’Etat fait valoir que Monsieur [U] ne décrit pas celui-ci et ne fournit aucun document permettant de le justifier, voire de le quantifier.
Par avis du 8 septembre 2023, le ministère public conclut au rejet des demandes. Il expose que l’erreur du casier judiciaire peut être considérée comme un dysfonctionnement du service public de la justice. Il précise toutefois que Monsieur [U] disposait de recours (plainte pour usurpation d’identité, articles 710 et 778 du code de procédure pénale), a eu la possibilité de solliciter la rectification et l’a obtenue. Il précise que le demandeur a obtenu un titre de séjour pluriannuel.
Il estime que les difficultés rencontrées avec l’administration fiscale et le service des permis de conduire résulte de l’homonymie et non de fautes du service public de la justice.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 4 décembre 2023.
Sur la responsabilité de l’Etat
En vertu de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire, l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
L’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut toutefois être appréciée que dans la mesure où l’exercice des voies de recours n’a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué.
En l’espèce, il est constant qu’une mention a été portée par erreur sur les bulletins n°1 et n°2 du casier judiciaire de Monsieur [U], en raison d’une homonymie.
Les pièces produites laissent toutefois apparaître qu’au 13 juillet 2022, le bulletin n°1 (et donc nécessairement les n°2 et n°3) du casier judiciaire du demandeur ne mentionne aucune condamnation, comme le confirme le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saumur dans le cadre de la procédure intentée par Monsieur [U].
Ce faisant, il convient de constater que les voies de recours ont permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, ne laissant subsister aucune faute lourde du service public de la justice.
Monsieur [U] sera donc débouté de ses demandes.
Sur les autres demandes
Monsieur [U], partie perdante, sera condamné aux dépens.
Il sera par ailleurs débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il convient enfin de rappeler que l’exécution provisoire de ce jugement est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et susceptible d’appel, par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE Monsieur [T] [U] de ses demandes,
CONDAMNE Monsieur [T] [U] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 27 Novembre 2024
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Cécile VITON
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