L’Essentiel : La promesse unilatérale de vente, établie le 21 octobre 1971, engageait [S] [D] à vendre une parcelle à [M] [K]. Après le décès des parties, leurs fils, M. [L] [D] et M. [U] [K], ont hérité des droits. En 2016, [M] [K] a levé l’option, mais face à l’inaction de [S] [D], il a assigné ce dernier en 2018 pour obtenir le transfert de propriété. La Cour a souligné que la levée de l’option après rétractation ne permet pas d’ordonner la vente, mais ouvre droit à des dommages-intérêts, confirmant que la promesse engage le promettant sans rétractation possible.
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Promesse de vente et contexteLa promesse unilatérale de vente a été établie par acte authentique le 21 octobre 1971, où [S] [D] s’engageait à vendre une parcelle de terrain à [M] [K], qui l’exploitait sous un bail depuis 1961. Cette promesse était valable pour quatre ans, avec une prorogation tacite jusqu’à un an après l’ouverture d’une rocade à proximité. Décès des parties et successionLes deux parties, [S] [D] et [M] [K], sont décédées, laissant leurs fils respectifs, M. [L] [D] et M. [U] [K], en tant que successeurs. Le promettant a ensuite informé le bénéficiaire par lettre recommandée le 1er juin 2011 de sa volonté de considérer la promesse comme caduque. Levée de l’option et assignationLe 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option dans le délai imparti, la rocade devant être ouverte le 24 novembre. Face à l’absence de réponse du promettant, le bénéficiaire a assigné ce dernier le 17 janvier 2018 pour obtenir le transfert de propriété de la parcelle et des dommages-intérêts pour résistance abusive. Arguments du bénéficiaireLe bénéficiaire a contesté le rejet de sa demande de transfert de propriété et de dommages-intérêts, arguant que le promettant était tenu de vendre dès la conclusion de la promesse, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. Réponse de la Cour et jurisprudenceLa Cour a rappelé que le contrat est une convention engageant les parties à des obligations. Elle a également précisé que la levée de l’option après la rétractation du promettant ne permet pas d’ordonner la réalisation forcée de la vente, mais que la violation de l’obligation de faire ne donne droit qu’à des dommages-intérêts. La Cour de cassation a récemment modifié sa jurisprudence, affirmant que la promesse unilatérale de vente engage le promettant à vendre sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature juridique de la promesse unilatérale de vente ?La promesse unilatérale de vente est un contrat par lequel une partie, le promettant, s’engage à vendre un bien à une autre partie, le bénéficiaire, qui a la faculté d’accepter ou de refuser cette vente. Selon l’article 1101 du Code civil, « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. » Ainsi, la promesse unilatérale de vente constitue un avant-contrat, qui contient les éléments essentiels du contrat définitif. Elle engage le promettant à vendre, et le bénéficiaire a le droit d’exercer son option dans le délai prévu. Quelles sont les conséquences de la rétractation du promettant sur la promesse unilatérale de vente ?La rétractation du promettant pendant le délai d’option du bénéficiaire soulève des questions sur la validité de la promesse unilatérale de vente. L’article 1134, alinéa 1er, du Code civil stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Cela signifie que le promettant est lié par son engagement, et sa rétractation ne peut pas annuler la promesse tant que le bénéficiaire n’a pas exercé son option. Cependant, selon l’article 1142 du même code, « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur. » Ainsi, même si le promettant se rétracte, le bénéficiaire peut demander des dommages-intérêts, mais cela ne remet pas en cause la validité de la promesse. Comment la jurisprudence a-t-elle évolué concernant la réalisation forcée de la vente ?La jurisprudence a connu un revirement concernant la possibilité d’ordonner la réalisation forcée de la vente en cas de promesse unilatérale. Traditionnellement, il était admis que la levée de l’option après la rétractation du promettant excluait la possibilité d’ordonner la vente. Cependant, depuis un arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a jugé que la promesse unilatérale de vente engage le promettant à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. Cela signifie que même en cas de rétractation, le bénéficiaire peut toujours demander la réalisation forcée de la vente, car la promesse constitue un engagement ferme. Quelles sont les implications de la résistance abusive dans le cadre de la promesse unilatérale de vente ?La résistance abusive se réfère à la situation où le promettant refuse de respecter son engagement sans justification valable. Dans ce contexte, le bénéficiaire peut demander des dommages-intérêts pour cette résistance abusive, conformément à l’article 1142 du Code civil, qui prévoit que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur. » Cela signifie que si le promettant refuse de transférer la propriété du bien, le bénéficiaire peut obtenir réparation pour le préjudice subi. Il est donc essentiel pour le promettant de respecter ses engagements, car un refus injustifié peut entraîner des conséquences financières. |
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 619 FS-B
Pourvoi n° W 21-12.661
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
M. [U] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-12.661 contre l’arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l’opposant à M. [L] [D], domicilié [Adresse 5], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [K], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [D], et l’avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Delpey-Corbaux, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), par acte authentique du 21 octobre 1971, [S] [D] a promis de vendre à [M] [K], ou à ses ayants droit, la parcelle de terrain cadastrée section A n° [Cadastre 2], devenue la parcelle A n° [Cadastre 3], que cette dernière exploitait à [Localité 4] selon bail du 23 septembre 1961.
2. Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 1er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.
3. [S] [D] et [M] [K] sont décédées, respectivement les 28 décembre 1978 et 6 mars 1999, laissant pour leur succéder, la première, son fils, M. [L] [D] (le promettant), la seconde, son fils, M. [U] [K] (le bénéficiaire).
4. Par lettre recommandée du 1er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu’il considérait la promesse de vente comme caduque.
5. Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option, dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.
6. Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné, le 17 janvier 2018, aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] et de condamnation au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le bénéficiaire fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] ainsi que sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ; qu’en considérant qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts, la cour d’appel a violé les articles 1101, 1134 et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article 1583 du même code. »
Vu les articles 1101, 1134, alinéa 1er, et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Aux termes du premier de ces textes, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
9. Aux termes du deuxième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Aux termes du dernier, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.
11. Alors qu’il était jugé antérieurement, en matière de promesse unilatérale de vente, que la levée de l’option, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée, la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts, la Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, juge, depuis une décision du 23 juin 2021 (3e Civ., pourvoi n° 20-17.554, publiée) que la promesse unilatérale de vente étant un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.
12. Bien qu’énonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible en pareil cas d’ordonner la réalisation forcée de la vente, s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages-intérêts.
13. En statuant ainsi, se conformant à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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