L’Essentiel : Dans cette affaire, les consorts [U] ont assigné Mme [M] en paiement des loyers dus par la société Magn’hom, mise en liquidation. Mme [M] conteste la décision de la cour d’appel, arguant que son aveu judiciaire ne devrait pas l’empêcher de soulever des causes de nullité du contrat. La cour rappelle que l’aveu judiciaire est irrévocable pour erreur de droit, mais n’exclut pas la possibilité de contester la validité du contrat. La cour d’appel a erronément considéré que cet aveu dispensait les consorts [U] de prouver leur créance, entraînant ainsi la cassation de l’arrêt.
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Contexte de l’affaireLes faits se déroulent autour d’un bail commercial consenti le 27 août 2007 par les consorts [U] à la société Magn’hom, avec un cautionnement fourni par Mme [M]. Assignation en paiementLe 26 juin 2012, les consorts [U] assignent Mme [M] en paiement des loyers et charges dus par la société Magn’hom, qui a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires. Arguments de Mme [M]Mme [M] conteste la décision de la cour d’appel qui la condamne à verser 37 627,90 euros aux consorts [U], arguant que son aveu judiciaire ne devrait pas priver son droit de soulever des causes de nullité ou d’inefficacité concernant le contrat. Réponse de la CourLa cour rappelle que l’aveu judiciaire est une déclaration qui fait pleine foi contre son auteur et ne peut être révoqué que pour erreur de fait, mais pas pour erreur de droit. Elle souligne que l’aveu de l’existence d’un contrat ne prive pas son auteur de soulever des causes de nullité. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a considéré que l’aveu de Mme [M] dispensait les consorts [U] de toute autre preuve, ce qui a conduit à sa condamnation. Cependant, cette interprétation a été jugée erronée. Conséquences de la cassationLa cassation de l’arrêt du 24 novembre 2022 entraîne également l’annulation de l’arrêt rectificatif du 23 mars 2023, en raison de leur lien de dépendance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’aveu judiciaire selon l’article 1356 du Code civil ?L’article 1356 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, définit l’aveu judiciaire comme suit : « L’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l’a fait. Il ne peut être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué, à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit. » Cet article souligne que l’aveu judiciaire a une force probante importante, car il engage celui qui l’a fait. Cependant, il est important de noter que cet aveu ne prive pas son auteur de la possibilité de soulever des causes de nullité ou d’inefficacité des obligations nées du contrat, ce qui est essentiel dans le cadre des litiges liés aux engagements de caution. Comment l’aveu judiciaire a-t-il été interprété par la cour d’appel dans cette affaire ?Dans cette affaire, la cour d’appel a interprété l’aveu judiciaire de Mme [M] comme un engagement irrévocable qui dispensait les consorts [U] de toute autre preuve concernant le bien-fondé de leurs prétentions. Elle a retenu que, dans ses conclusions de première instance, Mme [M] avait clairement fait l’aveu de sa dette, qui est un fait juridique, sur la base d’un acte juridique, à savoir l’engagement de caution. L’arrêt a ainsi conclu que l’aveu judiciaire, indivisible et irrévocable, privait Mme [M] de la possibilité de soulever des fins de non-recevoir et des moyens de fond postérieurs, ce qui a conduit à sa condamnation au paiement. Cependant, cette interprétation a été contestée, car elle a été jugée comme une extension de la portée de l’aveu au-delà des simples éléments de fait, ce qui a conduit à la cassation de l’arrêt. Quelles sont les conséquences de la cassation de l’arrêt du 24 novembre 2022 ?La cassation de l’arrêt du 24 novembre 2022 entraîne des conséquences importantes, comme le stipule l’article 625 du Code de procédure civile : « La cassation de l’arrêt entraîne l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêt rectificatif qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire. » Cela signifie que l’arrêt rectificatif du 23 mars 2023, qui était lié à l’arrêt initial, est également annulé. Cette annulation a pour effet de remettre en question la décision de la cour d’appel et de rouvrir la possibilité pour Mme [M] de soulever des moyens de défense, y compris des causes de nullité ou d’inefficacité des obligations nées de son engagement de caution. Ainsi, la cassation permet de réexaminer l’affaire en tenant compte des principes juridiques applicables, notamment ceux relatifs à l’aveu judiciaire et à la preuve des obligations contractuelles. |
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 27 F-D
Pourvoi n° F 23-17.416
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025
Mme [C] [M], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 23-17.416 contre les arrêts rendus les 24 novembre 2022 et 23 mars 2023 par la cour d’appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [K] [U], épouse [L], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [F] [U], domicilié [Adresse 2],
3°/ à Mme [Z] [U], épouse [D], domiciliée [Adresse 5],
4°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [M], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [K] [U], épouse [L], M. [F] [U], Mme [Z] [U], épouse [D], et de M. [E] [U] , et l’avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 24 novembre 2022, rectifié le 23 mars 2023), rendus sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 21-10.249), par un acte du 27 août 2007, Mme [K] [U], épouse [L], M. [F] [U], Mme [Z] [U], épouse [D], et M. [E] [U] (les consorts [U]), alors en indivision, ont consenti un bail commercial à la société Magn’hom, dont l’exécution a été garantie par le cautionnement de Mme [M].
2. Le 26 juin 2012, les consorts [U] ont assigné Mme [M] en paiement,
outre de dommages et intérêts, des loyers et charges dus par la société Magn’hom, mise en redressement puis en liquidation judiciaires.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme [M] fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de la condamner en sa qualité de caution de la société Magn’hom à verser aux consorts [U] la somme de 37 627,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012 sur la somme de 16 415,11 euros et sur la somme de 37 627, 90 euros à compter du 28 octobre 2013, alors « que l’aveu judiciaire de l’existence d’un contrat, qui ne peut porter que sur des points de fait, ne prive pas son auteur de la faculté de soulever une cause de nullité, d’extinction ou d’inefficacité des obligations nées de ce contrat ; qu’en jugeant que l’aveu par Mme [M] de son engagement de caution emportait dispense [pour] les consorts [U] de toute autre preuve du bien-fondé de leurs prétentions et prive les fins de non-recevoir et moyens de fond postérieurs de Mme [M] de toute pertinence et fondement », la cour d’appel a étendu la portée de l’aveu au-delà du seul élément de fait qui en était l’objet, et a violé l’article 1356 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, ensemble l’article 12 du code de procédure civile. »
Vu l’article 1356 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :
4. Aux termes de ce texte, l’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l’a fait. Il ne peut être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué, à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit.
5. L’aveu de l’existence d’un contrat ne prive pas son auteur de la faculté de soulever une cause de nullité, d’extinction ou d’inefficacité des obligations nées de ce contrat.
6. Pour condamner Mme [M] à paiement, après avoir relevé que, dans ses conclusions de première instance, cette dernière avait entendu clairement faire l’aveu de sa dette, qui est un fait juridique, sur la base d’un acte juridique, à savoir l’engagement de caution, l’arrêt retient que l’aveu judiciaire, indivisible et irrévocable, dispense les consorts [U] de toute autre preuve du bien-fondé de leurs prétentions et prive les fins de non-recevoir et moyens de fond postérieurs de Mme [M] de toute pertinence et fondement.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l’article 625 du code de procédure civile :
8. La cassation de l’arrêt du 24 novembre 2022 entraîne l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêt rectificatif du 23 mars 2023, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
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