En matière de déchéance de marque, quel est le tribunal compétent ? Quel juge saisir ? Que dit le Code de la propriété intellectuelle ?

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En matière de déchéance de marque, quel est le tribunal compétent ? Quel juge saisir ? Que dit le Code de la propriété intellectuelle ?

Lieu du registre du dépôt de la marque

 

Le tribunal territorialement compétent pour connaître d’une action en nullité comme en déchéance de marque est celui du lieu du dépôt de la marque (lieu du registre de dépôt INPI).  L’action en déchéance tend à sanctionner la violation de l’obligation d’usage de la marque par son titulaire, l’article 46 du code de procédure civile autorise ainsi la saisine du tribunal de grande instance de Paris à deux titres : comme lieu de réalisation du dommage puisque celui-ci est subi partout où la marque produit ses effets et comme lieu du fait générateur du dommage dès lors que la marque a été déposée à Paris.

Dans ce cadre et faute de dispositions spécifiques du code de la propriété intellectuelle, déterminer l’applicabilité de l’article 46 du code de procédure civile au litige suppose de qualifier préalablement, à l’aune de son objet et de sa finalité, la nature de l’action en déchéance notamment pour savoir si elle relève de la matière délictuelle au sens de ce texte qui dispose que le demandeur peut, en matière délictuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

L’enregistrement de la marque, qui est constitutif de droit et rétroagit au jour du dépôt conformément aux articles L 712-1 et L 713-1 du code de la propriété intellectuelle, confère à son titulaire un monopole avantageux sur un signe qui n’est légitime et admissible dans un contexte de libre concurrence qu’en ce que ses conditions de validité et de maintien en vigueur sont remplies. Car le droit sur une marque est un droit d’occupation, celle du registre devant se traduire par celle d’un marché : l’action en déchéance exprime précisément cette distinction en permettant d’une part de sanctionner par la privation de ses droits le propriétaire d’une marque qui, par le défaut d’exploitation de celle-ci à l’issue d’un délai de grâce, manifeste un détournement du droit des marques en s’appropriant exclusivement un signe qui ne sert aucune activité économique réelle et sérieuse et, d’autre part, de purger le registre national des marques des signes inexploités pour libérer leur usage au profit des autres acteurs du marché. Ainsi, l’action en déchéance tend, au profit d’un concurrent, à libérer rétroactivement dans les limites temporelles de l’article 714-5 du code de la propriété intellectuelle le marché d’un obstacle injustifié et, conformément à ce texte, profite à tous quand elle est présentée à titre principal et accueillie puisque son effet est absolu.

Dès lors, à l’instar d’une action en responsabilité délictuelle qu’elle n’est certes pas, elle assure, dans le rapport de concurrence qui oppose les parties, une fonction de cessation de l’illicite, ici constitué par un acte juridique dont les conditions de maintien ne sont pas remplies, et se greffe alors sur un rapport d’obligation quasi-délictuelle. Elle relève de ce seul fait de la « matière délictuelle » au sens de l’article 46 du code de procédure civile qui est donc applicable au litige.

La situation illicite à laquelle l’action en déchéance tend à mettre un terme n’est pas celle du dépôt mais celle résultant d’un défaut d’exploitation combiné à un maintien en vigueur de l’enregistrement qui est seul constitutif de droit : le fait générateur du dommage subi par le demandeur à l’action au sens de l’article 46 du code de procédure civile, qui réside dans l’impossibilité d’user d’un signe nécessaire à son activité, n’est ainsi pas le dépôt mais l’enregistrement lui-même.

C’est ainsi le lieu de l’enregistrement de la marque, soit le lieu où est tenu le registre national des marques, qui constitue un critère de compétence devant être apprécié au jour de l’assignation. Celui-ci n’est toutefois que facultatif en application de l’article 46 qui offre au demandeur la possibilité de saisir la juridiction du lieu où est subi le dommage.

 

Compétence du juge de la mise en état

 

En application de l’article 771 du code de procédure civile, lorsque la demande d’incompétence juridictionnelle est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance, les parties n’étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l’exception soient d’ordre public

Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

En matière de déchéance de marque, le moyen tiré de l’application du règlement communautaire UE 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est sans pertinence car ce type de  litige ne met en cause aucun conflit de juridictions entre Etats membres. Seules les dispositions du droit interne, le règlement ne permettant pas de déterminer la juridiction territorialement compétente au sein d’un Etat membre, ont vocation à régir le litige relatif à une déchéance de marque.  Source : TGI de Paris, 1/6/2017

 


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