Écoutes téléphoniques des salariés : possible mais sous conditions

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Écoutes téléphoniques des salariés : possible mais sous conditions

L’essentiel : Le système d’enregistrement des conversations téléphoniques des salariés doit respecter des obligations légales strictes. Selon l’article L.1222-4 du code du travail, l’employeur doit informer les salariés et le comité d’entreprise avant toute mise en œuvre. Dans une affaire récente, il a été établi que l’employeur n’avait pas correctement informé une salariée du système d’écoute, rendant ainsi les enregistrements illicites. De plus, le détournement de ce système à des fins disciplinaires a été jugé inacceptable, soulignant l’importance de la transparence et du respect des droits des salariés dans la gestion des données personnelles.

Le principe est d’application transversale : aux termes de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Le comité d’entreprise doit être informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, des traitements automatisés de gestion du personnel et de toute modification de ceux-ci.  L’absence de respect par l’employeur de l’information personnelle des salariés avant la mise en oeuvre du système d’enregistrement des conservations téléphoniques et le détournement par l’employeur de ce système à des fins disciplinaires rend illicites les enregistrements des conversations ainsi que les grilles d’écoutes fondées sur ces enregistrements,

Salariés sur écoute

Dans
cette affaire de licenciement, certaines pièces versées aux débats étaient issues
d’un système de traitement automatique de données personnelles permettant l’enregistrement
et l’écoute des conversations téléphoniques des salariés à la discrétion de
l’employeur.

Pour
pouvoir mettre en place ce système d’enregistrement consistant à la fois en un
système de surveillance de l’activité des salariés et de traitement automatique
des données personnelles, l’employeur devait procéder à la consultation et à
l’information du comité d’entreprise ainsi qu’à l’information des salariés
concernés dans les conditions fixées par les articles L.2323-32 et L.1222-4 du
code du travail. Il était également tenu de respecter les dispositions de la
loi informatique et liberté 78-17 du 6 janvier 2018, notamment en matière de
déclaration à la CNIL et de respect de la finalité du système mis en place.

Diligences de l’employeur

L’employeur
a fait valoir qu’il avait bien respecté son obligation d’information collective
et individuelle quant au système d’enregistrement des appels téléphoniques de
ses salariés, qu’il n’était pas tenu de
faire une déclaration préalable auprès de la CNIL, du fait qu’il était doté d’un correspondant informatique local et qu’il
n’avait commis aucune dissimulation quant à la finalité du système d’écoute.

En
effet, il était établi que l’employeur avait désigné en interne un Correspondant
Informatique et Libertés (CIL); que les modalités de mise en oeuvre du
système d’enregistrement des conversations téléphoniques des salariés ont été
évoquées lors d’une réunion du comité
d’entreprise et que lors de cette réunion, l’employeur a indiqué que l’objectif
des enregistrements était de répondre aux besoins des clients, de calmer
l’agressivité de certains débiteurs (la société proposant des services de
recouvrement de créances)et d’être un outil pédagogique pour les
collaborateurs ; que le système d’enregistrement ne serait pas en continu sur
tous les postes et que les managers pourraient demander l’enregistrement des
conversations en fonction des besoins des clients; qu’il n’était pas
possible d’enregistrer un collaborateur ou plusieurs tous les jours et qu’un
salarié pourrait faire l’objet d’une sanction s’il ne respectait pas les règles
de déontologie attendues; que l’employeur a informé les salariés de la
mise en oeuvre du système des enregistrements des appels téléphoniques par un
document flash info ayant fait l’objet d’un affichage et leur aurait adressé
également une lettre circulaire quant à ce système.

Manquements de l’employeur

Or,
la juridiction a considéré que le flash info et la copie de la lettre ne prouvaient
pas que la salariée licenciée avait été informée de manière effective par
l’employeur du système d’enregistrement des conservations téléphoniques mis en
place avant l’utilisation de ce système.

Par
ailleurs, l’extrait de registre du CIL quant au système d’enregistrement des
conservations téléphoniques mentionnait que ce système avait pour finalité
principale la gestion du poste client et du recouvrement de créances civiles et
commerciales. Or, il résulte des propres explications de l’employeur que la
sélection des conversations téléphoniques enregistrées était laissée à la
discrétion des managers de la société et que l’employeur avait intensifié la
surveillance des conversations téléphoniques de la salariée, à partir du moment
où il a constaté des manquements de celle-ci dans le cadre de ces
conversations. Le système d’enregistrement des conversations téléphoniques mis
en place n’avait donc pas de caractère aléatoire, même s’il ne pouvait pas être
mis en oeuvre en même temps pour tous les salariés et l’employeur en a détourné
la finalité pour l’utiliser à des fins disciplinaires.

L’absence de respect par l’employeur de l’information personnelle de la salariée avant la mise en oeuvre du système d’enregistrement des conservations téléphoniques et le détournement par l’employeur de ce système à des fins disciplinaires rend illicites les enregistrements des conversations de la salariée versés aux débats ainsi que les grilles d’écoutes fondées sur ces enregistrements, étant observé au surplus que certains de ces documents ont été conservés par l’employeur au-delà d’un an.  Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principe de collecte des informations personnelles des salariés ?

Le principe de collecte des informations personnelles des salariés est clairement établi par l’article L.1222-4 du code du travail. Selon cet article, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

Cela signifie que l’employeur doit informer les salariés de l’existence de tout système de collecte de données avant sa mise en œuvre. De plus, le comité d’entreprise doit également être informé des traitements automatisés de gestion du personnel, ainsi que de toute modification de ces traitements.

Le non-respect de cette obligation d’information par l’employeur peut rendre illicites les enregistrements effectués, notamment dans le cadre de systèmes d’écoute des conversations téléphoniques.

Quelles sont les obligations de l’employeur concernant l’enregistrement des conversations téléphoniques ?

L’employeur a plusieurs obligations à respecter avant de mettre en place un système d’enregistrement des conversations téléphoniques. Tout d’abord, il doit consulter et informer le comité d’entreprise ainsi que les salariés concernés, conformément aux articles L.2323-32 et L.1222-4 du code du travail.

En outre, il doit se conformer à la loi informatique et libertés 78-17 du 6 janvier 2018, qui impose des règles strictes en matière de déclaration à la CNIL et de respect de la finalité du système.

Cela inclut la nécessité de justifier la finalité de l’enregistrement, qui doit être légitime et proportionnée. L’employeur doit également s’assurer que les salariés sont informés de la mise en œuvre de ce système et des conditions dans lesquelles il sera utilisé.

Quelles diligences l’employeur a-t-il affirmé avoir respectées ?

L’employeur a soutenu qu’il avait respecté ses obligations d’information collective et individuelle concernant le système d’enregistrement des appels téléphoniques. Il a affirmé qu’il n’était pas tenu de faire une déclaration préalable auprès de la CNIL, car il avait désigné un Correspondant Informatique et Libertés (CIL) en interne.

De plus, il a indiqué que les modalités de mise en œuvre du système avaient été discutées lors d’une réunion du comité d’entreprise. Lors de cette réunion, l’employeur a précisé que l’objectif des enregistrements était de répondre aux besoins des clients et d’être un outil pédagogique pour les collaborateurs.

Il a également mentionné que les enregistrements ne seraient pas effectués en continu et que les managers pourraient demander des enregistrements en fonction des besoins.

Quels manquements ont été relevés par la juridiction ?

La juridiction a constaté que les documents fournis par l’employeur, tels que le flash info et la lettre circulaire, ne prouvaient pas que la salariée licenciée avait été informée de manière effective du système d’enregistrement avant son utilisation.

De plus, l’extrait de registre du CIL indiquait que la finalité principale du système était la gestion du poste client et le recouvrement de créances. Cependant, il a été établi que la sélection des conversations à enregistrer était laissée à la discrétion des managers, ce qui a conduit à une intensification de la surveillance des conversations de la salariée après des manquements constatés.

Cela a été interprété comme un détournement de la finalité du système, qui a été utilisé à des fins disciplinaires, rendant ainsi les enregistrements illicites.

Quelles conséquences a eu le non-respect des obligations d’information par l’employeur ?

Le non-respect par l’employeur de l’obligation d’informer la salariée avant la mise en œuvre du système d’enregistrement des conversations téléphoniques a eu des conséquences juridiques significatives. En effet, cela a rendu illicites les enregistrements des conversations de la salariée qui ont été présentés comme preuves dans le cadre de la procédure de licenciement.

De plus, les grilles d’écoutes basées sur ces enregistrements ont également été jugées illicites. Il a été observé que certains documents avaient été conservés par l’employeur au-delà d’un an, ce qui constitue une violation supplémentaire des règles de protection des données personnelles.

Ces manquements ont eu un impact direct sur la légitimité du licenciement et sur la validité des preuves utilisées contre la salariée.


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