Équilibre des droits en matière de détention provisoire et accès à l’information.

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Équilibre des droits en matière de détention provisoire et accès à l’information.

L’Essentiel : Le 5 juin 2024, M. [M] [K] a été mis en examen et placé en détention provisoire, décision qu’il a contestée par appel. Ses avocats arguent d’une violation du droit à un procès équitable, affirmant qu’ils n’ont pas eu accès à des éléments cruciaux avant le débat. Cependant, la Cour a rejeté cette exception, précisant que l’avocat avait eu accès à la procédure et que les difficultés soulevées étaient liées à d’autres gardes à vue. En conclusion, la Cour a jugé que l’avocat avait eu accès à toutes les pièces nécessaires, rejetant ainsi les arguments de la défense.

Contexte de l’affaire

Le 5 juin 2024, M. [M] [K] a été mis en examen et placé en détention provisoire. Suite à cette décision, il a interjeté appel.

Arguments de l’appel

L’appel critique l’arrêt qui a rejeté les demandes d’annulation du débat contradictoire et des actes subséquents, tout en confirmant la décision de placement en détention. Les avocats de M. [K] soutiennent que le droit à un procès équitable a été violé, car ils n’ont pas eu accès à des éléments cruciaux avant le débat, ce qui a compromis leurs droits de défense.

Réponse de la Cour

La Cour a rejeté l’exception de nullité, affirmant que l’avocat de M. [K] avait eu accès à la procédure avant le débat. Les juges ont précisé que les difficultés soulevées par la défense étaient liées à d’autres gardes à vue en cours, et non à un manque d’accès aux pièces essentielles.

Éléments de preuve et accès à l’information

Les juges ont noté que bien que certaines pièces, comme une synthèse financière et une conversation téléphonique, n’aient pas été versées au dossier avant le débat, les références à ces éléments figuraient dans les réquisitions du ministère public, auxquelles l’avocat avait accès. Ils ont également souligné que l’avocat n’avait pas formulé d’observations sur l’absence de ces pièces lors du débat.

Conclusion de la Cour

La Cour a conclu que l’avocat avait eu accès à toutes les pièces nécessaires et qu’aucune atteinte aux principes de l’égalité des armes ou du contradictoire n’avait été caractérisée. L’arrêt a été jugé régulier tant en forme qu’au fond, et le moyen soulevé par la défense a été rejeté.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications du droit à un procès équitable dans le cadre de la détention provisoire ?

Le droit à un procès équitable est un principe fondamental garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cet article stipule que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. »

Dans le cadre de la détention provisoire, ce droit implique que la personne mise en examen doit avoir accès à l’ensemble des éléments de preuve qui sont utilisés contre elle, afin de pouvoir préparer sa défense de manière adéquate.

En l’espèce, la défense a soutenu que l’absence d’accès à certains éléments, tels que des retranscriptions de conversations téléphoniques et des synthèses d’investigations, a porté atteinte à ses droits.

Cela soulève la question de l’égalité des armes, qui est également un aspect essentiel du droit à un procès équitable. L’article 6 exige que les parties aient des possibilités égales de présenter leur cas, ce qui implique un accès équitable à l’information.

Comment le Code de procédure pénale encadre-t-il le débat contradictoire en matière de détention provisoire ?

Le Code de procédure pénale, notamment à travers les articles 114, 116, 145, 591 et 593, établit des règles précises concernant le débat contradictoire et la détention provisoire.

L’article 114 précise que :

« Le juge des libertés et de la détention statue sur la demande de placement en détention provisoire après avoir entendu la personne mise en examen et son avocat. »

Cet article souligne l’importance de la présence de l’avocat et de la possibilité pour la défense de s’exprimer.

L’article 116, quant à lui, stipule que :

« La personne mise en examen a le droit d’être assistée par un avocat lors de l’audience. »

Cela renforce l’idée que la défense doit avoir accès à toutes les pièces nécessaires pour préparer ses observations.

Dans le cas présent, la Cour a jugé que l’avocat avait eu accès aux réquisitions du parquet, ce qui, selon elle, suffisait à garantir le respect du principe du contradictoire.

Quelles sont les conséquences de l’absence de communication de certains éléments de preuve à la défense ?

L’absence de communication de certains éléments de preuve peut avoir des conséquences significatives sur le droit de la défense. Selon l’article 145 du Code de procédure pénale :

« La détention provisoire ne peut être ordonnée que si les éléments de preuve sont suffisants et que la personne mise en examen a eu la possibilité de s’expliquer. »

Dans cette affaire, la défense a soutenu que des éléments cruciaux n’avaient pas été communiqués, ce qui aurait pu affecter sa capacité à contester la détention.

Cependant, la Cour a estimé que les éléments mentionnés dans les réquisitions étaient suffisants pour que la défense puisse formuler des observations.

Elle a également noté que l’avocat n’avait pas soulevé de demande de renvoi pour obtenir un accès à ces éléments, ce qui a conduit à la conclusion que la défense avait eu la possibilité de se préparer adéquatement.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle le principe de l’égalité des armes dans le cadre de la détention provisoire ?

Le principe de l’égalité des armes est un aspect fondamental du droit à un procès équitable, comme le souligne l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Ce principe exige que chaque partie ait des chances égales de présenter son cas.

Dans le contexte de la détention provisoire, la jurisprudence a établi que la défense doit avoir accès à toutes les informations pertinentes pour pouvoir contester efficacement les décisions judiciaires.

Dans l’affaire examinée, la Cour a jugé que, bien que certains éléments n’aient pas été versés au dossier au moment du débat, l’avocat avait eu accès aux réquisitions du parquet, qui contenaient des références à ces éléments.

Ainsi, la Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation du principe de l’égalité des armes, car la défense avait été informée des éléments essentiels et avait eu l’opportunité de répondre.

En somme, la jurisprudence insiste sur l’importance d’un accès équitable à l’information pour garantir un procès équitable, mais elle reconnaît également que l’accès à des éléments spécifiques peut être compensé par d’autres informations disponibles.

N° J 24-85.825 F-D

N° 00095

SL2
7 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025

M. [M] [K] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai, en date du 26 juin 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [K], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 juin 2024, M. [M] [K] a été mis en examen des chefs susvisés, puis placé en détention provisoire.

3. Il a relevé appel de cette dernière décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté les moyens tendant à l’annulation du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention et les actes subséquents, déclaré l’appel mal fondé et confirmé l’ordonnance en date du 5 juin 2024 par laquelle l’exposant a été placé en détention provisoire, alors :

« 1°/ qu’alors d’une part que le droit à un procès équitable et les principes du contradictoire et de l’égalité des armes supposent que l’avocat de la personne mise en examen puisse accéder, avant le débat contradictoire préalable au placement en détention, non seulement aux actes et pièces qui ont formellement été versés à la procédure, mais encore aux éléments qui, bien que n’y ayant pas encore été versés, ont été communiqués au parquet ; que la méconnaissance de cette règle porte atteinte aux droits de la défense, laquelle se trouve en situation d’asymétrie d’information par rapport au ministère public et ne peut formuler effectivement devant le juge les observations qu’elle aurait pu estimer nécessaires si elle avait eu accès à l’entier dossier ; qu’au cas d’espèce, il résulte de la procédure que le parquet a visé, en particulier dans ses réquisitions aux fins de placement en détention provisoire, des éléments qui ne figuraient pas au dossier au jour du débat contradictoire et n’ont pas été communiqués à la défense en vue de ce débat, s’agissant notamment de la retranscription d’une conversation téléphonique interceptée et de la synthèse des investigations financières réalisées par l’OFAST, versées au dossier entre le 6 et le 7 juin 2024 ; qu’il a ainsi été porté aux droits de la défense, à l’équité et l’équilibre de la procédure, à l’égalité des armes et au droit de disposer des facilités nécessaires à la préparation de la défense, une atteinte grave et irréversible qui viciait le débat prétendument contradictoire et l’ordonnance subséquente de placement en détention de Monsieur [K] ; qu’en affirmant, pour refuser d’annuler ce débat et cette ordonnance, que l’avocat de la défense avait pu accéder aux réquisitions du parquet, de sorte qu’il pouvait répondre aux éléments qui y étaient visés, quand la défense devait pouvoir accéder non seulement aux réquisitions litigieuses mais encore aux éléments visés dans celles-ci et non versées en procédure, à charge pour elle seule de décider si ces éléments appelaient des commentaires de sa part, la Chambre de l’instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, préliminaire, 114, 116, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ que, alors d’autre part que le choix, par le greffier du juge des libertés et de la détention, de ne pas reproduire entièrement les observations formulées par la défense ne saurait préjudicier à celle-ci ; qu’au cas d’espèce, les avocats de Monsieur [K] faisaient valoir qu’au cours du débat contradictoire relatif au placement en détention provisoire de l’exposant, la défense avait formulé des observations relatives à l’absence de communication d’éléments pourtant visés dans le réquisitoire supplétif et les réquisitions aux fins de placement du 5 juin 2024, et que l’absence de mention en ce sens dans le procès-verbal de débat relevait du seul choix du greffier ; qu’en affirmant, pour considérer que l’absence d’accès éléments litigieux était insusceptible de porter atteinte aux droits de l’exposant, que son avocat n’a formulé aucune observation sur ce point devant le juge des libertés et de la détention, quand il résulte du procès-verbal de débat contradictoire litigieux que la défense a formulé des observations, sans précision quant à la nature ou à l’objet de celles-ci, de sorte qu’il ne peut être exclu que la défense ait effectivement critiqué l’absence au dossier des éléments visés dans les réquisitions du parquet, ainsi que le faisait valoir la défense dans son mémoire, sans que le choix du seul greffier de ne pas les retranscrire ne puisse lui être opposé, la Chambre de l’instruction, a dénaturé les termes de ce procès-verbal et violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, préliminaire, 114, 116, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ que, alors enfin qu’il appartient à la seule défense de juger si un document ou une pièce appelle un commentaire de sa part ou non ; qu’en retenant, pour refuser d’annuler le débat et l’ordonnance critiqués, que même s’ils n’avaient pas eu accès spécifiquement aux actes visés dans les réquisitions du parquet, les avocats de l’exposant avaient pu accéder à divers actes ou pièces faisant état d’éléments similaires ou identiques, de sorte qu’ils pouvaient organiser utilement la défense de Monsieur [K], quand il appartenait à la seule défense de déterminer si les actes dont elle avait été privés auraient pu appeler des commentaires spécifiques de sa part, la Chambre de l’instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, préliminaire, 114, 116, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

5. Pour rejeter l’exception de nullité du débat contradictoire tirée de l’absence de mise à la disposition à l’avocat d’une copie complète du dossier de la procédure et confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’arrêt attaqué énonce que, si plusieurs procès-verbaux ont été cotés au dossier après l’interrogatoire de première comparution de M. [K], cela s’explique par la chronologie des interpellations et présentations des personnes mises en cause au juge d’instruction.

6. Les juges précisent qu’il résulte du procès-verbal du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention que l’avocat de M. [K] a eu accès à la procédure avant celui-ci, que devant le juge d’instruction et devant le juge des libertés et de la détention, il n’a évoqué que des difficultés liées au fait que des gardes à vue étaient encore en cours dans la même procédure et que les déclarations des autres protagonistes n’étaient pas encore connues.

7. Ils ajoutent que si l’avocat allègue une rupture de l’égalité des armes et une violation du principe du contradictoire, liées au fait qu’une synthèse financière concernant M. [K], et une conversation téléphonique entre MM. [S] [L] et [D] [P] ne figuraient pas dans les pièces qui lui ont été communiquées, il y a lieu d’observer que la référence à ces pièces figurait dans les réquisitions du ministère public, auxquelles l’avocat a eu accès, et que de nombreuses pièces antérieures à l’interrogatoire de première comparution font précisément état de ces investigations dont il était ainsi nécessairement informé.

8. Ils indiquent encore que l’avocat n’a formulé aucune observation quant à des pièces auxquelles il n’aurait pas eu accès lors de l’interrogatoire de première comparution et lors du débat devant le juge des libertés et de la détention et n’a pas sollicité de débat différé.

9. Ils en concluent que dès lors que l’avocat a eu accès à toutes les pièces qui figuraient dans le dossier au jour de la présentation de M. [K] parmi lesquelles les réquisitions, aucune atteinte au principe de l’égalité des armes et aucune violation du principe du contradictoire ne sont caractérisées.

10. En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions invoquées au moyen pour les motifs qui suivent.

11. En effet, d’une part, si la synthèse des investigations financières réalisées par le service enquêteur n’a été versée au dossier que postérieurement au débat contradictoire, entre le 6 et le 7 juin 2024, il ressort de la procédure que les pièces relatives aux dites investigations auxquelles font référence le réquisitoire du procureur de la République et l’ordonnance du juge des libertés et de la détention figuraient au dossier antérieurement au débat (D 329 et s.).

12. D’autre part, s’agissant de la conversation téléphonique enregistrée sur la ligne de M. [L] le 20 septembre 2023, il ressort des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu’elle a été cotée D 703, et que, si elle ne figurait pas dans le dossier à la date du débat, elle était retranscrite intégralement dans les réquisitions aux fins de placement en détention provisoire (CD 002 page 23 et s.), de sorte que la défense, qui en avait connaissance, pouvait faire toutes observations utiles.

13. Enfin, lors du débat contradictoire, l’avocat de la personne mise en examen n’a pas fait valoir que le dossier aurait été incomplet ni sollicité de renvoi à cette fin, étant relevé que les allégations selon lesquelles le greffier aurait omis volontairement de mentionner les observations de l’avocat ne sont étayées par aucun élément.

14. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.

15. Par ailleurs, l’arrêt est régulier, tant en la forme qu’au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.


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