Un graphiste salarié n’a pas nécessairement de droits sur ses créations. En l’occurrence, une salariée bien qu’embauchée en qualité de technicienne de banque niveau F exerçait effectivement la fonction de graphiste affectée au service marketing et communication qui correspondait, de l’aveu des parties, à sa fonction dans le cadre du contrat de prestation graphique qui précédait immédiatement la signature de son contrat de travail.
Missions du graphiste
Un graphiste est un spécialiste chargé de la conception de projets d’expression visuelle qui s’appuie en particulier sur ses connaissances dans les domaines de la typographie, de l’illustration, de l’animation et de la mise en page. Aussi, bien qu’elle ne soit pas par elle-même incompatible avec la qualité d’auteur, sa fonction présuppose l’apport d’un savoir-faire au service d’une communication dont la teneur est décidée par son employeur : sa liberté est censée s’exprimer non dans une création artistique mais dans une mise en forme technique finalisée. En l’espèce, toutes les réalisations litigieuses ont été élaborées en exécution du contrat de travail de la salariée dans le cadre de ses attributions.
Absence de droits d’auteur
Pour conclure à l’absence de droits d’auteur, les juges ont retenu que l’objet et le contenu des réalisations litigieuses, à les supposer systématiquement identifiables, n’offraient qu’une liberté créatrice très réduite à la salariée. La mise en forme de magazines internes, de calendriers, de cartes de crédit ou de documents promotionnels, publicitaires ou informatifs à usage interne ou externe tels les invitations, les affiches annonciatrices de spectacles ou d’évènements parrainés, les brochures, les plaquettes descriptives de produits bancaires ou les dépliants tarifaires était soumise à d’importantes contraintes découlant de leur nature, de leur format, de leur destination et de leur contenu que la graphiste ne choisissait pas les thèmes de ses interventions et n’était pas maître du texte qui occupait une place importante, ne déterminait pas.
Par ailleurs, la graphiste a puisé des éléments visuels utilisés pour au moins 17 réalisations dans une base de données mise à sa disposition par son employeur et d’autre part avoir été soumise au respect de normes graphiques consignées dans un manuel diffusé dans son service. Aux termes de ce dernier, qui constitue un « ensemble de directives dont l’objectif est d’affirmer et défendre la personnalité de la marque […] à travers une cohérence visuelle et conceptuelle qui [rend] immédiate l’identification et la compréhension des valeurs de la marque ». La prédominance de la couleur blanche, manifeste dans la plupart des réalisations produites dans l’encadrement des photographies, la couleur des titres, les barres horizontales ou verticales qui structurent les réalisations dont les limites sont à leur tour définies, la clarté et la luminosité des couleurs, la zone de texte, la forme carrée du logotype CAIXA et la nécessité de son positionnement visible systématiquement respectées, la place et la nature des sujets des photographies, la typographie … sont autant d’éléments ayant privés la graphiste de toute liberté de création. Ces normes, qui ont expressément pour objet l’harmonisation des réalisations du service communication et marketing et qui ont pour l’essentiel été appliquées impliquent que l’image de la banque est exprimée dans les réalisations litigieuses et non la personnalité de la salariée.
Ainsi, à la liberté réduite dont jouissait la graphiste dans le cadre de ses fonctions s’ajoute le processus collaboratif qui présidait à la réalisation des produits litigieux de leur conception à leur validation par un supérieur hiérarchique et qui rend impossible l’attribution d’un droit privatif sur sa contribution qui se fond systématiquement dans les réalisations crées à l’initiative et sous la responsabilité exclusives de l’employeur.
A supposer les réalisations litigieuses qualifiables d’œuvres de l’esprit objet du droit d’auteur, celles-ci seraient des œuvres collectives appartenant dès l’origine à l’employeur.