L’Essentiel : L’affaire concerne Mme [D], infirmière libérale, soumise à une analyse de son activité par la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère. Suite à cette analyse, un indu et un avertissement lui ont été notifiés. En réponse, Mme [D] a contesté la décision, arguant que ses droits n’avaient pas été respectés, notamment le droit à un entretien contradictoire. La cour d’appel a rejeté son recours, considérant que les observations écrites étaient suffisantes. Cependant, la Cour de cassation a annulé l’avertissement, affirmant que le directeur de la caisse devait entendre Mme [D] avant de prononcer une sanction.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne Mme [D], une infirmière libérale, qui a été soumise à une analyse de son activité professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère. Cette analyse a porté sur la période de décembre 2016 à décembre 2018, et a conduit à la notification d’un indu le 20 mars 2019, suivie d’une notification de griefs le 1er juillet 2019, et d’un avertissement le 12 août 2019. Recours de la professionnelle de santéEn réponse à l’avertissement, Mme [D] a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale pour contester la décision. Elle a fait valoir que la procédure n’avait pas respecté ses droits, notamment en ce qui concerne le droit à un entretien contradictoire avant le prononcé de la sanction. Arguments de la professionnelle de santéMme [D] a soutenu que le directeur de la caisse aurait dû lui accorder un entretien suite à sa demande formulée dans le délai imparti. Elle a également affirmé que le non-respect de cette obligation constituait une violation des articles du code de la sécurité sociale relatifs aux droits de la défense et au principe du contradictoire. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a rejeté le recours de Mme [D], arguant que le directeur n’était pas tenu de répondre à la demande d’entretien, ayant reçu des observations écrites qu’il pouvait considérer comme suffisantes. Elle a également noté que la professionnelle de santé avait eu accès aux éléments de la caisse et avait pu répondre durant la phase judiciaire. Décision de la Cour de cassationLa Cour de cassation a annulé l’avertissement prononcé contre Mme [D], soulignant que le directeur de la caisse ne pouvait pas notifier une sanction sans avoir préalablement entendu la professionnelle de santé, comme elle l’avait demandé. La Cour a affirmé que le droit à un entretien contradictoire était une formalité substantielle dont l’inobservation entraînait la nullité de la procédure de sanction. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du directeur de la caisse primaire d’assurance maladie en matière de notification des faits reprochés au professionnel de santé ?Le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie a des obligations précises en matière de notification, conformément à l’article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que lorsque le directeur a connaissance de faits susceptibles de faire l’objet d’une pénalité financière, il doit adresser au professionnel de santé une notification qui précise les faits reprochés ainsi que le montant de la pénalité encourue. De plus, il doit informer la personne concernée qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette notification pour demander à être entendue ou pour présenter des observations écrites. Il est important de noter que, selon l’article R. 147-2 du même code, le droit à un entretien contradictoire est une formalité substantielle. L’inobservation de cette formalité entraîne la nullité de la procédure de sanction. Ainsi, le directeur ne peut pas prononcer une sanction sans avoir respecté ces étapes, ce qui est déterminant pour garantir les droits de la défense du professionnel de santé. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié le rejet du recours de la professionnelle de santé ?La cour d’appel a justifié le rejet du recours de la professionnelle de santé en affirmant que celle-ci avait eu accès aux éléments en possession de la caisse et avait pu répondre à ses conclusions pendant la phase judiciaire. Elle a également noté que, bien que le conseil de la professionnelle ait sollicité un entretien, le directeur n’avait aucune obligation de faire droit à cette demande, ayant reçu des observations écrites qu’il pouvait considérer comme suffisantes. Cependant, cette interprétation est contestable. En effet, l’article L. 114-17-1 impose que le professionnel de santé soit entendu avant le prononcé de la sanction, ce qui constitue une garantie essentielle de ses droits. La cour d’appel a donc omis de prendre en compte que le droit à un entretien contradictoire est une formalité substantielle, et que le non-respect de cette formalité entraîne la nullité de la procédure de sanction. Ainsi, la décision de la cour d’appel a été jugée comme une violation des droits de la défense et du principe du contradictoire. Quelles sont les conséquences de la violation des droits de la défense dans le cadre de la procédure de sanction ?La violation des droits de la défense dans le cadre d’une procédure de sanction a des conséquences significatives, notamment en ce qui concerne la régularité de la procédure. Selon l’article R. 147-2 du code de la sécurité sociale, le droit à un entretien contradictoire est une formalité substantielle. Si cette formalité n’est pas respectée, cela entraîne la nullité de la procédure de sanction. Dans le cas présent, la cour de cassation a constaté que le directeur de la caisse n’avait pas respecté cette obligation en ne procédant pas à l’audition de la professionnelle de santé avant de prononcer l’avertissement. Cela signifie que l’avertissement prononcé à son encontre doit être annulé, car il a été émis en violation des droits de la défense. La cour de cassation a donc statué au fond, annulant l’avertissement et réaffirmant l’importance du respect des droits procéduraux dans les décisions administratives. |
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 5 F-B
Pourvoi n° P 22-21.030
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
Mme [Z] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-21.030 contre l’arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d’appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère, et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 2022), à la suite d’une analyse de l’activité professionnelle exercée par Mme [D], infirmière libérale, (la professionnelle de santé), portant sur la période de décembre 2016 à décembre 2018, la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère (la caisse) lui a notifié, le 20 mars 2019, un indu puis, le 1er juillet 2019, le directeur de la caisse lui a adressé une notification de griefs avant de prononcer à son encontre un avertissement du 12 août 2019.
2. La professionnelle de santé a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Enoncé du moyen
3. La professionnelle de santé fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation de l’avertissement, alors :
« 1°/ que lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de faire l’objet de la pénalité financière mentionnée à l’article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie adresse au professionnel de santé en cause la notification prévue à cet article, qui doit préciser les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indiquer à la personne en cause qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour demander à être entendue, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites ; qu’à l’issue du délai d’un mois à compter de la notification ou après audition de la personne en cause, si celle-ci intervient postérieurement à l’expiration de ce délai, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie peut prendre sa décision ; que la cour d’appel a constaté que la professionnelle de santé avait été informée, par lettre du 1er juillet 2019, des faits qui lui étaient reprochés et que, par lettre du 1er août 2019, son conseil avait sollicité un entretien ; qu’en décidant cependant que le directeur n’avait aucune obligation de faire droit à cette demande, dès lors qu’il avait reçu les observations écrites circonstanciées de la professionnelle de santé qu’il pouvait estimer suffisantes, quand le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie était tenu de donner suite à la demande d’entretien contradictoire formulée dans le délai requis, nonobstant le fait que l’infirmière avait présenté des observations écrites, la cour d’appel a violé l’article R. 147-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 114-17-1 du même code.
2°/ que lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de faire l’objet de la pénalité financière mentionnée à l’article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie adresse au professionnel de santé en cause la notification prévue à cet article, qui doit préciser les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indiquer à la personne en cause qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour demander à être entendue, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites ; qu’à l’issue du délai d’un mois à compter de la notification ou après audition de la personne en cause, si celle-ci intervient postérieurement à l’expiration de ce délai, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie peut prendre sa décision ; que la cour d’appel a constaté que, pendant la phase judiciaire, la professionnelle de santé avait pu avoir accès aux éléments en possession de la caisse primaire d’assurance maladie et répondre à ses conclusions, de sorte qu’elle ne pouvait se prévaloir du non-respect des droits de la défense et du principe du contradictoire pour solliciter l’annulation de l’avertissement ; qu’en statuant ainsi, quand le professionnel de santé a le droit à un entretien contradictoire, dans le respect de ses droits de la défense, au cours de la phase administrative précédant la décision du directeur de la caisse primaire d’assurance maladie, s’il en fait la demande dans le délai requis, peu important qu’il puisse par la suite avoir accès au dossier et présenter ses observations devant le juge dans le cadre de la procédure en contestation de cette décision, la cour d’appel a derechef violé l’article R. 147-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 114-17-1 du même code. »
Vu les articles L. 114-17-1 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Il résulte de ces textes que le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer une sanction à l’encontre du professionnel de santé en raison d’un indu consécutif au non-respect des règles de facturation ou de tarification. Lorsqu’il a connaissance des faits susceptibles de faire l’objet de cette sanction, il adresse à la personne physique ou morale en cause la notification des faits reprochés ainsi que le montant de la pénalité encourue et lui indique qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour demander à être entendu, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites.
5. Le droit du professionnel de santé à être entendu, préalablement au prononcé de la sanction envisagée contre lui, constitue une formalité substantielle dont l’inobservation entraîne la nullité de la procédure de sanction.
6. Pour rejeter le recours de la professionnelle de santé, l’arrêt retient que c’est en vain qu’elle se prévaut d’une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense dès lors que si son conseil a effectivement sollicité un entretien par lettre du 1er juillet 2019, reçue par la caisse le 5 août, le directeur n’avait cependant aucune obligation de faire droit à cette demande, ayant reçu des observations écrites qu’il pouvait estimer suffisantes. Il relève, par ailleurs, que la professionnelle de santé a pu avoir accès aux éléments en possession de la caisse et répondre à ses conclusions pendant la phase judiciaire.
7. En statuant ainsi, alors que le directeur de la caisse ne pouvait pas notifier un avertissement avant d’avoir entendu la professionnelle de santé, comme celle-ci le lui avait demandé dans le délai d’un mois qui lui était imparti, et que la possibilité pour cette dernière de débattre des éléments recueillis à son encontre par la caisse, à l’occasion de son recours judiciaire, ne la privait pas de son droit de contester la régularité de la procédure de sanction, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de
procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code
de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la
Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 8 que l’avertissement prononcé à l’encontre de la professionnelle de santé doit être annulé.
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