L’Essentiel : Dans le cadre d’une activité professionnelle, un chauffeur de taxi a conclu un contrat avec la société Linkeo.com pour la création d’un site internet visant à promouvoir ses services. Ce contrat, lié au développement de son activité, ne relève pas des protections offertes par le code de la consommation, car il s’inscrit directement dans son champ d’activité principal. La cour a ainsi confirmé la résiliation du contrat pour impayés, condamnant le chauffeur à régler les loyers dus et à restituer le logiciel, tout en rejetant ses demandes de remboursement.
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Un chauffeur de taxi qui a été démarché dans un cadre professionnel dont le contrat a pour objectif le développement de son activité de taxi par la mise en ligne d’un site internet destiné à promouvoir les ‘transports médicaux, d’entreprise, vers les gares et les stations’ puis à faciliter la prise de contact ou de rendez-vous au moyen d’un système de ‘rappel gratuit’ des clients, rentre bien dans le cadre de son activité professionnelle. Il s’en déduit que la création puis la mise en ligne d’un site internet dédié à la promotion de l’activité d’artisan taxi de l’intéressé, permettant une prise de contact simplifiée avec ce dernier, est en rapport direct avec l’activité principale du professionnel sollicité et a été souscrit pour les besoins de celle-ci, de sorte que les dispositions protectrices des articles L.221-5 et L.221-9 du code de la consommation, telles que retenues par le premier juge, ne peuvent être appliquées le concernant. Pour rappel, selon l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections II, III, VI du chapitre premier relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. COUR D’APPEL de CHAMBÉRY 2ème Chambre Arrêt du Jeudi 21 Septembre 2023 N° RG 21/02344 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G3TN Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 28 Octobre 2021, RG 19/01301 Appelante S.A.S. CM CIC LEASING anciennement dénommée GECAPITAL EQUIPEMENT FINANCE dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat plaidant au barreau de PARIS Intimé M. [X] [O] né le 09 Janvier 1973 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1] Représenté par Me Odile PELLET, avocat au barreau de CHAMBERY -=-=-=-=-=-=-=-=- COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l’audience publique des débats, tenue le 30 mai 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière, Et lors du délibéré, par : – Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente – Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, – Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, Exposé du litige
-=-=-=-=-=-=-=-=-=- EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 17 juillet 2018, Monsieur [X] [O] a conclu avec la SA Linkeo.com un contrat de prestation et de location de solution logiciel portant sur la mise en service d’un site internet dédié à son activité d’artisan taxi pour un prix de 576 euros TTC, outre la mise à disposition d’un logiciel et sa maintenance contre 48 loyers mensuels de 280 euros HT (336 euros TTC). Se prévalant d’impayés, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions, venant aux droits de la société Linkeo.com en qualité de ‘bailleur cessionnaire’, a mis en demeure Monsieur [O] de lui régler la somme de 3 696 euros TTC au titre des loyers échus et demeurés non honorés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 avril 2019, outre une somme de 40 euros HT à titre de pénalité. Faute de règlement, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions s’est prévalu de la résiliation de plein droit du contrat par lettre recommandée du 19 juin 2019. Postérieurement, par acte du 7 novembre 2019, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions a fait assigner Monsieur [O] devant le tribunal judiciaire en vue d’obtenir, à titre principal, la restitution du logiciel et sa condamnation à lui payer la somme de 15 096 euros. Par jugement contradictoire du 28 octobre 2021, le tribunal judiciaire d’Albertville a, au visa des articles L.221-3, L.221-5 et L.221-9 du code de la consommation : – déclaré recevables les demandes formées par la SAS Cm-Cic Leasing Solutions, – déclaré nul le contrat de prestation d’une solution logiciel conclu par Monsieur [O] suivant bon de commande du 17 juillet 2018, – débouté en conséquence la SAS Cm-Cic Leasing Solutions de l’intégralité de ses demandes, – dit que Monsieur [O] sera toutefois tenu de restituer le logiciel objet du bon de commande du 17 juillet 2018, – débouté Monsieur [O] de sa demande de remboursement de la somme de 576 euros, – dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles engagés par elle, – débouté en conséquence la SAS Cm-Cic Leasing Solutions et Monsieur [O] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – condamné la SAS Cm-Cic Leasing Solutions aux dépens, – autorisé Maître Pellet à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision. Par acte du 6 décembre 2021, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions a interjeté appel de la décision. Moyens
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions demande à la cour de : – la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions d’appelante, – infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, En conséquence et statuant à nouveau, – dire et qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes, – débouter Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles formées pour les seuls besoins de la cause, – voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de Monsieur [O] à la date du 19 juin 2019, – condamner Monsieur [O] à restituer le logiciel objet de la convention résiliée et ce dans la huitaine de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard, – condamner Monsieur [O] à lui payer les sommes suivantes : loyers impayés 3 696 euros TTC frais de recouvrement (art.7.3) 40 euros TTC loyers à échoir 10 360 euros HT clause pénale 1 036 euros HT soit un total de 15 132 euros avec pénalités de retard égales au taux d’intérêt contractuel capitalisé de 1,5% par mois à compter de la date de présentation de la mise en demeure soit le 5 avril 2019, – condamner Monsieur [O] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner Monsieur [O] aux dépens. * La déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées à Monsieur [O] par actes des 1er et 15 février 2022 (significations à étude). Monsieur [O] a constitué avocat, mais n’a pas déposé de conclusions. L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2023. Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION Selon l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections II, III, VI du chapitre premier relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. En premier lieu, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions excipe de l’inapplicabilité de cet article aux faits de l’espèce en ce que le contrat de prestation et de location de solution logiciel conclu le 17 juillet 2018 s’inscrit pleinement dans le champ d’activité principal de Monsieur [O]. Il doit être retenu que Monsieur [O] a été démarché dans un cadre professionnel et que le contrat susvisé avait pour objectif le développement de son activité de taxi par la mise en ligne d’un site internet destiné à promouvoir les ‘transports médicaux, d’entreprise, vers les gares et les stations’ puis à faciliter la prise de contact ou de rendez-vous au moyen d’un système de ‘rappel gratuit’ des clients comme en atteste la capture d’écran du site http://www.taxi-bourg-saint-maurice73.com versée aux débats par l’appelante. Il s’en déduit que la création puis la mise en ligne d’un site internet dédié à la promotion de l’activité d’artisan taxi de Monsieur [O], permettant une prise de contact simplifiée avec ce dernier, est en rapport direct avec l’activité principale du professionnel sollicité et a été souscrit pour les besoins de celle-ci, de sorte que les dispositions protectrices des articles L.221-5 et L.221-9 du code de la consommation, telles que retenues par le premier juge, ne peuvent être appliquées le concernant. Conformément à l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait ayant éteint son obligation. Il n’est en l’espèce pas allégué que la prestation commandée n’a pas exécutée par le prestataire (non-appelé en cause) ou le bailleur cessionnaire, étant relevé que la SAS Cm-Cic Leasing Solutions justifie d’un email de la société linkeo.com, en date du 25 juillet 2018, notifiant à Monsieur [O] la mise en ligne du site internet commandé ainsi que d’une capture d’écran dudit site. En revanche, Monsieur [O] ne rapporte la preuve d’aucun paiement à l’exception des frais de mise en service (576 euros TTC) dont il sollicitait le remboursement aux termes de ses conclusions de première instance de sorte que la résiliation de plein droit du contrat, après mise en demeure infructueuse, s’avère pleinement justifiée. Il en résulte que la SAS Cm-Cic Leasing Solutions est bien-fondée à se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat à compter du 19 juin 2019 et à revendiquer le paiement de la somme 3 736 euros au titre des loyers impayés (3 696 euros) et des frais de recouvrement contractuellement convenus (40 euros). En revanche, la clause relative au paiement de la totalité des loyers restant à échoir majorés d’une indemnité de 10% en cas de défaillance du locataire (article 10-2 du contrat) s’analyse en une clause pénale laquelle doit être modérée, au regard du préjudice réellement subi par le prestataire qui ne justifie d’aucune maintenance effective depuis la résiliation du contrat, à la somme de 2 000 euros. Enfin, la clause d’intérêts majorés alléguée n’apparaissant dans aucune des stipulations du contrat, il convient de retenir que la présente condamnation emportera intérêts au taux légal à compter de la date de résiliation. Il en résulte que Monsieur [O] doit être condamné à payer la somme de 5 736 euros à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019 ainsi qu’à la restitution du logiciel objet de la convention résiliée, sans toutefois que le prononcé d’une astreinte s’avère justifiée à ce stade en considération des faits de l’espèce. Monsieur [O], qui succombe à l’instance, est condamné aux dépens. Il est en outre condamné à payer une somme de 1 500 euros à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. DispositifPAR CES MOTIFS La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement contradictoirement, Réforme la décision déférée sauf en ce qu’elle a dit que Monsieur [X] [O] est tenu de restituer le logiciel objet du bon de commande du 17 juillet 2018, Statuant à nouveau, Constate la résiliation du contrat souscrit le17 juillet 2018 par Monsieur [X] [O] auprès de la SA Linkeo.com à la date du 19 juin 2019, Condamne Monsieur [X] [O] à payer à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions, bailleur cessionnaire dudit contrat, la somme de 5 736 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, Condamne Monsieur [X] [O] aux dépens de première instance, Y ajoutant, Condamne Monsieur [X] [O] aux dépens d’appel, Condamne Monsieur [X] [O] à payer la somme de 1 500 euros à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Déboute la SAS Cm-Cic Leasing Solutions de ses plus amples demandes. Ainsi prononcé publiquement le 21 septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière. La Greffière La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’objectif du contrat conclu entre Monsieur [O] et la SA Linkeo.com ?Le contrat conclu le 17 juillet 2018 entre Monsieur [O] et la SA Linkeo.com a pour objectif principal le développement de l’activité de taxi de Monsieur [O]. Cela se traduit par la mise en ligne d’un site internet destiné à promouvoir divers services de transport, notamment les transports médicaux, d’entreprise, ainsi que les trajets vers les gares et les stations. Ce site internet vise également à faciliter la prise de contact avec les clients grâce à un système de ‘rappel gratuit’, ce qui est essentiel pour l’activité professionnelle de Monsieur [O]. Quelles sont les dispositions du code de la consommation qui s’appliquent aux contrats entre professionnels ?Selon l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections II, III et VI du chapitre premier, qui concernent les contrats conclus à distance et hors établissement, s’appliquent également aux contrats entre professionnels. Cependant, cela ne s’applique que si l’objet de ces contrats ne fait pas partie de l’activité principale du professionnel sollicité et si ce dernier emploie cinq salariés ou moins. Dans le cas présent, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions soutient que le contrat de prestation et de location de solution logiciel s’inscrit dans le champ d’activité principal de Monsieur [O], ce qui rend ces dispositions inapplicables. Quelles ont été les décisions du tribunal judiciaire d’Albertville concernant le contrat ?Le tribunal judiciaire d’Albertville a rendu un jugement le 28 octobre 2021, déclarant recevables les demandes de la SAS Cm-Cic Leasing Solutions. Il a déclaré nul le contrat de prestation de solution logiciel conclu par Monsieur [O] et a débouté la SAS Cm-Cic Leasing Solutions de l’ensemble de ses demandes. Cependant, le tribunal a ordonné à Monsieur [O] de restituer le logiciel concerné et a débouté sa demande de remboursement de la somme de 576 euros. Quels sont les moyens invoqués par la SAS Cm-Cic Leasing Solutions dans son appel ?Dans ses conclusions d’appel, la SAS Cm-Cic Leasing Solutions a demandé à la cour de déclarer recevables et fondées ses demandes. Elle a également demandé l’infirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions, ainsi que la constatation de la résiliation du contrat de location aux torts de Monsieur [O]. La SAS a également réclamé le paiement des loyers impayés, des frais de recouvrement, ainsi que des pénalités, totalisant une somme de 15 132 euros. Quelle a été la motivation de la cour d’appel concernant la résiliation du contrat ?La cour d’appel a motivé sa décision en se basant sur l’article L.221-3 du code de la consommation, affirmant que le contrat de prestation et de location de solution logiciel conclu par Monsieur [O] s’inscrit dans son activité principale. Elle a noté que le contrat avait pour but de développer l’activité de taxi de Monsieur [O] et que la mise en ligne du site internet était directement liée à ses besoins professionnels. La cour a également constaté que Monsieur [O] n’avait pas prouvé qu’il avait effectué des paiements au-delà des frais de mise en service, justifiant ainsi la résiliation du contrat par la SAS Cm-Cic Leasing Solutions. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel pour Monsieur [O] ?La cour d’appel a condamné Monsieur [O] à payer la somme de 5 736 euros à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019. Il a également été condamné à restituer le logiciel objet de la convention résiliée. En outre, Monsieur [O] a été condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser 1 500 euros à la SAS Cm-Cic Leasing Solutions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision souligne la responsabilité de Monsieur [O] dans le non-paiement des loyers et la résiliation du contrat. |
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