COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88A
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 9 MARS 2023
N° RG 21/03504 –
N° Portalis
DBV3-V-B7F-U3TC
AFFAIRE :
S.A.S. [7]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Novembre 2021 par le Pole social du TJ de PONTOISE
N° RG : 18/01702
Copies exécutoires délivrées à :
la SAS BDO AVOCATS LYON
la SELARL [6]
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.S. [7]
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 19/01/2023, prorogé au 09/03/2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
S.A.S. [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1134 substitué par Me Pauline BAZIRE, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 3183
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 substituée par Me DEVESA Lucie, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Clémence VICTORIA, greffière placée
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 3 avril 2014, M. [P] [H], salarié de la société [7] (la société) depuis 2007 en qualité de ferrailleur, a rempli une déclaration de maladie professionnelle auprès de la [5] (la caisse) mentionnant ‘tendinopathie épaule droite’. Il y était joint un certificat médical initial, établi le 2 avril 2014, faisant état d’une ‘TB57 tendinopathie épaule dte’.
Par courrier du 16 avril 2014, la caisse a informé la société de la réception de cette déclaration de maladie professionnelle et de l’ouverture d’une procédure d’instruction.
Le 29 septembre 2014, après notification d’un délai d’instruction complémentaire le 3 juillet 2014 dans l’attente du questionnaire l’employeur, la caisse a pris en charge de la maladie au titre du risque professionnel, décision que la société a contestée devant la commission de recours amiable.
Le 28 juin 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale du Val d’Oise, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise, qui, par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2021 (RG n° 18/01702), relevant que la caisse avait respecté le principe du contradictoire en informant la société de la clôture de l’instruction et de sa possibilité de venir consulter le dossier sans obligation de lui adresser un questionnaire, a :
– déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;
– jugé opposable à la société la décision de la caisse du 29 septembre 2014 ayant pris en charge au titre du tableau 57 des maladies professionnelles’affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures du travail ‘la pathologie ‘tendinopathie de l’épaule droite’ déclarée par le salarié le 3 avril 2014 ;
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
– condamné la société aux dépens ;
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision était de droit.
Par déclaration du 30 novembre 2021, la société a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l’audience du 22 novembre 2022.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :
– d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 5 novembre 2021 en ce qu’il a :
– jugé opposable à la société la décision de la caisse du 29 septembre 2014 ayant pris en charge au titre du tableau 57 des maladies professionnelles ‘affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures du travail’ la pathologie ‘tendinopathie de l’épaule droite’ déclarée par le salarié le 3 avril 2014 ;
Statuant à nouveau
– de juger inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie du salarié en date du 7 mars 2014 pour non-respect du principe du contradictoire.
La société expose que l’instruction par la caisse doit être contradictoire et que les versions du salarié et de l’employeur doivent être recueillies, la sanction étant l’inopposabilité ; que la caisse n’a pas transmis de questionnaire à l’employeur ni procédé à une enquête ; que la transmission d’une capture d’écran du logiciel Orphée ne prouve pas l’envoi d’un questionnaire à l’employeur.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
– de déclarer la prise en charge de la maladie professionnelle de M. [H] du 3 avril 2014 opposable à la société ;
– de débouter la société de son recours.
La caisse soutient qu’elle justifie de l’envoi à deux reprises d’un questionnaire à l’employeur par la production d’une capture d’écran de son logiciel Orphée de gestion des dossiers de la caisse.
Elle ajoute qu’elle a régulièrement adressé un courrier de clôture à la société, réceptionné par cette dernière plus de dix jours avant la prise de décision.
Les parties ne présentent aucune demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par deux notes en délibéré des 6 et 16 janvier 2023, la cour a invité les parties :
– à s’expliquer sur les conséquences du courrier du 3 juillet 2014 informant l’employeur d’un délai complémentaire d’instruction dans l’attente du questionnaire employeur ;
– à préciser si un questionnaire a été envoyé au salarié, s’il a été retourné à la caisse et si ce questionnaire faisait partie des pièces du dossier proposé à la consultation de l’employeur ;
– à s’expliquer sur l’envoi justifié d’un questionnaire au salarié et non à l’employeur
La société a maintenu ses demandes : l’affirmation par la caisse de l’envoi d’un questionnaire à la société avec relance n’est justifiée par aucun élément, une capture d’écran de son propre logiciel ne valant pas preuve ; qu’il n’appartient pas à l’employeur de se renseigner sur le questionnaire auprès de la caisse et à rappeler à cette dernière ses obligations. Elle ajoute que la caisse commet en cela un manquement au principe du contradictoire dans la mesure où elle n’a pas respecté le parallélisme des formes entre l’employeur et l’assuré, parallélisme des formes qui est portant rappelé par le code de la Sécurité sociale dans l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige en cours.
La caisse a confirmé qu’un questionnaire avait été envoyé au salarié comme à l’employeur, renvoyé complété par le salarié et qu’il était accessible à la consultation.
Elle précise que la société a été relancée le 1er juillet 2014, que la société ne conteste pas avoir reçu la notification du délai complémentaire d’instruction indiquant que la caisse était toujours dans l’attente du questionnaire employeur ; que cette chronologie ressort explicitement de l’historique du dossier issu du logiciel Orphée de gestion.
Elle estime donc que le parallélisme des formes a bien été respecté.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
Il ressort de ce texte que l’absence de respect du principe du contradictoire dans la procédure d’instruction d’une maladie professionnelle réside dans le traitement différencié du salarié et de l’employeur, notamment par l’envoi d’un questionnaire à l’un et non à l’autre.
Or, si la caisse produit le questionnaire complété par le salarié, elle échoue à rapporter la preuve de l’envoi d’un tel questionnaire à l’employeur.
En effet, la capture d’écran du logiciel Orphée de gestion de dossiers de la caisse est insuffisante à prouver aussi bien l’envoi effectif d’un questionnaire que la réception de ce questionnaire par l’employeur.
En outre, la caisse a prolongé son délai d’instruction ‘dans l’attente du questionnaire employeur’.
Or elle ne rapporte pas plus la preuve d’avoir relancé l’employeur par l’envoi d’un autre questionnaire, autrement que par la capture d’écran de son logiciel Orphée, inopérant.
En conséquence, la caisse ne justifie pas avoir respecté le principe du contradictoire, sa décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [H] sera déclarée inopposable à la société et le jugement infirmé.
La caisse, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit sauf en ce qu’il a déclaré le recours de la société [7] recevable ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à la société [7] la décision de la [5] du 29 septembre 2014 ayant pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la maladie déclarée par M. [H] le 3 avril 2014 ;
Condamne la [5] aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia Le Fischer, Président, et par Madame Méganne Moire, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
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