Droit du logiciel : 9 février 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02005

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Droit du logiciel : 9 février 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02005

AFFAIRE : N° RG 20/02005

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTJ4

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de coutances en date du 02 Septembre 2020 – RG n° 14/00023

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

APPELANTE :

Madame [H] [O]

CHEZ Mme [R] [G],

[Adresse 1]

Représentée par Me Myriam MARIE, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMEES :

Association UDAF DE [Localité 2]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Florence TOURBIN, avocat au barreau de CHERBOURG

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 2]

[Adresse 3]

Représentée par M. [B], mandaté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

DEBATS : A l’audience publique du 24 novembre 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 09 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par Mme [H] [O] d’un jugement rendu le 2 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l’opposant à l’Union départementale des associations familiales de [Localité 2] (l’Udaf) et la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 2].

FAITS et PROCEDURE

Mme [O] a été embauchée par l’Udaf de [Localité 2] le 7 avril 2010 en qualité d’attachée de direction.

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 9 septembre 2011 et a repris son activité le 21 janvier 2013.

Le 24 janvier 2013, elle a été à nouveau placée en arrêt de travail par le docteur [T], médecin psychiatre, qui relevait dans son certificat médical initial : ‘dans son récit et lors de la reprise du travail, l’assurée a subi dénigrement et humiliation de la part d’un collègue et de son directeur. Effondrement émotionnel .. À ce jour épuisement anxieux dépressif’.’

Le 29 janvier 2013, l’Udaf a établi une déclaration d’accident du travail mentionnant que l’intéressée a déclaré avoir eu un différend verbal, avec la personne qui avait assuré son remplacement et qui était chargée de lui transmettre les informations, qui l’a conduite à quitter son bureau, incident survenu le 22 janvier 2013 à 15 heures dans les locaux de l’Udaf de [Localité 2] pendant les horaires de travail de Mme [O].

Le 18 avril 2013, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 2] (la caisse) a notifié à Mme [O] son refus de prise en charge du nouvel arrêt de travail au titre de la législation professionnelle du fait de l’absence de lien de causalité entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées.

Mme [O] a contesté cette décision, sollicitant une expertise médicale au titre de l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale.

L’expert médical, le docteur [V], a émis un avis confirmant la position de la caisse.

Par décision du 26 juillet 2013, la caisse a maintenu sa décision de refus de prise en charge.

Mme [O] a saisi la commission de recours amiable de la caisse, qui a confirmé la décision de refus de prise en charge par courrier du 14 février 2014.

Par requête du 19 mars 2014, Mme [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 2].

Selon jugement du 7 mars 2018, le tribunal a ordonné une expertise et commis le docteur [L] pour y procéder. Ce dernier a été remplacé par le docteur [I] suivant ordonnance du 16 mai 2018.

L’expert a déposé son rapport le 3 janvier 2019.

Mme [O] a mis en cause l’Udaf afin de voir reconnaître sa faute inexcusable.

Selon jugement du 2 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

– reconnu le caractère professionnel de l’accident ayant donné lieu à l’arrêt de travail du 24 janvier ‘2020’ au bénéfice de Mme [O]

– renvoyé Mme [O] devant la caisse pour la liquidation de ses droits

– dit n’y avoir lieu à reconnaissance d’une faute inexcusable ou d’une faute intentionnelle de l’Udaf

– débouté Mme [O] de ses demandes

– déclaré la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident survenu le 22 janvier 2013 au préjudice de Mme [O] inopposable à l’Udaf de [Localité 2]

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire

– laissé les frais d’expertise à la charge de la caisse

– partagé les dépens.

Mme [O] a formé appel de ce jugement par déclaration du 19 octobre 2020.

Aux termes de ses conclusions du 11 février 2021, soutenues oralement à l’audience, à l’exception de la demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle de l’Udaf qui a été expressément abandonnée à l’audience, Mme [O] demande à la cour de :

– réformer la décision du Pôle social du tribunal judiciaire de Coutances du 2 septembre 2020

– déclarer l’Udaf responsable d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident survenu le 22 janvier 2013 ,

– condamner l’Udaf à payer à Mme [O] les sommes de :

* 65 554 euros au titre de son préjudice financier entre le 22 janvier 2013 et la fin de l’année 2019

* une rente viagère de 5000 euros par an au titre de son préjudice matériel

* 20 000 euros au titre de son préjudice moral

* 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner l’Udaf aux dépens.

Suivant conclusions reçues au greffe le 25 juillet 2022 soutenues oralement à l’audience, l’Udaf de [Localité 2] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit n’y avoir lieu à reconnaître l’existence d’une faute inexcusable ou d’une faute intentionnelle de l’Udaf

* débouté Mme [O] de ses demandes d’indemnisation et de condamnation

* déclaré la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident survenu le 22 janvier 2013 inopposable à l’Udaf

* laissé à la charge de la caisse les frais d’expertise

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* reconnu le caractère professionnel de l’accident ayant donné lieu à l’arrêt du travail du 24 janvier ‘2020″

* renvoyé Mme [O] devant la caisse pour la liquidation de ses droits

* débouté les parties de leur demande d’article 700 du code de procédure civile

* ordonné l’exécution provisoire

* partagé les dépens

ce faisant,

à titre principal,

– confirmer la décision de refus de prise en charge d’un accident du travail

– débouter Mme [O] de ses demandes

à titre subsidiaire,

– dire que l’Udaf n’a commis aucune faute inexcusable

– déclarer inopposable à l’Udaf la décision de prise en charge de l’accident du travail

– dire que la caisse ne pourra récupérer auprès de l’Udaf les sommes dont elle pourrait faire l’avance

– constater que Mme [O] ne justifie pas de ses préjudices et rejeter ses demandes

en conséquence,

– débouter Mme [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Mme [O] au versement d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions reçues au greffe le 13 octobre 2022, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

à titre subsidiaire en cas d’infirmation du jugement,

– constater qu’elle s’en rapporte sur le principe de reconnaissance d’une faute inexcusable dans l’hypothèse où la faute inexcusable est reconnue,

– prendre acte qu’aucune majoration de la rente ou de capital ne peut-être allouée puisque l’assurée a été déclarée guérie le 27 novembre 2020 et non consolidée, et n’a donc pas de taux d’IPP

– débouter Mme [O] de ses demandes au titre des souffrances endurées ou réduire à de plus justes proportions le montant des indemnisations sollicitées

– faire droit à l’action récursoire de la caisse par application de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale

– dire que la caisse pourra exercer son action récursoire et recouvrer auprès de l’employeur dont la faute inexcusable aura été reconnue, l’intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l’avance au titre de la faute inexcusable (frais d’expertise, provision et préjudices extrapatrimoniaux limitativement énumérés)

– dire que l’indemnisation des préjudices non limitativement énumérés est à la charge exclusive de l’employeur

– condamner l’employeur aux dépens.

Pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

– Sur le caractère professionnel de l’accident du 22 janvier 2013

L’article L 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.

Il incombe au salarié de rapporter la preuve de l’accident du travail. Cette preuve ne peut résulter de ses seules déclarations. Les allégations du salarié doivent en effet être corroborées par des éléments objectifs ou par des présomptions graves, précises et concordantes.

En l’espèce, Mme [O] prétend avoir été victime d’un accident du travail le 22 janvier 2013.

Le 29 janvier 2013, l’Udaf a rédigé une déclaration du travail dans les termes suivants :

‘Date 22/01/13 heure : 15 h 00

Lieu de l’accident : siège de l’Udaf de [Localité 2]

Circonstances détaillées de l’accident : L’intéressée a déclaré avoir eu avec la personne qui avait assuré son remplacement et avec laquelle une transmission d’information était en cour un différend verbal, qui a conduit Mme [O] à quitter son bureau’.

Aucune lésion n’est mentionnée.

Le certificat médical initial du 24 janvier 2013 fait état d’une première constatation des lésions à la date du 22 janvier 2013. Les constatations détaillées sont les suivantes : ‘dans son récit et lors de sa reprise de son travail (dans des conditions difficiles à supporter : pas de quoi travailler, affaires personnelles ‘sans dessus dessous’) a subi dénigrement et humiliation de la part d’un collègue et de son directeur : effondrement émotionnel. À ce jour épuisement anxio-dépressif.’

Il est établi qu’après une période d’arrêt de travail d’un an et demi, Mme [O] a repris le travail le 21 janvier 2013. Pendant son absence, M. [N] était chargé de la remplacer.

Elle expose que le jour de sa reprise le 21 janvier 2013, elle n’avait plus de bureau, son nom avait été retiré de la porte du local qu’elle occupait, elle n’avait plus ni affaires, ni dossier, ni téléphone. Elle fait état d’un incident avec le collègue chargé de la remplacer qui se serait montré ‘immédiatement irrespectueux et agressif envers elle’le 22 janvier 2013 en début d’après-midi. Enfin, elle indique que sa hiérarchie ne l’aurait pas soutenue.

Les événements du 21 janvier 2013 ne présentent pas de lien de causalité avec l’altercation du 22 janvier 2013 qui correspond précisément à l’incident mentionné sur la déclaration d’accident du travail considéré par le docteur [T] (auteur du certificat médical initial) comme ‘le point culminant .. (accrochage, clash)’.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de corroborer les déclarations de Mme [O] faites notamment auprès du docteur [T], sur le comportement dénigrant de son supérieur hiérarchique (M. [A], directeur).

S’agissant de l’altercation avec M. [N], Mme [O] a précisé à l’enquêteur de la caisse que le 22 janvier 2013, à la suite d’un différend professionnel relatif à l’accès informatique à un logiciel, M. [N] aurait eu des ‘propos irrespectueux et odieux’ à son égard en début d’après-midi.

Mme [O] a décrit la scène comme suit : ‘Il ajoute qu’il s’en fout qu’il s’en va, qu’il n’est pas payé pour ça, que ce n’est pas de sa faute si je suis incompétente que lui a fait cinq ans d’étude après le bac et vu mon niveau, même s’il prenait le temps de m’expliquer je serais incapable de comprendre. (…) Je suis allée me réfugier dans le bureau action générale où se trouvaient Mmes [U] et [Z]. Je suis très angoissée, effrayée et je ne peux cesser de pleurer..’;

Mme [W], membre du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’Udaf a dressé un constat le 23 janvier 2013. Il en résulte qu’elle a entendu les personnes présentes au moment de l’incident allégué.

M. [D] lui a indiqué qu’il ‘a assisté le mardi 22 janvier à une scène de tension entre M. [N] et Mme [O], le premier faisant de la résistance dans la restitution de documents liés au processus d’évaluation vers la seconde’, affirmant ‘qu’il ne remettra son travail qu’à M. [A]’.

Mme [U] et Mme [Z] secrétaires, ont déclaré qu’elles avaient ‘accueilli Mme [O], le 22 janvier, après-midi dans leur bureau, en larmes. Celle-ci venait de vivre une situation conflictuelle avec M. [N] qui refusait de lui communiquer des informations indispensables à sa compréhension des dossiers en cours et qui s’était montré insolent et irrespectueux à l’égard de Mme [O].’

De même, Mme [S] secrétaire d’accueil, a confirmé ‘avoir vu sortir Madame [O] en pleurs de son bureau (c’est à dire du bureau de M. [N]) pour aller se réfugier dans le bureau de Mesdames [U] et [Z].’

Mme [W] a tenté en vain d’obtenir des explications de M. [N], celui-ci lui ayant répondu ‘je ne répondrai pas à votre interrogatoire’.

Les témoignages recueillis par Mme [W] confirment qu’une altercation s’est produite entre M. [N] et Mme [O] le 22 janvier 2013 à la suite de laquelle, cette dernière est sortie en pleurs de son bureau pour se rendre dans celui des secrétaires situé à proximité.

Le lien entre cet incident (que l’enquêteur de la caisse a considéré comme établi) et le syndrome anxiodépressif est contesté.

Le médecin conseil de la caisse et l’expert désigné sur le fondement de l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale, le docteur [V], ont considéré qu’il n’existait pas de lien entre les lésions constatées dans le certificat médical initial et l’accident allégué.

Le médecin conseil a rédigé en outre une note venant au soutien de la position de la caisse, indiquant que le docteur [V] ‘a très bien réalisé que le différend verbal qui a conduit Mme [O] à quitter son bureau est lié à sa personnalité et sa réaction est disproportionnée par rapport à la situation’.

Au contraire, le docteur [I], expert judiciaire désigné par le tribunal, et le docteur [T] (psychiatre qui a prescrit l’arrêt de travail le 24 janvier 2013) concluent à l’existence d’un lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident du travail.

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire qu’on ne peut imputer le nouvel arrêt de travail prescrit le 24 janvier 2013 à un état antérieur. Le docteur [I] retient notamment que Mme [O] ‘allait (..) parfaitement bien lorsqu’elle a repris son travail, étant même confiante après un entretien avec son futur directeur’. Il ajoute ‘elle fut donc l’objet d’un stress aigu sur les lieux de travail qui a motivé un nouvel arrêt qui doit à notre avis être considéré comme lié à un accident du travail’.

Dans son rapport, il rappelle que l’arrêt de travail du 21 janvier 2013 (en réalité il s’agit de l’arrêt de travail du 24 janvier 2013) ‘était bien lié aux problèmes de travail (refus de communiquer les pièces de la part d’un collègue) hostilité’.

Au-delà de l’avis particulièrement détaillé et motivé du docteur [I], il résulte des témoignages recueillis par Mme [W] que Mme [O] est sortie en pleurant du bureau de M. [N] le 22 janvier 2013, Mme [S] indiquant qu’elle était venue se ‘réfugier’ chez ses collègues.

En outre, Mme [W] déclare qu’elle a eu Mme [O] au téléphone le 22 janvier 2013 qui lui a fait part d’un accrochage avec M. [N]. Elle fournit les précisions suivantes : ‘à l’évidence, Mme [O] est très éprouvée sur le plan psychologique; elle pleure et exprime de vives inquiétudes quant à ses capacités de pouvoir continuer dans de telles conditions’.

Compte tenu de ces observations, il est établi que Mme [O] a été victime le 22 janvier 2013, au temps et au lieu du travail, d’une altercation avec M. [N] à l’origine du syndrome anxiodépressif constaté dans le certificat médical initial du 24 janvier 2013.

Le jugement a indiqué par erreur dans son dispositif que l’arrêt de travail était daté du 24 janvier 2020 alors qu’il est daté du 24 janvier 2013.

Il convient donc de rectifier cette erreur en remplaçant dans le dispositif du jugement les termes ’24 janvier 2020′ par la mention ’24 janvier 2013′.

Le jugement ainsi rectifié sera confirmé en ce qu’il a reconnu le caractère professionnel de l’accident ayant donné lieu à l’arrêt de travail du 24 janvier 2013 au bénéfice de Mme [O] et renvoyé cette dernière devant le caisse pour la liquidation de ses droits.

La décision de la caisse de refus de prise en charge de l’accident du travail allégué au titre de la législation professionnelle est définitivement acquise à l’employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 22 janvier 2013 inopposable à l’Udaf.

– Sur la faute inexcusable

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur  avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

  

Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d’activité.

Pour apprécier cette conscience du danger et l’adaptation des mesures prises aux risques encourus, les circonstances de l’accident doivent être établies de façon certaine.

En l’espèce, Mme [O] soutient que l’accident du 22 janvier 2013 est dû à la faute inexcusable de son employeur.

Elle affirme que l’Udaf l’a ‘volontairement placée dans une situation de confrontation avec un salarié (M. [N]) dont le comportement agressif était connu’, qu’elle s’est volontairement abstenue d’accueillir Mme [O] à son retour et l’a volontairement placée dans un environnement anxiogène. Elle ajoute qu’elle était fragilisée après son arrêt de travail précédent, lié à une situation conflictuelle avec un précédent collègue de travail.

Il convient uniquement de déterminer si l’accident du travail du 22 janvier 2013 est dû à une faute inexcusable de l’Udaf comme précisément sollicité par Mme [O].

Cet accident du travail est constitué par une altercation verbale avec M. [N] à l’origine du syndrome anxiodépressif.

Il incombe donc à Mme [O] de rapporter la preuve que son employeur avait conscience que M. [N] pourrait avoir un comportement agressif à son égard et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.

Il est établi que Mme [O] a rencontré son supérieur hiérarchique, M. [A], le 21 décembre 2012 en vue de sa reprise de travail.

Lors de la réunion du CHSCT du 28 janvier 2013, M. [A] a confirmé qu’il était prévu ‘une période de tuilage de trois jours avec M. [N]’ afin ‘qu’elle puisse recevoir les informations nécessaires à sa fonction.’

Or, au cours de cette même réunion, M. [A] a déclaré qu’il ‘avait pu remarquer que l’intéressé avait parfois un comportement inadapté proche d’un certain mimétisme avec M. [K]’.

Il convient de rappeler que M. [K] (ancien directeur) a entretenu une relation amoureuse avec Mme [O]. Cette relation qualifiée de pathologique par le docteur [I] est à l’origine de l’arrêt maladie de 17 mois qui a précédé la reprise de travail de Mme [O] le 21 janvier 2013.

Le comportement inadapté de M. [N] a pu être constaté par Mme [W]. Outre, le fait qu’il a refusé de s’expliquer, elle précise qu’à un moment de leur conversation, il a fait le tour de son bureau, venant se poster très près d’elle, cherchant à la dominer de toute sa hauteur.

Il résulte de ces observations que l’Udaf avait connaissance du comportement inadapté de M. [N] à l’égard de ses collègues, comportement que son directeur rapproche de celui de M. [K] dont l’Udaf indique que ce dernier était ‘fortement perturbé’.

En outre, l’Udaf savait que Mme [O] se trouverait confrontée à M. [N] lors de sa reprise puisqu’il était prévu un tuilage de trois jours.

Aucune mesure n’a été prise pour encadrer leurs échanges ou limiter les risques d’altercation.

Ainsi, l’Udaf, qui avait conscience de la situation de danger psychologique ainsi créée à l’égard de Mme [O], n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable.

Statuant à nouveau, il convient de dire que l’accident du travail du 22 janvier 2013 dont a été victime Mme [O] est dû à la faute inexcusable de l’Udaf.

– Sur les conséquences de la faute inexcusable

L’article L 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que : ‘indépendamment de la majoration de la rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

(…)

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.’

En outre, par décision du 18 juin 2010 n° 2010-8 QPC, le Conseil constitutionnel a décidé que : ‘en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L 452-3 ne sauraient sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que les victimes ou leurs ayants droit puissent devant les mêmes juridictions demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV.’

En l’espèce, Mme [O] sollicite voir condamner l’Udaf à lui payer différentes indemnités au titre de son préjudice financier, de son préjudice matériel et son préjudice moral.

Il résulte des dispositions précitées que la victime d’un accident du travail, dû à la faute inexcusable de son employeur, n’est pas fondée à solliciter la condamnation de ce dernier à lui payer les indemnités destinées à réparer les préjudices allégués. Seule la caisse peut, dans le cadre de son action récursoire, solliciter le paiement des sommes à l’employeur.

Par voie de confirmation, Mme [O] sera donc déboutée de ses demandes de condamnation de l’Udaf à lui payer 65 554 euros au titre du préjudice financier, 5000 euros de rente par an au titre de son préjudice matériel futur et 20 000 euros pour son préjudice moral.

– Sur la majoration de rente ou de capital

Mme [O] a été déclarée guérie, et non pas consolidée, par le médecin conseil. Aucun taux d’IPP ne lui a été attribué. Aucune majoration de capital ou de rente ne peut donc lui être allouée.

– Sur l’action récursoire de la caisse

La caisse demande de dire que dans le cadre de son action récursoire, ‘elle pourra récupérer l’intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l’avance (frais expertise, provision et préjudices extrapatrimoniaux limitativement énumérés) auprès de l’employeur ..’.

En outre, aucune mesure d’expertise n’est ordonnée.

L’action récursoire de la caisse, qui porte sur les ‘frais d’expertise, la provision et les préjudices extrapatrimoniaux limitativement énumérés’, sera donc déclarée sans objet.

– Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement étant infirmé sur le reconnaissance de la faute inexcusable, il sera aussi infirmé sur les dépens.

Succombant, l’Udaf sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Udaf sera en outre condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 1000 euros à Mme [O].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rectifie le jugement déféré en ce sens que les termes du dispositif ’24 janvier 2020′ sont remplacés par la mention ’24 janvier 2013′;

Confirme le jugement déféré ainsi rectifié sauf en ce qu’il a :

– dit n’y avoir lieu à reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de l’Udaf de [Localité 2]

– partagé les dépens;

L’infirme de ces chefs;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l’accident du travail du 22 janvier 2013 dont Mme [O] a été victime est dû à la faute inexcusable de l’Udaf de [Localité 2];

Déboute Mme [O] de sa demande de majoration de rente ou de capital,

Constate que l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 2] est sans objet;

Condamne l’Udaf de [Localité 2] à payer les dépens de première instance et d’appel;

Condamne l’Udaf de [Localité 2] à payer à Mme [O] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles;

Déboute l’Udaf de [Localité 2] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX

 


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