COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 8 MARS 2023
N° RG 21/00677
N° Portalis DBV3-V-B7F-UK7S
AFFAIRE :
Société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE
C/
[L] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes de VERSAILLES
Section : C
N° RG : F 19/00540
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Maud FAUCHON
Monsieur [L] [O]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Maud FAUCHON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0124
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
INTIME
Avocat non constitué
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 4 janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [O] a été engagé en qualité de préparateur convoyeur par contrat de travail à durée déterminée du 1er septembre du 5 novembre 2008 au 6 avril 2009, puis par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 7 juin 2009, par la société Cciter, devenue Entreprise Holdings France.
Cette société est spécialisée dans la location de véhicules. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile.
Le 19 janvier 2015, sur le lieu de travail (l’agence de [Localité 6]), le salarié s’est plaint d’une douleur au genou et a été placé en arrêt maladie pour accident du travail, déclaré le 20 janvier 2015 par l’employeur, lequel a émis des réserves sur la réalité de cet accident.
Le 20 avril 2015, la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) a notifié son refus de prise en charge.
Le 21 avril 2015, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à reprendre le travail.
Du 16 septembre 2015 à décembre 2015, le salarié a bénéficié de plusieurs arrêts de travail non consécutifs.
Le 16 mars 2016, la commission de recours amiable de la CPAM a rejeté le recours déposé par le salarié. Le 11 avril 2016, le salarié a écrit à la Commission de Recours Amiable pour contester sa décision.
Le 3 mai 2017, le salarié a été reçu à nouveau par le médecin du travail qui précisait que son état de santé ne lui permettait pas d’être affecté à un poste dans l’entreprise et demandait une étude de poste. Le 17 mai 2017, le médecin du travail a mentionné lors de la deuxième visite que le salarié était inapte au poste de préparateur de véhicules et a fait des recommandations de postes sans flexion du genou, sans conduite de véhicules et sans port de charges.
Le 27 juillet 2017, un poste de chargé de recouvrement disponible basé dans le [Localité 5], a été soumis aux délégués du personnel qui ont émis un avis favorable à l’unanimité. Le 31 juillet 2017, le médecin du travail a également émis un avis favorable.
Par lettre du 2 août 2017, la société a proposé ce poste au salarié et y a joint la fiche de ce poste, refusé par le salarié le 23 août 2017.
Par lettre du 28 août 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 13 septembre 2017.
Le salarié a été licencié par lettre du 18 septembre 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, dans les termes suivants:
« Suite aux examens médicaux effectués par le Médecin du Travail les 3 mai 2017 et 17 mai 2017, vous avez été déclaré inapte à une reprise d’activité sur votre poste de préparateur au sein de notre société.
En conséquence, vous ne pouvez plus occuper le poste sur lequel vous étiez normalement affecté.
Conformément à l’article L.1232-2 du code du travail, nous vous avons convoqué le 13 septembre 2017 à 12 heures et 15 minutes à un entretien préalable ayant pour objet la rupture de votre contrat de travail pour inaptitude médicale constatée par le médecin du travail.
Vous avez fait le choix au cours de cet entretien de vous faire assister par [T] [E], comptable et titulaire au comité d’entreprise, déléguée du personnel suppléant.
Le délai légal de réflexion étant écoulé, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans l’entreprise sur un poste disponible correspondant à vos restrictions médicales et à vos compétences professionnelles.
En effet, dans le cadre de notre obligation légale de reclassement, nous avons mené des recherches pour vous reclasser en tenant compte des conclusions du médecin du travail. Par courrier du 2 août 2017 nous vous avons proposé le poste suivant : agent de recouvrement classification : statut employé, échelon 6, adresse : [Adresse 2] – [Localité 5], Type de contrat : CD1, durée du travail : 35 heures, salaire brut : à définir.
Par courrier du 23 août 2017 vous avez refusé cette proposition de reclassement.
En conséquence, nous étions au regret de vous informer que nous ne disposions pas d’autres postes vacants compatibles avec vos restrictions médicales, votre classification et vos qualifications.
Dans ces conditions, nous n’avons donc pas d’autre choix que de vous notifier par la présente votre licenciement en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail et de l’impossibilité de vous reclasser sur un autre poste.
Votre contrat de travail prendra fin à l’expiration d’un préavis de 2 mois, conformément à l’article 2.12 de la convention collective nationale des services de l’automobile applicable dans l’entreprise, qui débutera à compter de la date de première présentation du présent courrier à votre domicile. Nous vous dispensons de toute activité professionnelle pendant votre préavis. Toutefois, l’indemnité de préavis de 2 mois vous sera rémunérée. »
Le 27 mars 2018, M. [O], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale par décision du 17 novembre 2017, a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de contestation son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Une ordonnance de radiation a été prononcée le 12 septembre 2019 pour défaut de diligences des parties et l’affaire a été réinscrite au rôle le 18 septembre 2019.
Parallèlement, selon jugement du 14 octobre 2019 du Pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, M. [O] a été débouté de sa demande de reconnaissance de l’accident du 19 janvier 2015, au titre de la législation professionnelle, cette décision étant confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Versailles (RG 19/03980) du 4 février 2021, condamnant M. [O] aux dépens.
Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud’hommes de Versailles (section commerce) a :
– ditque l’affaire est recevable en la forme,
– dit que l’inaptitude n’est pas liée à une faute inexcusable de la société Entreprise Holdings France conformément à l’article L.1152-1 et suivants du code du travail,
– dit et jugé que le licenciement n’est pas nul,
– dit que la recherche de reclassement de M. [O] n’a pas été effectuée de bonne foi par la société Entreprise Holdings France, en contravention avec l’article L.1226-2 et suivants du code du travail,
– jugé que le licenciement de M. [O] par la société Entreprise Holdings France est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que des indemnités lui sont dues à hauteur de 17 000 euros , conformément à l’article L.1226-2 du code du travail,
– dit que M. [O] a subi un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et ce en contravention avec l’article L.1152-1 et suivants du code du travail et que des indemnités sont dues à hauteur de 1 300 euros,
– jugé qu’il n’y a pas lieu à des dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail, celles versées au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse étant toutes causes confondues,
– condamné la société Entreprise Holdings France à rembourser à Pôle emploi des indemnités chômage versées à hauteur d’un mois de salaire, soit la somme de 1 606,65 euros conformément à l’article L1235-4 du code du travail,
– ordonné l’exécution provisoire sur l’ensemble des décisions en application de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné la société Entreprise Holdings France à verser à Maître Stéphane Didier la somme de 1 800 euros au titre de l’indemnité afférente à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et des frais de l’instance,
– débouté la société Entreprise Holdings France, succombant, de sa demande reconventionnelle, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Entreprise Holdings France aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels d’exécution,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration adressée au greffe le 25 février 2021, la société Entreprise Holdings France a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 18 octobre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Entreprise Holdings France demande à la cour de :
– juger qu’elle a respecté l’obligation de reclassement,
– juger qu’elle n’a pas manqué à ses obligations en termes de harcèlement moral et d’obligation de sécurité,
en conséquence,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande au titre du licenciement nul,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,
– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à rembourser des indemnités au Pôle emploi,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer 1 800 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
statuant à nouveau,
– juger que le licenciement pour impossibilité de reclassement dans le prolongement d’un avis d’inaptitude est fondé,
– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant sur le plan salarial que sur le plan indemnitaire,
– condamner M. [O] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
M. [O], auquel, en application de l’article 902 du code de procédure civile, la déclaration d’appel a régulièrement été signifiée par acte d’huissier du 7 avril 2021, remise au domicile de l’intéressé, n’a pas constitué avocat devant la cour d’appel.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. (Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.796, publié)
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
***
Au cas présent, l’employeur soutient que le fait, retenu par le conseil de prud’hommes, que l’atmosphère ne soit pas des meilleures n’a jamais constitué la définition du harcèlement moral prévu par le code du travail, que par ailleurs, au soutien de ce faisceau d’indices, le conseil de prud’hommes a relevé que la société aurait eu connaissance d’arrêts maladie antérieurs du salarié depuis 2011 et donc de fragilités de ce dernier, que toutefois, cela ne signifie nullement que des actes de harcèlement moral auraient été commis par M. [S] qui ne travaillait pas avec l’intimé à ces dates, que le médecin du travail et le salarié n’ont rien dénoncé pendant toutes ces années concernant un quelconque harcèlement moral ou même de prétendues fragilités qui seraient en lien avec le travail.
Pour retenir l’existence d’un harcèlement moral le conseil de prud’hommes, dont l’intimé non constitué, qui n’a pas conclu, est réputé s’approprier les motifs en application de l’article 954 du code de procédure civile, a d’abord relevé qu’aucune alerte n’a été formulée par le salarié à l’employeur ou aux représentants du personnel avant sa lettre du 7 juillet 2015, qu’aucune demande d’aménagement de poste n’a été faite par le médecin du travail, mais que pour autant les fragilités de M. [O] ne pouvaient être ignorées par l’employeur compte tenu des arrêts maladie qui se sont produits en 2011, 2012, 2013 et 2014, donc avant celui de 2015, quelqu’un de la société voulait monter un dossier contre le salarié et qu’il est curieux de constater que l’employeur n’ait pas cherché à identifier son auteur, que l’employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié n’était pas seul dans l’entreprise le 19 janvier 2015, que M. [H] est revenu sur son attestation rédigée à la demande de M. [S], que les faits relatés par un autre témoin, M. [Z], sont proches de ceux exposés par le salarié.
Sans se conformer à la méthode probatoire rappelée ci-dessus, le conseil déduit de l’ensemble de ces constatations que ‘de l’ensemble il se dégage un faisceau de preuves qui tend à démontrer que l’atmosphère au travail n’était pas des meilleures entre Monsieur [P] [S] et Monsieur [L] [O] alors qu’il semble que le prédécesseur de Monsieur [P] [S], Monsieur [G] [Z], avait de bonnes relations avec Monsieur [L] [O].’ et en conclut à l’existence d’un harcèlement moral de M. [O] de la part de M. [S].
Devant le conseil de prud’hommes, à l’appui du harcèlement moral allégué, le salarié invoquait l’absence de décision de l’employeur face aux actes de harcèlement moral, des comportements déplacés, des paroles vexatoires dont il a fait l’objet de la part de son supérieur hiérarchique depuis 2014 entrainant un mal être au travail qui a évolué en dépression et était à l’origine des deux arrêts de travail en 2014, le refus de l’employeur d’adapter son poste de travail alors qu’il était au courant de sa pathologie au niveau du genou depuis ses accidents du travail en 2011, 2012, 2013 et 2014, qu’il a bien été victime d’un accident du travail le 19 janvier 2015.
Il convient donc d’examiner, en premier lieu, si ces faits sont matériellement établis, et, si tel est le cas, si, pris dans leur ensemble, ils permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
– Sur le refus de l’employeur d’adapter son poste de travail à sa pathologie du genou suite à ses accidents du travail en 2011, 2012, 2013 et 2014
Sur ce point le conseil de prud’hommes a retenu qu’aucune demande d’aménagement de poste n’a été faite par le médecin du travail, mais que pour autant les fragilités de M. [O] ne pouvaient être ignorées par l’employeur compte tenu des arrêts maladie qui se sont produits en 2011, 2012, 2013 et 2014, donc avant celui de 2015.
Toutefois, ces éléments n’établissent pas l’existence d’un refus de l’employeur d’adapter le poste de travail du salarié, dont, en tout état de cause, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’intéressé l’ait même sollicité.
Ce fait n’est pas établi.
– Sur ‘l’accident du travail’ du 19 janvier 2015
Par un arrêt du 4 février 2021, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Versailles ayant dit bien fondée la décision de la CPAM de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident dont aurait été victime M. [O] le 19 janvier 2015.
Il n’est donc pas établi que le salarié a été victime d’un accident du travail le 19 janvier 2015.
– Sur les comportements déplacés et les paroles vexatoires dont il a fait l’objet de la part de son supérieur hiérarchique depuis 2014 entraînant un mal être au travail évoluant en dépression et étant à l’origine des deux arrêts de travail en 2014
Ces faits, exceptés l’existence d’arrêts de travail, non contestés par l’employeur, ne sont pas évoqués par les premiers juges, de sorte qu’il ne peut être considéré que le salarié les a établis.
Le conseil de prud’hommes retient uniquement une copie d’écran montrant un échange entre M. [S] et différents salariés de la société dont, au regard des éléments portés à la connaissance de la cour par le jugement attaqué et les pièces de l’employeur, il ne peut être déduit aucun comportement déplacé ni propos vexatoire à l’encontre de M. [O].
Ces faits ne sont pas établis.
– Sur l’absence de décision de l’employeur face aux actes de harcèlement moral
Ce fait n’est pas retenu par le conseil de prud’hommes.
En outre, il n’est pas établi par les pièces du dossier, dont il ressort au contraire que l’employeur répondant le 13 juillet 2015 à une lettre du salarié datée du 8 juillet 2015 faisant part d’accusations à l’encontre de son encadrement, lui a indiqué qu’il le recevrait le 22 juillet 2015, conformément au dispositif au vigueur dans l’entreprise. Le salarié ne s’est pas présenté à ce rendez-vous, de sorte que l’employeur a classé sa demande.
Ce fait n’est en tout état de cause pas établi.
En définitive, aucun des faits allégués retenus par les premiers juges n’étant matériellement établis, le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un harcèlement moral et alloué à M. [O] une indemnité à ce titre.
En l’absence de tout harcèlement moral retenu par la cour, le jugement sera en revanche confirmé le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande au titre du licenciement nul.
Par ailleurs, la cour d’appel relève qu’elle n’est pas saisie du chef du dispositif du jugement ayant dit que l’inaptitude n’est pas liée à une faute inexcusable de la société Entreprise Holdings France conformément à l’article L.1152-1 et suivants du code du travail, dont l’appelant ne sollicite pas la confirmation, et duquel l’intimé, non constitué, n’a pas formé appel incident.
Sur le licenciement
L’employeur expose que la proposition de poste de reclassement faite au salarié a été soumise au médecin du travail et fait l’objet d’un avis favorable des délégués du personnel, que le salarié ayant refusé cette proposition, le licenciement est fondé.
Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, le conseil de prud’hommes, après avoir relevé que la reconnaissance d’accident du travail ne peut prospérer car refusée par deux fois, a retenu que la société reconnaît qu’elle dispose d’au moins 2 agences à [Localité 4] et une dans le [Localité 5], qu’elle indique par ailleurs que 30 % de l’offre tous concurrents confondus se situe en Ile de France et qu’elle réalise un chiffre d’affaires de 5 % supérieur au chiffre moyen de ses concurrents, qu’elle ne produit aucun organigramme de ses agences en région Ile de France, ni les effectifs de ses agences dans cette région ou comptoirs dans les aéroports, que le poste qui a été proposé était loin d’être aussi comparable que possible à celui qu’occupait le salarié précédemment, et ce en contravention avec l’article L.1226-2 du code du travail. Le conseil de prud’hommes déduit de ces constats, du petit nombre de pièces versées aux débats pour tenter de justifier d’une recherche effective, juste quelques échanges de mails, et de la taille revendiquée par la société Entreprise Holdings France en France et en Ile de France, que la recherche n’a pas été effectuée de bonne foi, de sorte que le licenciement prononcé dans ces circonstances est sans cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1226-2 du code du travail dans sa version antérieure au 22 septembre 2017.
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Selon l’article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2017 au 24 septembre 2017, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement d’un salarié inapte, et l’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions au besoin en les sollicitant.
Au cas présent, l’avis du 17 mai 2017 du médecin du travail indique que le salarié ‘pourrait occuper une activité sans flexion du genou, conduite de véhicules, ni port de charges’.
Dès lors, compte tenu des restrictions émises, la recherche de reclassement incombant à l’employeur était nécessairement limitée aux postes compatibles avec les restrictions médicales, de sorte que l’emploi susceptible d’être proposé au salarié ne pouvait pas être comparable à l’emploi de préparateur-convoyeur précédemment occupé dans cette société spécialisée dans la location de véhicules. En effet, il n’est pas contesté que les postes comparables à celui occupé par le salarié comportent, de ce fait, de la conduite de véhicules.
En outre, interrogé ensuite par l’employeur sur ses souhaits de mobilité, le salarié a indiqué à l’employeur selon formulaire du 29 mai 2017 qu’il n’était pas du tout mobile et n’accepterait qu’une proposition d’un emploi à temps partiel.
Nonobstant ces restrictions émises par le salarié, l’employeur établit avoir consulté les chargés de recrutement des différentes zones au sein de l’entreprise sur les possibilités de reclassement du salarié compte tenu des préconisations médicales, et n’avoir identifié qu’un poste d’agent de recouvrement, échelon 6, situé à [Localité 5], faisant l’objet d’un avis favorable du médecin du travail et, à l’unanimité, des délégués, auxquels l’employeur avait précisé qu’un entretien exploratoire permettrait d’identifier si le salarié en disposait des compétences professionnelles, le cas échéant grâce à une formation interne.
La fiche de poste indique au titre des missions : ‘suivi administratif de la relance automatique, et de la relance externe ; relance directe de certains clients, suivant liste établie par le responsable recouvrement ; préparation des imputations de règlement, préparation des dossiers litige pour transmission au service relations clientèle’, et au titre des attributions : ‘traitement administratif des retours de relance, interne ou externe : envoi des duplicatas, relevés , transmission des fiches litige après avoir vérifié si justifié, mise à jour du logiciel recouvrement, relances clients : appels téléphoniques, relances mail’.
Ce poste est conforme aux préconisations du médecin du travail d’une activité sans flexion du genou, conduite de véhicules, ni port de charges. Peu important les motifs du refus opposé par le salarié à cette proposition de reclassement, celle-ci a été formulée loyalement par l’employeur, compte tenu des restrictions médicales et des postes disponibles au sein de la société dont l’ensemble des chargés de recrutement des différentes zones ont été sollicités et ont indiqué ne pas avoir de postes disponibles correspondant aux préconisations médicales.
Il s’ensuit que l’employeur établit avoir exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement et s’être trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et alloué au salarié une indemnité à ce titre.
Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera en conséquence également infirmé en ce qu’il a condamné la société Entreprise Holdings France à rembourser à Pôle emploi des indemnités chômage versées à hauteur d’un mois de salaire en application de l’article L.1235-4 du code du travail.
Enfin, la cour relève qu’elle n’est pas saisie du chef de dispositif du jugement ayant dit ‘n’y avoir lieu à des dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail, celles versées au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse étant toutes causes confondues’ dont l’appelant ne sollicite pas la confirmation, et pour duquel l’intimé, non constitué, n’a pas formé appel incident.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le salarié succombant, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens et au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par voie d’infirmation, le salarié sera en conséquence condamné aux dépens de première instance et d’appel.
En revanche, conformément à ces dispositions, le salarié, bien que succombant en appel, ne sera pas condamné à verser une certaine somme au titre des frais exposés par l’appelante qui ne sont pas compris dans les dépens, en raison des situations économiques respectives des parties.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il dit que l’affaire est recevable en la forme, et en ce qu’il juge que le licenciement n’est pas nul,
INFIRME le jugement pour le surplus, dans ses dispositions déférées à la cour,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,
DIT que le licenciement pour inaptitude de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [O] de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,
DIT n’y avoir lieu à remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées au salarié,
DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE M. [O] aux dépens de première instance et d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président
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