Droit du logiciel : 8 mars 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01550

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Droit du logiciel : 8 mars 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01550

COUR D’APPEL

DE NANCY

1ère chambre civile

N° RG 22/01550 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAEY

Appel d’une décision rendue par le tribunal judiciaire de NANCY en date du 14 juin 2022 – RG 21/595

Ordonnance n° /2023

du 08 Mars 2023

O R D O N N A N C E D’ I N C I D E N T

Nous, Mélina BUQUANT, magistrat chargée de la mise en état de la 1ère chambre civile à la cour d’appel de NANCY, en remplacement de Nathalie CUNIN-WEBER, magistrat régulièrement empêchée, selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 4 Janvier 2023, assistée de Céline PERRIN, greffier, lors de l’audience de cabinet du 8 Février 2023,

Vu l’affaire en instance d’appel inscrite au répertoire général sous le N° RG 22/01550 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAEY ,

APPELANT

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 2]

Représenté à l’audience par Madame Béatrice BOSSARD, avocat général près la cour d’appel de NANCY

INTIME

Monsieur [U] [J]

domicilié [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/006669 du 27/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)

Représenté par Me Brigitte JEANNOT, avocat au barreau de NANCY

Avons, après avoir entendu à l’audience de cabinet du 8 Février 2023, les parties en leurs explications, mis l’affaire en délibéré pour l’ordonnance être rendue le 08 Mars 2023 ;

Et ce jour, 08 Mars 2023, assistée de Céline PERRIN, greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d’huissier remis le 5 mars 2021, Monsieur [U] [J], se disant né le 22 novembre 2001 à Kamsar (Guinée), a fait assigner le ministère public, devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins, principalement, de se voir reconnaître l’acquisition de la nationalité française.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– constaté que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

– dit que Monsieur [U] [J], né le 22 novembre 2001 à Kamsar (Guinée), est français en application des dispositions de l’article 21-12 du code civil,

– annulé la décision en date du 23 mars 2020 du directeur des services de greffe du tribunal judiciaire de Montbéliard (dossier DnhM 74/2019) ayant refusé l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 22 octobre 2019 par Monsieur [U] [J],

– ordonné l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 22 octobre 2019 par Monsieur [U] [J],

– ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil,

– débouté Monsieur [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de l’Etat.

Le ministère public a interjeté appel de cette décision.

Il a conclu au fond le 15 septembre 2022, sollicitant l’infirmation de la décision.

Le 14 décembre 2022, Monsieur [U] [J] a conclu au fond pour solliciter la confirmation de la décision.

Il a le même jour notifié des conclusions sur incident par lesquelles il soulève l’irrecevabilité de l’appel, la confirmation du jugement rendu le 14 juin 2022 et la condamnation de l’Etat à payer à son conseil 2400 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle et de l’article 700 du code de procédure civile.

À l’appui, il fait valoir que la déclaration d’appel n’a pas été effectuée par la voie électronique comme elle l’aurait dû l’être en application de l’article 930-1 du code de procédure civile alors qu’il n’existait pas de cause étrangère, comme l’a déjà relevé le conseiller de la mise en état dans une autre procédure présentant des caractéristiques identiques. En outre, s’il devait être retenu que le ministère public a été confronté à une cause étrangère, il lui appartenait de procéder conformément à l’alinéa 2 de ce texte et à l’article 769 du code de procédure civile.

Il a maintenu ses demandes et motivations dans ses conclusions sur incident notifiées le 7 février 2023, faisant en outre valoir que dans des espèces similaires, le conseiller de la mise en état de la cour de céans a rendu le 7 décembre 2022 des ordonnances dans lesquelles il a retenu qu’aucune cause étrangère n’était caractérisée par le ministère public. Il ajoute que la convention signée le 5 février 2021 entre le conseil national des barreaux et le ministère de la justice relative à la communication électronique en procédure civile met à la charge du ministère la maintenance évolutive des logiciels Winci CA et Winci TGI. En outre, l’attestation de la directrice de greffe, rédigée en termes généraux, ne justifie pas qu’en l’espèce le ministère public a tenté d’interjeter appel par la voie électronique et s’est heurté à une impossibilité.

Le ministère public a conclu sur incident le 19 janvier 2023.

Il fait valoir que Monsieur le procureur de la République de Nancy ne pouvait interjeter appel par la voie électronique dans la mesure où les logiciels n’étaient techniquement pas configurés par les services techniques pour permettre cet acte à la date à laquelle il a été effectué, ce dont atteste la directrice des services judiciaire de Nancy, alors que l’adaptation des applicatifs relevait non du magistrat – qui même s’il avait disposé des compétences informatiques techniques, n’était pas habilité à modifier les applicatifs métiers – mais des attributions des services informatiques judiciaires locaux ou régionaux.

Il demande en conséquence d’écarter le moyen d’irrecevabilité, justifiant d’une impossibilité matérielle et considérant avoir respecté les dispositions de l’article 901 4° du code de procédure civile.

À l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu les actes de la procédure, auxquels il convient de se référer,

Vu les articles 907 et 789 du code de procédure civile donnant compétence au conseiller de la mise en état pour connaître des irrecevabilités affectant la déclaration d’appel,

L’article 930-1 du code de procédure civile, introduit par le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, dispose dans sa rédaction actuelle que :

‘À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En ce cas, la déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique’.

Aucun texte n’exonère le ministère public de ces obligations, la circulaire JUSC1234674C du 3 janvier 2013 présentant le décret n°2012-1515 du 28 décembre 2012 rappelle au contraire que le ministère public est tenu de remettre, dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, par la voie électronique ses actes lesquels, à compter du 1er janvier 2013, doivent être revêtus de sa signature électronique.

En outre, l’arrêté JUST2002909A du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel – portant abrogation de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoires devant les cours d’appel – définit aux termes de son article 2 son champ d’application qui comprend en particulier les envois, remises et notifications ‘entre le ministère public et la juridiction’.

Il précise sur les modalités générales des échanges que le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire et que, lorsqu’un document doit être joint à l’acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé au format PDF.

Concernant les actes émanant du ministère public, l’article 5 énonce que ‘Les envois et remises au greffe de la cour d’appel des déclarations d’appel et des conclusions du ministère public sont effectués par la voie électronique au moyen d’un message électronique acheminé au sein du réseau privé virtuel justice depuis la boîte électronique dédiée du ministère public, pour les parquets près les tribunaux judiciaires du type « [Courriel 3] » et pour les parquets généraux « [Courriel 4] ».’

L’arrêté précise par la suite à son chapitre 2 intitulé ‘du système de communication électronique mis à disposition des juridictions et du ministère public’ les modalités d’accès des agents du ministère de la justice au système de messagerie automatisé ComCi CA, qui est une composante de l’application informatique de la chaîne civile WinCi CA.

Il résulte de ces textes que, s’agissant des actes émanant des parquets près les tribunaux judiciaires comme de ceux émanant des parquets généraux qui doivent être notifiés au greffe de la cour par la voie électronique – au premier rang desquels figure la déclaration d’appel -, le ministère de la justice a défini les moyens techniques auxquels le ministère public doit recourir. En l’espèce, le fait que l’accès à ComCi CA et à WinCi CA n’était pas déployé auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy ne constitue pas un obstacle technique irrésistible, dans la mesure où, alors même que le ministère de la justice a prévu les modalités adaptées permettant au ministère public d’interjeter appel par la voie électronique, il n’est pas rapporté la preuve que son absence de mise en oeuvre auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy relevait d’une impossibilité matérielle. En outre, s’il ne rentre pas dans les compétences des magistrats du parquet de modifier les applicatifs métier, il appartenait en revanche à l’administration du ministère de la justice de procéder à la mise en oeuvre locale des moyens informatiques et au ministère public de s’assurer de la mise à sa disposition des moyens techniques lui permettant d’interjeter appel dans les conditions déterminées par le règlement. Il n’est donc pas caractérisé en l’espèce une cause étrangère empêchant le ministère public de remettre sa déclaration d’appel par la voie informatique et lui permettant de recourir aux modalités subsidiaires prévues à l’alinéa 2 de l’article 930-1 du code de procédure civile.

Dès lors, l’appel interjeté par le ministère public devait être effectué par la voie électronique telle que déterminé par l’arrêté sus-visé.

En l’espèce, il ressort du dossier de la cour d’appel que :

* Monsieur le Procureur de la République de Nancy a adressé – par courrier postal simple ou par la navette entre le tribunal et la cour d’appel – une déclaration d’appel, en date du 1er juillet 2022, formalisée sur un support papier et adressée à ‘ Madame le directeur de greffe de la cour d’appel de Nancy’ selon le courrier de transmission, par laquelle il déclarait interjeter appel devant la cour d’appel de Nancy d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 14 juin 2022 sous le numéro de répertoire général 21/595, dont il annexait une copie papier certifiée conforme,

* cette déclaration a fait l’objet d’une retranscription par le greffe de la cour d’appel pour l’enregistrer dans l’application informatique WinCi CA : le greffe a, pour se faire, formalisé à l’aide de la trame WinCi CA la déclaration d’appel reçue sur support papier – la précisant en date du 5 juillet 2022 et enregistrée le 6 juillet 2022 – sans reprendre les chefs de jugement critiqués énoncés dans la déclaration d’appel papier du 1er juillet 2022.

Il convient en conséquence de constater l’irrecevabilité de la déclaration d’appel faite sur support papier par Monsieur le Procureur de la République de Nancy le 1er juillet 2022, enregistrée par le greffe dans le logiciel WinCi CA le 6 juillet 2022 comme en date du 5 juillet 2022.

Il sera précisé de manière superfétatoire qu’il n’est pas justifié du respect du formalisme imposé par l’article 930-1 alinéa 2 en cas de cause de cause étrangère faisant obstacle à la remise par la voie électronique.

Il convient de laisser l’ensemble des dépens de la procédure d’appel et de l’incident à la charge de l’Etat.

Il y a lieu de le condamner l’Etat à payer à Maître Jeannot une somme qu’il est équitable de fixer à 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Mélina BUQUANT, Conseiller chargée de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et susceptible d’être déférée à la cour conformément aux dispositions de l’article 916 du code de procédure civile,

Déclarons irrecevable l’appel interjeté par le ministère public contre le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy selon déclaration faite sur support papier le 1er juillet 2022, enregistrée par le greffe de la cour d’appel dans le logiciel WinCi CA le 6 juillet 2022 comme en date du 5 juillet 2022,

Condamnons l’Etat aux dépens de la procédure d’appel, y compris de l’incident,

Condamnons l’Etat à payer à Maître Jeannot la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.

Signé : C. PERRIN Signé : M. BUQUANT

Minute en six pages.

 


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