COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 08 JUIN 2023
N° 2023/0818
Rôle N° RG 23/00818 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLNAQ
Copie conforme
délivrée le 08 Juin 2023 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 06 juin 2023 à 16h26.
APPELANT
Monsieur [G] [P]
né le 02 février 1990 à [Localité 1]
de nationalité marocaine
comparant en personne, assisté de Me Marc BREARD, avocat au barreau d’Aix en Provence commis d’office et de Mme [S] [L] (Interprète en langue arabe) en vertu d’un pouvoir général inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
INTIME
Monsieur le préfet des ALPES MARITIMES
non comparant, ni représenté
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 08 Juin 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023 à 14h15,
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 03 juin 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES , notifié le même jour à 18h30 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 03 juin 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 18h30;
Vu l’ordonnance du 06 juin 2023 à 16h26 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [G] [P] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et rejetant sa contestation de l’arrêté de placement en rétention ;
Vu l’appel interjeté le 07 juin 2023 à 14h48 par Monsieur [G] [P] ;
Monsieur [G] [P] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare: ‘ Je n’ai pas eu l’obligation de quitter le territoire. J’ai été placé au centre de rétention , je veux retourner en Italie. J’habite à [Localité 2], ça fait un an que j’habite à [Localité 2]. J’ai quitté l’Italie, c’est un ami qui m’a dit que je pourrais trouver du travail en France. J’ai quitté l’Espagne, parce que je n’avais pas de famille. J’habite [Adresse 3]. Je ne veux pas quitter mes enfants. Je n’étais pas au courant pour le tribunal administratif. Je suis libyen, non, je suis marocain. Je n’ai pas de passeport. J’ai juste voulu demander une cigarette. Je vous promets que je ne boirai plus. Non, je suis libyen.’
Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l’acte d’appel, il soutient que l’arrêté de placement en rétention est irrégulier pour défaut de motivation, absence de prise en compte des garanties de représentation de M. [P] et de sa situation familiale (marié à une ressortissante européenne, père d’un enfant européen, épouse actuellement enceinte), et disproportion du placement en rétention.
Il soulève par ailleurs l’irrecevabilité de la requête préfectorale en première prolongation de la rétention, la copie du registre tenu au centre de rétention ne mentionnant pas l’existence d’un recours devant le tribunal administratif.
Il ajoute que M. [P] étant de nationalité marocaine, il convenait d’appliquer la procédure centralisée prévue depuis le 11 juin 2018 instaurant la transmission de la demande à la DGEF afin qu’elle soit adressée aux autorités marocaines centrales pour identification à partir des empreintes digitales et des photographies de l’intéressé et qu’en l’espèce, il est seulement justifié de la saisine des autorités consulaires marocaines. Il sollicite en conséquence la mise en liberté de M. [P].
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur la régularité de l’arrêté de placement en rétention :
Aux termes de l’article L741-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, l’autorité administrative peut placer en rétention pour une durée de 48 heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L 612-3.
Ce dernier article dispose que le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
En l’occurrence, l’arrêté de placement en rétention critiqué est motivé par le défaut de présentation de document d’identité ou de voyage en cours de validité, le défaut de justification d’une entrée régulière sur le territoire français, le maintien de l’intéressé sur ce territoire depuis un an et demi sans avoir entrepris de démarches en vue de régulariser sa situation et le défaut de justification d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
Cet arrêté souligne par ailleurs que M. [P] ne justifie pas contribuer à l’entretien ni à l’éducation de son enfant avec lequel il ne démontre pas la réalité de liens, qu’il ne justifie pas avoir l’autorité parentale sur ce dernier et qu’il n’est pas porté une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [P] et énonce les circonstances qui justifient l’application de ces dispositions.
Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que ce dernier n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’étranger, dès lors que les motifs qu’il retient, suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux. En l’occurrence, M. [P] lors de son audition en garde à vue n’a pas démontré l’existence d’une résidence stable alors qu’il aurait pu demander à joindre Mme [X] [J] [U] à cette fin, ce qu’il n’a pas fait ni justifié qu’il contribuait à l’entretien de son fils, se déclarant au contraire sans emploi et sans ressources.
En tout état de cause, quand bien même l’existence d’une famille aurait été retenue, le placement en rétention de M. [P] d’une durée nécessairement limitée, alors qu’il ne démontre pas avoir la charge exclusive de son enfant ni contribuer à son entretien, ne saurait porter une atteinte disproportionnée au respect dû à la vie familiale et privée non plus qu’à l’intérêt de l’enfant.
En conséquence, l’arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [P] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire. C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation personnelle de l’étranger que la décision de placement en rétention a été prise.
Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l’arrêté de placement en rétention.
Sur la demande en prolongation de la rétention :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Cet article dispose qu’il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
En application de l’article 2 de l’arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l’article L. 553-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), le registre et le traitement mentionnés à l’article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
– à l’étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l’accompagnant ;
– à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
– aux procédures juridictionnelles mises en ‘uvre au cours de la rétention ;
– à la fin de la rétention et à l’éloignement.
Il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d’un étranger doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’une copie de ce registre. L’absence de production avec la requête du préfet d’une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits reconnus à l’étranger au cours de la mesure de rétention est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief.
En l’espèce, il résulte de la procédure qu’une copie du registre tenu au centre de rétention a été annexée à la requête préfectorale en prolongation de la rétention, cette copie comportant le numéro de l’intéressé dans le fichier LOGICRA, les mentions relatives à l’état civil de M. [P], sa provenance, la décision de placement en rétention, l’heure d’arrivée au centre de rétention, la nature de la mesure d’éloignement et sa date ainsi que la saisine du juge des libertés et de la détention au fins de prolongation de la rétention.
Il est soutenu que cette copie ne comporterait pas l’existence d’un recours effectué par M. [P] devant le tribunal administratif lequel ne résulte toutefois ni du dossier ni des déclarations de l’intéressé à l’audience.
Dès lors, il n’est justifié d’aucun défaut d’actualisation du registre ne permettant pas de s’assurer de l’exercice de ses droits en rétention par M. [P] conformément aux dispositions de l’article L 743-9 du CESEDA et la fin de non recevoir soulevée sera rejetée.
S’il est exact que la mise en oeuvre de l’éloignement de l’étranger suppose la saisine de la DGEF aux fins de saisine des autorités centrales marocaines et la remise à la DGEF d’un dossier contenant outre la décision d’éloignement, l’audition, les empreintes digitales ainsi que les photographies du retenu et devant répondre à certaines conditions précises, cette saisine ne peut, pour des raisons techniques de préparation du dossier, s’effectuer dans les 24 heures du placement en rétention ; par ailleurs, l’information des autorités consulaires marocaines du placement en rétention d’un ressortissant marocain n’apparaît pas inutile alors qu’elles seront, à terme, destinataires du laissez-passer délivré par le Maroc qu’elles seront chargées de transmettre à la préfecture.
Dès lors, il convient de considérer que la préfecture justifie de la réalisation des diligences nécessaires à l’éloignement de M. [P] dans les meilleurs délais.
La procédure apparaît donc régulière.
Aucune mesure d’assignation à résidence ne pouvant être envisagée à défaut de remise d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité et d’acceptation de la décision d’éloignement, l’intéressé se déclarant tantôt marocain tantôt libyen, la décision déférée sera confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 06 Juin 2023.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,
Reçu copie et pris connaissance le 08 juin 2023
– Monsieur [G] [P] :
– interprète :
Laisser un commentaire