COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 08 JUIN 2023
N° 2023/0815
Rôle N° RG 23/00815 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLMXB
Copie conforme
délivrée le 08 Juin 2023 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 05 Juin 2023 à 16h17.
APPELANT
Monsieur [E] [G]
né le 14 juillet 1993 à [Localité 3]
de nationalité algérienne
comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me FLORES Laëtitia, avocat au barreau d’Aix en Provence, et de Madame [M] [Y] (Interprète en langue arabe)
inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
INTIME
Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE
non comparant, ni représenté
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 08 Juin 2023 devant Madame Catherine LEROI Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023 à 12h25.
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 04 avril 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE, notifié le 14 avril 2023 à 09h50 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 02 juin 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE notifiée le 03 juin 2023 à 09h36;
Vu l’ordonnance du 05 juin 2023 à 16h17 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [E] [G] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et rejetant la contestation de l’arrêté de placement en rétention ;
Vu l’appel interjeté le 06 juin 2023 à 12h44 par Monsieur [E] [G] ;
Monsieur [E] [G] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : ‘Je veux être libéré et être avec mes enfants. J’ai été agressé et je n’ai plus mon passeport. J’habite [Adresse 1] à [Localité 2]. Je ne suis pas d’accord pour retourner en Algérie. J’ai mes enfants ici. Mes enfants n’ont pas de passeport. Je ne vois pas le psychiatre au centre de rétention , je ne suis pas bien. J’ai les documents, ils ont été donnés’.
Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l’acte d’appel, il soutient d’une part, que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est irrecevable en ce qu’il n’y est pas annexé une copie actualisée du registre tenu au centre de rétention mentionnant l’arrêté de maintien en rétention pris le 4 juin 2023, soit, avant la saisine du juge des libertés et de la détention ; il fait valoir par ailleurs qu’alors qu’il a demandé au juge des libertés et de la détention de contrôler l’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes génétiques (FAED) le 29 novembre 2022, les pièces de la procédure ne permettent pas de vérifier ce point et que l’arrêté de placement en rétention et la décision d’éloignement se réfèrent à des éléments provenant de cette consultation à savoir l’existence d’alias et de signalisations antérieures.
Il conteste d’autre part la régularité de l’arrêté de placement en rétention pour insuffisance de motivation et absence d’examen sérieux de la situation de M. [G], en ce qu’il n’est pas précisé qu’il vit en concubinage et qu’il est père de deux enfants et qu’il n’est pas motivé spécifiquement sur la vulnérabilité de l’intéressé alors que l’existence d’un suivi pour troubles psychologiques ressort du contenu des précédentes obligations de quitter le territoire prises à son encontre.
Il sollicite en conséquence la mise en liberté de M. [G].
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention :
Aux termes de l’article L741-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, l’autorité administrative peut placer en rétention pour une durée de 48 heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L 612-3.
Ce dernier article dispose que le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
Aux termes de l’article L.741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
En l’occurrence, l’arrêté de placement en rétention critiqué est motivé par le défaut de garanties de représentation suffisantes, en l’absence de remise d’un passeport en cours de validité et de justification d’un lieu de résidence permanent et au regard du fait que l’intéressé est connu sous plusieurs identités et qu’il s’est déjà soustrait à deux précédentes obligations de quitter le territoire prononcées les 13 février 2022 et 10 mai 2019. Il précise en outre que l’intéressé n’a pas formulé d’observations sur sa situation personnelle ni allégué un état de vulnérabilité.
La décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [G] et énonce les circonstances qui justifient l’application de ces dispositions.
Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que ce dernier n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’étranger, dès lors que les motifs qu’il retient, suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, et que le fait que M. [G], qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler à l’attention de la préfecture notamment sur son état de santé et sa vulnérabilité le 28 mars 2023, ne saurait critiquer le fait qu’il ne soit pas fait mention de ses problèmes psychologiques, qu’en effet la seule pièce portée à la connaissance du préfet y faisant référence est une précédente décision d’éloignement datant du 10 mai 2019 ; or sa situation a pu évoluer quatre ans plus tard ; il sera d’ailleurs observé que les pièces médicales plus récentes invoquées par M. [G] pour démontrer la poursuite d’un suivi psychiatrique ne sont pas régulièrement versées aux débats ; par ailleurs, le fait qu’il ait une concubine et deux enfants n’excluait pas un placement en rétention, au regard de la durée limitée de cette mesure, faisant suite à un emprisonnement de plusieurs mois; dès lors, il y a lieu de considérer que cette mesure n’est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale et privée.
En conséquence, l’arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [G] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire. C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l’étranger et de son état de vulnérabilité que la décision de placement en rétention a été prise.
Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l’arrêté de placement en rétention.
Sur la demande du préfet en prolongation de la rétention :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Cet article dispose qu’il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
En application de l’article 2 de l’arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l’article L. 553-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA), le registre et le traitement mentionnés à l’article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
– à l’étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l’accompagnant ;
– à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
– aux procédures juridictionnelles mises en ‘uvre au cours de la rétention ;
– à la fin de la rétention et à l’éloignement
Toute requête en prolongation de la rétention administrative d’un étranger doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’une copie de ce registre.
L’absence de production avec la requête du préfet d’une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits reconnus à l’étranger au cours de la mesure de rétention est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief.
En l’espèce, la requête saisissant le juge des libertés et de la détention d’une demande de prolongation de la rétention a été déposée au greffe le 4 juin 2023. A cette requête se trouve annexée une copie du registre mentionnant la date d’arrivée de M. [G] au centre de rétention, la provenance de la personne retenue, la date de l’arrêté de placement en rétention, la nature et la date de la décision d’éloignement, la date de la demande d’asile présentée le 3 juin 2023 à 16h20 ainsi que la notification de ses droits au retenu notifiés par le biais d’un interprète en langue arabe.
Il est fait grief à cette copie du registre de ne pas mentionner l’arrêté de maintien en rétention notifié le 4 juin 2023 à l’intéressé.
Toutefois, le caractère très récent de cette notification ainsi que la constatation que le contenu de ce registre permet de s’assurer de l’exercice de ses droits en rétention par M. [G] conformément aux dispositions de l’article L 743-9 du CESEDA conduisent à rejeter la fin de non recevoir soulevée.
M. [G] soulève par ailleurs une exception de nullité de la procédure tenant à la présence dans le dossier d’une consultation du FAED effectuée le 29 novembre 2022 par M. [H] [L] [C] dans le cadre d’une procédure de garde à vue pour vol ayant conduit à sa condamnation en comparution immédiate à une peine de 8 mois d’emprisonnement.
Cette consultation n’ayant pas été réalisée dans le cadre de la présente procédure de rétention et son résultat n’étant produit qu’à titre de renseignement sur les antécédents de M. [G], il ne peut être exigé de la préfecture la production du justificatif de l’habilitation de l’agent ayant consulté le FAED. En outre, il sera indiqué que le fait que l’intéressé soit connu défavorablement de la police et de la justice sous des identités différentes ne résulte pas forcément des informations contenues dans le FAED, l’arrêté pris par le préfet du Puy de Dôme le 10 mai 2019 en faisant déjà état.
La procédure apparaissant régulière et M. [G] qui n’a pas remis de passeport en cours de validité et refuse d’exécuter la décision d’éloignement ne pouvant être assigné à résidence, à défaut de garanties de représentation effectives, la décision déférée sera en conséquence confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 05 Juin 2023.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,
Reçu copie et pris connaissance le 08 juin 2023
– Monsieur [E] [G]:
– interprète :
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