Droit du logiciel : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19433

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Droit du logiciel : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19433

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

N° 2023/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/19433 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKOK

[LW] [S]

C/

Mutuelle MUTUELLE ASSURANCE DES COMMER9ANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

08 JUIN 2023

à :

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 05 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00118.

APPELANTE

Madame [LW] [S], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Steeve GRASSI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

MACIF (MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en qualité au siège social., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julien DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Géraldine BOEUF, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] (la salariée) été engagée le 5 mars 2001 par la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF, la société) par contrat à durée indéterminée en qualité de téléconseillère, classe 5, coefficient 170, moyennant une rémunération brute mensuelle un salaire de base de 7 990 francs, une prime de vacances de 556,17 francs et de 13ème mois de 712,18 francs, soit une rémunération mensuelle brute de 9258,35 francs, selon les modalités d’horaire collectif résultant de l’accord d’entreprise du 28 juin 1999.

Le 2 janvier 2007 elle a été rattachée à la fonction de téléconseillère vente, niveau 3B.

Par avenant du 1er mars 2008 elle est passée à temps partiel à raison de 19 heures par semaine et par avenants temporaires successifs, la durée et la répartition de son temps de travail ont été modifiées dans le cadre d’une organisation par cycles.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des sociétés d’assurances.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 mai 2018.

Par lettre du 16 juin 2018 la salariée a dénoncé à l’employeur des faits de harcèlement moral.

La société a diligenté une enquête interne avec des entretiens individuels menés entre septembre et novembre 2018 et une restitution lors d’une réunion du CHSCT de décembre 2018.

La salariée a saisi le 25 juillet 2018 le conseil de Prud’hommes d’Arles d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes au titre d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Lors de la visite de reprise du 6 août 2018 le médecin du travail l’a déclarée définitivement inapte à la reprise de son poste avec mention que ‘L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi’.

Le 27 septembre 2018 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 9 octobre 2018.

Par lettre du 12 octobre 2018 la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement .

Dans le dernier état de ses demandes, elle a saisi le conseil de Prud’hommes d’Arles d’une demande de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral, d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, à titre subsidiaire d’une contestation du licenciement produisant les effets d’un licenciement nul, de dommages et intérêts pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail, d’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 décembre 2019 le conseil de prud’hommes d’Arles a :

– débouté Madame [S] [LW] de l’intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires.

– débouté la Mutuelle Macif de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du

Code de Procédure Civile.

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

– dit n’y n’avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

La salariée a interjeté appel du jugement par acte du 20 décembre 2019 énonçant :

‘Objet/Portée de l’appel: L’appel tend à l’infirmation ou l’annulation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [S] [LW] de l’intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires’

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 septembre 2020 Mme [S] demande de :

INFIRMER le jugement du 5 décembre 2019 du Conseil de prud’hommes d’Arles en ce qu’il

a débouté Madame [S] de l’ensemble de ses demandes salariales et indemnitaires.

INFIRMER le jugement du 5 décembre 2019 du Conseil de prud’hommes d’Arles en ce qu’il

a débouté Madame [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

INFIRMER le jugement du 5 décembre 2019 du Conseil de prud’hommes d’Arles en ce qu’il

a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Dès lors, statuant à nouveau:

I. A titre principal: sur la demande de resiliation judiciaire du contrat de travail

A titre principal,

DIRE ET JUGER que Madame [S] est victime de harcèlement moral;

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [S] aux torts exclusifs de la Macif en raison du harcèlement moral subi par cette dernière;

En conséquence,

CONDAMNER la Macif au paiement au profit de la concluante de la somme de 52 874,60 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

CONDAMNER la Macif au paiement de la somme de somme de 15.862,38 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans ne considère pas que Madame [S] a été victime de harcèlement moral, elle ne pourra que:

DIRE ET JUGER que la Macif a manqué à son obligation de prévention et protection de la santé et sécurité à l’égard de Madame [S];

DIRE ET JUGER que la Macif a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail

PRONONCER la résiliation judiciaire de contrat de travail de Madame [S] aux torts exclusifs de la Macif en raison de la violation de l’obligation de prévention et protection de la santé et sécurité et d’exécution loyale du contrat de travail,

En conséquence,

CONDAMNER la Macif au paiement au profit de la concluante de la somme de 52.874,60 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

II. A titre subsidiaire: sur la nullité du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

DIRE ET JUGER que les agissements dont Madame [S] a été victime sur son lieu de travail sont constitutifs de harcèlement moral;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement trouve sa cause dans le harcèlement moral dont Madame [S] a été victime,

En conséquence,

CONDAMNER la Macif au paiement au profit de la concluante de la somme de 52.874,60 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul;

CONDAMNER la Macif au paiement au profit de la concluante de la somme de somme de 15.862,38 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral;

En tout état de cause,

CONDAMNER la Macif au paiement des sommes suivantes:

‘ 15.862,38 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect par la Macif de son obligation de sécurité de résultat et exécution déloyale du contrat de travail;

‘ 5.287,46 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis;

‘ 528,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

Y ajoutant,

CONDAMNER la Macif au paiement de la somme de 2.000,00 euros nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

ASSORTIR les condamnations du paiement des intérêts légaux à compter de la saisine, avec capitalisation;

ORDONNER l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel sur le fondement de l’article 515 du Code de Procédure Civile;

ORDONNER la remise des documents de fin de contrats modifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir;

METTRE les entiers dépens à la charge de la Macif, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 décembre 2020 la Mutuelle Assurance des Commerçant et Industriels de France (Macif) Pôle Sud Est, demande de :

CONFIRMER dans l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de

prud’hommes d’Arles le 5 décembre 2019 ;

En conséquence :

CONSTATER que Madame [LW] [S] n’a été victime d’aucun harcèlement moral au sein de la Macif;

CONSTATER que la Macif n’a pas manqué à son obligation générale de sécurité ni à son obligation de loyauté envers Madame [LW] [S];

DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail de Madame [LW] [S] n’est pas imputable à la Macif ;

DEBOUTER Madame [LW] [S] de sa demande de résiliation judiciaire et dire que les faits et arguments sur lesquels elle repose sont infondés et injustifiés;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude définitive à son poste de travail et  impossibilité de reclassement de Madame [LW] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse et est parfaitement fondé et justifié;

DEBOUTER Madame [LW] [S] de l’intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires.

Reconventionnellement :

CONDAMNER Madame [LW] [S] à payer à la Macif la somme de 3.000 (au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2023.

SUR CE

Sur le harcèlement moral

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou compromettre son avenir professionnel; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement; il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

Peuvent caractériser un harcèlement moral, les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l’espèce la salariée sollicite le paiement de la somme de 15 662,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d’un harcèlement moral.

A l’examen de développements figurant dans ses écritures, la salariée invoque au soutien de sa prétention des faits qui se présentent comme suit :

– un harcèlement managerial fondé sur une pression constante et un contrôle abusif par le superviseur/ manager M. [N] et son manager N+2 Mme [UA], caractérisé par :

– une gestion suspicieuse de ses absences;

– une surveillance et un contrôle permanent et abusif de son activité et de ses résultats;

– la suppression d’une partie des congés payés précédemment accordés;

– des propos désobligeants, dévalorisants sur son travail, sa tenue vestimentaire, son attitude;

– le rejet de ses demandes d’évolution professionnelle.

Elle conclut que ces faits sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et produit:

– ses arrêts de travail à compter du 25 mai 2018;

– un certificat médical établi par le docteur [UN], médecin généraliste, le 26 juillet 2018 par lequel il certifie que l’état de santé actuel de la salariée, actuellement suivie et (…illisible) pour un syndrome anxio-dépressif sévère contre-indique la reprise de ses activités professionnelles et la réintégration au sein de son entreprise;

– l’avis d’inaptitude lors de la visite de reprise du 6 juin 2018 mentionnant que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi;

1° Sur le harcèlement managérial

Sur le harcèlement managerial, il convient d’examiner individuellement les éléments factuels invoqués à ce titre par la salariée.

Ainsi s’agissant de la gestion suspicieuse et virulente des absences, la salariée fait valoir que la société a mis en place une politique assumée de lutte contre l’absentéisme conduisant à des actions de vérification menées dans un esprit de défiance à l’égard des arrêts justifiés des salariés, s’étant manifesté à son égard lors d’un entretien du 5 décembre 2014, par la remise en cause d’arrêts maladie et d’arrêts pour enfant malade au prétexte qu’ils jouxtaient des week-end alors que du fait de son temps partiel ces arrêts les précédaient ou suivaient nécessairement ses seuls jours travaillés. Elle souligne que cet entretien n’a pas été mené en présence d’un représentant RH conformément à la procédure décrite par la direction, mais par ses seuls managers.

A l’appui elle produit des échanges de mails avec M. [A], secrétaire du comité d’établissement :

– mail du 8 décembre 2014 de la salariée l’informant avoir été convoquée le 5 décembre 2014 par Mme [RU] et M. [N] concernant ses absences ‘on me reproche aujourd’hui des absences répétées accolées à des week-end. Chaque absence a été justifiée par un certificat médical. On m’a aussi signalé que l’on ne pouvait pas compter sur moi au sein du service et demandé si j’avais des problèmes particulier. Met-on en doute ma sincérité et celle de mon médecin »;

– mail en réponse du 8 décembre 2014 de M. [A] : ‘Dernièrement, en CE, le DRH avait été évoqué ce genre d’enquête quand des absences liées au WE se produisaient plusieurs fois. II avait été précisé que justifiées comme c’est ton cas (certificats médicaux), les absences ne doivent pas être « soupçonnées ». Après l’échange avec [VR], la situation s’est elle arrangée’ Si ce n’est pas le cas, nous pourrons avec [JC] ([MZ]) notre délégué syndicale CFDT intervenir avec ton accord afin de calmer ces velléités’;

– mail de la salariée également du 8 décembre 2014 indiquant : ‘Mon échange avec [VR] date de vendredi. De plus, je ne suis pas la seule à avoir été convoquée ce jour là.

Mes jours travaillés sont le lundi, jeudi et vendredi. Lorsque je suis malade ou ma fille est malade, les arrêts correspondent forcément avant ou après un week-end si on est malade juste avant ou après. II faudrait peut-être en effet relever à nouveau le problème car les soupçons persistent et qu’un médecin ne fait pas de justificatif par complaisance. Je te remercie de bien vouloir faire le nécessaire car cette situation me perturbe’;

– mail en réponse du même jour de M. [A] : ‘Merci .. pour ces précisions. Nous en parlerons lors de notre prochain bureau syndical et je proposerai que le 18 décembre nous intervenions en question diverses lors du CE d’une manière globale sur cette situation qui donc peut toucher d’autres temps partiels’;

– mail de M. [A] du 25 janvier 2015 lui transmettant un extrait du projet de procès-verbal du comité d’entreprise abordant le sujet dont il résulte que le représentant de la direction, après avoir rappelé la nécessité pour les salariés de justifier des absences dans les délais et que, bien qu’il ne puisse y avoir de questionnement sur la vie privée ou de justification à apporter sur la nature de l’absence, ‘il peut se trouver … que dans le cadre du travail sur l’absentéisme piloté par la RH et sous mon autorité, nous ayons à rencontrer des salariés. Quand je dis nous c’est-à-dire le RH et le manager. Cette rencontre traite de l’absentéisme, pas seulement sous l’angle de l’absence, elle-même, mais de la difficulté qu’il peut y avoir au poste de travail en lien avec cet absentéisme. Là encore, nous ne sommes pas dans la justification mais dans la compréhension voire l’accompagnement des situations…. Il n’y a pas de jugement de valeur sur les absences ou d’appréciation particulière de son absence…..Nous ne faisons pas semblant non plus car les absences ont une incidence sur le fonctionnement du service. Quand le manager et la RH rencontrent le salarié, ils abordent l’aspect du fonctionnement du service. Ce n’est pas pour culpabiliser le salarié ou même les amener à se justifier ni à apporter des justifications ou des éléments sur leur vie privée’, l’intéressé ajoutant, à l’observation du délégué sur la remarques rapportée par la salariée sur le fait que le service ne pouvait pas compter sur elle, que ‘J’ai dit clairement quelle était la politique de l’entreprise et de la région dans ce domaine et comment elle devait être conduite et les formes qu’elle devait prendre. Cela ne doit pas prendre la forme que vous évoquez. Cela dit je n’ai pas assisté à cet entretien et je n’en ai pas la restitution…..Je ne dis pas que ce que vous dites n’est pas vrai, je dis simplement que si se sont les propos qui ont été tenus, le problème ne se pose pas en terme que l’on peut compter sur toi ou que l’on ne peut pas compter sur toi, le problème est celui que j’ai évoqué tout à l’heure et qui doit inclure les difficultés de fonctionnement du service. En aucun cas ce n’est pour ni culpabiliser, ni « accuser » un salarié’, les élus précisant ensuite que la question était remontée à de nombreux représentants syndicaux et débattue par trois organisations syndicales en réunion des délégués du personnel.

Par ailleurs elle se réfère à cinq compte-rendus d’auditions établis lors de l’enquête interne et versés aux débats par la société :

– Mme [SJ] qui indique qu’à la suite d’une absence durant dix jours pour enfant malade elle a été convoquée à un entretien où la question lui a été posée de savoir si elle avait un problème de garde d’enfants ‘J’avoue avoir été choquée’;

– Mme [C] qui déclare que ne pas avoir été concernée par de tels entretiens au contraire d’autres salariés ‘certains l’ont plus ou moins bien vécu’;

– Mme [Z] qui indique avoir été interrogée lorsqu’elle a postulé à un appel d’offres ‘on m’a reproché des absences accolées à un week-end. Ca avait été assez perturbant’;

– M. [N], superviseur, qui confirme l’entretien de la salariée, mené avec Mme [UA] le 5 décembre 2014 suite au constat de nombreuses absences ‘pour faire un point sur son absentéisme et son dépassement des jours enfants malades autorisés. Elle nous avait demandé de réduire les après-midi car travailler de 13h à 17h30,’ça la fatiguait’;

– Mme [UA], manager, qui confirme également la tenue de l’entretien de décembre 2014 mais sans en avoir de souvenir précis, admettant qu’elle ait pu pointer que ses absences étaient systématiquement avant ou après un week-end et qui souligne avoir rencontré pour ce motif, soit au delà de quatre absences de courte durée, quatre ou cinq autres téléconseillers, ce qui correspondait à ‘une démarche d’entreprise dont l’objectif était de vois si la personne rencontrait un problème particulier (ex personne qui habite loin) et de proposer une alternative.

Ces éléments font ressortir que la société a mis en place dans le cadre d’une politique de lutte contre l’absentéisme une procédure non formalisée autorisant le manager et la RH à provoquer une rencontre avec les salariés, même en cas d’absence justifiée, portant notamment sur ses répercutions sur le fonctionnement du service, méthode de gestion qui expose indéniablement les salariés à un risque de mise en cause et de déstabilisation, en les confrontant à la divergence d’intérêts entre son indisponibilité et l’intérêt de l’entreprise.

Ces éléments établissent également que la salariée a été personnellement l’objet de la mise en oeuvre de cette procédure, au demeurant dans des conditions non conformes à celle qui était décrite par la direction, puisque menée par ses seuls managers.

La cour dit donc que la salariée établit la matérialité du fait reposant sur la gestion suspicieuse de ses absences.

S’agissant du contrôle abusif et permanent de son activité, la salariée invoque les éléments suivants :

– une surveillance excessive et étouffante sur le plateau d’appel par l’intervention immédiate et virulente de son superviseur M. [N] dès l’activation du mode ‘retrait’ des appels ou wrap up et pour tout dépassement de la durée des pauses;

– un usage abusif de la technique de la double écoute, consistant pour le superviseur à écouter le téléconseiller en se plaçant derrière lui, à laquelle elle a été soumise le 16 mai 2018, en ce que M. [N] y a procédé la journée entière, ce suivi étant corrélé à l’atteinte des objectifs et donc renforcé dans son cas dès lors qu’il lui reprochait à tort son manque de résultats;

– une omniprésence et une pression de M. [N] par des passages continus derrière elle pour la surveiller ;

– une pression continue sur les chiffres qui s’est notamment illustrée le 8 février 2018 par un entretien de recadrage sur ses performances conduit par M. [N] dont elle sortie en pleurs puis par une interpellation durant sa pause, enfin par un mail de rappel à l’ordre du 9 février 2018 sur ses résultats;

– une dissuasion de toute critique ou contradiction en ce qu’elle a fait l’objet d’un entretien punitif conduit par M. [N] et Mme [UA] le 29 mars 2018 en réaction à son mail du 5 mars 2018, sans qu’elle ait pu bénéficier d’une assistance.

Sur la surveillance abusive reposant sur l’intervention immédiate du superviseur dès l’activation du mode ‘retrait’ ou wrap up, la salariée produit son courrier détaillé (13 pages) du 16 juin 2018 adressé à la société pour dénoncer des faits de harcèlement, portant notamment sur les interpellations de M. [N] sur un ton irrespectueux, en haussant le ton et même en ‘lui criant fréquemment dessus’ pour tout retrait d’appel.

Elle se réfère également aux compte-rendus d’auditions suivants établis lors de l’enquête interne, versés aux débats par la société :

– M. [N] explique que le superviseur des flux à [Localité 4] alerte les managers arlésiens des téléconseillers enWrap up ou en dépassement de pause pour qu’ils interviennent, le manager devant alors se rapprocher du salarié pour voir s’il y a un problème afin de l’aider ou dans le cas contraire lui demander de reprendre les communications, l’intéressé précisant qu’en fonction de l’efficacité de l’agent ‘on est plus ou moins vigilant’;

– Mme [SJ] indique que lorsque le téléconseiller est en retrait c’est le manager qui est en vigie qui vient, en son absence le manager d'[Localité 3], M. [N] pour sa part vient auprès du téléconseiller concerné et dit ‘pourquoi t’es en retrait, t’as un problème  »;

– Mme [FV] rapporte que ‘pour les retraits les managers viennent nous voir pour en connaître le motif. C’est difficile à vivre, on n’a pas de répit’;

– Mme [Z] précise ‘il faut qu’on limite le wrap-up et qu’on explique toujours pourquoi on est en retrait’;

– Mme [VD] selon laquelle ‘tout est surveillé…si on décale notre pause parce que la dernière communication a duré plus longtemps, on peut venir nous chercher pour reprendre avant la fin et la continuer plus tard, si on est trop en retrait, on peut nous demander poliment ‘as-tu besoin d’aide’ ou de manière plus brutale ‘Qu’est-ce que tu fais »;

– Mme [U] indique que si le retrait est trop long, le manager de supervision les appelle pour savoir pourquoi et s’il y a un dépassement de pause de deux minutes, il vient les chercher en salle de pause, concluant ‘c’est agaçant car on a l’impression d’être des robots et que les managers ne comprennent pas qu’on fait au mieux’;

– Mme [E] rapporte ‘si on est en retrait trop longtemps on peut venir nous voir pour qu’on se remette dans le flux’, ‘on vient nous chercher lorsque le temps de pause est dépassé’, ‘il y avait une ambiance électrique mais depuis ils ont levé le pied’;

– Mme [C] déclare que M. [N] ne faisait pas de traitement différencié entre les salariés ‘il était sur le dos de tout le monde’ ‘pour les retraits ça dépend des jours, le manager ou le responsable des flux vient nous voir plus ou moins gentiment;

– M. [O] décrit les responsables dont M. [N] à l’écoute mais ‘des temps de pause millimétrés’ qui sont difficiles à prendre au vu du volume des appels ce qui n’est toujours bien vécu par les téléconseillers.

– Mme [ES] en ce qu’il aurait dénommé les surperviseurs des ‘gardiens’ ce que le compte rendu ne vérifie pas, celle-ci indiquant en revanche ‘quand [JC] est en supervision il est chiant’, il vient les chercher ‘comme des bébés dans la salle de pause’ ‘Des fois il fait juste une grimace, des fois il vient et dit ‘c’est bon’, ‘ils font les gendarmes et [JC] n’aime pas cette partie du métier. Les managers sont obligés de le faire car pour des personnes c’est récurrent’;

– M. [J] déclare ‘Bien sûr quand on est en dépassement on vient nous voir. C’est le rôle de la vigie qui le fait pour tout le monde’;

– Mme [C] déclare’pour les retraits ça dépend des jours, le manager ou le responsable des flux vient nous voir plus ou moins gentiment;

– Mme [W] expose à propos du rôle des superviseurs lors des retraits ou des pauses ‘on sent qu’ils ont la pression, ils n’hésitent à nous rappeler à l’ordre et à venir voir ce qu’il se passe’ ajoutant considérer cela comme normal pour éviter les abus mais exercé différemment selon les superviseurs, M. [N] faisant ressentir plus de pression compte tenu d’une approche plus ‘abrupte’.

A l’analyse de ces éléments, la cour relève que la société a mis en place un système de contrôle en temps réel de l’activité des téléconseillers comme de leurs temps de pause et d’alerte de toute désactivation du mode appel, à charge pour les superviseurs d’apprécier et de vérifier auprès du téléconseiller la raison de sa déconnexion.

La salariée établit donc qu’à l’instar de ses collègues, elle était soumise à une surveillance et un contrôle continu de son activité, impliquant notamment la nécessité de rendre compte de toute interruption de l’activité d’appel et ce, dans une mesure dépendant des modalités d’exercice du superviseur.

S’agissant toutefois du ciblage exagéré et de la virulence qu’elle invoque sur sa personne, ceux-ci ne résultent d’aucun autre élément que de son propre courrier du 16 juin 2018 qui n’a que valeur déclarative. Seule l’existence d’un exercice différencié de ce contrôle en fonction de la personnalité des superviseurs ressort des éléments versés aux débats, M. [N] étant décrit comme plus insistant et exigeant que d’autres.

La cour dit que la salariée établit partiellement la matérialité du fait reposant sur la mise en oeuvre d’un système draconien de surveillance en temps réel et d’alerte de toute interruption d’activité nécessitant la justification de toute mise en retrait et le respect scrupuleux des temps de pause.

Sur l’usage abusif de la double écoute par M. [N] le 16 mai 2018, la salariée conteste d’abord les propos de M. [N] lors de l’enquête interne selon lequel :

‘il leur est demandé une double écoute par mois voire deux pour les téléconseillers en difficulté, laquelle dure de 1h à 3h, que s’agissant de la salariée en retard sur ses objectifs, il en a effectué trois et que le 16 mai 2018 en matinée il n’a pu le faire sur une journée entière ayant procédé le matin à la double écoute d’un autre téléconseiller et l’après-midi compte tenu de ses impératifs il n’a pu l’effectuer qu’avant puis après sa réunion, soit de 13h55 à 15h puis de 15h30 à 17h23″.

A l’appui la salariée produit ensuite son propre courrier du 16 juin 2018 dénonçant une écoute éprouvante et déstabilisante d’une durée anormale et se réfère aux compte-rendus d’auditions de l’enquête interne suivants :

– Mme [B] indique que ‘dès le matin il est derrière quelqu’un’ la salarié évoquant un rythme d’une fois par semaine pour les nouveaux téléconseillers et d’au moins une heure par mois pour les anciens, pour une durée d’environ 1h30;

– Mme [M] reconnaît avoir dit en plaisantant à propos du 16 mai 2018 ‘vous ne vous quittez plus tous les deux’ étant observé que celle-ci rapporte une double écoute ‘en dilettante’ uniquement l’après-midi et une pratique habituelle de M. [N] avec l’ensemble des téléconseillers;

– Mme [U] déclare que des collègues se sont plaints sur les fréquences des doubles écoutes, sur le manque de dialogue ‘le plus que j’ai entendu c’est avec [JC]’ et avoir vu la double écoute de la salariée le 16 mai 2018 dont il lui semble qu’elle a été longue, au moins trois heures mais que cela a été la même chose pour deux autres personnes dont elle cite les noms;

– Mme [B] acquiesce à l’existence de difficultés relationnelles ‘oui, par rapport à [JC], son manque d’empathie’, ‘dès 8h30 il est assis derrière toi, collé, il écoute’;

– Mme [ES] déclare à propos de la salarié que ‘[JC] a peut-être fait plus d’écoutes car elle avait plus de mal avec la vente’.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que la société a mis en oeuvre un procédé d’évaluation de la prestation des téléconseillers dont la fréquence est laissée à l’appréciation du superviseur selon les difficultés et performances des téléconseillers, les modalités et limites n’étant pas encadrées.

La cour note que Mme [I] affirme avoir vu M. [N] écouter Mme [KF] et Mme [OP] toute une journée, mais pas les autres salariés.

Il ne ressort pas des éléments produits aux débats de données mesurables ou comparatives de son application au cas de la salariée de nature à caractériser la matérialité d’un usage abusif de la double écoute, en particulier toute la journée le 16 mai 2018.

Dans ces conditions la cour dit que la salariée n’établit pas la matérialité du fait invoqué.

Sur la surveillance et la pression sur les chiffres exercée par les passages continus de M. [N] derrière elle, la salariée se réfère aux compte-rendus d’auditions suivants :

– Mme [G] déclare avoir connaissance du fait que M. [N] allait voir ses

téléconseillers plusieurs fois par jour ‘alors qu'[L] (son manager) est à l’opposé, il filtre la pression qu’il peut recevoir alors que [JC] est plus direct’;

– Mme [KF] indique que tout en étant à l’écoute, ouvert à la discussion, M. [N] est attentif aux chiffres, ‘est très présent à regarder ce qu’on fait ou ne fait pas’, qu »au départ c’était très compliqué car il passait 5/6 fois derrière nous. On le lui a dit et il s’est calmé… on sait qu’il a une pression au dessus, on sait qu’il doit le faire mais si c’est trop on peut le lui dire’;

– Mme [NM] relate que lors des quelques mois passés dans l’équipe de M. [N] il passait 3/4 fois par jour pour demander les chiffres ce qui ne lui convenait pas, qu’elle a donc demandé à lui parler et ont convenu d’un point mensuel de sorte que tout s’est bien passé, précisant que son management est ‘un peu stressant’, considérant que la réitération de telles demandes renvoie à un manque de considération, de confiance et que c’est infantilisant.

– Mme [Y] indique ‘qu’il y a des superviseurs plus stressés que d’autres, notamment [JC], il se lève, il regarde, il met la pression’;

– Mme [IO] selon laquelle ‘effectivement on peut se sentir harcelée, [JC] est trop stressé et souvent sur le dos de ses téléconseillers, on ne peut avoir quelqu’un qui passe matin midi et soir pour voir si on a fait nos objectifs’;

– Mme [C] indique que M. [N] ne faisait pas de traitement différencié entre les salariés ‘il était sur le dos de tout le monde’.

La cour dit que la salariée établit la matérialité du fait reposant sur l’omniprésence de M. [N] par des passages récurrents destinés à vérifier la cadence et se faire communiquer les résultats, ce qui est de nature à maintenir une pression constante à l’égard de tous les salariés, y compris elle-même.

Sur la pression de rentabilité exercée de manière insoutenable et injustifiable par M. [N] le 8 février 2018 et quotidiennement en l’apostrophant sur ses performances, la salariée produit:

– son courrier du 16 juin 2918;

– le mail de M. [N] du 9 février 2018 :

‘Pour faire suite à notre entretien du 08 février, j’ai bien noté ce que tu m’as dit » la motivation fait défaut depuis le début de l’année » néanmoins je te demande d’être attentive sur:

1- La téléphonie :

L’objectif est de garantir la qualité de service rendu au sociétaire

> Par une productivité proche de l’attendu de 8 com/ h (6,5 depuis le début du mois)

> Par un taux de WP contenu

Moyens: Adapter son activité en fonction de l’efficacité en prenant un max d’appels lorsque cette dernière est dégradée

2- L’activité commerciale:

L ‘objectif est d’atteindre les points de passage Mensuels:

> Taux de vente de 7 % en Janvier pour 8,5 attendu

> Retard sur Janvier en habitation et RPFA (69 % d’ atteinte de l’objectif)

Moyens: Application de la tactique commerciale avec 1 proposition en BI et BAI par contact, une approche tarifaire, et la recherche du contrat manquant.

Attendu: 2 adj auto, 2 revals. 1 adj habitation par jour

3- Le temps fort:

L ‘objectif est d’atteindre l’attendu de 1 RDV Epargne/ Crédit/ Banque par jour.

> 0 RDV enregistré sur cette semaine

Moyens: Proposer une présentation de l’offre épargne pour tt RDV, proposer le crédit pour tt remplacement/adjonction/ devis auto, proposer la banque pour le soc multi équipés ….

Je note également que tu as mis fin à notre entretien en quittant précipitamment mon bureau, merci à l’avenir de veiller à adapter ton comportement à l’environnement professionnel.

Je reste à ta disposition si tu as besoin d’aide dans ton activité’;

– son mail du 5 mars 2018 adressé à M. [N] et Mme [UA] par lequel elle se dit ‘choquée’ par les observations formulées par M. [N] dans son mail du 9 février et les contestant point par point elle conclut :

‘ Enfin pour terminer ma réponse je voudrai revenir sur les propos que [JC] retranscrit sur le niveau de « ma motivation supposée» dans le premier paragraphe de son courriel.

Tout d’abord, je n’ai pas dit à [JC] «la motivation fait défaut depuis le début de l’année», mais je lui ai indiqué que la façon dont il s’adressait à moi était devenue particulièrement désagréable et que son attitude était de nature à me déstabiliser.

En effet, j’ai indiqué à [JC] que je trouvais sa façon de faire particulièrement inappropriée, elle fait même obstacle à tout dialogue et échanges constructifs.

[JC] n’a ainsi pas hésité ces derniers jours à m’apostropher avec énergie et en élevant la voix, comme en criant de son bureau « fais attention tu es en retard sur tes RPFA … » sans aucune gêne non plus il n’a pas hésité à plusieurs reprises à venir me faire des remarques lorsque j étais en pause ou même encore plus surprenant, lorsque je suis en communication avec un sociétaire et ce sur le même ton.

De même, [JC] est continuellement sur mon dos à bondir sur les chiffres en permanence distillant ainsi une pression latente qui devient de plus en plus difficile et ce sans prendre la peine d’analyser la situation et d’adapter ses éventuelles remarques au contexte du moment ou de la journée.

J’ai décidé de ne plus subir la façon répétée dont [JC] s’adresse à moi et de vous en faire part respectueusement par le présent courriel, il en va maintenant de ma santé.

Je remercie donc [JC] à l’avenir de ne plus déformer mes propos de la sorte et d’avoir la gentillesse de s’adresser à moi différemment de telle sorte que nous puissions échanger dans le calme et me faire part ainsi des remarques que je suis pleinement capable d’entendre, car je respecte parfaitement ma hiérarchie.

II serait bon aussi que [JC] ne mette pas régulièrement ses collaborateurs en compétition comme en venant m’indiquer à plusieurs reprises que tel ou tel collègue de travail ‘y arrivent’ d’abord parce que je trouve cela particulièrement gênant et vexant mais surtout parce que, renseignements pris, il n’en est pas forcément toujours le cas, ne sous estimez pas la communication qui existe entre nous.

C’est pour toutes ces raisons et après de tels agissements répétés que j’ai décidé de mettre fin à la convocation de [JC] dans son bureau.

Je demande à mon tour à [JC] de bien vouloir adapter sa façon de s’adresser à moi, s’il devait me faire d’autres remarques, que je suis tout à fait capable d’accepter et d’entendre’.

Elle conteste la version donnée par M. [N] lors de l’enquête interne en ce qu’il indique être allée la voir car elle était en retrait et sur son téléphone personnel alors que ses résultats n’étaient pas bons, qu’il l’a donc reçue dans son bureau pour lui dire qu’elle devait se remettre dans son cadre de travail alors qu’elle indiquait être démotivée, la salariée étant partie les yeux rouges mais pas en pleurs, qu’il est allée la trouver durant sa pause pour ‘car l’entretien l’avait brassée’ et que ‘ça l’embêtait que cela se soit passé comme ça et qu’il voulait renouer le lien’.

Par ailleurs elle se réfère aux compte-rendus d’auditions suivants :

– Mme [LI] selon laquelle la salariée ‘pleurait à gros sanglots’ après l’entretien avec M. [N] le 8 février 2018 ce que rapporte également Mme [G] qui indique l’avoir vue sortir en pleurant en disant ‘qu’elle ne supportait plus le fait que [JC] revienne sans cesse vers elle au niveau des chiffres’;

– Mme [HZ] pour lequel M. [N] ‘était souvent en train de relever les chiffres, très sur le reporting’, ajoutant qu’après lui avoir parlé il l’avait laissée gérer ses chiffres, de même qu’il ‘avait du stress qu’il nous communiquait’ mais levait le pied lorsqu’ils en discutaient;

– M.[YK] dont la salariée tire qu’il témoigne que M. [N] était plus axé sur les chiffres, décrit en réalité M. [N] comme ‘à l’écoute, présent lorsqu’on a besoin de lui, en comparaison avec [WU] il est un peu plus axé sur les chiffres mais sans excès, très disponible comme tous les managers’;

– Mme [ZA] dont la salariée tire qu’elle indique que M. [N] met la pression en raison de la pression commerciale qu’il reçoit mais dont il ressort au contraire qu’il les protège de la pression du chiffre que lui-même reçoit et que lorsque ce n’est pas le cas, les téléconseillers lui signalent et ‘il lève le pied’, estimant que son management est juste, attentif aux situations individuelles et équilibré;

– Mme [D] en ce qu’elle aurait rapporté qu’à l’origine des faits du 8 février 2018 la salariée était normalement en retrait pour lire ses mails professionnels mais dont il s’observe au contraire que cette salariée ne faisait aucun commentaire sur le sujet, précisant qu’elle était en arrêt maladie à cette période;

– Mme [BR] en qu’elle indique que M. [N] était un peu dans la comparaison entre téléconseillers ‘l’autre elle fait ça’;

– Mme [DO] en ce qu’elle indique que M. [N] ‘va être plus sur les personnes qui ne font pas leurs chiffres’, celle-ci soulignant pour sa part ses très bonnes relations avec lui et n’avoir ‘rien vu de particulier, de scènes ou interpellations particulières’;

– M. [HL] indique que le mal-être qui peut exister au sein du plateau d’appel est surtout lié à la pression commerciale, que des personnes peuvent craquer parce qu’elles n’y arrivent pas, que les relations entre la salariée et M. [N] ‘se sont détériorées au fil du temps lorsqu’il y a eu de forts engagements commerciaux’, qu’il a pu arriver que M. [N] interpelle la salariée si elle était en wrap up depuis trop longtemps, sans toutefois l’avoir jamais entendu avoir des propos, un ton irrespectueux ou crier sur elle, au contraire de celle-ci qu’il a entendu une fois élever la voix en parlant à M. [N].

Il résulte des pièces produites la matérialité d’une succession le 8 février 2018 d’une interpellation de la salariée à son poste de travail au motif d’un retrait d’appel, suivie d’un entretien portant sur son exercice professionnel et les attentes non satisfaites de la société, quittée précipitamment par celle-ci, aperçue ensuite en pleurs et d’un mail de rappel sur ses contre-performances.

Si l’objet et le déroulement de la venue de M. [N] durant la pause de la salariée ne sont pas déterminés, étant observé qu’au dires de M. [N] l’entretien avait ‘brassé’ la salariée, les éléments ci-dessus établissent la matérialité d’une pression insistante exercée le 8 février 2018 sur la salariée concernant ses objectifs de performance et l’insuffisance de ses résultats.

Par ailleurs s’il ne résulte d’aucune pièce une quantification des interpellations récurrentes alléguées sur ses résultats, les éléments produits établissent la matérialité d’un contexte de vigilance quotidienne sur les chiffres.

En définitive la cour dit que la salariée établit la matérialité du fait reposant sur une pression insistante à son endroit concernant ses performances par un entretien suivi d’un mail le 8 février 2018.

Sur la tenue d’un entretien punitif, disciplinaire conduit par M. [N] et Mme [UA] le 29 mars 2018 durant 1h30, sans qu’elle ait pu bénéficier d’une assistance et ce, dans le but de la déstabiliser, de la dissuader à l’avenir de réitérer toute forme de critique ou de contradiction comme dans son mail du 5 mars 2018, la salariée conteste la version donnée par ses managers lors de l’enquête interne, à savoir :

– M. [N] indique que l’objectif était d’avoir un échange constructif de sorte qu’ils n’ont pas repris les éléments de son mail ‘pour éviter le terrain conflictuel’, dénie tout caractère disciplinaire en précisant ‘on aurait pu être virulent si on était parti sur son mail point par point mais l’objectif était d’être bienveillants et que chacun reparte avec la banane’ et expose que la salariée a soutenu que ses collègues travaillaient mal, insisté de manière agressive sur le rejet de sa candidature sur le poste offert au service après-vente;

– Mme [UA] explique que l’organisation de cet entretien lui avait été conseillé par sa manager au vu du mail de la salariée du 5 mars 2018 et qu’elle a introduit l’entretien par ‘nous sentons que quelque chose ne va pas et nous avons besoin de comprendre ce qu’il se passe’ avec un rappel des règles sur la prise des congés et de sa fiche de fonction, qui a donné lieu à un positionnement défensif de la salariée qui a mis en avant le caractère qualitatif de son travail de téléphonie, l’évaluation pressante quotidienne des résultats commerciaux opérée par M. [N], le rejet de sa candidature au service après-vente, alors que le ton de l’entretien était ‘normal’ et qu’ils étaient dans la bienveillance.

A l’appui, elle produit son propre courrier du 16 juin 2018 et se réfère aux compte-rendus d’auditions suivants :

– Mme [NM] indique que la salariée lui a rapporté que ‘c’était un entretien disciplinaire car il lui avait fait des reproches sur tout. Elle m’a dit qu’elle se sentait plus mal qu’avant’ ;

– M. [O] indique que la salariée lui a rapporté que son but initial était d’apaiser les échanges avec [JC] mais sans qu’elle ne lui dise ensuite ce qu’il s’était passé;

– Mme [I] indique que la salariée a évoqué avec elle l’entretien du 28 mars 2018 et qu’il ‘a duré longtemps’, ‘histoire de congés, de mails’, ‘elle était en souffrance’, ‘tout le monde devait mettre de l’eau dans son vin mais à priori ce n’est pas ce qui s’est passé, la situation ne s’est pas arrangée’;

– M. [HL] indique que la salariée était ‘en larmes’ au sortir de l’entretien mais qu’il n’a pas eu la possibilité d’en discuter avec elle;

– Mme [BR] rapporte que la salariée ‘était démontée en pleurant’ après l’entretien et qu’elle lui a dit que ‘Mme [UA] et M. [N] voulaient lui démontrer pourquoi elle n’avait pas été prise en sinistres en mettant en avant les points négatifs’.

Par ailleurs elle fait valoir que la crainte instaurée par les deux managers l’a empêchée de recueillir des témoignages et produit à l’appui le SMS d’une collègue dont l’identité n’est pas déterminée ‘En fait j ai du t’écrire 10 fois des messages (jamais envoyé) ne sachant pas comment répondre à ta demande …. Bon j’image que tu te doutes! En faite te faire un écrit me fais peur !! J ai longtemps réfléchi, j’en ai discuter avec des amis, [XX] et [EE] mais j ai vraiment peur de faire un écrit sachant que j ai encore 20 ans à bosser à la macif !! En principe!!!! Je suis vraiment désolée j espère que tu peux comprendre ma réponse et que celle ci ne va pas être négative sur notre amitiés !!’;

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que la réalité d’un entretien entre d’une part la salariée et d’autre part ses supérieurs hiérarchiques, M. [N] et Mme [UA], le 29 mars 2018, n’est pas discutée.

Concernant sa durée et son déroulé qualifié de punitif et même de disciplinaire par la salariée, la cour relève que sa teneur même n’est pas objectivée au moyen du seul courrier de la salariée du 16 juin 2018 qui n’a que valeur déclarative, par les témoignages recueillis dans l’enquête interne qui se bornent à évoquer le retour qu’en a fait la salariée (Mme [I], Mme [NM]) et à porter une appréciation, qu’en tout cas aucun élément concret n’établit les qualificatifs invoqués, quant bien il résulte de deux témoignages que la salariée est sortie en pleurs, la réaction de la salariée ne portant indication que sur son ressenti et n’en objective pas la cause.

La cour dit que le fait reposant l’organisation d’un entretien punitif et dissuasif de toute initiative critique le 29 mars 2018 n’est pas établi.

S’agissant des faits reposant sur la suppression injustifiée d’une partie de ses congés payés en ce qu’après un accord oral de M. [N] sur une prise de congés du 2 au 11 mai 2018 pour lesquels elle a acheté des billets d’avion, il l’a informée que ses congés ne pouvaient lui être accordés que du 7 au 11 mai 2018, la salariée précisant néanmoins que l’intégralité des congés sollicités lui seront finalement accordés.

A l’appui elle produit :

– un échange de SMS entre la salariée et M. [N] :

*’ Comme tu es souffrante et en congés la semaine prochaine je voulais t informer du résultat de l’arbitrage des congés afin que tu puisses t’organiser. Concernant le mois de mai nous pouvons t accorder uniquement la semaine du 7 au 11″

*’ C’est une blague ‘ Tu m’as indiqué la semaine dernière ton accord pour mes dates de congés sans aucune réserve. Tu m’as même précisé ‘avoir été sauvée par [T]’ qui a accepté de décaler ses congés selon tes propres propos. Je me suis même immédiatement entretenue avec elle pour la remercier et elle pourra en témoigner. Dans ces conditions je n’accepte pas cette modification de dernière minute totalement inacceptable et qui me met dans une situation difficile compte tenu de l’achat de mon billet d’avion. Je te remercie de ne pas modifier ton accord et de respecter tes engagements’

*’ Je n’ai pas pu te donner mon accord puisque je ne suis pas décisionnaire. [T] a décalé ses cp mais ce n’est pas suffisant pour cette période’

*’ faux tu m’as donné ton accord. Je sais bien que tu m’as dans le viseur depuis quelques temps et donc ce revirement ne m’étonne pas’ ‘[JC] je serai absente aujourd’hui’;

– son mail du 5 mars 2018 à M. [N] et Mme [UA] dans lequel elle indique :

‘ Je reviens vers vous concernant ma dernière demande de congés payés. J’avais pris la précaution de prévenir [JC] que j’avais acheté des billets d’avion que je tiens à votre disposition si besoin.

Dans le courant de la semaine n° 7, [JC] m’a indiqué que c’était bon pour mes congés après avoir consulté [VR] et obtenu son accord et je l’ai remercié.

II m’a précisé également « que je pouvais remercier aussi [T] qui avait décalé ses congés» et il a ajouté qu’en contre partie « Je devais prendre la semaine du jour de l’An à la place de la semaine de Noël».

Je vous invite à vérifier auprès d'[T], que je suis allée également dans la foulée remercier, et qui confirmera mes propos et par voie de conséquence l’accord de [JC].

En date du jeudi 22 février 2018 à 14H54 par l’intermédiaire d’un SMS pour le moins surprenant, [JC] m’indique qu’un arbitrage avait eu lieu et pour une raison que j’ignore, il revenait sur son accord me plaçant devant une grande difficulté.

Pire encore, quand je lui ai rappelé en réponse son accord initial sans réserve, il m’a indiqué ne l’avoir jamais donné ce qui est parfaitement faux.

Je m’étonne du traitement que vous me réservez ainsi avec ce revirement totalement injuste.

En effet, j’ai clairement indiqué avoir pris un billet d’avion pour un voyage, [JC], comme dans les cas où des voyages sont organisés par le CE m’a logiquement, je pense, accordé les CA.

J’en veux pour preuve les nombreux voyages organisés par le CE impliquant des billets d’avions et des réservations d’hôtels, qui à ma connaissance n’ont jamais donné lieu à aucun refus ou revirement de même nature.

Pour toutes ces raisons je vous demande de reconsidérer votre refus et maintenir l’accord initial que vous m’aviez donné.

Dans le cas contraire le traitement que vous m’infligez de façon injuste, me fera subir un préjudice financier, car toute la famille serait alors obligée d’annuler le voyage’;

Elle conteste la version de M. [N] qui affirme lors de l’enquête interne qu’il n’a pu s’engager comme la salariée l’affirme dès lors qu’il n’est pas décisionnaire mais lui avoir seulement dit qu’il allait essayer de trouver toutes les solutions possibles ce qui n’a pas été le cas, au terme de trois arbitrages et bien que des collègues aient accepté de décaler leurs congés parce que sa demande concernait les trois ponts du mois de mai.

La salariée se réfère également aux compte-rendus d’auditions suivants :

– Mme [HZ], Mme [LI] et Mme [X] en ce qu’elles indiquent qu’elles sont informées de la validation de leurs congés oralement, étant observé qu’en réalité la première évoque plus exactement un accord oral ou par mail du décideur avant de pouvoir les saisir sur eTemplation, la seconde qu »un message est envoyé pour la pose sur eTemption’, la troisième que’si le manager dit oui à l’oral avant l’officialisation, on sait que ce n’est pas un oui ferme et que cela peut changer’;

– Mme [BR] indique que la salariée lui a rapporté qu’après lui avoir dit oui pour ses congés, M. [N] lui aurait envoyé un message tout en précisant ‘je ne peux relater les faits exacts mais je sais qu’il y a eu un problème’;

– M. [PT] évoquant son propre cas et selon lequel M. [N] lui avait demandé de décaler en juin des congés qu’il voulait prendre en mai, en lui disant que ça allait être bon, avant que Mme [UA] ne lui refuse ‘j’avoue l’avoir mal pris car [JC] avait dit que c’était OK et selon moi il avait pris un engagement alors qu’au final il n’avait aucun pouvoir pour décider’;

– Mme [RW] évoquant son propre cas en relatant que M. [N] lui avait dit oui avant de l’informer que cela n’était finalement pas possible et qu’elle avait du revenir travailler un samedi ‘j’ai ensuite su que ce samedi avait été accordé à quelqu’un d’autre, j’avoue que je l’ai mal pris’;

– M. [J] indique que le système est opaque et qu’il n’y a pas de traçabilité des refus, l’intéressé ajoutant qu’on les force à poser des congés un an à l’avance et qu’en parallèle quand on a des besoins de dernière minute ‘on nous dit ça va dépendre de l’efficacité’.

A l’analyse des pièces de la procédure la cour relève d’abord qu’il résulte de l’ensemble des compte-rendus d’audition que la détermination des dates de congés repose sur un système empirique consistant à collecter les souhaits, à identifier les périodes posant problème, à faire appel à des arrangements, décalages entre les salariés, à arbitrer au besoin avant que Mme [UA] n’adresse individuellement une décision d’accord ou de refus des congés sollicités, les téléconseillers renseignant alors leur demande de congés d’ors et déjà acceptée, sur le logiciel.

La validation des congés n’est ainsi acquise qu’avec la diffusion de la décision par Mme [UA], ce qu’indique en ces termes Mme [SJ] :’tant qu’il n’y a pas de message, on ne peut pas considérer que c’est bon’.

Des salariés soulignent que le système est générateur de tensions et frustrations, une ‘galère’ (Mme [X]), un ‘système opaque’ M. [J], un ‘casse-tête’ selon M. [F] lui-même manager.

En l’occurrence même si la prise de ses billets est susceptible d’indiquer l’existence d’un échange avec M. [N] et à ce stade d’un assentiment ou d’une absence d’opposition de principe sur la prise des congés, ce qui en tout hypothèse ne pouvait constituer une garantie pour la salariée, la cour ne relève pas des éléments versés aux débats d’objectivation d’un accord verbal de celui-ci, non tenu par la suite, alors qu’au demeurant il n’est pas contesté qu’en définitive elle a obtenu ses congés.

Il est à noter que Mme [GI] déclare que la salariée lui avait parlé de ses congés en précisant ‘de toutes façons si je ne les ai pas, je me mettrai en maladie’ et que celle-ci avait de toute façon pris ses billets avant d’avoir ses congés validés.

La cour dit que la salariée n’établit pas la matérialité du fait reposant sur la suppression de ses congés payés après un accord oral de M. [N].

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’en ce qui concerne le harcèlement managerial, la salariée établit la matérialité des faits suivants:

– une gestion suspicieuse de ses absences;

– une surveillance et un contrôle appuyé de l’activité et des résultats reposant sur le recours à un système draconien de surveillance en temps réel et d’alerte de toute interruption d’activité obligeant à se justifier de toute mise en retrait comme à respecter rigoureusement leurs temps de pause, sur l’omniprésence de M. [N] par des passages récurrents destinés à vérifier la cadence et à se faire communiquer les résultats, sur une pression insistante à son endroit concernant ses performances par un entretien doublé d’un mail le 8 février 2018.

2° sur des propos désobligeants, dévalorisants sur son travail, sa tenue vestimentaire, son attitude

Sur le fait reposant sur des propos désobligeants, vexatoires sur son travail ou sa personne par Mme [UA], la salariée fait valoir que :

– elle a employé l’expression de ‘flamby démoulé’ pour désigner l’équipe et a continué à en user personnellement à son encontre ;

– faisait des remarques sur ses vêtements, les revenus de son mari, la marque de son véhicule, son travail et en lui disant notamment en 2013 ‘je m’en fou si tu fais du macramé’;

– lors de l’entretien du 5 décembre 2014 relatif à ses absences, en lui indiquant que l’équipe et l’entreprise ne pouvaient pas compter sur elle;

– lors de l’enquête interne en exprimant des doutes sur ses capacités à suivre le stage de formation après-vente, en remettant en cause la raison médicale de son inaptitude évoquant une demande orchestrée par la salariée dans le cadre d’un ‘ras le bol’, en émettant des jugements indécents sur sa vie personnelle et sa fragilité psychologique;

– elle était coutumière des remarques personnelles vexatoires à l’égard des téléconseillers et des différences de traitements;

– ses conflits avec des salariés ont donné lieu à une grève.

Elle produit son courrier du 16 juin 2018 et se réfère à des compte-rendus d’entretiens de :

– Mme [UA] dont il ressort que :

* elle admet avoir employé le terme de ‘flamby démoulé’ mais ‘qui a été sorti de son contexte’, qu’elle s’en est excusée auprès des téléconseillers, précisant que ‘cela ne visait ni une personne ni une équipe, c’est une expression malheureuse que j’ai employée lors d’un appel d’offre de téléconseillers vente et après-vente. Je reconnais que ce terme était malheureux et totalement inapproprié’

* elle a effectivement eu un entretien en 2013 avec les salariés à temps partiel pour revoir de manière plus équitables les plannings (ouvertures, fermetures, mercredi) au cours duquel s’agissant de la salariée elle lui a proposé une augmentation de son temps de travail qu’elle a refusé avant quelques mois après d’en faire la demande, indiquant ne pas savoir répondre à part sourire sur l’accusation du propos ‘je m’en fou si tu fais du macramé’;

* elle se dit surprise par l’inaptitude au poste, pensant que c’est une démarche orchestrée par la salariée car elle avait certainement un ras le bol ce qui peut s’entendre;

– Mme [U] qui indique ‘qu’il y a des remarques de Mme [UA] qui peuvent être mal interprétées ‘par exemple j’ai entendu une personne qui se plaignait qu’il faisait froid et [VR] lui a dit ‘il faut que tu manges, ça te donnera chaud’ ça peut être bien ou mal pris’;

– Mme [I] dont il ressort pourtant qu’elle affirme ne jamais avoir entendu parler de remarques sur la vêture ou la personne de la salariée et qu’à son endroit ‘elle lui a déjà fait des remarques de ce type pour un sac ou une tenue mais pas de manière négative’;

– Mme [B] dont il ressort que Mme [UA] ‘a des façons de s’adresser à certains un peu plus ferme’, ‘dans son travail elle est droite’, ‘dans le relationel, on sait qui elle aime bien et qui elle n’aime pas trop’;

– Mme [FV] qui indique ne pas avoir été témoin de traitement inéquitable de Mme [UA] tout en précisant ‘il peut y avoir des différences de traitement dans la façon de parler ou de gérer les situations’ mais en ajoutant que pour elle cette différence de traitement ne concernait pas la salariée et n’avoir jamais entendu Mme [UA] faire à cette dernière des remarques sur sa vêture ou sa personne;

– Mme [Z] dont il ressort qu’il y a pu y avoir des difficultés ponctuelles entre collègues ou avec les managers car ‘les gens sont un fatigués par les chiffres, les relevés de compteurs’, ‘au quotidien c’est compliqué, le métier est difficile’ et qu’à la question des différences de traitement par Mme [UA], elle indique ‘on savait qu’elle n’appréciait pas [ZN] [DB] or c’était quelqu’un qui était très apprécié en tant que chef de service. Nous avions même fait grève pour le soutenir quand il a eu des problèmes’.

La salariée renvoie par ailleurs indistinctement à l’intégralité de la pièce 3 adverse composée de cinquante deux compte-rendus d’audition des salariés, sans identifier les témoignages sur lesquels elle se fonde.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève qu’est établi comme rapporté par plusieurs salariés et admis par Mme [UA] elle-même, que celle-ci a employé l’expression indéniablement déplacée de ‘flamby démoulé’ dans des conditions mal déterminées mais désignant l’équipe des téléconseillers. Toutefois il s’observe des déclarations de la salariée lors de l’enquête interne qu’elle indique que ces propos lui ont été rapportés, n’étant pas présente lors de la commission de sélection au cours de laquelle ces propos ont été tenus et les salariés entendus affirment que Mme [UA] s’en est excusée peu de temps après. Par ailleurs aucun élément ne confirme l’utilisation de l’expression personnellement à l’endroit de la salariée.

Rien ne rattache donc ces propos à la salariée, qui dès lors n’établit pas la matérialité de ce qu’elle a été l’objet de ce qualificatif.

Sur les remarques désobligeantes sur ‘son apparence vestimentaire, la marque de ses vêtements, la hauteur de ses talons, les revenus supposés de son mari ou encore la marque de son véhicule’, la salariée renvoie indistinctement à l’intégralité de la pièce 3 adverse composée des cinquante deux compte-rendus d’audition des salariés, sans identifier les témoignages sur lesquels elle se fonde de sorte qu’elle n’apporte aucun élément précis au soutien de son moyen de fait.

De même sur ‘le jugement indécent sur sa vie personnelle et ses fragilités psychologiques’, la cour relève que le fait procède de l’opinion et s’avère indéterminé, sans que le simple renvoi qu’elle opère au compte rendu d’audition de dix pages de Mme [UA] ne permette d’exciper d’élément précis.

Et il ne ressort pas des pièces fournies que la salariée établit la matérialité de critiques sur sa fiabilité professionnelle ou avoir été l’objet d’une différence de traitement.

Reste qu’est établi la matérialité du fait reposant sur une grève dont la cause est étrangère à sa personne et d’une mise en cause du motif de son inaptitude lors de son audition dans le cadre de l’enquête interne.

Toutefois le premier de ces éléments ne vise pas la salariée et le second est postérieur à la rupture du contrat de travail.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la salariée n’établit pas la matérialité du fait reposant sur la tenue de propos désobligeants, dévalorisants sur son travail, sa tenue vestimentaire et son attitude.

3° sur le rejet systématique de ses demandes d’évolution professionnelle

La salariée fait valoir que ses deux candidatures aux appels d’offre les 26 mars 2014 et 24 juillet 2017 à des postes de téléconseiller après-vente ont été rejetées sans raison légitime ni objective et qu’elle n’a ainsi bénéficié en dépit de dix-sept ans d’ancienneté d’aucune évolution de carrière.

Elle produit :

– l’appel d’offres concernant six postes de téléconseiller vente et après-vente sur la plate-forme téléphonique de [Localité 4] (2 postes) et d'[Localité 3] (4 postes) pour le troisième trimestre 2014 et sa lettre de candidature du 26 mars 2014;

– l’appel d’offres concernant deux postes de téléconseiller vente et après-vente sur la plate-forme téléphonique d'[Localité 3] et sa lettre de candidature du 24 juillet 2017;

– le compte rendu d’entretien de progrès du 12 mai 2017 établi par M. [N] portant l’appréciation globale suivante :

‘En 2016, [AO] a su se remettre en question pour réaliser des efforts dans le domaine commercial. Elle a ainsi réalisé une très bonne année en terme d’activité commerciale, les résultats obtenus doivent l’encourager à continuer dans cette voie.

Un travail complémentaire sur l’entretien commercial et la personnalisation de la relation va lui permettre de mieux proposer et gagner en efficacité téléphonique’

et concluant sur les souhaits d’évolution de la salariée sur un poste au service après-vente ou de chargée de clientèle professionnelle : ‘Je valide le souhait de [AO] pour postuler sur un poste APV, elle pourra ainsi découvrir la partie Back Office de notre métier et continuer sa montée en compétence. Pour le poste de chargée de clientèle Pro, [AO] doit encore grandir sur certaines compétences commerciales’;

– sa demande de partage d’expérience du 22 novembre 2016 motivée ainsi : ‘Téléconseillère au Point d’accueil téléphonique depuis 15 ans, je vous sollicite pour organiser un partage d’expérience au point d’accueil physique de [Localité 5]. Mon souhait est d’échanger nos expériences et nos compétences dans l’intention, à court terme, de postuler à un appel d’offre en point accueil physique. J’ai l’objectif de répondre à un prochain appel d’offre de conseiller. Je souhaite participer à cette expérience au point d’accueil physique de [Localité 5]’.

A l’analyse des pièces du dossier la cour constate qu’il pas discuté que les candidatures de la salariée à des postes n’ont pas été retenues et ce, en dépit d’une validation de son projet lors de l’évaluation professionnelle 2017.

La salariée établit donc la matérialité du fait reposant sur le rejet de ses demandes d’évolution professionnelle successivement en 2014 et 2017.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée établit ainsi la matérialité d’une série de faits reposant sur :

– un harcèlement managerial reposant sur une gestion suspicieuse de ses absences, des méthodes de surveillance et de contrôle de l’activité par le recours à un système draconien de surveillance en temps réel et d’alerte de toute interruption d’activité, sur l’omniprésence de M. [N] par des passages récurrents destinés à vérifier la cadence et à se faire communiquer les résultats, sur une pression insistante à son endroit concernant ses performances par un entretien doublé d’un mail le 8 février 2018,

– le rejet de ses demandes d’évolution professionnelle.

Ces fait, pris dans leur ensemble sont de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’ils aurait eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d’altérer sa santé physique ou mentale.

Sur la première composante du harcèlement managérial reposant sur la gestion suspicieuse des absences de la salariée, la société qui en souligne le caractère ancien, se prévaut d’une démarche managierale légitime de lutte contre l’absentéisme, présentée aux délégués du personnel et menée en collaboration avec le CHSCT, ayant concerné plusieurs salariés tandis que pour sa part la salariée, qui en l’occurrence avait dépassé son quota de jours d’absence pour enfant malade, procède par affirmation sur la mise en cause de ses absences sans apporter d’élément de preuve.

A l’appui elle produit:

– en pièce 3 qui comme il a été dit ci-dessus dénombre cinquante deux compte-rendus d’entretien en visant celui de M. [N] qui affirme qu’en 2014 la salariée a présenté beaucoup d’absences et dépassé le nombre de jours d’absence autorité pour enfant malade et ceux de Mme [UA], Mme [D], Mme [C] et Mme [V] en qu’elles déclarent que les entretiens menés sur les absences ont concerné plusieurs salariés;

– le compte rendu de réunion des délégués du personnel du 16 décembre 2014 dont il résulte que les délégués du personnel se sont enquis du fondement légal justifiant la convocation de salariés pour s’expliquer sur leurs arrêts maladie ou enfant malade et en ont dénoncé la pratique, l’employeur contestant de telles pratiques en faisant valoir la légitimité de l’intervention des managers en cas d’absence non justifiée qui n’est pas à confondre avec la démarche d’analyse de l’absentéisme pilotée par le service RH en collaboration avec les managers.

A l’analyse des pièces du dossier la cour dit que la société ne démontre par aucun élément objectif que le fait est étranger à tout harcèlement, la circonstance que la salariée n’a pas été la seule concernée étant indifférente dès lors qu’elle a justement été touchée par une telle démarche sur ses absences.

Sur la deuxième composante du harcèlement managérial reposant sur le système draconien de surveillance en temps réel et d’alerte de toute interruption d’activité, la société soutient d’abord qu’il s’agit d’une méthode entrant dans l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur insusceptible de constituer un harcèlement moral, ensuite qu’il résulte des auditions des salariés lors de l’enquête interne que sa mise en oeuvre par M. [N] n’appelle pas aucune critique, au plus une maladresse induite par le stress de la fonction de superviseur, aucun ne rapportant avoir été témoin d’interpellations abruptes, en criant ou irrespectueuse envers la salariée, ni de traitement différencié entre les téléconseillers alors que tous le décrivent de manière positive même si son exigence est pointée.

La société produit les comptes rendus d’auditions dont elle isole des extraits.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que s’il est effectivement loisible à l’employeur de mettre en place dans un centre d’appel un système de contrôle individualisé de l’activité des téléconseillers, la société ne produit aucun élément démontrant que le fait, à savoir la main-mise totale sur l’activité des téléconseillers et leur interpellation immédiate dès l’activation du mode retrait par M. [N] dans des formes abruptes pesant sur les conditions de travail, n’est pas justifié par un élément objectif.

Sur la troisième composante du harcèlement managérial reposant sur l’omniprésence de M. [N] par des passages récurrents destinés à vérifier la cadence et à se faire communiquer les résultats, la société ne développe ni ne produit aucun élément.

Sur la quatrième composante du harcèlement managerial reposant sur la pression insistante de M. [N] concernant ses performances par un entretien doublé d’un mail le 8 février 2018, la société soutient que l’attitude de ce dernier à l’égard de la salariée était justifiée par les circonstances, dès lors qu’elle était initialement en retrait d’appel pour un motif personnel, qu’il n’a pas dépassé le cadre de ses missions en la conviant à un entretien informel pour la remotiver et en lui adressant un mail dans des termes mesurés pour lui rappeler ses objectifs, ses résultats, ses axes d’amélioration et moyens d’action, ce qui ressort du rôle de tout manager.

La société se réfère au compte-rendu d’audition de M. [N] et à ceux des salariés dont aucun ne rapporte se souvenir de quelque chose de particulier durant la pause de la salariée ce jour-là.

La cour observe que le tableau de suivi des salariés de M. [N] pour la période de janvier à juin 2017 dénombrant les doubles écoutes effectuées fait ressortir en date du 8 février 2017 la mention ‘recadrage’ en rouge pour la salariée, étant observé que c’est la seule mention de ce type pour les douze salariés de janvier à juin 2017.

La cour dit que la société ne produit aucun élément objectif de nature à justifier que le fait précis établi, reposant sur la pression insistance sur ses performances exercée par M. [N] par un entretien doublé d’un mail le 8 février 2018, entretien que celui-ci a lui-même désigné comme un recadrage, est étranger à tout harcèlement moral.

Sur le rejet de ses demandes d’évolution professionnelle, la société fait valoir que l’ancienneté n’étant le seul critère de sélection, elle ne constitue pas une garantie d’évolution et que :

– la décision de rejet de sa candidature en 2014 était fondée sur une insuffisance de dynamisme et de résultats commerciaux par rapport à d’autres candidats alors que Mme [UA] ne faisait pas partie de la commission de sélection;

– la décision de rejet de sa candidature par la commission de sélection en 2017 était collégiale, fondée sur des éléments objectifs en ce que la salariée a échoué à l’entretien par manque de travail de préparation, à l’instar d’une autre salarié dont la candidature n’a pas non plus été retenue.

La société souligne que le ressentiment résultant du rejet de sa candidature pourtant étranger à tout harcèlement, a été l’élément déclencheur de la démotivation de la salariée et de ses plaintes à l’encontre des managers.

A l’appui la société produit :

– la fiche de restitution Entretien du 18 décembre 2014 de la salariée pour sa candidature au poste de conseiller vente dont il ressort les mentions suivantes:

‘Motivation de la décision : candidature intéressante mais dynamisme et résultats commerciaux moyens par rapport à d’autres candidats

Eléments complémentaires abordés lors de l’entretien de restitution : doit s’impliquer à 100%’ étant précisé que les managers et le représentant RH sont différents de 2017, ;

– le compte-rendu de commission de sélection suite à appel d’offre interne au nom de la salariée concernant l’entretien du 6 octobre 2017 avec Mme [K] du service RH, Mme [UA] et Mme [H] (non signé) énonçant :

‘Points forts du candidat : agréable, souriante, calme, posée. Bonne appropriation de son poste TC vente

Points de progression du candidat : manque de dynamisme et d’intérêt vis à vis de l’entreprise (projection CRC). Entretien commercial pas à l’attendu. Trop de stress qui a paralysé (la salariée);

– le compte-rendu d’audition de Mme [H], responsable adjointe de la plate-forme d’appels, qui indique que lorsque la salariée a postulé fin 2017, M. [N] est venu en lui renvoyant des informations exclusivement positives à son propos, que celle-ci est ensuite venue la voir pour préparer l’entretien, se disant stressée mais que l’entretien n’a pas été à l’attendu ‘c’était très perfectible. Toutes les personnes ont eu les mêmes conseils. Même si il y avait le stress, on voyait qu’elle n’avait pas préparé’, répondant ensuite à la sollicitation sur son avis concernant la dénonciation de harcèlement moral que ‘c’est le dernier échec de (la salariée) qui a tout déclenché. Son entretien était mauvais, il aurait été injuste par rapport aux autres de la retenir alors qu’elle savait sur quoi allait porter l’entretien’;

– le compte rendu d’audition de Mme [X] en ce qu’elle celle-ci indique à propos de l’appel d’offre de téléconseiller après-vente de 2017 que M. [N] lui avait dit ‘il y en a une à qui il faut penser et qui fait un excellent travail c’est (la salariée)’, précisant qu’elle avait aussi postulé sans être retenue, que toutes deux avait été aidées par M. [N]’;

– le compte-rendu d’audition de Mme [M] selon laquelle, lorsque la salariée a postulé, M. [N] a dit que si quelqu’un devait avoir ce poste c’était la salariée ‘il l’a encouragée et préparée à faire l’entretien. La tension, le départ de l’histoire vient de là’;

– le compte-rendu d’entretien de Mme [UA] qui déclare que la salariée n’a pas été en mesure d’expliquer ce qu’allait être un CRC et de dire ce qui allait changer pour les téléconseillers vente et après-vente et pour les clients, que le jeu de rôle habituellement réalisé lors de ce type d’entretien, a été peu probant et que si la salariée est calme, posée, souriante, agréable, avec une bonne maîtrise de son poste, son manque de dynamisme, son manque d’intérêt pour l’entreprise, sa non projection sur les CRC ont fait que l’entretien n’était pas à l’attendu, estimant que la salariée n’avait pas assez travaillé en amont, notamment pour maîtriser son stress, et avait trop compté sur le fait qu’elle avait de l’ancienneté;

– le mail de Mme [K] du 8 août 2018 à Mme [P] ‘Suite à ta demande et à notre échange de ce jour, je te transmets 1 fichier récapitulatif de la journée de recrutement détaillé concernant l’AO TC APV d'[Localité 3] en octobre 2017 (j’ai rajouté la colonne âge).

Etant présente à ces entretiens, je te confirme qu’il n’y a eu aucune discrimination envers les candidats, et que les managers présents ont été équitables, j’en étais la garante. Le choix s’est fait collégialement à la fin de la journée de recrutement’;

– le compte-rendu d’audition de M. [N] en ce qu’il indique avoir encouragé la salariée à postuler au futur appel d’offre après le rejet de sa candidature en 2017 et proposé de l’aider à préparer l’entretien en dehors de ces heures de travail ce que la salariée a refusé;

– le compte-rendu d’audition de Mme [ZA] en ce qu’elle indique que la salariée s’estimait légitime du seul fait de son ancienneté sans comprendre qu’il s’agissait d’un tout avec les chiffres et l’engagement dans la société et qu’elle pensait que Mme [UA] faisait obstacle à sa nomination, se disant sa tête de turc;

– le compte-rendu d’audition de Mme [R] selon laquelle la salariée ‘ne mettait pas toutes ses chances de son côté, j’ai essayé de lui dire qu’ils n’avaient pas d’à priori contre elle’;

– le compte-rendu d’audition de M. [O] en ce que celui-ci, également candidat rejeté, indique que la salarié a mal vécu ce refus avant de se mettre en arrêt et que lui-même s’est remotivé en travaillant deux fois plus ce qui a été un moteur pour repostuler;

– le compte-rendu d’entretien de Mme [KF] en ce qu’elle rapporte que sa candidature n’a pas été retenue sur un appel d’offre en 2018 en raison d’une mauvaise performance en entretien.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que les motifs énoncés dans les documents de restitution des entretiens de sélection des candidatures relèvent d’appréciations subjectives sur l’exercice professionnel de la salariée ou sa prestation lors de l’entretien.

La société ne fournit aucun élément précis et objectif complémentaire.

La circonstance que la décision est prise en collégialité par trois membres de la direction n’a pas pour effet d’écarter la qualification de harcèlement moral étant en outre observé que les éléments et qualificatifs énoncés dans le compte rendu de la commission de 2017 sont strictement identiques aux propos énoncés par Mme [UA] dans son audition lors de l’enquête interne.

Dès lors en l’absence de justification de critères reposant sur des éléments objectifs, la société ne démontre pas que sa décision de rejeter les candidatures de la salariée est étrangère à tout harcèlement moral.

Par ailleurs la société invoque dans ses développements l’accompagnement bienveillant mené par M. [N] auprès de la salariée lorsque celle-ci a été confrontée à des difficultés personnelles et sa tolérance vis à vis de l’état d’ébriété qu’elle aurait présenté un jour au travail. Toutefois à les supposés établis, ces éléments ne sont pas de nature à être opérants sur la justification, à la charge de l’employeur, des éléments précisément identifiés laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il s’ensuit que faute pour la société de justifier par des éléments objectifs que les faits précis présentés par la salariée sont étrangers à un harcèlement moral, il y a lieu de dire que le harcèlement moral est constitué.

Dès lors la salariée est fondée en sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et la cour fixe, au vu des pièces et explications fournies sur le préjudice effectivement subi par la salariée caractérisé par les éléments médicaux produits sur l’altération durable de son état de santé, le montant des dommages et intérêts à la somme de 6 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité et l’exécution déloyale du contrat de travail

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de travail de bonne foi.

Par ailleurs aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; que l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 4121-2 du même code, toujours dans sa rédaction applicable, précise que l’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention notamment pour éviter les risques liés au harcèlement moral.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l’employeur le fait d’exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l’employeur doit assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

Mais ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Il appartient au juge d’apprécier si les mesures ainsi prises par celui-ci répondent aux exigences des textes sus-visés.

L’obligation de prévention des risques professionnels, liés notamment au harcèlement moral, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail et de l’article L. 4121-2 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L.1152-1 du code du travail du même code et ne se confond pas avec elle.

Par ailleurs les obligations étant distinctes, la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 15 862,38 euros de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice résultant du non respect par la société de son obligation de sécurité et d’une exécution déloyale du contrat de travail.

A l’appui du manquement à l’obligation de sécurité, la salariée fait grief à la société de:

– s’être limitée face à sa dénonciation de faits de harcèlement moral le 16 juin 2018, à une audition le 19 juillet 2018 en s’attachant à restreindre ses facultés d’assistance à un membre du CHSCT en contradiction avec la charte de l’entreprise;

– l’avoir ensuite laissée plusieurs mois ‘dans une troublante et insupportable expectative’ après son audition le 19 juillet 2018, l’enquête, au demeurant dénuée de conclusions, ne lui ayant été communiquées que le 21 juin 2019 ;

– n’avoir mis en place aucune mesure préventive alors que de nombreux salariés, y compris ses managers, ont évoqué des relations tendues entre elle et M. [N] et sa souffrance au travail de sorte que le risque de harcèlement moral était identifié et connu de l’employeur;

– ne pas avoir appliqué l’ensemble des recommandations du document unique d’évaluation des risques psycho-sociaux dont au demeurant elle ne connaissait pas l’existence, en recourant au service d’entraide et de la cellule d’écoute psychologique.

A l’appui de l’exécution déloyale du contrat de travail, la salariée invoque les manquements suivants :

– l’instauration de pressions excessives sur sa personne dans un but commercial et de rentabilité financière par l’intermédiaire de M. [N];

– le fait de la brutaliser et de chercher à la culpabiliser sur ses absences;

– l’opposition sans raison objective à ses demandes d’évolution professionnelle;

– l’absence de réaction sérieuse à son courrier du 16 juin 2018 dénonçant un harcèlement moral;

– l’opacité dans la mise en oeuvre de l’enquête interne en lui refusant l’assistance d’une personne non membre du CHSCT puis en ne lui communiquant aucune information sur l’état d’avancement de l’enquête.

La société conteste tout manquement à son obligation de sécurité, en rappelant qu’il s’agit d’une obligation de moyen, ni à son obligation de loyauté en faisant valoir que la salariée se borne à reprendre pour l’essentiel les mêmes faits que ceux développés au titre du harcèlement moral qui sont infondés et fait valoir que :

– la société a mis en place une organisation et des moyens adaptés aux risques psycho-sociaux avec des outils et des dispositifs de prévention du harcèlement moral auxquels la salariée avait accès ce dont elle était informée, par la diffusion des documents consultables dans l’intranet et leur signalisation par voie d’affichage ;

– la salariée a dénoncé pour la première fois un harcèlement moral par courrier du 18 juin 2018 et l’employeur a fait preuve d’une réactivité immédiate par la mise en oeuvre d’une enquête interne d’envergure avec l’audition de cinquante deux salariés;

– il ne peut lui être reproché de ne pas s’être conformé aux prescription de la Charte de prévention et de traitement des situations présumées de harcèlement moral en ses dispositions sur le service d’entraide ou la cellule d’écoute psychologique dont la mise en oeuvre relève de l’initiative des salariés, ni un manque de diligences pour faire cesser une situation dès lors que la salariée a été placée en arrêt maladie continu à compter du 25 mai 2018;

– non seulement il n’y a eu aucune alerte préalable mais les salariés rapportent que M. [N] avait au contraire fait preuve de soutien à l’égard de la salariée confrontée à des difficultés personnelles;

– la salarié ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui qu’elle invoque au titre du harcèlement moral.

Elle produit :

– le Document Unique d’Evaluation des Risques de l’établissement Macif Pôle Sud Est Document Unique d’Evaluation des Risques de l’établissement Macif Pôle Sud Est dans sa mise à jour au 26 mars 2018 comportant une partie détaillée sur l’identification des risques psycho-sociaux, leur fréquence, les moyens de prévention et d’action;

– une note interne du 23 avril 2018 extraite de l’intranet demandant l’affichage dès réception des éléments du kit d’affichage sur les panneaux direction, auquel est joint l’ensemble des documents devant être portés à la connaissance des salariés comprenant notamment les documents suivants : ‘Dispositions harcèlement’ ‘Des professionnels à votre écoute’ ‘le document unique ‘;

– une note d’information sur le Document Unique d’Evaluation des Risques du 20 avril 2018 qui doit être tenu à la disposition des salariés, du 20 avril 2018 extraite de l’intranet;

– le programme annuel de prévention des risques professionnels du 26 mars 2018;

– la charte de prévention et de traitement des situations présumées de harcèlement au travail ;

– un document intitulé ‘Des professionnels sont à votre écoute’ désignant les acteurs internes et externes susceptibles d’être contactés en cas de problèmes, notamment ‘sur une situation professionnelle’;

– un extrait du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 11 décembre 2018 dans lequel la responsable RH informe les membres à propos de l’enquête interne que ‘la conclusion a été portée à la connaissance des salariés du PAT le 4 décembre 2018. À l’issue de l’enquête où 52 personnes ont été entendues sur la base des éléments portés à notre connaissance, le constat est qu’au regard des éléments factuels recueillis, les faits reprochés ne sont pas constitutifs d’une situation avérée de harcèlement, et qu’il n’y a pas eu de comportement discriminant de la part de la ligne managériale à l’encontre de cette salariée’;

– les mails de la DRH au médecin du travail le 31 juillet et le 17 septembre 2018 pour l’informer de l’organisation et du calendrier de l’enquête interne;

– les échanges de mails entre la DRH et la salariée entre le 3 juillet et le 28 juillet 2018 relatifs à l’audition de la salariée par les enquêteurs et à la question de son assistance, que la salariée demandait à librement choisir parmi les membres du personnel tandis que la société a imposé qu’il soit membre du CSCT dès lors que c’est l’instance compétente;

– le courrier de la salariée (non daté) dénonçant le caractère incompréhensible et douloureux des délais annoncés de clôture de l’enquête interne en novembre 2018 et le mail en réponse de la DRH du 25 juillet 2018 indiquant que cette durée s’expliquait par un démarrage des auditions après la période des congés d’été et par le nombre de salariés à auditionner.

A l’analyse des pièces du dossier, la cour relève que la société justifie de sa réactivité par l’organisation immédiate d’une enquête interne, menée de manière exhaustive auprès de plus de cinquante salariés sans que la salariée n’explicite en quoi l’employeur aurait fait preuve d’une inertie, de manoeuvres ou de négligences fautives en se limitant à procéder à son audition, en définissant les règles d’assistance, qui ne sont imposées qu’en matière disciplinaire et en ne l’informant pas régulièrement de l’état d’avancement de l’enquête qui s’est nécessairement étalée sur plusieurs mois compte tenu du nombre d’auditions et s’est poursuivie au delà de la rupture du contrat de travail.

La cour relève également que la société justifie de l’élaboration de documents destinés à prévenir les risques psycho-sociaux, dont fait partie le harcèlement moral et d’une information de leur mise à disposition aux fins de consultation.

Toutefois la cour observe qu’aucun de ces éléments n’est antérieur à mars-avril 2018, de même que leur mise en ligne sur l’intranet, que seule la Charte de prévention et de traitement des situations présumées de harcèlement au travail traite du harcèlement moral, le Document Unique d’Evaluation des Risques et le Programme annuel de prévention des risques professionnels n’énoncent pas explicitement le harcèlement moral mais se réfèrent à des événements pris isolément ou combinés entre eux, de type ‘existence de facteurs de tensions susceptible de générer des troubles tels que stress, démotivation, absentéisme, TMS, burn-out’ ‘taux d’absentéisme élevé’, ‘conditions de travail dégradées’, ‘démobilisation’ ‘perte de sens’, ‘manque de repères’, ‘mal-être au travail’, ‘absentéisme’, ‘isolement’ ‘violences’.

Au demeurant la dite charte énonce certes les modalités de la procédure d’alerte et de l’enquête devant être menée et ce, dans des termes généraux, mais au titre de la prévention se borne à mentionner qu’elle est ‘l’affaire de tous’ en renvoyant à des conseils basiques portant notamment sur la courtoisie, l’écoute, l’empathie, la remise en question, le développement de la cohésion et du dialogue pour un bon climat d’équipe.

La cour relève ensuite qu’au delà de ces documents support, la société ne produit aucun élément concret de nature à justifier d’une mise en oeuvre effective de mesures de prévention du harcèlement moral.

La cour note par ailleurs que le Document Unique d’Evaluation des Risques recense un certain nombre de mesures telles que la mise en place de démarches locales de prévention des risques en cas de risque identifié, des démarches en direction des managers (Charte de l’encadrement, formations) ou le suivi d’indicateurs du climat interne, dont il n’est aucunement justifié.

S’agissant de l’activation du service d’entraide et de la cellule d’écoute, si elle est à l’initiative du salarié, encore faut-il que la faculté en soit connue des salariés, ce que les seules notes internes dont les destinataires comme les modalités de diffusion ne sont pas déterminés, ne permettent pas d’établir. En tout cas aucun rappel de ces dispositifs n’a été fait à l’attention de la salariée suite à son courrier du 16 juin 2018.

Dans ces conditions, ces constats établissent le manquement de la société à son obligation de sécurité en ce qu’elle ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de la salariée.

Concernant l’exécution déloyale du contrat de travail, la cour relève que sur l’opacité alléguée dans la mise en oeuvre de l’enquête interne, la salariée ne produit aucun élément propre à le démontrer.

Sur le manque de sérieux de la réaction de l’employeur à sa dénonciation de harcèlement moral, le moyen de fait procède de l’opinion et comme il a été dit ci-dessus, la société justifie d’une réaction rapide et adaptée par l’organisation d’une enquête interne.

En revanche, les faits retenus ci-dessus au titre du harcèlement moral caractérisent indéniablement une atteinte à l’obligation de loyauté.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la salariée établit des manquements de l’employeur constitutifs d’une méconnaissance de l’obligation de sécurité et d’une exécution déloyale du contrat de travail.

Mais sur le préjudice occasionné par ces manquements, la salariée se borne à invoquer un préjudice moral justifiant réparation, sans expliciter ni produire aucun élément de nature à démontrer l’existence et l’étendue d’un préjudice directement occasionné par ces manquements et distinct de celui déjà indemnisé au titre du harcèlement moral.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul

Il résulte de la combinaison des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 et L.1221-1 du code du travail que le salarié peut demander la résiliation du contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Lorsque la résiliation judiciaire est prononcé pour des faits de harcèlement moral, elle produit les effets d’un licenciement nul.

Lorsque le salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licenciement postérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée, c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, de la prise d’acte ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l’employeur.

Il incombe au salarié qui demande la résolution de son contrat de travail d’apporter la preuve que son employeur a commis à ses obligations des manquements suffisamment graves pour avoir rendu impossible la poursuite de la relation contractuelle.

L’ancienneté des manquements n’est pas en soi suffisante à exclure qu’ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il appartient au juge d’apprécier la gravité des manquements de l’employeur et de déterminer s’ils sont de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce la salariée invoque à l’appui de sa demande principale en résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, le harcèlement moral .

Comme il a été dit ci-dessus le harcèlement moral est établi.

La cour dit que la situation de harcèlement moral subie par la salariée au temps du contrat de travail qui a indéniablement porté atteinte à ses conditions de travail et occasionné de sévères répercutions sur sa santé mentale et son avenir professionnel, est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire à la date du licenciement prononcé, soit le 12 octobre 2018 .

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul à la date du 12 octobre 2018.

Par suite la cour dit sans objet la demande subsidiaire de nullité du licenciement.

Sur les conséquences financières de la rupture

1° l’indemnité compensatrice de préavis

Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter le préavis, à l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice des congés payés afférents.

La salariée peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, dont il n’est pas discuté qu’elle est équivalente à deux mois de salaire, sur la base du salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant le préavis, lequel comprend tous les éléments de rémunération, soit un salaire non contesté même à titre subsidiaire de 2643,73 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 5 287,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 528,74 euros au titre des congés payés afférents.

2° les dommages et intérêts pour licenciement nul

En cas de licenciement nul et par application de l’article L.1235-3-1 du code du travail, les dispositions de l’article L.1235-3 ne sont pas applicables et le salarié a droit à une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire.

Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée (2 643,73 euros), à son ancienneté au sein de l’entreprise, à son âge, à sa capacité à retrouver un emploi, aux explications et pièces fournies sur son préjudice en ce qu’elle n’a notamment pas retrouvé d’emploi ce dont elle justifie jusqu’en juin 2019 en dépit des formations et diligences effectuées et qu’elle est donc restée bénéficiaire des allocations Pôle Emploi, il apparaît que la réparation du préjudice résultant pour la salariée de la perte de son emploi, à la somme de 26 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 26 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement nul.

Sur le remboursement des indemnités chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, il convient en ajoutant au jugement déféré, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.

Sur les intérêts

En infirmant le jugement déféré, la cour dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt qui les a prononcées.

En infirmant le jugement déféré la cour ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil dont les conditions sont réunis.

Sur la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat

En infirmant le jugement déféré, la cour ordonne à la société de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt et ce dans un délai de deux mois.

La cour confirme le rejet de la demande de prononcé d’une astreinte qui n’est justifiée par aucun élément.

Sur l’exécution provisoire

Le présent arrêt est exécutoire nonobstant pourvoi de sorte qu’en ajoutant au jugement déféré la cour dit que la demande en appel au titre de l’exécution provisoire est sans objet.

Sur les dispositions accessoires

La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a laissé les dépens de première instance à chacune des parties et rejeté la demande de la salariée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance.

La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que la salarié a exposés. La société est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros pour les frais de première instance, de 1 000 euros pour les frais d’appel et est déboutée de sa demande à ce titre.

Le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire devant la présente juridiction statuant en matière prud’homale, la cour dit en ajoutant au jugement déféré qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de dommage et intérêts de Mme [S] au titre du manquement à l’obligation de sécurité et à l’obligation de loyauté,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande d’astreinte,

Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 12 octobre 2018,

Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul,

Condamne la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

– 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 5 287,46 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 528,74 euros au titre des congés payés afférents,

– 26 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul,

Dit que les sommes allouées sont exprimées en brut,

Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt qui les a prononcées,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) de remettre à Mme [S] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt et ce dans un délai de deux mois,

Ordonne d’office le remboursement par la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [S] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation,

Dit sans objet la demande d’exécution provisoire,

Condamne la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) à verser à Mme [S] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel et la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,

Condamne la Mutuelle d’Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) de première instance et d’appel,

Rejette la demande au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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