Arrêt n°23/00211
07 mars 2023
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N° RG 21/01706 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FRFW
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
16 juin 2021
19/00932
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Sept mars deux mille vingt trois
APPELANTE :
Mme [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Association LES [3] (EHPAD) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Pierre GUICHARD, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [E] [F] a été embauchée par l’Association Les [3] (EHPAD) en qualité d’aide-soignante dans le cadre d’un CDD allant du 3 juillet 2004 au 30 septembre 2006, auquel a succédé un CDI à compter du 1er octobre 2006.
Mme [F] a démissionné de ses fonctions le 30 avril 2008 pour suivre une formation diplômante d’infirmière, puis a été à nouveau embauchée par l’Association Les [3] à compter du 16 janvier 2012 en contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d’infirmière, et ce jusqu’en 2014 où elle quittera à nouveau l’Association Les [3] pour s’installer comme infirmière libérale.
A compter du 18 juillet 2016, Mme [F] est embauchée par l’Association Les [3] en CDI à temps plein comme surveillante.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 rénovée.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 septembre 2019, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 septembre puis reporté au 23 septembre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 30 septembre 2019, Mme [F] a été licenciée pour faute grave.
Par acte introductif enregistré au greffe le 28 novembre 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de voir notamment prononcer la nullité de son licenciement intervenu pendant une période de protection absolue.
Par lettre du 4 décembre 2019, l’Association Les [3] informe Mme [F] de l’annulation du licenciement prononcé le 30 septembre 2019 et de sa réintégration à compter du 4 décembre 2019.
Mme [F] a été à nouveau convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 juin 2020 puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 juillet 2020.
Dans ses dernières conclusions établies devant le conseil de prud’hommes de Metz, Mme [F] sollicite :
A TITRE PRINCIPAL :
de dire que le licenciement du 15 juillet 2020 est nul et de nul effet ;
d’ordonner sa réintégration sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement ;
de condamner l’Association Les [3] à lui verser :
. 3 756,10 euros brut au titre de salaire chaque mois entre la notification de son licenciement et la réintégration en entreprise, outre les congés payés afférents ;
. 7 984,08 euros de rappel de salaire entre son premier licenciement en date du 30 septembre 2019 et sa réintégration en date du 4 décembre 2019, outre les congés payés afférents ;
. 5 944,22 euros net de rappels de salaire de décembre 2019 à juillet 2020 ;
. 25 000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices de la femme enceinte ;
. 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en raison d’actes de harcèlement moral répétés ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
de condamner l’Association Les [3] à lui verser :
. 7 984,08 euros de rappel de salaire entre son premier licenciement en date du 30 septembre 2019 et sa réintégration en date du 4 décembre 2019, outre les congés payés afférents ;
. 5 944,22 euros net de rappels de salaire de décembre 2019 à juillet 2020 ;
. 11 268,30 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;
. 7 981,71 euros net au titre de l’indemnité de licenciement ;
. 30 048,80 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 25 000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices de la femme enceinte ;
. 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en raison d’actes de harcèlement moral répétés ;
DANS TOUS LES CAS :
de dire que Mme [F] devait bénéficier du statut de cadre depuis le 1er octobre 2018 et de l’indice 590 ;
de condamner l’Association Les [3] à lui payer :
. 1 156,22 euros brut de rappel de salaire liés à son statut de cadre ;
. 81,81 euros brut de rappel de prime d’ancienneté ;
. 123,80 euros brut de congés payés afférents ;
. 10 607,12 euros brut de rappel de salaire au titre des astreintes ;
. 300 euros net au titre des forfaits repas de juillet, août et septembre 2019 ;
. 1 612,90 euros brut de prime décentralisée pour le mois de janvier 2020 ;
ordonner la remise des fiches de paie d’octobre, novembre 2019 et février 2020, la rectification des autres fiches de paie sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement ;
dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;
se réserver la possibilité de liquider les astreintes ;
de condamner l’Association Les [3] à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’Association Les [3] s’opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Metz, section activités diverses, a statué ainsi qu’il suit :
Dit que les demandes de nullité et de requalification de licenciement de Mme [F] sont recevables mais infondées ;
Condamne l’Association Les [3] à payer à Mme [F] le rappel de salaire d’un montant de
7 984,08 euros brut et de congés payés y afférents d’un montant de 798,40 euros brut sur la période d’octobre et novembre 2019, après déductions des indemnités journalières perçues sur ladite période ;
Condamne l’Association Les [3] à payer à Mme [F] le rappel de salaire d’un montant de
5 944,22 euros net pour la période de décembre 2019 à juillet 2020 dans le cadre du maintien du salaire pendant un arrêt maladie ou maternité ;
Ordonne la production et la rectification par l’employeur des bulletins de salaire sur la période d’octobre et novembre 2019, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 30ème jour suivant la mise à disposition du jugement ;
Déboute Mme [F] de toutes ses autres demandes au titre de rappels de salaire, de congés payés, d’astreintes, de prime d’ancienneté, de forfait-repas, d’indemnités et de dommages et intérêts ;
Déboute Mme [F] de sa demande au titre de la liquidation d’astreinte ;
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire par application de l’article 515 du code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.
Par déclaration formée par voie électronique le 8 juillet 2021, Mme [F] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 24 juin 2021 au vu de l’émargement de l’accusé de réception postal.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2021, Mme [F] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné l’Association Les [3] à lui payer la somme de 5 944,22 euros net de rappels de salaires de décembre 2019 à juillet 2020. Mme [F] reprend les prétentions qu’elle a formées devant le conseil de prud’hommes.
Par ses dernières conclusions datées du 7 décembre 2021 et notifiées par voie électronique le 8 décembre 2021, l’Association Les [3] demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamner Mme [F] à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
Il convient de constater qu’aucun recours n’a été formé sur les dispositions du jugement entrepris par lesquelles l’Association Les [3] a été condamnée à verser à Mme [F] le rappel de salaire d’un montant de 5 944,22 euros net pour la période de décembre 2019 à juillet 2020 dans le cadre du maintien du salaire pendant un arrêt maladie ou maternité, et par lesquelles le conseil de prud’hommes a ordonné la production et la rectification par l’employeur des bulletins de salaire sur la période d’octobre et novembre 2019, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 30ème jour suivant la mise à disposition du jugement.
Sur le rappel de salaire au titre du statut de cadre (coefficient 590)
Mme [F] sollicite un rappel de salaire au titre du coefficient appliqué par l’employeur qui ne correspond pas à celui du statut de cadre administratif pour l’emploi de directrice adjointe (coefficient 590) auquel elle était en droit de prétendre depuis le 1er octobre 2018, et ce compte tenu du diplôme obtenu le 28 septembre 1998 (maîtrise de droit, économie, gestion) et des fonctions de directrice adjointe qu’elle a exercé au sein de l’Association Les [3].
L’Association Les [3] s’oppose à cette demande, indiquant ne pas avoir été informée par Mme [F] de l’obtention de son diplôme, et ajoutant que les fonctions réellement exercées par Mme [F] n’étaient pas celles de directrice adjointe. L’employeur précise qu’il a suivi les dispositions de la convention collective applicables à un Cadre infirmier, statut surveillant général, filière soignante (coefficient 582), et que Mme [F] bénéficiait à son embauche du coefficient de 567, passé à 574 en juillet 2019 avec effet rétroactif au 1er août 2018, puis enfin à 582 à compter du mois de septembre 2019, coefficient majoré de 11 points pour un travail en EHPAD de sorte qu’elle bénéficiait du coefficient de 593.
L’employeur, indique que s’il envisageait de faire évoluer Mme [F] vers des fonctions d’adjointe de direction, après l’obtention d’un diplôme puis une formation sur le terrain, Mme [F] n’a pas saisi cette opportunité et s’est cantonnée à une attitude passive, de sorte que l’Association Les [3] a été contrainte d’embaucher une directrice adjointe en juin 2019.
Selon d’article 08.01.1 de la convention collective applicable à la relation de travail, la rémunération des personnels visés à l’annexe I à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 est déterminée selon les principes suivants :
– un coefficient de référence est fixé pour chaque regroupement de métiers ;
– à ce coefficient de référence s’ajoutent, pour constituer le coefficient de base conventionnel du métier, les éventuels compléments de rémunération liés à l’encadrement, aux diplômes et/ ou au métier lui-même ;
– les éléments ci-dessus peuvent éventuellement être complétés par l’indemnité permettant de garantir le salaire minimal conventionnel visé à l’article 08.02 ;
– le salaire de base est obtenu en appliquant au coefficient de base conventionnel la valeur du point ;
– à ce salaire de base, majoré éventuellement du complément technicité, éventuellement de l’indemnité permettant de garantir le salaire minimal conventionnel visé à l’article 08.02 et, le cas échéant, de l’indemnité de promotion visée à l’article 08.03.3, est appliquée une prime d’ancienneté versée à terme échu
En outre, selon l’article 08.02 de la même convention, un salaire minimal conventionnel est garanti à l’ensemble des personnels relevant de la convention collective nationale du 31 octobre 1951. Ce salaire minimal conventionnel est déterminé en prenant en considération l’ensemble des éléments de rémunération perçus par le salarié en contrepartie ou à l’occasion du travail au sens des dispositions légales et jurisprudentielles.
Le salaire minimal conventionnel déterminé comme indiqué ci-dessus ne peut être inférieur au Smic, étant précisé que la prime d’ancienneté n’est pas prise en compte dans cette appréciation.
Ainsi, en application de ces dispositions, et au vu de la fiche de poste de cadre administratif niveau 3 correspondant à la fonction d’adjoint de direction et présentant un coefficient de référence de 590, un adjoint de direction en EHPAD est en droit de bénéficier d’un coefficient minimal de 601 (590 + 11 points de majoration pour travail en EHPAD tel que précisé par l’employeur).
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que l’employeur reconnaît à Mme [F] la fonction d’« adjointe » dans un mail du 14 juin 2019 puis celle d’« adjointe administrative » dans la première lettre de licenciement datée du 30 septembre 2019, avant de décrire la fonction de Mme [F] comme étant celle d’« adjointe de direction » dans la lettre de licenciement du 15 juillet 2020.
En outre selon le rapport de l’inspecteur du travail établi le 18 juillet 2019, Mme [F] est présentée comme occupant de façon non contestée la fonction de directrice adjointe depuis octobre 2018, date à laquelle Mme [Y] l’a remplacée au poste de surveillante. Il recommande même à l’Association Les [3], en visant Mme [F], « au minimum de changer de poste votre directrice-adjointe afin qu’elle n’ait plus à assumer de responsabilité hiérarchique ».
Ces éléments démontrent bien que Mme [F] exerçait la fonction de directrice adjointe depuis octobre 2018, de sorte qu’elle était en droit de bénéficier à compter de cette date d’un coefficient minimal de 601.
Les bulletins de salaire de Mme [F] versés aux débats montrent que celle-ci a perçu depuis le 1er octobre 2018 une rémunération basée sur un coefficient de 574, majoré de 11 points, soit de 585 au total jusqu’en août 2019 inclus, puis de 582, majoré de 11 points, soit de 593 au total, à compter de septembre 2019, de sorte que sa demande de rappel de salaire au titre du coefficient est légitime.
L’Association Les [3] doit être dès lors condamnée à verser à Mme [F] la somme de 1 238,03 euros brut, outre 123,80 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le rappel de salaire couvrant la période entre le licenciement du 30 septembre 2019 et la réintégration du 4 décembre 2019
Mme [F] sollicite le paiement de la somme de 7 984,08 euros brut, sans déduction des revenus de remplacement touchés entre le 30 septembre et le 4 décembre 2019. Elle explique que l’Association Les [3] ne lui a pas versé les salaires et les congés payés y afférents correspondant à la période située entre son licenciement prononcé le 30 septembre 2019 et sa réintégration au sein de l’association le 4 décembre 2019, suite à l’annulation de son licenciement par l’employeur.
Elle ajoute que les revenus de remplacement qu’elle a touchés pour cette période ne doivent pas être déduits, la Cour de cassation ayant jugé qu’une discrimination fondée sur l’état de grossesse caractérisait la violation d’une liberté ou d’un droit fondamental, et qu’en conséquence la salariée demandant sa réintégration avait droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.
L’Association Les [3] demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [F] un rappel de salaire d’un montant de 7 984,08 euros brut et de congés payés y afférents d’un montant de 798,40 euros brut sur la période d’octobre et novembre 2019, après déduction des indemnités journalières perçues sur ladite période.
L’employeur reconnaît ne pas avoir versé les salaires pour cette période mais précise qu’il n’y a pas eu de violation d’une liberté fondamentale, s’agissant d’une erreur qu’il a reconnue et sur laquelle il est revenu le 4 décembre 2019 en annulant de lui-même le licenciement.
Si un licenciement fondé sur une discrimination liée à l’état de grossesse constitue bien une violation d’un droit et d’une liberté fondamental, compte tenu du motif de cette discrimination, il est nécessaire cependant, pour constater la violation de ce droit ou de cette liberté fondamentale, de démontrer que le licenciement est réellement motivé par l’état de grossesse de la salariée et non par un autre motif.
En l’espèce, il ne résulte pas des termes de la lettre de licenciement du 30 septembre 2019, ni des attestations et pièces versées aux débats que la décision de rupture du contrat de travail prononcée par l’employeur était fondée sur l’état de grossesse de Mme [F] ou sur des manquements de celle-ci résultant de son état de grossesse.
Dès lors, en l’absence de licenciement fondé sur l’état de grossesse de Mme [F], il convient de constater qu’il n’y a pas eu de violation d’une liberté ou d’un droit fondamental. L’Association Les [3] doit être condamnée à verser à Mme [F] la somme de 7 984,08 euros brut au titre du rappel de salaire couvrant la période allant du 1er octobre au 3 décembre 2019, outre 798,40 euros brut pour les congés payés afférents, dont il devra être déduit les indemnités journalières perçues sur ladite période.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices de la femme enceinte
Selon l’article L 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.
Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
L’article L 1225-21 précise également que lorsqu’un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l’accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci.
Enfin, en application de l’article L 1225-71 du même code, l’inobservation par l’employeur de ces dispositions peut donner lieu, au profit de la salariée, à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L 1235-3-1 du code du travail.
En application de ce dernier article, le salarié dont le licenciement est nul, a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Mme [F] sollicite la condamnation de l’Association Les [3] à lui verser 25 000 euros de dommages et intérêts pour violation par l’employeur des dispositions protectrices de la femme enceinte.
Elle explique qu’elle a été licenciée une première fois le 30 septembre 2019 alors que son employeur était informé de sa grossesse, et que l’annulation de ce licenciement notifiée par l’Association Les [3] le 4 décembre 2019 n’est intervenue qu’après qu’elle ait saisi le conseil de prud’hommes. Elle ajoute que ce premier licenciement lui a causé un stress intense alors qu’elle était à un stade de grossesse avancé.
L’Association Les [3] s’oppose à cette demande, précisant que la violation du statut protecteur est sanctionnée par la réintégration de la salariée, de sorte que celle-ci n’est pas fondée à solliciter en plus des dommages et intérêts, sauf préjudice distinct dûment justifié. Elle ajoute qu’elle a commis une erreur en licenciant Mme [F] le 30 septembre 2019 et qu’elle a annulé d’elle-même ce licenciement.
En l’espèce, l’Association Les [3] a licencié Mme [F] pour faute grave le 30 septembre 2019, alors que la salarié justifie lui avoir communiqué par lettre recommandée reçue par l’employeur le 17 septembre 2019 une prolongation d’un arrêt de travail « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse », de sorte qu’elle avait connaissance de la grossesse de Mme [F] au moment où elle a prononcé le licenciement.
En agissant ainsi, l’Association Les [3] a violé les dispositions légales protectrices liées au statut de l’état de grossesse de la salariée, et est de ce fait tenue d’indemniser celle-ci du préjudice lié à cette violation.
Compte tenu du fait que l’employeur n’a réintégré la salariée que plusieurs semaines après la rupture du contrat de travail, et seulement après que Mme [F] a introduit une procédure prud’homale, et au vu du salaire mensuel brut de Mme [F] s’élevant à 3 750 euros bruts, il convient de condamner l’Association Les [3] à verser à Mme [F] une indemnité de 22 500 euros au titre de la violation des dispositions protectrices de la femme enceinte.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le rappel de salaire au titre des astreintes
Mme [F] sollicite un rappel au titre des astreintes, indiquant qu’elle a perçu en août 2018 un forfait d’astreinte de 1 541,82 euros qui a été diminué de façon injustifiée les mois suivants. Elle estime que la somme de 10 607,12 euros brut lui reste due sur la période allant de septembre 2018 à septembre 2019.
L’ Association Les [3] conteste devoir cette somme, ajoute que Mme [F] ne précise pas à quel titre ces sommes lui resteraient dues, et indique que la salariée a perçu un forfait d’astreinte dont le montant était de 759,69 euros depuis août 2018 et jusqu’en octobre 2018, puis de 759,91 euros jusqu’en juin 2019, et enfin de 779,63 euros en août et septembre 2019. Elle ajoute que si des régularisations sont intervenues suite à des erreurs d’indexation, les dispositions de la convention collective applicables en la matière ont été respectées.
Si les bulletins de salaire de Mme [F] montrent que celle-ci a reçu une somme de 1541,82 euros au titre du forfait astreinte pour le mois de septembre 2018 avant de recevoir des sommes comprises entre 759,69 euros et 779,63 euros les mois suivants et après avoir perçu à ce titre des sommes de 400 euros et de 700 euros les mois précédants, elle ne justifie sur quel fondement elle devrait percevoir 1541,82 euros tous les mois au titre du forfait astreinte ni en quoi les dispositions de la convention collective n’ont pas été appliquées.
La demande formée par Mme [F] à ce titre n’est pas justifiée de sorte qu’elle doit être rejetée et la décision des premiers juges confirmée.
Sur les forfaits-repas
S’agissant du rappel de salaire au titre du forfait-repas, Mme [F] demande le paiement de la somme de 300 euros correspondant au forfait-repas mensuel de 100 euros que l’employeur lui a retiré pour les mois de juillet, août et septembre 2019, et ce alors qu’elle était en arrêt de travail depuis le 24 juin 2019.
L’Association Les [3] s’oppose à cette demande, indiquant que ce forfait-repas permettait à Mme [F] de venir chercher des repas auprès de son employeur, possibilité qu’elle a utilisée, de sorte qu’elle ne peut réclamer en plus le montant de ce forfait.
Mme [F] ne conteste pas avoir pu bénéficier de la possibilité de récupérer des repas auprès de son employeur et ne démontre pas s’être trouvée, pendant les mois litigieux, dans une situation justifiant du maintien de ce forfait, étant précisé que le retrait de ce forfait avait déjà été opéré pour certains mois précédents sans que Mme [F] ne l’ait contesté (exemple : janvier, avril et mai 2019).
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [F] de cette prétention.
Sur la prime décentralisée
Mme [F] sollicite un rappel de salaire de 1 612,90 euros brut au titre de la prime décentralisée qui a été retenue en janvier 2020 de façon injustifiée.
L’Association Les [3] s’oppose à cette demande, précisant que si la convention collective prévoit le versement d’une prime décentralisée d’un montant de 5% des salaires bruts à répartir entre les salariés, elle prévoit également un abattement de 1/60ème de la prime par jour d’absence, de sorte que Mme [F] qui a été absente plus de 60 jours en 2019 ne pouvait pas en bénéficier, les avances accordées tout au long de l’année 2019 à ce titre ayant fait légitimement l’objet d’une retenue en janvier 2020 aux fins de régularisation.
Il résulte des dispositions du paragraphe A3.1 de l’annexe III de la convention collective applicable à la relation de travail qu’en cas d’absence, il est instauré un abattement de 1/60ème de la prime annuelle par jour d’absence, les six premiers jours d’absence intervenant au cours d’une année civile ne donnant toutefois pas lieu à abattement.
En outre, si les absences pour congé maternité ou d’adoption ne donnent pas lieu à abattement, les absences pour maladie non-professionnelles ne sont pas visées dans le paragraphe intitulé « absence n’entraînant pas d’abattement ».
En l’espèce, Mme [F] a été en arrêt de travail pour une maladie non-professionnelle du 29 juin au 29 septembre 2019, soit pendant plus de 66 jours la même année civile, et ce avant d’être en congé maternité à compter du 1er novembre 2019.
L’abattement prévu par la convention collective s’applique en l’espèce et Mme [F] ne peut donc pas bénéficier de la prime décentralisée pour l’année 2019.
La demande en paiement de la somme de 1 612,90 euros formée par Mme [F] doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral
L’article L 1152-1 du code du travail stipule qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Le harcèlement moral s’entend en l’occurrence selon sa définition commune d’agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l’humilier.
S’agissant de la preuve du harcèlement, l’article L1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l’application de l’article L 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »
Pour étayer sa demande tendant à voir constater qu’elle est victime de harcèlement moral, Mme [F] invoque :
des pressions exercées sur elle par l’Association Les [3] pour la contraindre à quitter les effectifs ;
des reproches injustifiés pour tenter de la déstabiliser ;
un licenciement alors qu’elle était enceinte et bénéficiait d’une protection absolue ;
l’absence de versement de sa rémunération qui lui était due entre octobre 2019 et juillet 2020 ;
l’absence de réponse à ses courriers dans lesquels Mme [F] dénonce les situations de harcèlement ;
le refus par l’employeur de lui faire bénéficier du statut de cadre malgré son courrier du 20 août 2019.
Les développements qui précèdent et les dispositions non contestées à hauteur d’appel du jugement de première instance établissent que Mme [F] n’a pas bénéficié du statut de directrice adjointe et du coefficient correspondant à ce poste, qu’elle a été licenciée le 30 septembre 2019 en violation de la protection liée au statut de femme enceinte, et qu’elle n’a pas bénéficié avant la décision des premiers juges du maintien de son salaire pendant son congé maternité, ni du paiement de son salaire entre son licenciement du 30 septembre et sa réintégration du 4 décembre 2019.
Mme [F] démontre également avoir dénoncé des agissements de harcèlement à son égard par courrier du 20 août 2019 adressé à son directeur puis par courrier du 13 octobre 2019 adressé au président de l’association. Elle justifie en outre avoir reçu un courrier daté du 5 juin 2019 établi par le directeur de l’association dans lequel il est formulé à son encontre un certain nombre de reproches sur son travail. Mme [F] produit en outre une attestation de sa collègue, Mme [Z], indiquant que le directeur leur aurait dit dès le 18 avril 2019 vouloir leur départ, et ajoutant que Mme [F] est sortie en pleurs le 4 juin 2019 d’un entretien avec le directeur et lui aurait indiqué que ce dernier voulait qu’elle quitte l’association. Elle produit en outre un mail du directeur daté du 14 juin 2019 faisant état de ce qu’il cherchait le départ de son adjointe.
Elle souligne enfin que son état de santé a été altéré et verse à l’appui de cette affirmation une ordonnance établie par son médecin psychiatre à la date du 29 juin 2020.
Les éléments présentés par la salariée, pris dans leur ensemble, sont suffisamment précis et concordants pour laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral dont elle aurait été victime sur son lieu de travail à compter d’avril 2019.
Pour s’opposer à l’existence de harcèlement moral invoqué par Mme [F], l’employeur précise que Mme [Z] et Mme [F] se livraient à des faits de harcèlement moral à l’encontre d’une autre salariée, Mme [Y], que l’association a licencié par erreur Mme [F] le 30 septembre 2019, qu’elle a cependant annulé d’elle-même le 4 décembre 2019 le licenciement et réintégré la salariée, que se rendant compte que Mme [F] ne pouvant plus rester à son poste au vu des tensions dans la structure avec d’autres salariés elle a cherché une issue favorable pour la salariée, que Mme [F] n’occupait pas des fonctions de directrice adjointe, et que les critiques formulées étaient justifiées et de nature professionnelle. L’employeur ajoute que l’ordonnance produite par Mme [F] ne démontre pas que le traitement médicamenteux prescrit à la salariée a un lien avec son activité professionnelle, et que le directeur souhaitait dans un premier temps faire évoluer Mme [F] dans la hiérarchie au sein de l’association.
Il produit notamment :
un rapport d’enquête concernant les risques psycho-sociaux au sein de l’établissement établi par l’inspecteur du travail le 18 juillet 2019, portant principalement sur la mise en place d’horaires de travail, mais précisant en dernière partie que « certains agissements de Mme [E] [F], directrice adjointe, à l’encontre de plusieurs de ses collègues dont Mme [V] [Y], sa remplaçante au poste de surveillante depuis le mois d’octobre 2018, m’ont été confirmés par la majorité des salariés entendus. Outre le fait que Mme [F] a pu dénigrer cette dernière auprès de certains collègues, celle-ci a changé à plusieurs reprises les plannings établis par Mme [Y] à son insu, cela ayant eu pour conséquence de mettre la nouvelle surveillante en porte-à-faux vis à vis de ses équipes. Par ailleurs, certains salariés m’ont rapporté avoir été manipulés par Mme [F] au temps où elle était surveillante par des fausses affirmations ou des menaces de sa part, ceci dans le but de les isoler en créant un climat de suspicion autour de ces personnes. Ces pratiques auraient perduré pendant plusieurs années au point de se cristalliser par la constitution de clans formés pour l’un des salariés ayant les faveurs de Mme [F] et pour l’autre de la grande majorité de leurs collègues.Cette situation est particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement de votre établissement dans la mesure où elle contribue également à l’absentéisme ainsi qu’à la désorganisation du travail » ;
une attestation de Mme [Y], recrutée en octobre 2018 par l’intermédiaire de Mme [F], précisant que si tout s’est bien passé au départ, Mme [F] et la gouvernante (Mme [Z]) traquaient en permanence ses erreurs, précisant que Mme [F] la considérait comme « annexe et omettait de lui transmettre certaines informations (plannings, récups, protocole de soins, organisation, etc) », et ce malgré plusieurs rappels du directeur demandant à Mme [F] de travailler en synergie avec Mme [Y] et dans le sens de l’équipe ;
une attestation de Mme [M], adjointe de direction au sein de l’association, précisant avoir effectué son stage aux côtés de Mme [F] du 6 mai au 14 juin 2019, et indiquant que Mme [F] et Mme [Z] se retrouvaient souvent dans son bureau pour discuter de tout et de rien quand il ne s’agissait pas de dénigrer le directeur ou Mme [Y], ce qui constituait pour elle une ambiance pesante ; qu’elle a été en outre témoin de la colère de Mme [F] à l’égard de Mme [Y] ; que Mme [F] réglait souvent des problèmes personnels sur son lieu de travail ; que Mme [F] prenait du retard dans son travail ; qu’elle a été témoin pendant plusieurs semaines de sa non motivation à travailler et que lorsqu’elle a repris le poste, elle a mis un an avec ses collègues et sans Mme [F] pour remettre l’Association à jour administrativement ;
une attestation de Mme [U], comptable au sein de l’association, précisant que lors des pauses cigarettes avec des membres du personnel, « les critiques pleuvaient sur les autres membres du personnel et de la direction » et qu’il arrivait que Mme [F] vienne voir la gouvernante qui avait son bureau un niveau de la direction et qu’elles se collaient toutes les deux derrière la porte du directeur pour écouter ce qu’il se passait ; que s’agissant de la facturation qu’elle effectuait avec Mme [F], celle-ci n’a jamais utilisé le logiciel pour la facturation des changes dont elle avait pourtant la charge ;
le courrier du 4 décembre 2019 établi par l’employeur et adressé à Mme [F] dans lequel l’association annule le licenciement du 30 septembre 2019 et réintègre Mme [F] dans la structure à compter du même jour.
Par ailleurs, l’ordonnance médicale produite par Mme [F] ne permet pas de démontrer que les conditions de son activité professionnelle sont à l’origine d’une dégradation de son état de santé.
Il résulte ainsi de tous ces développements que l’Association Les [3] justifie d’éléments objectifs extérieurs à tout comportement de harcèlement moral dont Mme [F] aurait été la victime de sorte que celui-ci n’est pas caractérisé.
Les demandes formées par Mme [F] tendant à faire constater l’existence d’un harcèlement moral qu’elle aurait subi au sein de l’association, à se voir allouer des dommages et intérêts à ce titre et à faire prononcer la nullité de son licenciement intervenu le 15 juillet 2020 ne sont donc pas fondées et doivent être rejetées.
La décision des premiers juges doit être confirmée sur ces points.
Sur la rupture du contrat de travail
A défaut de prononcer la nullité de son licenciement du 15 juillet 2020 en raison du harcèlement moral dont elle aurait fait l’objet, Mme [F] conteste subsidiairement le licenciement en ce qu’il n’aurait pas été prononcé pour un motif réel et sérieux.
En l’espèce, par lettre du 15 juillet 2020, l’ Association Les [3] a licencié Mme [F] pour faute grave.
Lorsque l’employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d’apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués doivent être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.
En outre, en application de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà du délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
En l’espèce, Mme [F] invoque la prescription des motifs de licenciement invoqués dans la lettre de licenciement, et précise que le licenciement prononcé le 30 septembre 2019 ayant été annulé, il ne peut interrompre la prescription du délai de 2 mois précité, de sorte que la lettre de l’inspection du travail du 18 juillet 2019 constitue un motif prescrit qui ne peut pas justifier le licenciement prononcé le 15 juillet 2020.
Mme [F] ajoute que l’employeur ne pouvait pas invoquer pour justifier le licenciement du 15 juillet 2020 les mêmes motifs que ceux servant de fondement au licenciement annulé du 30 septembre 2019. Elle précise en outre que ces griefs ne sont pas prouvés.
L’ Association Les [3] estime que les griefs sont établis à l’encontre de Mme [F] et sont suffisamment importants pour caractériser la faute grave de la salariée. Elle ajoute que si les motifs de licenciement sont identiques à ceux du licenciement prononcé le 30 septembre 2019, l’annulation de cette première sanction a pour conséquence que les faits reprochés sont réputés ne jamais avoir été sanctionnés.
En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave datée du 15 juillet 2020 est rédigée de la façon suivante :
« Les motifs de licenciement sont ceux dont vous auriez dû répondre lors de l’entretien auquel vous ne vous êtes pas présentée (sans prévenir ni justifier de cette absence) et sont donc les suivants :
Vous êtes l’auteure d’un fait de harcèlement moral à l’égard de Mme [Y] depuis son embauche et ce dernier s’est accentué davantage de mars 2019 jusqu’à votre départ en maladie non professionnelle puis maternité (remise en cause permanente de son travail/de ses capacités, dénigrements, non-respect de cette dernière, refus de collaborer avec elle).
Le rapport concernant les risques psycho-sociaux au sein de notre établissement de M. [I], Inspecteur du travail, vient étayer le premier point et ne nous laisse que trop peu de possibilités quant à votre avenir au sein de l’Association (vous ne devriez plus assumer de responsabilités hiérarchiques selon ce rapport). Ses propos m’ont donc fait sérieusement douter de votre aptitude à (co)gérer une équipe/un établissement.
A ce propos, un certain nombre de faits fautifs s’étalant sur plusieurs mois mais que j’ai pu découvrir lors de votre absence pour congé maladie non professionnelle et après mon retour de congés, le 16 août 2019 ont pu être constatés :
La facturation des changes de nos accueils temporaires et accueils de jour n’ont pas été facturés depuis des mois alors que vous en aviez la responsabilité.
Des anomalies ont été remarquées dans la rédaction des contrats de travail. A ce propos, des salariés n’ont jamais eu de rendez-vous pour la visite médicale d’embauche à la médecine du travail, cette dernière étant pourtant une obligation légale.
Des erreurs importantes ont été constatées sur les fiches d’informations de certains de nos salariés (octroi de prime indue, utilisation de la technicité cadre au lieu de la grille d’ancienneté pour un salarié non cadre…).
L’octroi à un salarié d’un aménagement d’horaires à sa convenance (droit accordé oralement par vos soins selon les dénonciations de la personne concernée pour venir plus tôt que les heures prévues et ensuite, partir plus tôt en soiré en laissant une charge de travail non négligeable à sa collègue, seule).
L’octroi de la rémunération des heures supplémentaires pour certains salariés tandis que les autres doivent les prendre en récupérateur, donnant naissance à des inégalités de traitement illégales.
L’ensemble de ces faits constituent une incontestable dégradation des conditions de travail des équipes et, me concernant, des manquements dans vos fonctions d’adjoint de direction. »
S’agissant de la prescription des griefs invoqués dans cette lettre, il convient de constater que les faits de harcèlement sur la personne de Mme [Y] ont été révélés à l’employeur par le rapport de l’inspecteur du travail du 18 juillet 2019. Les autres manquements reprochés à Mme [F] sont apparus au directeur après son retour de congé, soit après le 16 août 2019, ce qui n’est pas contesté par la salariée.
Mme [F] ayant informé son employeur dès le 17 septembre 2019 de son état de grossesse, et le congé maternité de Mme [F] s’étant déroulé du 1er novembre 2019 au 30 mars 2020, la période de protection absolue attachée au statut de femme enceinte de Mme [F] s’arrêtait le 30 mars 2020 et la période de protection relative s’est achevée quant à elle le 8 juin 2020, à l’issue d’un délai de 10 semaines suivant la fin du congé maternité.
Si en l’espèce l’employeur a initié une procédure de licenciement en convoquant Mme [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 25 juin 2020, il convient de constater que jusqu’au prononcé de sa décision, il avait la capacité de choisir une sanction moins sévère qu’un licenciement pour faute grave, notamment un licenciement pour faute simple, qui n’aurait été légalement possible qu’une fois la période de protection relative achevée.
Dès lors, en ne pouvant initier une procédure de licenciement qu’à compter du 8 juin 2020 pour des faits portés à la connaissance de l’employeur pendant la période de protection relative de Mme [F] (alors qu’elle était enceinte mais antérieure à son congé maternité), il convient de constater que la procédure de licenciement initiée le 25 juin 2020, soit dans le délai de deux mois suivant la fin de la période de protection relative s’achevant le 8 juin 2020, n’est pas fondée sur des faits prescrits.
Par ailleurs, au regard de la nullité du licenciement prononcé le 30 septembre 2019 ayant pour conséquence l’anéantissement de la sanction visée par cette décision, il y a lieu de dire que les griefs visés dans la lettre de licenciement du 30 septembre 2019 et repris dans la lettre de licenciement du 15 juillet 2020 n’ont pas été valablement sanctionnés avant la décision du 15 juillet 2020.
En conséquence, l’employeur était en capacité de viser dans sa lettre de licenciement du 15 juillet 2020 les mêmes griefs que ceux objets du licenciement dont l’annulation a été décidée par l’employeur par lettre du 4 décembre 2019.
S’agissant de la réalité des faits reprochés à Mme [F], les griefs tirés de l’anomalie dans la rédaction des contrats de travail, des erreurs importantes dans les fiches d’information de certains salariés, de l’octroi à un salarié d’un aménagement d’horaires à sa convenance en laissant de ce fait seule une autre salariée, et de l’octroi de façon inéquitable de la rémunération des heures supplémentaires, ne reposent sur aucune pièce versée aux débats par l’employeur, de sorte que celui-ci n’établit pas la réalité de ces manquements.
Le défaut de facturation des changes par Mme [F] depuis plusieurs mois est en revanche confirmé par Mme [U], comptable de l’association, dans son attestation et aucun élément n’est versé aux débats permettant de remettre en cause ce témoignage, Mme [F] ne donnant aucune explication par ailleurs à ce manquement.
S’agissant du harcèlement reproché par l’Association Les [3] à Mme [F] sur la personne de Mme [Y] et des manquements relevés dans le rapport de l’inspecteur du travail concernant les risques psycho-sociaux au sein de l’établissement de l’Association Les [3], les attestations de Mme [U], [M] et [Y] précitées viennent confirmer le rapport de l’inspecteur du travail du 18 juillet 2019, ceux-ci dénonçant le comportement de Mme [F] à l’encontre de plusieurs de ses collègues (dénigrements d’autres salariés ou de membres de la direction, rétention d’informations ou modifications des plannings confectionnés par Mme [Y], à l’insu de celle-ci, engendrant sa mise en porte-à-faux à l’égard des membres de son équipe).
Ces agissements ne sont contredits par aucun élément versé aux débats, les témoignages de certains collègues de Mme [F], appréciant les qualités professionnelles de celle-ci, n’apportant pas la preuve que les comportements ainsi décrits n’étaient pas réels.
Par ailleurs, l’ambiance de travail pesante ou dégradée, soulignée par Mmes [U] et Mme [M] dans leurs attestations, est également apparue à l’inspecteur du travail qui dans son rapport souligne que le comportement de Mme [F] a contribué à la création de clans au sein du personnel, à l’absentéisme et à la désorganisation du travail.
Ces éléments constituent une violation par Mme [F] de ses obligations découlant du contrat de travail, violation suffisamment importante pour rendre impossible le maintien de la salariée au sein de l’Association Les [3], au regard de la position hiérarchique de la salariée et compte tenu du fait que ses manquements à ses obligations contractuelles ont porté atteinte au bon fonctionnement de l’association et à la santé d’autres salariés de celle-ci.
Le licenciement de Mme [F] pour faute grave prononcé le 15 juillet 2020 est donc justifié, de sorte qu’il convient de rejeter les demandes formées par Mme [F] aux fins de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’ordonner sa réintégration, de condamner l’Association Les [3] à lui payer les salaires sur la période allant du 15 juillet 2020 jusqu’à sa réintégration, outre une indemnité de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L’Association Les [3] succombant au litige, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de laisser à Mme [F] la charge des frais non compris dans les dépens engagés dans la présente procédure, de sorte qu’il convient de dire qu’il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
débouté Mme [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices de la femme enceinte ;
débouté Mme [E] [F] de sa demande de rappel de salaire lié à son statut de cadre ;
laissé à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne l’Association Les [3] à payer à Mme [E] [F] la somme de 22 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices de la femme enceinte, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne l’Association Les [3], prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [E] [F] la somme de 1 238,03 euros brut à titre de rappel de salaire lié au statut de cadre, outre 123,80 euros brut pour les congés payés afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 28 novembre 2019 ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’Association Les [3] aux dépens d’appel et de première instance.
La Greffière La Présidente
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