Droit du logiciel : 7 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03274

·

·

Droit du logiciel : 7 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03274

GLQ/KG

MINUTE N° 23/132

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 07 Février 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03274

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUHN

Décision déférée à la Cour : 25 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANT :

Monsieur [B] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. [U]

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 781 446 521

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Charles PHILIP, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A. [U] exerce une activité de fabrication de conduits de cheminées en inox. Par contrat à durée indéterminée du 05 janvier 2009, elle a embauché M. [B] [E] en qualité de responsable de région Est, position cadre.

Le 04 octobre 2017, M. [B] [E] a reçu un avertissement pour ne pas avoir suffisamment organisé de rendez-vous de clientèle au mois de juillet 2017 et pour avoir pratiqué, avec ses équipes commerciales, une politique tarifaire agressive pour le développement du produit 3CEP.

Le 12 avril 2019, l’employeur a notifié à M. [B] [E] une mise à pied disciplinaire d’une journée, reprochant au salarié son détachement vis-à-vis de son rôle, son manque de communication avec les collaborateurs dans le cadre d’une commande d’un client ainsi que des résultats commerciaux inférieurs aux attentes de l’entreprise et le fait d’avoir menti sur trois rencontres avec le directeur commercial d’un client distributeur.

Le 21 juin 2019, la S.A. [U] a convoqué M. [B] [E] à un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement fixé le 02 juillet 2019 .

Le 25 juin 2019, M. [B] [E] a demandé que l’entretien se déroule sur son lieu de travail, faisant valoir que son état de santé lui interdisait tout long déplacement.

Le 26 juin 2019, M. [B] [E] a été placé en arrêt de travail jusqu’au 09 juillet 2019.

Par courrier du 03 juillet 2019, la S.A. [U] a présenté à M. [B] [E] les faits reprochés, proposant au salarié de communiquer ses explications par retour de courrier. M. [B] [E] a répondu dans un courrier du 14 juillet 2019.

Par courrier du 26 juillet 2019, la S.A. [U] a notifié à M. [B] [E] son licenciement pour faute grave, lui reprochant d’avoir à plusieurs reprises opéré des manoeuvres pour obtenir la prise en charge et le remboursement de dépenses personnelles en les présentant comme des frais professionnels et d’avoir modifié a posteriori l’agenda mis à sa disposition.

Le 07 février 2020, M. [B] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Colmar pour demander l’annulation de l’avertissement du 04 octobre 2017, de la mise à pied disciplinaire du 12 avril 2019 et pour contester le licenciement.

Par jugement du 25 juin 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement pour faute grave, l’avertissement et la mise à pied disciplinaire étaient justifiés,

– débouté M. [B] [E] de ses demandes de dommages et intérêts,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

M. [B] [E] a interjeté appel le 16 juillet 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 08 octobre 2022, M. [B] [E] sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture du 06 avril 2022. Il demande par ailleurs à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

– dire que le licenciement pour faute grave n’est pas justifié,

– dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu’il est abusif,

– prononcer l’annulation de l’avertissement et de la mise à pied disciplinaires,

– condamner la S.A. [U] au paiement des sommes suivantes :

* 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 45 984,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 4 594,42 euros à titre d’incidence congés payés sur préavis,

* 29 429,92 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif,

* 1 000 euros à titre dommages-intérêts pour de mise à pied abusive,

* 304,04 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied pour les congés payés,

* 30,40 euros au titre d’incidence congés payés sur mise à pied,

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la S.A. [U] aux dépens,

– dire que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution venait à être réalisée par l’intervention et le ministère d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par ledit huissier en application de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996, devra être supporté par le débiteur, à titre de condamnation supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 05 octobre 2022, la S.A. [U] demande à la cour de rejeter la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et la pièce adverse n°33. Elle demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [B] [E] de ses demandes, à titre subsidiaire, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et, à titre infiniment subsidiaire, de ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportion. En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner M. [B] [E] aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 06 avril 2022. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 22 novembre 2022 et mise en délibéré au 07 février 2022.

MOTIFS

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Vu l’article 907 du code de procédure civile,

Aux termes de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En l’espèce, M. [B] [E] sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture du 06 avril 2022 pour pouvoir justifier du motif économique de son licenciement qui résulterait, selon lui, du fait que le poste qu’il occupait aurait été confié au responsable de la région Rhône-Alpes.

M. [B] [E] reconnaît toutefois que la nouvelle carte des responsables de région a été mise en ligne par la S.A. [U] au mois de novembre 2021, soit plusieurs mois avant la date de l’ordonnance de clôture. Au surplus, il ne démontre pas que cet élément serait susceptible d’avoir une incidence quelconque sur le litige dont est saisie la cour d’appel, à savoir l’appréciation du bien-fondé du licenciement pour faute grave.

Il convient donc de rejeter la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et d’écarter des débats les pièces n°33 et 34 produites par l’appelant après la date de la clôture, en application de l’article 802 du code de procédure civile.

Sur les sanctions disciplinaires

Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il résulte par ailleurs des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur l’avertissement du 04 octobre 2017

M. [B] [E] conteste l’avertissement qui lui a été notifié le 04 octobre 2017. L’employeur a motivé cette sanction par un manque d’anticipation et d’organisation du salarié lors de la venue du directeur des ventes dans la région d’exercice de M. [B] [E], reprochant au salarié de n’avoir organisé qu’un seul rendez-vous client malgré les relances qui lui ont été adressées. L’employeur reproche également à M. [B] [E] d’avoir manqué de discernement dans les consignes données aux équipes commerciales en leur demandant d’opter pour une politique commerciale très agressive sans en expliquer les conditions.

Dans un courrier du 13 octobre 2017, M. [B] [E] a contesté les griefs de l’employeur en expliquant que la tournée organisée pour la venue du directeur des ventes correspondait à une période de congés. Il résulte cependant de la lettre du 04 octobre 2017 que le directeur des ventes a demandé à deux reprises à M. [B] [E] d’organiser d’autres rendez-vous que celui qui était d’ores et déjà prévu, M. [B] [E] ne soutenant pas qu’il aurait alors répondu à ces demandes ni fait part de difficultés rencontrées pour organiser davantage de rendez-vous clients.

S’agissant de la politique tarifaire, M. [B] [E] reconnaît un dérapage de son équipe ayant fait l’objet d’un recadrage immédiat de sa part. Dès lors qu’il n’est pas contesté par le salarié que la politique tarifaire relevait de sa responsabilité, cet unique dérapage était de nature à justifier l’avertissement dont il a fait l’objet.

Le jugement du 25 juin 2021 sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] [E] de ses demandes d’annulation de cet avertissement et de dommages et intérêts pour avertissement abusif.

Sur la mise à pied notifiée le 12 avril 2019

Dans le courrier de notification de la mise à pied disciplinaire du 12 avril 2019, la S.A. [U] reproche à M. [B] [E] son manque d’implication, son manque de communication avec ses collaborateurs, l’insuffisance de ses résultats commerciaux et de fausses déclarations sur le nombre de rencontres réalisées avec un client de l’entreprise.

M. [B] [E] soutient qu’il aurait rencontré à trois reprises le directeur commercial de l’entreprise [L]. La S.A. [U] produit à ce titre un courriel de M. [T] [L] adressé le 11 avril 2019 à M. [O] [Z], directeur des ventes de la S.A. [U], dans lequel il se plaint de l’absence de réunion de travail avec le directeur régional en dehors d’une rencontre à l’occasion de la venue du directeur des ventes en 2018. Ces éléments permettent d’établir la réalité des griefs invoqués par l’employeur pour justifier la mise à pied d’une journée. Il convient donc de confirmer le jugement du 25 juin 2021 sur ce point.

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l’employeur qui invoque la faute grave d’en rapporter la preuve.

Dans la lettre de licenciement du 26 juillet 2019, l’employeur formule les griefs suivants à l’encontre du salarié :

‘ Nous vous rappelons tout d’abord que vous avez été sanctionné par le passé :

– par un avertissement en date du 4 octobre 2017 pour non-respect de consigne hiérarchique,

– par une mise à pied à titre disciplinaire le 12 avril 2019 pour manque d’implication et communication inadaptée.

Voici les faits et les réponses apportées :

Le 9 mai 2019, vous nous avez présenté une note de frais professionnels pour remboursement :

– Le 4 mars 2019, dîner pris au restaurant Les Moulins Bleus à [Localité 11] avec Monsieur [A] [D] à 19h36. Au même moment, vos relevés de carte autoroute indique un trajet A39 [Localité 5] / A31 [Localité 6] (305 kms) avec un horaire de sortie à 20h32. La note indique également 2 places de cinéma.

– Le 11 mars 2019 : dîner pris au restaurant Les Moulins Bleus à [Localité 11] avec Monsieur [P] à 19h36. Il n’y a aucun trajet autoroutier pour cette journée et ce rendez-vous n’apparaît pas dans la CRM. Il y a de nouveau deux places de cinéma.

– Le 18 mars 2019 : repas pris au restaurant Les Moulins Bleus à [Localité 11] avec Monsieur [N]. Il n’y a aucun trajet autoroutier pour cette journée et ce rendez-vous n’apparaît pas dans la CRM. Par ailleurs, vous avez effectué le trajet A39 [Localité 12] / A26 [Localité 13] (191 kms) avec un horaire de sortie à 10h56 le 19 mars 2019.

Vous nous indiquez que pour les notes du 4 et du 11 mars 2019, il s’agirait selon vous ‘d’une erreur technique’ par rapport à l’horaire indiqué sur les tickets de caisse présentés, sans pour autant nous en apporter la preuve d’une part, et sans nous expliquer comment matériellement, vous vous trouviez à deux endroits au même moment d’autre part.

De plus, il est particulièrement surprenant que vous mainteniez a priori le fait que vous ayez bien dîné le 4 mars 2019, sans pour autant nous apporter d’éléments sur l’horaire de ce dîner. Concernant les tickets de cinéma, il apparaît clairement sur le ticket de caisse que ceux-ci sont facturés à part des éléments concernant un repas, vous auriez donc dû soit les faire retirer, soit ne pas nous soumettre leurs remboursements.

Concernant vos écrits au sujet du trajet entre votre domicile ([Localité 3]) et [Localité 11], vous nous précisez que VIA MICHELIN indique le plus direct par la N57. Après vérification par nos soins, ce même site indique 3 itinéraires possibles, et préconise pour chacun de ses trois itinéraires un passage autoroutier. Les propos que vous nous avez écrits sont donc faux.

Le 13 juin 2019, vous avez validé une nouvelle demande de note de frais professionnels. Le 14 juin 2019, une assistante vous a envoyé un mail vous rappelant la nécessité de mettre à jour votre agenda. Ce n’est que le 24 juin 2019, après une nouvelle relance du 21 juin 2019, que vous avez effectué cette action :

– Le 6 mai 2019 : Dîner pris au restaurant La Voile Blanche à [Localité 8]. Nous n’avons qu’une simple copie de la facture. Il est mentionné 3 couverts. Suite à la saisie de la note de frais, la CRM fait apparaître deux lignes, la première correspondant à un repas seul et l’autre à une mission réception. Nulle part n’est indiqué l’identité des deux invités.

– Le 13 mai 2019 : Repas pris avec Monsieur [N], nous ne disposons que d’une simple copie de la facture.

Dans votre réponse, vous vous contentez d’indiquer que vous avez égaré les factures originales, et que le nom des invités figure sur les documents fournis, ce qui est de nouveau faux, et vous n’avez toujours pas pris le soin de nous préciser qui vous aviez invité et pourquoi la CRM fait apparaître deux lignes différentes qui correspondent à cette soirée du 6 mai 2019.

– Le 20 mai 2019 : Dîner pris à 19h42 au restaurant Les Moulins Bleus à [Localité 11], nous ne disposons que d’une copie de la facture. Ce même jour, vous déclarez également un dîner au Novotel de [Localité 9].

Vous vous contentez une nouvelle fois d’être évasif concernant ces points. En effet, vous nous indiquez simplement que les lignes ‘Dîner’ et ‘Dîner boissons’ ne seraient que du ‘room service’. Ceci ne nous apporte aucune explication quant au fait que vous nous ayez soumis deux notes de frais différentes pour la même prestation, à savoir deux dîners.

– Le 21 mai 2019 : Vous nous soumettez une note d’hôtel (Novotel [Localité 9]) dont nous n’avons qu’une simple copie, indiquant notamment 2 déjeuners, sans pour autant nous indiquer qu’elle était la seconde personne.

Là encore, vous nous informez avoir passé la journée du 21 mai 2019 avec trois collaborateurs de [U], sans préciser qui vous avez invité.

– Le 13 décembre 2018 : des frais de parking à la mairie du [Localité 1] . Aucun rendez-vous à [Localité 10] ne figure dans la CRM ce jour-là.

Sur ce point, vous indiquez avoir été en réunion commerciale [U] le 12 décembre 2018, précédée la veille par un repas de service, soit le 11 décembre 2018. Une fois de plus, les informations que vous nous communiquez sont fausses. En effet, la réunion s’est en fait déroulée le 11 décembre, précédée le 10 décembre 2018 par un repas de service. Vous auriez pris la route le lendemain selon vos écrits, soit le 12 décembre 2018, ce qui n’explique pas le justificatif que vous nous avez soumis pour un parking le 13 décembre 2018 de 11h25 à 11h51, soit environ 25 minutes de stationnement.

Les explications que vous nous apportez sur chaque point comportent des données erronées ou pour le moins évasives. Elles ne permettent en aucun cas de nous fournir de justifications acceptables et indiscutables.

Pis, dans votre courrier du 14 juillet 2019, et après que nous vous ayons indiqué qu’aucun rendez-vous n’était noté dans votre agenda CRM (par courrier du 3 juillet 2019) vous nous précisez que votre agenda est à jour pour les journées des 4, 11 et 18 mars 2019. Après vérification, il s’avère que vous avez positionné les rendez-vous pour ces trois jours en date du 17 juillet 2019, comme l’indique le logiciel dédié, soit environ deux semaines après que nous vous ayons fait la remarque de l’absence de ces rendez-vous, et environ quatre mois après les supposés entretiens. Vous avez donc volontairement falsifié votre agenda informatique afin de tenter une justification par rapport aux frais que vous nous avez soumis.

Vos agissements répétés vont à l’encontre de votre obligation de loyauté vis à vis de [U]. Vous avez volontairement opéré des manoeuvres afin d’obtenir la prise en charge par la société et le remboursement de dépenses personnelles, en les présentant comme des frais professionnels.

Vous avez par ailleurs mené des actions visant à fausser la réalité, en modifiant et a posteriori l’agenda mis à votre disposition.’

Pour justifier le licenciement, la S.A. [U] explique que l’intégralité des frais professionnels du salarié étaient remboursés par l’employeur, à charge pour le salarié de saisir la note de frais en complément de la validation du rendez-vous client dans l’agenda mis à disposition par l’employeur. Pour apprécier le bien-fondé du licenciement, il convient d’examiner les différentes notes de frais établies par M. [B] [E] contestées par l’employeur :

– soirée du 04 mars 2019 : la S.A. [U] justifie que, pour le 04 mars 2019, M. [B] [E] a sollicité le remboursement d’une somme de 65 euros, correspondant à deux couverts et deux places de cinéma facturés 65 euros à 19h36 dans un restaurant de [Localité 11] alors qu’au même moment, il terminait un trajet autoroutier entre l’autoroute A 39 (située à plus de 300 kilomètres de [Localité 11]) et la ville de [Localité 9] à 20h32 avant de dîner et de passer la nuit dans un hôtel à [Localité 9]. La mise à jour a posteriori de son agenda professionnel par M. [B] [E] le 17 juillet 2019 (pièce n°13) ainsi que l’attestation  établie par M. [J] [A] (pièce n°21 de l’appelant) qui déclare avoir dîner avec lui le 04 mars 2019 ne permettent pas d’expliquer l’incohérence de ces différentes notes de frais. M. [B] [E] ne démontre pas non plus que le remboursement de deux places de cinéma était justifié par son activité professionnel ou par le fait que cela lui permettait de bénéficier d’un tarif préférentiel pour le repas. Il apparaît, à la lecture du commentaire posté sur internet au sujet du restaurant en question et produit par M. [B] [E] (pièce de l’appelant n° 31) que c’est au contraire le fait de dîner dans ce restaurant qui permettait de bénéficier d’un tarif préférentiel sur les places de cinéma.

– soirée du 11 mars 2019 : la S.A. [U] reproche à M. [B] [E] d’avoir demandé le remboursement d’un repas pris à 19h36 dans le même restaurant de [Localité 11] ainsi que de deux places de cinéma alors qu’aucun rendez-vous professionnel n’était mentionné dans son agenda ce jour-là et qu’aucun trajet autoroutier n’avait été effectué. Compte tenu des incohérences déjà constatées pour les notes de frais correspondant au 04 mars 2019, la modification a posteriori de son agenda professionnel par M. [B] [E] ainsi que l’attestation établie par M. [I] [P] le 16 octobre 2019 selon laquelle il aurait dîner avec M. [B] [E] ce jour-là apparaissent peu crédibles et ne permettent pas de démontrer que les frais dont M. [B] [E] a sollicité le remboursement et qui comprenaient des places de cinéma étaient en lien avec son activité professionnelle.

– soirée du 18 mars 2019 : la S.A. [U] reproche à M. [B] [E] d’avoir sollicité le remboursement de deux repas dans le même restaurant de [Localité 11] le 18 mars 2019. L’employeur relève que ce repas ne correspondait à aucun rendez-vous sur l’agenda professionnel de M. [B] [E] et que, le lendemain, le salarié a effectué un trajet autoroutier entre [Localité 12] et [Localité 13], pour un rendez-vous professionnel fixé le 19 mars à 11 heures, trajet incohérent avec le repas pris à [Localité 11]. Dans ces conditions, la mise à jour a posteriori de son agenda professionnel effectuée par M. [B] [E] le 17 juillet 2019 (pièce n°14) et l’attestation établies par M. [R] [N] le 14 octobre 2019 apparaissent insuffisants pour démontrer la réalité des frais professionnels que le salarié déclare avoir exposés ce jour-là.

– repas du 06 mai 2019 : la S.A. [U] reproche à M. [B] [E] d’avoir enregistré le 13 juin 2019 une note de frais pour deux repas le 06 mai 2019, l’un pour un repas seul et l’autre pour un repas le soir en produisant une simple copie de la facture faisant état de trois couverts sans préciser sur sa note de frais l’identité des clients concernés alors que la mention de l’identité des invités est prévue dans la procédure de saisie des notes de frais. Si M. [B]  [E] produit une attestation de

M. [X] [K] qui déclare avoir dîner en compagnie d’un collaborateur et de M. [B] [E] le 06 mai 2019, M. [B] [E] ne conteste pas qu’il n’a pas respecté la procédure interne, ce qui a donné lieu à un rappel le 14 juin 2019 (pièce n°23 de l’intimée).

– repas du 13 mai 2019 : la S.A. [U] reproche à M. [B] [E] de ne produire qu’une copie de la facture pour ce repas et de ne pas respecter les procédures internes en ne produisant pas l’original du ticket de caisse. Cet élément est toutefois contesté par M. [B] [E] qui indique que les originaux ont été transmis à l’employeur. Ce grief n’apparaît donc pas établi.

– repas du 20 et 21 mai 2019 : la S.A. [U] justifie (pièce n°21) que M. [B] [E] a sollicité ce soir-là le remboursement d’un dîner pour deux personnes avec deux places de cinéma à [Localité 11] à 19h42 puis d’un dîner suivi d’une nuit d’hôtel à [Localité 9]. Le salarié a également sollicité le remboursement de deux déjeuners dans le même hôtel le lendemain. L’attestation établie par M. [W] ([G] et l’affirmation du salarié selon laquelle il aurait passé la journée en réunion et déjeuné avec trois collaborateurs le 21 mai 2019 ne permettent pas de démontrer que ces différents frais étaient justifiés par l’activité professionnelle du salarié.

– frais de stationnement du 13 décembre 2018 : M. [B] [E] a sollicité le remboursement de frais de stationnement à [Localité 10] le 13 novembre 2018 sans justifier que ces frais correspondaient à son activité professionnelle. Il reconnaît d’ailleurs une erreur de date.

Il résulte de ces éléments que l’employeur démontre la réalité des griefs reprochés à M. [B] [E] dans la lettre de licenciement, à l’exception du fait de ne pas avoir produit un exemplaire original de la facture correspondant au repas du 13 mai 2019. Compte tenu de la grande autonomie dont disposait M. [B] [E] dans l’organisation de son temps de travail et du devoir d’exemplarité à l’égard des collaborateurs placés sous sa responsabilité, les différents manquements imputables au salarié dans l’établissement des notes de frais apparaissent de nature à justifier le licenciement pour faute grave. Il convient en conséquence de confirmer le jugement du 25 juin 2021 en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave était justifié et en ce qu’il a débouté M. [B] [E] de toutes les demandes afférentes au licenciement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens et débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner M. [B] [E] aux dépens de l’appel. Par équité, M. [B] [E] sera en outre condamnée à payer à la S.A. [U] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

ÉCARTE des débats les pièces n°33 et 34 produites par l’appelant ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Colmar du 25 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

CONDAMNE M. [B] [E] aux dépens de la procédure d’appel ;

CONDAMNE M. [B] [E] à payer à la S.A. [U] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [B] [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 07 février 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon