Droit du logiciel : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00454

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Droit du logiciel : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00454

OM/CH

S.A.S. ROGER MARTIN représentée par son Président

C/

[B] [X]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00454 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXFN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, décision attaquée en date du 18 Mai 2021, enregistrée sous le n° 19/00505

APPELANTE :

S.A.S. ROGER MARTIN représentée par son Président

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ :

[B] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-Baptiste GAVIGNET de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [X] (le salarié) a été engagé le 12 octobre 1992 par contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur poids lourds par la société Roger Martin (l’employeur).

Il a été licencié le 6 mai 2019 pour faute grave.

Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 18 mai 2021, a dit ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes en conséquence et des dommages et intérêts après annulation d’un avertissement du 20 décembre 2018 mais a rejeté une partie des demandes.

L’employeur a interjeté appel le 14 juin 2021.

Il conclut à l’infirmation du jugement, au rejet des demandes et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande la confirmation du jugement sauf à obtenir le paiement des sommes de :

– 55 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des bulletins de paie pendant la période de préavis, l’attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail rectifié tenant compte du préavis.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 6 et 7 octobre 2022.

MOTIFS :

Sur l’avertissement du 20 décembre 2018 :

Il est reproché au salarié de s’être perdu sur le route de Merlot, le 16 novembre 2018, d’où un allongement de trajet de 100 km et de ne pas avoir respecté les temps de coupure sur ce trajet.

Le salarié indique que le camion n’était pas muni d’un GPS et qu’il ne pouvait avoir recours à son téléphone faute de batterie.

Il ajoute que si l’erreur d’itinéraire est établie, elle n’est pas fautive.

L’employeur qui doit démontrer l’existence d’une faute fondant la sanction prononcée ne produit pas la feuille de route remise au salarié pour ce trajet et rien ne permet de retenir que l’erreur de trajet est volontaire.

Cependant, il incombait au salarié de respecter les temps de pause et l’employeur produit un extrait du logiciel du véhicule (pièce n° 6) qui traduit que la coupure n’a pas été effective après 4 heures 30 de conduite.

Ce manquement justifie, à lui seul, l’avertissement prononcé.

La demande d’annulation sera donc rejetée ainsi que celle portant sur l’octroi de dommages et intérêts ce qui implique l’infirmation du jugement.

Sur l’obligation de sécurité :

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

L’article L4121-2 dispose que : « L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

Il incombe à l’employeur d’établir qu’il a exécuté cette obligation.

En l’espèce, le salarié soutient que, le 18 avril 2019, il a été amené à travailler sans que l’employeur ne lui remette un protocole de sécurité et sur un chantier n’ayant pas fait l’objet d’un document unique de sécurité. Il ajoute que les balisages entre le péage et le portail d’accès n° 1 avait été enlevé, comme le confirme M. [S] (pièce n° 3), ce qui l’a conduit à effectuer, sur autoroute, un nettoyage avec une balayeuse qui dépassait de la bande d’arrêt d’urgence, puis a effectué une marche arrière.

L’employeur répond que le salarié a effectué cette marche arrière sur l’A 39 parce qu’il avait manqué le portail d’entrée du chantier et que cette conduite dangereuse, chez un chauffeur expérimenté, en violation du plan de circulation remis, l’exonère de sa responsabilité.

Il est établi que le chantier sur lequel le salarié est intervenu n’était pas matérialisé par des cônes ou un autre balisage et l’employeur ne produit pas de protocole de sécurité ni de document unique de sécurité.

L’intervention du salarié sur autoroute, zone à très grand risque, s’est donc faite sans respect par l’employeur de son obligation de sécurité.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consistant dans une mise en danger.

Sur le licenciement :

1°) Le salarié indique que l’annulation de l’avertissement justifie que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse dès lors que la lettre de licenciement vise cet avertissement et motive ce licenciement par l’existence de cette sanction.

Dès lors que l’avertissement précité n’a pas été annulé, ce moyen devient inopérant.

2°) Il appartient à l’employeur qui s’en prévaut à l’appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié une faute grave consistant dans la marche arrière précitée, sur autoroute, alors qu’il avait déjà été sanctionné par l’avertissement du 20 décembre 2018.

Le salarié précise que M. [M], chef de chantier, lui a donné l’ordre d’effectuer le nettoyage sur l’autoroute et que ce n’est qu’après avoir effectué quelques mètres et avoir dépassé le portail d’accès n° 1 qu’il s’est rendu compte de l’absence de plots de signalisation, ce qui l’a contraint à effectuer une arche arrière pour signaler l’absence de balisage.

Il a été retenu ci-avant un manquement de l’employeur dans l’exécution de son obligation de sécurité et il ne peut reprocher au salarié une faute grave résultant pour partie de ce manquement.

Par ailleurs, au regard de la mauvaise exécution de cette obligation et du comportement du salarié lequel est la conséquence de ce manquement, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point et en ce qu’il a accordé au salarié une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et une indemnité de licenciement.

3°) Le salarié demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé à 27 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande 55 000 euros.

Au regard d’un salaire de référence de 1 766,41 euros, d’une ancienneté de 26 années entières et du barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail, lequel s’applique en l’espèce au regard de la date du licenciement, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 27 000 euros, ce qui entraîne la confirmation du jugement.

Sur les autres demandes :

1°) L’employeur remettra, sans astreinte, au salarié un bulletin de paie correspondant à la période de préavis, soit deux mois, l’attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

2°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 euros.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

– Confirme le jugement du 18 mai 2021 sauf en ce qu’il annule l’avertissement du 20 décembre 2018, en ce qu’il condamne la société Roger Martin à payer à M. [X] une somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts, en conséquence, et en ce qu’il ordonne la remise des documents légaux rectifiés ;

Statuant à nouveau sur ces chefs :

– Rejette les demandes de M. [X] en annulation de l’avertissement délivré le 20 décembre 2018 et en paiement de dommages et intérêts en conséquence de cette annulation ;

– Dit que la société Roger Martin remettra à M. [X], sans astreinte, un bulletin de paie correspondant à la période de préavis, soit deux mois, l’attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Y ajoutant :

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Roger Martin et la condamne à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros ;

– Condamne la société Roger Martin aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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