Droit du logiciel : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00098

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Droit du logiciel : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00098

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00098 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EYVR.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 27 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00029

ARRÊT DU 06 Avril 2023

APPELANT :

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

assisté par Me Gilles PEDRON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 200002

INTIMEE :

S.C.E.A. LES TROIS PAROISSES

[Adresse 1]

[Localité 3]

assistée par Me Pascal LAURENT de la SELAS AVOCONSEIL, avocat au barreau d’ANGERS – substitué par Me MABI, avocat au barreau d’ANGERS -N° du dossier 200043

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 06 Avril 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Scea Les Trois Paroisses est une société d’exploitation agricole spécialisée dans l’horticulture et la reproduction des plantes. Les co-gérants sont MM. [M], [C] et [T] [F]. Elle applique la convention collective départementale des exploitations horticoles et des pépinières du Maine et Loire et emploie plus de onze salariés.

M. [X] [Z] a été engagé par la Sca [F] Fils l’Ebeaupin représentée par M. [C] [F] dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs à compter du 6 janvier 1992 en qualité d’ouvrier qualifié. Le 27 juin 1993, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

M. [Z] a démissionné de son poste le 1er décembre 1994, puis il a été réengagé par la Sca [F] Fils l’Ebeaupin à compter du 2 janvier 1995 avec reprise de son ancienneté au 6 janvier 1992. Par avenant du 11 avril 2003, M. [Z] a été nommé contremaître. A compter du 1er janvier 2013, la Sca [F] Fils l’Ebeaupin est devenue la Scea Les Trois Paroisses.

En dernier état de la relation contractuelle, M. [Z] exerçait les fonctions de chef de culture, statut cadre de la convention collective précitée, en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute s’élevant à la somme de 2 388,86 euros pour 35 heures par semaine annualisées sur la période du 1er février de l’année N au 31 janvier de l’année N+1.

Le 28 janvier 2015, M. [Z] a été élu délégué du personnel.

Le 15 mai 2018, il a été placé en arrêt de travail. Son arrêt de travail a été régulièrement prolongé jusqu’au 21 octobre 2018.

Par avis du 23 octobre 2018, M. [Z] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Par décision du 11 décembre 2018, la Direccte a autorisé son licenciement. Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 décembre 2018, la société Les Trois Paroisses lui a notifié son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

Le 15 novembre 2018, M. [Z] a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour burn out auprès de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), laquelle lui a notifié son refus de prise en charge de sa maladie au titre des risques professionnels par courrier du 6 février 2020.

Invoquant la nullité de son licenciement M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 27 janvier 2020 pour obtenir la condamnation de la société Les Trois Paroisses, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, d’un reliquat d’indemnité de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. M. [Z] sollicitait également la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaire sur temps plein, un rappel de salaire sur les heures supplémentaires réalisées, des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, une indemnité au titre du travail dissimulé et un rappel de maintien de salaire, congés payés afférents. M. [Z] demandait enfin des dommages et intérêts au titre du préjudice lié au harcèlement moral, à la discrimination et au manquement de son employeur à son obligation de sécurité dont il s’estimait victime, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Les Trois Paroisses s’est opposée aux prétentions de M. [Z] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 27 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :

– déclaré M. [Z] recevable en sa demande de nullité du licenciement ;

– dit que le licenciement de M. [Z] pour inaptitude dans l’entreprise repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Les Trois Paroisses à payer à M. [Z] la somme de 2 456,77 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 245,68 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamné la société Les Trois Paroisses à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros en applications des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que ces sommes porteront intérêt à compter de la date de la convocation à la conciliation pour celles de nature salariale et à compter de la date du jugement pour celles de nature indemnitaire ;

– ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 30 ème jour suivant la notification du jugement, se réservant la faculté de liquider l’astreinte ;

– rappelé l’exécution provisoire de droit en application des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, fixant la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 388,86 euros ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la société Les Trois Paroisses aux dépens.

M. [Z] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 12 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.

La société Les Trois Paroisses a constitué avocat en qualité d’intimée le 16 février 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 22 octobre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé et y faisant droit :

– d’infirmer ou émender le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que son licenciement pour inaptitude dans l’entreprise repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Les Trois Paroisses à lui payer la somme de 2,456,77 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 245,68 au titre des congés payés afférents ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

Statuant à nouveau :

– le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes et en conséquence, condamner la société Les Trois Paroisses à lui verser les sommes suivantes :

– Sur l’exécution du contrat de travail :

* 6 579,84 euros à titre de rappel de salaire sur temps plein outre 657,99 euros de congés payés y afférents ;

* 9 679,69 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 1 056,74 euros de congés payés y afférents ;

* 3 800,00 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail ;

* 14 333,16 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (L.8223-1) ;

* 1 757,42 euros à titre de rappel de maintien de salaire outre 175,74 euros de congés payés y afférents ;

* 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice lié au harcèlement moral, aux conditions anormales d’emploi, à la discrimination et au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels ;

– Sur la rupture du contrat de travail :

– dire et juger que son licenciement notifié le 14 décembre 2018 produit les effets d’un licenciement nul ;

– en conséquence, condamner la société Les Trois Paroisses à lui verser les sommes de :

* 65 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

* 1 682,78 euros net à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

* 9 555,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 955,54 euros de congés payés y afférents ;

– En tout état de cause :

– condamner la société Les Trois Paroisses à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel et condamner la même aux éventuels dépens y compris ceux liés à une éventuelle procédure de recouvrement forcé ;

– dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts légaux au jour de la demande avec capitalisation à cette même date chaque année ;

– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés et des bulletins de salaire correspondant aux condamnations à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à dater du 15ème jour suivant la notification de la décision ;

– se réserver la faculté de liquider l’astreinte.

M. [Z] distingue ses prétentions au titre de l’exécution du contrat de travail et au titre de la rupture du contrat de travail.

S’agissant de l’exécution du contrat de travail, en premier lieu, il remet en cause la modulation du temps de travail appliquée au sein de l’entreprise, alléguant de l’inopposabilité de l’accord national du 23 décembre 1981 du fait de son imprécision et de l’absence d’accord d’entreprise venant valablement le compléter. Il en déduit que les règles de droit commun relatives à la durée du travail doivent s’appliquer et que par conséquent, il doit être rémunéré sur une base de 35 heures hebdomadaires sur les périodes où il a travaillé moins, et de ses heures supplémentaires sur les périodes où il a travaillé plus. Il ajoute que les durées de travail maximales journalière et hebdomadaire n’ont pas été respectées et qu’il en a subi un préjudice.

En second lieu, il se prévaut d’un défaut de réglage de la pointeuse relevé par l’inspection du travail lors de son contrôle du 19 décembre 2017 l’ayant privé du paiement de 33 heures 23 de salaire dont il demande le paiement.

En troisième, lieu, il demande le maintien de sa rémunération pendant son arrêt maladie, arguant que celui-ci résulte d’un usage qui a été dénoncé irrégulièrement, en rétorsion à son égard, et sans délai suffisant.

En quatrième lieu, il demande réparation du préjudice subi au titre de la discrimination, du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité de son employeur en ce qu’il a été soumis à une surcharge de travail engendrant la réalisation d’heures supplémentaires non comptabilisées et non rémunérées et le non-respect des durées légales de repos, à des méthodes de gestion par le stress ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail, à des reproches réitérés quant à son élection en tant que délégué du personnel, à l’impossibilité d’exercer son mandat, à des réflexions blessantes sur son état de santé et ses ‘onéreux arrêts maladie’ ainsi qu’à la dénonciation irrégulière de l’usage précité qui ne concernait que lui au sein de l’entreprise. Il affirme que le comportement de l’employeur a entraîné un syndrome d’épuisement professionnel nécessitant un suivi médical toujours en cours.

S’agissant de la rupture de son contrat de travail, M. [Z] fait valoir que les manquements de la société Les Trois Paroisses sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et de son état d’épuisement professionnel médicalement constaté ayant conduit à son inaptitude, et que partant son licenciement est nul. Il affirme qu’en présence d’une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire reste compétent dans l’hypothèse où la nullité du licenciement est sollicitée sur un autre fondement que celui de la violation du statut protecteur, ainsi que pour apprécier l’indemnisation du préjudice subi en raison des manquements de l’employeur antérieurs au licenciement et non pris en compte par l’administration.

*

La société Les Trois Paroisses, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 26 juillet 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– dire et juger M. [Z] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel ;

– l’en débouter et en conséquence :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 27 janvier 2021 en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de M. [Z] pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre du préavis à hauteur de 9 555,44 euros outre 955,54 euros d’incidence congés payés, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 65 000 euros, soit l’équivalent d’environ 30 mois de salaire brut, et de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du manquement à l’obligation de sécurité à hauteur de 20 000 euros ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé bien fondée la demande de rappel de salaire de M. [Z] et en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 2 456,77 euros, outre 245,67 euros d’incidence pour congés payés ;

Statuant à nouveau :

– dire et juger que la demande de rappel de salaire de M. [Z] est mal fondée et l’en débouter ;

– confirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande fondée sur le temps maximal de travail, de sa demande de maintien de salaire, et de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

– débouter M. [Z] de toutes ses autres demandes fins et conclusions ;

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Z] aux entiers dépens.

La Scea Les Trois Paroisses fait valoir à titre liminaire que M. [Z] a été confronté à de graves difficultés personnelles liées aux fugues et tentatives de suicide de son fils qui l’ont psychologiquement affecté et pour lesquelles elle a toujours manifesté sa compréhension et son soutien. Elle a de fait, été stupéfaite de voir que le salarié attribuait la dégradation de son état de santé à ses conditions de travail, lesquelles ont au demeurant toujours été satisfaisantes et n’ont suscité aucune plainte de sa part.

S’agissant de l’exécution du contrat de travail, la Scea Les Trois Paroisses soutient en premier lieu avoir valablement appliqué la modulation du temps de travail rappelant qu’au vu de son activité, elle fonctionne par périodes de basse et de haute saison. Elle se prévaut ainsi de l’article 10-4 de l’accord national du 23 février 1981, sécurisé par la loi du 20 août 2008 puis par la loi du 8 août 2016, et de l’accord d’entreprise de la Sca [F] Fils l’Ebeaupin du 20 novembre 2001. Elle ajoute que chaque année, le programme indicatif est affiché et transmis à la Direccte qui n’a jamais formulé d’observation à ce titre, outre le fait qu’elle suit avec précision le travail de chaque salarié afin de déterminer si des heures supplémentaires doivent être réglées en fin de période. Elle conteste dès lors, tout rappel de salaire, heures supplémentaires, dommages et intérêts pour non respect des durées journalière et hebdomadaire ainsi que tout travail dissimulé.

Elle estime en second lieu que son système de pointage est fiable, que les salariés y ont accès et peuvent le faire corriger en cas d’erreur ou d’oubli. Elle ajoute s’en être expliquée auprès de l’inspection du travail lors du contrôle du 19 décembre 2017, laquelle a considéré que sa réponse était satisfaisante et n’a pas maintenu ses injonctions. Elle considère à cet égard, ne pas avoir à communiquer le courrier que lui a adressé l’inspection du travail le 9 février 2018 dans la mesure où il contient des informations concernant d’autres salariés.

En troisième lieu, elle affirme que la dénonciation de l’usage consistant à maintenir la rémunération des cadres en arrêt de travail est régulière et valide en ce qu’elle a individuellement informé M. [Z] de celle-ci le 7 juin 2018 pour une prise d’effet le 1er juillet 2018, soit dans un délai raisonnable. Elle souligne de surcroît, qu’à compter du moment où M. [Z] a perçu directement les indemnités journalières, il a perçu une somme nette supérieure à son salaire net mensuel dans la mesure où les indemnités journalières sont exonérées de toutes cotisations sociales exceptées la CSG et la CRDS.

S’agissant de la rupture de son contrat de travail, elle soulève d’abord, l’irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement compte tenu de l’autorisation de l’inspection du travail, puis la prescription dans la mesure où M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes plus d’un an après la notification de celui-ci.

Elle conteste enfin que son inaptitude soit en lien avec un quelconque manquement de sa part, soulignant que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été rejetée par la MSA. Elle dénie tout harcèlement moral en ce que M. [Z] n’a été soumis à aucune surcharge de travail, à aucune ostracisation insidieuse ou anxiogène, ni à aucun reproche ou remarque, au contraire, quant à ses absences ou arrêts maladie. Elle affirme qu’aucun conflit n’est survenu quant à l’exercice de son mandat de délégué du personnel, soulignant que l’inspection du travail n’a pas relevé de délit d’entrave, et affirme avoir pleinement respecté son obligation de sécurité. Elle ajoute que l’ambiance était sereine au sein de l’entreprise, que M. [Z] n’a jamais formulé la moindre remarque à ce titre, et que si son état de santé s’est incontestablement dégradé, la cause s’explique davantage par ses difficultés personnelles et familiales soulignant que la date de première constatation de la maladie à l’origine de son inaptitude coïncide avec la disparition de son fils le 15 mai 2018.

MOTIVATION

Sur l’exécution du contrat de travail

1. Sur l’annualisation du temps de travail

M. [Z] prétend que le dispositif d’annualisation du temps de travail résultant de l’accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles n’a pas pu être sécurisé par la loi du 20 août 2008 et lui est inopposable en ce qu’il ne respecte pas les dispositions légales en vigueur au moment de sa signature. Il fait valoir ainsi que, contrairement aux dispositions des articles L.3122-9 à L.3122-17 dans leur rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008, cet accord ne précise ni l’indication du plafond maximal de 1 607 heures annuelles, ni les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation du temps de travail, ni le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, ni les modalités de recours au temps de travail temporaire, ni le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n’ayant pas travaillé pendant la totalité de la période, ni la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents, ni les contreparties des changements de leurs horaires de travail dans un délai inférieur à sept jours ouvrés.

Il ajoute que l’accord d’entreprise du 20 novembre 2001 dont l’intimée se prévaut n’a pas cette nature en ce qu’il émane de M. [C] [F] seul et n’a été signé que par lui, outre le fait qu’il ne concerne que la Sca [F] Fils l’Ebeaupin.

Enfin, il relève que la modulation du temps de travail lui est d’autant plus inopposable que contrairement aux dispositions de l’article 10-4 de l’accord national du 23 décembre 1981 invoquées par l’employeur, le programme indicatif d’annualisation n’a pas été soumis à la consultation des représentants des salariés dans la mesure où la société Les Trois Paroisses n’a jamais organisé de réunion des délégués du personnel, peu importe que celui-ci ait été adressé à la Direccte et n’ait pas suscité d’observation de sa part.

La société Les Trois Paroisses affirme pour sa part, que l’accord national du 23 décembre 1981 et notamment son article 10-4 permettant l’annualisation du temps de travail ne peut être remis en cause compte tenu des conditions de sécurisation des accords antérieurs au 1er janvier 2000 par les lois du 19 janvier 2000 puis du 20 août 2008. Elle soutient que l’accord du 23 décembre 1981 est conforme aux dispositions de l’article L.212-8 du code du travail en vigueur à l’époque, soulignant que l’article 12 de la loi du 8 août 2016 dispense le dispositif de modulation version loi du 19 juin 1987 ou version loi du 19 janvier 2000 d’établir le programme indicatif du temps de travail.

Elle ajoute avoir conclu le 20 novembre 2001 un accord d’entreprise d’aménagement du temps de travail complétant les dispositions conventionnelles, et affirme que chaque année le programme indicatif est affiché et transmis à la Direccte qui n’a jamais fait d’observation à ce sujet. Elle soutient enfin que l’absence de consultation des représentants des salariés sur la durée du travail ne rend pas pour autant inopposable un accord de modulation.

Tous les modes d’aménagement du temps de travail dépassant le cadre de la semaine civile nécessitent le support d’un accord collectif de branche étendu ou d’un accord d’entreprise.

La loi n°2008-789 du 28 août 2008 a substitué aux modes d’aménagement existants (cycle, modulation, annualisation sous forme de JRTT) un cadre juridique unique plus souple laissant une large place à la négociation. Elle prévoit en son article 20 V que les accords d’aménagement conclus avant son entrée en vigueur peuvent continuer à s’appliquer.

La loi du 8 août 2016 permet désormais, par accord collectif, l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et pouvant aller jusqu’à 3 ans. Dans ses dispositions d’ordre public, elle fixe à 1607 heures le seuil de déclenchement des heures supplémentaires lorsque la période de référence d’organisation et de décompte du temps de travail est annuelle. L’accord collectif négocié doit notamment prévoir : la période de référence, les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail, et les conditions de prise en compte dans la rémunération des salariés, des absences, des arrivées et des départs en cours de période de référence. Cette loi prévoit enfin des dispositions supplétives.

L’article L.212-8 du code du travail dans sa version issue de la loi du 19 janvier 2000 applicable au 1er février 2000 prévoit :

‘Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 600 heures au cours de l’année. La durée moyenne est calculée sur la base de la durée légale ou de la durée conventionnelle hebdomadaire si elle est inférieure, diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l’article L. 222-1. La convention ou l’accord doit préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.

Les conventions ou accords définis par le présent article doivent respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des articles L.212-1 et L.212-7.

Les heures effectuées au-delà de la durée légale, dans les limites fixées par la convention ou l’accord, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L.212-5 et L.212-5-1 et ne s’imputent pas sur les contingents annuels d’heures supplémentaires prévus à l’article L.212-6.

Constituent des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L.212-5, L.212-5-1 et L.212-6 les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l’accord, ainsi que, à l’exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de 1 600 heures.

Les conventions et accords définis par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, ainsi que le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n’ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période.

Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d’entreprise communique au moins une fois par an au comité d’entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l’application de la modulation.

Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l’accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l’activité, précisées dans l’accord, le justifient. Des contreparties au bénéfice du salarié doivent alors être prévues dans la convention ou l’accord.

Les modifications du programme de la modulation font l’objet d’une consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

La convention et l’accord définis par le présent article fixent les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organisent, le cas échéant, l’activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l’accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents.

Les conventions et accords définis par le présent article peuvent prévoir qu’ils sont applicables aux salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire, ou à certaines catégories d’entre eux.

Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d’absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles, ainsi que les absences justifiées par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, ne peuvent faire l’objet d’une récupération par le salarié. Les absences donnant lieu à récupération doivent être décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait effectuer.’

L’article 10.4 intitulé ‘annualisation du temps de travail’ de l’accord du 23 décembre 1981 tel qu’il résulte de l’avenant n° 12 du 29 mars 2000 étendu par arrêté du 26 juillet 2000 prévoit:

‘§1.- Principe de l’annualisation

L’horaire de 35 heures peut être modulé en vue d’adapter la durée effective du travail à la nature del’activité.

L’annualisation de la durée du travail est organisée dans le cadre d’une période au maximum égale à 12 mois consécutifs au cours de laquelle les heures de modulation effectuées au-delà de 35 heures par semaine doivent être compensées par des heures de repos appelées heures de compensation.

Le nombre d’heures de modulation susceptibles d’être effectuées tous les ans est limité à 250.

Cependant, ce nombre annuel maximum d’heures de modulation peut être majoré, par convention ou accord collectif ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par accord avec le ou les délégués du personnel, dans la limite de 100 heures au maximum. Le nombre d’heures de modulation susceptibles d’être effectuées au cours d’une même semaine n’est limité que par les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles relatives à la durée maximale quotidienne et hebdomadaire. Le nombre d’heures de compensation susceptibles d’être prises au cours d’une même semaine n’est pas limité et peut donc conduire soit à une réduction de la durée journalière de travail, soit à l’attribution d’un ou de plusieurs jours de compensation. Il est précisé qu’un horaire journalier réduit ne peut être inférieur à la demi-journée, sauf cas particulier concernant notamment des salariés affectés à des travaux d’entretien, de maintenance ou de surveillance exigeant moins d’une demijournée de travail par jour, pour lesquels l’horaire de travail réduit ne peut être inférieur à deux heures.

§2.- Programmation et compte individuel de compensation

L’employeur qui met en oeuvre l’annualisation de l’horaire de travail doit établir une programmation et tenir des comptes individuels de compensation conformément aux dispositions de l’Annexe II du présent accord.

§3.- Rémunération en cas d’annualisation

La rémunération mensualisée des salariés concernés par l’annualisation est indépendante de l’horaire réel de travail et est lissée sur la base 151,67 heures par mois. En cas d’absence ne donnant pas lieu à maintien du salaire par l’employeur, la déduction à opérer sur la rémunération mensuelle lissée est fonction du nombre d’heures d’absence calculé par rapport à l’horaire programmé. La déduction est égale, par heure d’absence, à 1/151,67ème de la rémunération mensuelle lissée. Lorsque l’absence porte sur plus de 151,67 heures au titre d’un même mois, une déduction supplémentaire est effectuée sur la rémunération du mois suivant.

§4 .- Heures effectuées hors modulation

Lorsqu’il est constaté, en fin de période d’annualisation, que le nombre d’heures de modulation effectuées excède le nombre d’heures de compensation prises, les heures effectuées en trop constituent des heures hors modulation. A cet effet, l’employeur doit, lorsqu’il établit sa programmation annuelle, opter pour l’une des deux formules suivantes :

– Première formule : le nombre d’heures de modulation programmées en début de période

annuelle n’excède pas 200 heures. Dans cette hypothèse, le contingent annuel maximum

d’heures hors modulation est fixé à 150 heures. Toutefois, ce contingent est fixé à 190 heures au cours de la première période annuelle au titre de laquelle une formule d’annualisation est mise en oeuvre dans l’entreprise et à 170 heures au cours de la deuxième année.

– Deuxième formule : le nombre d’heures de modulation programmées en début de période

annuelle excède 200 heures dans la limite maximum de 250 heures ou dans la limite

maximale fixée par convention ou accord collectif. Dans cette hypothèse, le contingent annuel maximum d’heures hors modulation est fixé à 100 heures. Cependant, ce nombre annuel maximum d’heures hors modulation peut être majoré par la convention collective applicable dans la limite de 50 heures au maximum sauf dans le cas où la convention collective majore le nombre maximum de 250 heures de modulation.

Les heures hors modulation ainsi effectuées sont rémunérées avec le dernier salaire mensuel de la période, à raison de 1/151,67ème du salaire mensualisé lissé majoré de 25 %. Cependant, ces heures peuvent, en tout ou en partie, ne pas faire l’objet d’une rémunération à la fin de la période si elles sont reportées sur la période annuelle suivante sous forme de repos compensateur. Dans cette hypothèse, chaque heure reportée ouvre droit à une heure et quart de repos compensateur payé et le contingent annuel maximum de 250 heures de modulation de la période annuelle suivante sera réduit du nombre d’heures ainsi reportées.’

L’annexe II de cet accord relatives aux ‘dispositions complémentaires relatives à l’annualisation de la durée du travail’ prévoit:

‘Pour la mise en oeuvre de l’annualisation de la durée du travail prévue au chapitre 10 du présent accord, les employeurs doivent respecter les dispositions de la présente annexe.

I. Principe de l’annualisation

Dans les exploitations et entreprises agricoles relevant du champ d’application du présent accord national, la durée du travail peut être annualisée conformément aux dispositions de l’article 10.4 du présent accord, afin d’adapter la durée du travail à la nature de l’activité.

La durée hebdomadaire de travail peut être modulée dans le cadre d’une période de 12 mois consécutifs maximum.

Il est convenu d’appeler « heures de modulation » les heures de travail effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire de 35 heures et « heures de compensation » les heures de repos prises en compensation des heures de modulation et conduisant à un horaire hebdomadaire de travail inférieur à 35 heures.

II. Mise en oeuvre de l’annualisation

Tout employeur relevant du champ d’application du présent accord national peut mettre en oeuvre l’annualisation du temps de travail dans les conditions fixées au présent accord.

Avant de décider la mise en oeuvre de l’annualisation, l’employeur doit consulter le comité

d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel s’ils existent.

En tout état de cause, la décision prise doit être portée à la connaissance du personnel par voie d’affichage un mois avant le début de la période d’annualisation.

Si, au titre d’une période d’annualisation ultérieure, l’employeur décide d’opter pour une autre formule ou d’y renoncer, le personnel est consulté et informé dans les mêmes formes et délais.

L’annualisation doit s’appliquer à l’horaire de travail d’une collectivité de salariés précisément définie et soumise à un même horaire de travail quelle que soit la nature ou la durée des contrats de travail (salariés d’une entreprise, d’un établissement, d’un atelier, d’un service, d’une équipe ‘) étant entendu que plusieurs formules de modulation peuvent coexister au sein de la même entreprise.

III. Programmation indicative de l’annualisation

Avant le début de la période d’annualisation, l’employeur établit pour la collectivité de salariés concernés un programme indiquant l’horaire indicatif correspondant aux travaux à réaliser pendant la période considérée. Ce programme peut être modifié en cours d’annualisation.

Ce programme doit préciser les points suivants :

o la formule d’annualisation choisie par référence à l’article §4 de l’article 10.4 du

présent accord,

o la collectivité de salariés concernés,

o la période annualisation retenue, qui ne peut être supérieure à 12 mois consécutifs,

o les périodes de grande activité, pendant lesquelles l’horaire de travail est supérieur à la durée hebdomadaire de 35 heures,

o les périodes d’activité réduite ou nulle, pendant lesquelles l’horaire de travail est inférieur à la durée hebdomadaire de 35 heures, voire nulle, étant précisé qu’un horaire journalier réduit ne peut être inférieur à la demi-journée, sauf cas particuliers concernant notamment des salariés affectés à des travaux d’entretien, de maintenance ou de surveillance exigeant moins d’une demijournée de travail par jour, pour lesquels l’horaire de travail réduit ne peut être inférieur à deux heures.

o les périodes pendant lesquelles l’horaire est égal à la durée hebdomadaire de 35 heures,

o l’horaire indicatif correspondant à chacune de ces périodes.

Le programme indicatif d’annualisation est soumis à la consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent et est porté à la connaissance du personnel par voie d’affichage au moins une semaine à l’avance. Un exemplaire du document affiché est transmis à l’inspecteur du travail.

IV. Modification du programme d’annualisation

En cas de modification du programme en cours de période d’annualisation, l’employeur devra préciser si cette modification est susceptible d’être compensée ou non avant la fin de la période d’annualisation : (…)

Le projet de modification du programme annualisation est soumis à la consultation du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel s’ils existent et est porté à la connaissance du personnel par voie d’affichage au moins une semaine à l’avance, sauf cas de force majeure, notamment imprévus de production ou commerciaux et en cas de survenance de circonstances justifiant la réduction de l’horaire ou l’interruption collective du travail, lorsque les heures ainsi perdues sont susceptibles d’être récupérées ou de faire l’objet d’une demande d’admission au titre du chômage partiel. Une copie du document affiché est transmise à l’inspecteur du travail.

Il est précisé que lorsque, un ou plusieurs salariés sont conduits à travailler exceptionnellement selon un horaire différent de l’horaire programmé, il ne s’agit pas d’une modification du programme applicable à la collectivité des salariés concernés par l’annualisation. La procédure prévue à l’alinéa précédent n’est donc pas applicable.

V. Compte individuel de compensation

L’employeur doit pour chaque salarié concerné par l’annualisation de la durée du travail tenir un compte individuel de compensation sur lequel l’employeur enregistre :

– l’horaire programmé pour la semaine,

– le nombre d’heures de travail réellement effectuées par les salariés au cours de la semaine,

– le nombre d’heures correspondant à des absences indemnisées ou non indemnisées

programmées ou non programmées.

L’état du compte individuel de compensation est retranscrit tous les mois sur le bulletin de paie ou un document annexé au bulletin de paie.

En fin de période d’annualisation, ou à la date de la rupture du contrat de travail intervenue en cours de période d’annualisation, l’employeur clôt le compte individuel de compensation et remet à chaque salarié concerné un document récapitulant l’ensemble de ses droits.

S’il apparaît en fin de période d’annualisation ou à la date de la rupture du contrat de travail, que le nombre d’heures de « modulation » effectuées est supérieur au nombre d’heures de

« compensation » prises, il s’agit d’heures hors modulation qui seront rémunérées selon les

dispositions prévues à l’article 10.4 du présent accord.

S’il apparaît, au contraire que le nombre d’heures de « compensation » prises est supérieur au nombre d’heures de « modulation » effectuées, la rémunération versée au salarié lui reste acquise sauf dans deux cas :

– les heures perdues correspondent à des heures perdues au titre du chômage partiel, auquel cas elles doivent être indemnisées comme telles ;

– l’excès d’heures de « compensation » prises est constaté à l’occasion de la rupture du contrat de travail en cours de période d’annualisation pour un motif autre que le licenciement pour motif économique, auquel cas le salarié devra restituer la rémunération perçue au titre de ces heures. Le montant à restituer est déduit de la dernière paie.

VI. Annualisation et chômage partiel

En cas de survenance de circonstances rendant impossible le respect de l’horaire programmé, l’employeur peut modifier le programme sans respecter la procédure prévue à l’alinéa précédent, en vue de réduire immédiatement l’horaire de travail.

Dans cette hypothèse, l’employeur informe sans délai l’inspecteur du travail des circonstances justifiant la réduction d’horaire et s’il apparaît, à la fin de la période d’annualisation, que le nombre d’heures de travail ainsi perdues n’a pas pu être compensé par des heures de modulation, l’indemnisation au titre du chômage partiel peut être sollicitée. Cependant, l’admission au chômage partiel pourra être sollicitée immédiatement au cas où l’horaire hebdomadaire en deçà de la limite inférieure fixée par le programme indicatif.’

En l’espèce, il sera observé à titre liminaire que :

– il est sans objet de vérifier si l’accord collectif du 23 décembre 1981 dans sa version initiale est conforme aux dispositions légales en vigueur à l’époque, dans la mesure où il a été modifié en considération de la loi du 19 janvier 2000 applicable au 1er février 2000, et où le litige porte sur la période 2015 /2018 ;

– cet accord collectif dans sa version une nouvelle fois modifiée le 1er octobre 2019 communiquée par l’employeur, est inapplicable à l’espèce compte tenu du licenciement de M. [Z] intervenu le 14 décembre 2018 ;

– l’accord dit ‘d’entreprise’ signé le 20 novembre 2001 par M. [C] [F] seul, ne saurait avoir cette nature dans la mesure où il résulte d’une décision unilatérale de l’employeur, au demeurant la Sca [F] Fils L’Ebeaupin, et non d’une négociation au sein de l’entreprise.

Il ressort de l’accord collectif dans sa version applicable à la cause, qu’il ‘a notamment pour vocation de réduire le temps de travail dans le but de développer l’emploi salarié en agriculture ou le cas échéant de le préserver’ (article 2.1). Contrairement aux affirmations de M. [Z], il prévoit les modalités d’établissement du programme indicatif de modulation du temps de travail ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents. Il évoque la situation des salariés n’ayant pas travaillé pendant l’intégralité de la période de modulation, notamment ceux dont le contrat de travail est rompu, et prévoit que l’annualisation doit s’appliquer à l’horaire de travail d’une collectivité de salariés précisément définie et soumise à un même horaire de travail quelle que soit la nature ou la durée des contrats de travail.

S’il ne prévoit effectivement, ni les modalités de recours au temps de travail temporaire, ni les contreparties des changements d’horaires de travail dans un délai inférieur à sept jours ouvrés, ces éléments ne sauraient, à eux seuls, être suffisants pour considérer que cet accord n’a pas été sécurisé par l’article 20 V de la loi du 20 août 2008 et est inopposable à l’ensemble des salariés, étant précisé que [Z] n’établit ni n’allègue avoir subi un préjudice du fait de ces carences.

Il sera ajouté que la loi du 8 août 2016 n’exige pas la mention expresse dans l’accord collectif du plafond maximal de 1607 heures (article L.3121-41 du code du travail), lequel est indiqué comme constituant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Enfin, le défaut de consultation des délégués du personnel sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre de leurs missions, qui peut être sanctionné selon les règles régissant leur fonctionnement, n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société, étant précisé que la société Les Trois Paroisses démontre que chaque année, elle établit le programme indicatif et le transmet à la Direccte, laquelle n’a jamais formulé d’observation à ce titre.

Par conséquent, le moyen de M. [Z] selon lequel l’accord collectif du 23 décembre 1981 modifié lui est inopposable est rejeté, étant observé qu’en tout état de cause, l’irrégularité d’un accord de modulation n’établit pas à lui seul l’accomplissement d’heures supplémentaires.

2. Sur les rappels de salaire au titre d’un temps plein, du temps de travail déduit du logiciel d’enregistrement et des heures supplémentaires

M. [Z] fait d’abord valoir que les règles de droit commun relatives au temps de travail lui sont applicables dès lors le dispositif d’annualisation du temps de travail lui est inopposable et qu’il doit être rémunéré sur un temps plein pendant les périodes où il a travaillé moins de 35 heures hebdomadaires.

Il s’appuie en outre sur les ‘états de prépaye’ de la société Les Trois Paroisses, ajoutant que l’inspection du travail a relevé ‘plusieurs points de non-respect de la réglementation du code du travail’ suite à un contrôle réalisé au sein de la société Les Trois Paroisses en décembre 2017 et notamment la modification automatique par le logiciel de pointage au quart d’heure suivant lors des heures d’arrivées (matin et midi) et au quart d’heure précédant pour les heures de départ (midi et soir) laquelle entraîne une perte de temps de travail pour les salariés dont 33heures23 pour lui-même.

La société Les Trois Paroisses se prévaut d’abord de l’applicabilité à M. [Z] de l’accord de modulation précité. Elle assure qu’il ne peut prétendre à aucun rappel de salaire pour les heures de compensation soulignant qu’il a été rémunéré comme s’il avait réalisé 35 heures de travail hebdomadaires.

Elle soutient ensuite qu’elle suivait le temps de travail de ses salariés grâce à ‘l’état de prépayes’ afin de déterminer si des heures supplémentaires devaient leur être rémunérées à la fin de chaque période, précisant que ce contrôle du temps de travail permet un suivi précis des heures réalisées par les salariés, des écarts existants entre le planning initial et les heures dues à la fin de la période d’annualisation.

Concernant les allégations sur le défaut de pointage, elle fait observer que ses explications fournies à la Direccte ont été jugées satisfaisantes dès lors que l’autorité administrative n’a pas maintenu ses injonctions.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectué, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences ainsi rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes de rappel de salaire de M. [Z] portent sur une période de 3 ans précédant la rupture de son contrat de travail, soit du 14 décembre 2015 au 14 décembre 2018. Dès lors, elles ne sont pas prescrites.

Il ressort des plannings d’annualisation indicatifs communiqués à la Direccte par la société Les Trois Paroisses et dont elle affirme sans être contredite qu’ils ont été affichés dans l’entreprise, que la période de référence s’étend du 1er février de l’année N au 31 janvier de l’année N+1. Les périodes basses et hautes varient d’année en année, étant précisé que les mois de novembre à février sont invariablement en période basse, et ceux d’avril à juin invariablement en période haute. Le contingent total des heures prévues n’excède pas 1 607 heures par an.

– Sur le rappel de salaire à temps plein

S’agissant du rappel de salaire sur la base d’un temps plein lors des périodes où M. [Z] n’a pas travaillé 35 heures par semaine, il résulte de ses bulletins de salaire des années 2015, 2016, 2017 et 2018, qu’il a toujours été rémunéré sur la base de 151,67 heures mensuelles, quelle que soit la période de modulation, y compris en basse saison, sa rémunération étant lissée sur l’année conformément à l’accord précité. Dès lors et en tout état de cause, cette demande doit être rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

– Sur le rappel de salaire au titre du temps de travail déduit du logiciel d’enregistrement et des heures supplémentaires

Aux termes de l’article L.3121-41 alinéa 3 du code du travail, si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1 607 heures.

Il résulte des états de prépaye issus de la pointeuse de l’établissement communiqués par M. [Z], mais aussi par l’employeur que :

– sur la période du 1er février 2015 au 31 janvier 2016, M. [Z] a réalisé 1 290 heures 45 ;

– sur la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2017, il a réalisé 1 104 heures 45 ;

– sur la période du 1er février 2017 au 31 janvier 2018, il a réalisé 1 363 heures ;

– du 1er février 2018 au 14 décembre 2018, il a réalisé 540 heures 15 sur les 1 599 heures prévues sur cette période.

Par ailleurs, M. [Z] communique un courrier de la Direccte du 14 février 2020 mentionnant que suite à son contrôle du 19 décembre 2017, elle a constaté un écart de 33 heures 23 entre les heures de pointage réel et les heures mentionnées sur ses états de prépaye, du fait d’une modification automatique au quart d’heure suivant lors des arrivées (matin et midi) et au quart d’heure précédent lors des départs (midi et soir). Ces anomalies ont été relevées sur les semaines 7 à 42 de l’année 2017, soit du 20 février au 22 octobre 2017. Elles doivent dès lors être rajoutées au contingent de la période de référence du 1er février 2017 au 31 janvier 2018, ce qui porte le nombre d’heures réalisées par M. [Z] sur cette période à 1 396 heures 23.

Il apparaît ainsi que sur aucune des périodes de référence, M [Z] n’a dépassé le seuil de 1 607 heures. Par conséquent, il convient de considérer qu’il n’apporte pas d’éléments suffisamment précis pour étayer sa demande d’heures supplémentaires qui sera par conséquent rejetée, y compris celle au titre des 33 heures 23 réintégrées qui n’ont pas pour effet de dépasser le seuil de 1 607 heures sur la période concernée, étant rappelé que sa rémunération est indépendante du temps de travail réalisé mensuellement dans la mesure où elle est lissée sur l’année. Ces 33 heures 23 ne peuvent de ce fait être considérées comme des heures supplémentaires hors modulation et rémunérées en sus.

M. [Z] doit donc être débouté de sa demande d’heures supplémentaires et le jugement infirmé en ce qu’il a condamné la société Les Trois Paroisses au paiement de la somme de 2 456,77 euros au titre des heures supplémentaires et de 245,67 euros au titre des congés payés afférents .

3. Sur les dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail

M. [Z] affirme avoir dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail en travaillant plus de 48 heures les semaines 16, 17, 20, 21 et 25 de l’année 2015, les semaines 15, 20 et 22 de l’année 2017 et la semaine 16 de l’année 2018, et avoir dépassé la durée maximale quotidienne les 10, 13 et 27 avril 2015, les 6 et12 mai 2015, les 15 et 17 juin 2015, les 11, 22 et 31 mai 2017, et les 6 et 8 juin 2017.

Il soutient que les dérogations accordées par la Direccte à la législation sur la durée maximale de travail journalière et hebdomadaire invoquée par la société Les Trois Paroisses ne concernent pas les dépassements réalisés en 2015 ni ceux effectués les semaines 20 et 22 de l’année 2017.

La Scea Les Trois Paroisses affirme que la dérogation aux durées maximales de temps de travail est permise dans le secteur horticole, et qu’elle en sollicitait l’autorisation chaque année auprès de la Direccte.

L’accord de modulation du 23 février 1981 modifié prévoit que ‘le nombre d’heures de modulation susceptibles d’être effectuées au cours d’une même semaine n’est limité que par les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles relatives à la durée maximale quotidienne et hebdomadaire’.

Aux termes de l’article L.3121-20 du code du travail, au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures.

L’article L.3121-21 précise qu’en cas de circonstance exceptionnelle et pour la durée de celle-ci, le dépassement de la durée de 48 heures peut être autorisé par l’autorité administrative sans que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de 60 heures.

Par ailleurs, l’article L.3121-18 prévoit que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder 10 heures, sauf dérogation accordée par l’inspection du travail.

Ces dispositions sont d’ordre public.

En l’espèce, il apparaît que M. [Z] à travaillé plus de 48 heures lors des semaines dont il se prévaut. La société Les Trois Paroisses justifie d’une dérogation autorisée par l’inspection du travail jusqu’à 60 heures pour les seules semaines 15 et 20 de l’année 2017, et pour la semaine 16 de l’année 2018, étant toutefois précisé que sur aucune semaine, M. [Z] n’a travaillé plus de 60 heures.

Par ailleurs, il ressort des états de prépaye que les 10, 13 et 27 avril 2015, les 6 et12 mai 2015, les 15 et 17 juin 2015, les 11, 22 et 31 mai 2017, et les 6 et 8 juin 2017, il a travaillé plus de dix heures alors qu’aucune dérogation n’a été accordée par l’inspection du travail.

Il en a nécessairement subi un préjudice que la cour évalue à la somme de 500 euros qui lui sera attribuée à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4. Sur le travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que, de manière intentionnelle, l’employeur s’est :

– soit soustrait à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche,

– soit soustrait à la délivrance d’un bulletin de paie, ou d’avoir mentionné sur ce dernier un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué,

– soit soustrait aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement.

En application des dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, aucune dissimulation d’emploi n’étant caractérisée, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de ce chef.

5. Sur le maintien du salaire pendant l’arrêt maladie

M. [Z] expose qu’il existait, au sein de la société Les Trois Paroisses, un usage prévoyant le maintien du salaire des cadres en cas d’absence pour maladie ou accident. Il assure que la dénonciation de cet usage est intervenue en mesure de rétorsion à la transmission tardive de son arrêt de travail du 15 mai 2018 remis à l’employeur le 24 mai 2018 alors que ce dernier en était pleinement informé. Il affirme ensuite que la dénonciation à effet dans un délai de 3 semaines, selon lui insuffisant, est irrégulière, ajoutant qu’elle n’a pas été notifiée pour information aux délégués du personnel. Dans ces conditions, M. [Z] indique qu’il est en droit de solliciter un rappel de salaire correspondant au maintien du salaire dont il a été injustement privé.

La société Les Trois Paroisses indique qu’elle maintenait le salaire des salariés cadres en arrêt de travail à titre d’usage qu’elle a dénoncé à compter du 1er juillet 2018, alléguant qu’elle a procédé ainsi afin d’appliquer un régime identique à tous les salariés dans la mesure où les salariés non-cadres n’en bénéficiaient pas. Elle fait observer qu’elle a informé M. [Z] de la dénonciation de cet usage le 7 juin 2018 soulignant qu’elle a alors respecté un délai raisonnable. Elle ajoute que la cessation de cet usage ne lui est pas défavorable, alléguant que dès qu’elle a mis fin à la subrogation et qu’il a perçu directement les indemnités journalières, sa rémunération nette s’en est trouvée supérieure, celles-ci étant exonérées de cotisations sociales excepté la CSG et la CRDS.

Pour que l’employeur puisse valablement dénoncer un usage, il doit informer les institutions représentatives du personnel, puis informer individuellement chaque salarié, et enfin respecter un délai de prévenance suffisant. Ces trois conditions sont cumulatives. C’est à l’employeur qui soutient que l’usage n’est plus en vigueur de rapporter la preuve de ce qu’il a respecté ces exigences.

L’absence de dénonciation aux délégués du personnel rend la dénonciation de l’usage irrégulière.

La durée minimale du délai de prévenance n’est fixée par aucun texte et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

La dénonciation d’un usage n’a pas en principe à être motivée mais elle ne doit pas être fondée sur un motif illicite et constituer une mesure de rétorsion.

En l’espèce, l’arrêt de travail de M. [Z] date du 15 mai 2018 et il a été reçu par l’employeur le 24 mai 2018.

Or, il résulte des textos échangés entre le 18 et le 22 mai 2018 que si M. [Z] donne des nouvelles quant aux recherches de son fils disparu le 15 mai 2018, puis quant à sa découverte à [Localité 5] où il indique se rendre, il ne fait pas état d’un arrêt de travail. Il en résulte également, que loin de se formaliser de l’absence de l’intéressé alors même qu’il ignorait l’existence d’un arrêt de travail, l’employeur lui apporte au contraire son soutien dans cette épreuve. De surcroît, la société Les Trois Paroisses avance sans être contredite qu’elle ne l’appliquait pas à ses salariés non-cadres et souhaitait uniformiser le régime de tous ses salariés. Dès lors, il n’est pas établi que la dénonciation de cet usage a été prise par mesure de rétorsion.

Néanmoins, la société Les Trois Paroisses ne justifie pas avoir informé les délégués du personnel de la dénonciation de cet usage, aucune réunion n’ayant été organisée à cet effet. C’est en sa qualité de salarié que M. [Z] en été informé le 7 juin 2018 avec prise d’effet le 1er juillet 2018.

Dès lors et de ce seul fait, la dénonciation de cet usage est irrégulière, et M. [Z] doit pour voir bénéficier du maintien de son salaire par la société Les Trois Paroisses pendant son arrêt maladie.

Il ressort des bulletins de salaire de M. [Z] que son salaire brut total sur la base de 151,67 heures est composé d’un salaire de base de 2 232,58 euros et d’une prime d’ancienneté de 156,28 euros, soit un total de 2 388,86 euros brut correspondant à 1 688,44 euros net, notamment en mars et avril 2018 avant son arrêt maladie.

La société Les Trois Paroisses a mis fin à compter du 1er juillet 2018 à la subrogation qu’elle pratiquait antérieurement.

M. [Z] justifie avoir perçu au titre des indemnités journalières directement versées par la MSA les sommes de 1 802,83 euros net pour le mois de juillet 2018, et de 1 787,87 euros net pour le mois d’août 2018, soit des sommes supérieures à son salaire net mensuel dans la mesure où les indemnités journalières sont calculées quotidiennement et soumises aux seules CSG et CRDS. Il ne justifie pas du paiement des indemnités journalières perçues pour les mois suivants.

Le montant mensuel des indemnités journalières étant supérieur à son salaire, M. [Z] doit être débouté de ce chef, et le jugement confirmé par substitution de motif.

6. Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral, de la discrimination et de la violation par l’employeur de son obligation de prévention

M. [Z] critique la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas retenu l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé ou de ses activités syndicale, d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, lesquels constituent selon lui, un véritable acharnement ayant provoqué un syndrome d’épuisement professionnel, et conduit à son inaptitude médicalement constatée.

A cet égard, il se prévaut de l’application de l’accord d’annualisation du temps de travail pourtant inopposable et illicite et du non-respect des droits au repos auxquels il pouvait prétendre, ainsi que d’une surcharge de travail liée à l’attribution de tâches multiples, complexes et irréalisables dans le temps imparti engendrant la réalisation d’heures supplémentaires non comptabilisées et non rémunérées. Il ajoute que la société Les Trois Paroisses ne se préoccupe pas des risques psychosociaux, qu’elle ne justifie d’aucune mesure de prévention à ce titre, qu’il s’est vu imposer des heures extensibles en violation des règles applicables pour répondre aux besoins de l’activité compte tenu d’une politique de sous-effectif sciemment maintenue, et qu’il a été soumis à des pratiques de gestion par le stress mises en place de manière délibérée et généralisée. A titre d’exemple, il fait état d’un malaise dont il a été victime sur le lieu de travail en juillet 2016, affirmant que son employeur s’est contenté d’appeler une ambulance et sa famille avant de quitter les lieux en le laissant seul, inanimé, sur le parking.

Il allègue ensuite avoir subi les reproches réitérés de son employeur quant à son élection en tant que délégué du personnel, de l’impossibilité d’exercer son mandat, de nombreuses remarques afférentes à ses ‘onéreuses périodes d’arrêt maladie’, de réflexions blessantes sur son état de santé, ainsi que la dénonciation, par mesure de rétorsion, des usages applicables dans l’entreprise.

La société Les Trois Paroisses conteste tout comportement discriminatoire ou harcelant et tout manquement à son obligation de sécurité.

Elle observe d’abord que plus de six mois se sont écoulés entre la dénonciation de tels faits et la première consultation de M. [Z] auprès de son conseil, qu’il sollicitait initialement par courrier du 11 juillet 2019, un rappel de salaire qualifié de ‘petit litige’ sans faire référence à des faits de harcèlement moral ou à tout autre manquement, et qu’il n’a jamais fait état de quoique ce soit auprès de la Direccte lorsque celle-ci a autorisé son licenciement. Elle affirme que son refus de payer ces salaires a déclenché le présent litige lequel a été monté de toutes pièces, et que M. [Z] n’allègue de faits de harcèlement moral que pour pallier la prescription applicable et bénéficier du régime de prescription plus favorable de 5 ans dans la mesure où il a saisi le conseil de prud’hommes plus d’un an après la rupture de son contrat de travail.

La société Les Trois Paroisses soutient ensuite que les difficultés de santé décrites par M. [Z] reposent en réalité, sur des causes étrangères à ses conditions de travail, notamment la maladie psychologique de son fils, ses tentatives de suicides et ses disparitions réitérées lors desquelles elle ne lui a fait aucune remarque quant à ses absences, et lui a de surcroît apporté toute sa compréhension et son soutien. Elle ajoute que le médecin du travail, rencontré à plusieurs reprises pendant la carrière du salarié, ne lui a jamais adressé de recommandations quant à un prétendu harcèlement moral à son encontre, qu’il a écarté l’origine professionnelle de son inaptitude, et que la MSA a également refusé prendre en charge sa maladie au titre d’une maladie professionnelle dont la date de première constatation coïncide précisément avec la disparition de son fils le 15 mai 2018.

S’agissant des faits invoqués, elle conteste d’abord toute surcharge de travail, soutenant que les missions incombant à M. [Z] relevaient de son poste chef de culture, qu’elles étaient réalisables dans le temps imparti, qu’il a toujours bénéficié de repos quand c’était nécessaire, qu’elle surveillait la charge de travail de ses équipes notamment en période haute, et que M. [Z] refusait de remplir les feuilles de dépassement d’heures mises à la disposition des salariés, lesquelles permettaient de vérifier dans cette hypothèse, le motif du dépassement de l’horaire prévu au planning indicatif. Enfin, elle affirme que les départs de salariés ont été compensés par de nombreux recrutements.

Elle ajoute qu’elle veillait de manière régulière à la qualité des conditions de travail des salariés, que l’étude des risques psychosociaux par la médecine du travail a permis de conclure à une bonne satisfaction du travail, à un faible ressenti de stress professionnel ainsi qu’à une bonne relation entre le personnel et la hiérarchie, que les salariés rencontraient régulièrement le médecin du travail dans le cadre de visites périodiques ou de visites de reprise, lequel ne lui a jamais fait de remarque quant à une surcharge de travail ou un management par la pression. Elle poursuit en indiquant qu’elle suivait systématiquement les préconisations du médecin du travail en cas d’aménagement de poste, et que le document unique d’évaluation des risques était mis à jour tous les ans. Enfin, elle fait observer qu’elle investissait régulièrement dans de nouveaux équipements afin de diminuer les contraintes physiques de ses salariés et de prévenir tout risque d’épuisement professionnel.

Elle s’inscrit en faux contre la gestion décrite par M.[Z] du malaise dont il a été victime en juillet 2016, indiquant que M. [F] était aux côtés du salarié, qu’il a immédiatement appelé les secours puis Mme [A], salariée secouriste et M. [Z], fils aîné du salarié, soulignant que son départ a eu lieu après l’arrivée de Mme [A] et de M. [Z] fils et qu’en aucun cas, elle ne l’a laissé seul.

Elle soutient par ailleurs que la suppression de l’usage concernant le maintien du salaire de M. [Z] pendant son arrêt maladie permettait une uniformisation au sein de la société dès lors que cet usage ne s’appliquait pas aux salariés non cadres, et qu’il ne s’agissait pas d’une mesure de rétorsion à son égard, soulignant de surcroît, que cette mesure ne lui était pas défavorable puisqu’il a perçu une rémunération nette plus élevée que celle qu’il aurait perçue par le mécanisme de la subrogation.

Elle conteste ensuite avoir tenu des remarques et reproches à l’encontre de M. [Z] relatifs à son temps de travail, à ses absences pour maladie, à son état de santé ou à son mandat de délégué du personnel.

A cet égard, elle affirme que M. [Z] n’exploitait pas son mandat de délégué du personnel, qu’il n’a fait aucune réclamation à ce sujet pendant l’exécution du contrat de travail, et qu’aucun conflit n’est né suite à son élection. Elle a toutefois tenu compte des remarques formulées par la Direccte suite à son contrôle du 19 décembre 2017 en mettant en place les réunions mensuelles de consultation du délégué du personnel, précisant que la Direccte n’a relevé aucun délit d’entrave et que les réunions organisées par la suite n’ont recueilli que la mention ‘RAS’ de la part de M. [Z]. Enfin, elle fait valoir que l’autorisation préalable de licenciement donnée par la Direccte permet de fait, d’exclure l’existence de toute discrimination ou harcèlement en lien avec son mandat représentatif.

M. [Z] demandant sous le même chef la réparation d’un préjudice pour des faits de discrimination, de harcèlement moral et de manquements à l’obligation de sécurité, ceux-ci seront examinés ensemble.

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

En application de l’article L.1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions de L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En vertu de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L.4161-1, par des actions d’information et de formation, et par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes et met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention définis par l’article L.4121-2.

Ainsi, il appartient à l’employeur tenu d’une obligation de moyen renforcée en matière de sécurité, d’établir qu’il a pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail destinées à garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

En l’espèce, il est établi que M. [Z] a été élu délégué du personnel titulaire le 28 janvier 2015, qu’il a été placé en arrêt de travail le 15 mai 2018 et que par avis du médecin du travail du 23 octobre 2018, il a été déclaré inapte médicalement dans l’entreprise avec la mention ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.

S’agissant des faits de discrimination et de harcèlement, il convient d’examiner en premier lieu les éléments communiqués par M. [Z].

Tout d’abord, il ne ressort pas des pièces du salarié les éléments suivants:

– qu’il ait été soumis à un stress et des pressions, Mme [N] et Mme [B] ne parlant que pour elles-mêmes aux termes de leurs attestations et pour la première de sa lettre de démission, Mme [N] évoquant un acharnement de M. [F] au regard de son propre travail, et la seconde un stress et une angoisse liés à sa peur de mal faire du fait de la surveillance permanente de ce dernier, ces deux salariées attestant du soutien et des encouragements de M. [Z] dans leur travail. Il sera au demeurant relevé que ‘la surveillance permanente’ de M. [F] est pour le moins contredite par M. [J] qui témoigne de ce que ‘[C] [F] était très peu présent’.

– qu’il ait été soumis à une surcharge de travail, le seul élément communiqué consistant en l’attestation de M. [J], lequel témoigne uniquement de l’investissement et des qualités professionnelles de M. [Z], étant précisé qu’ aucun élément ne vient corroborer la politique de sous-effectif dont ce dernier fait état. Il sera en outre rappelé qu’aucune heure supplémentaire n’a jamais été effectuée malgré la réintégration des 33 heures 23 précitées ;

– qu’il ait été victime de remarques ou de réflexions désobligeantes ou insidieuses sur quelque sujet que ce soit (état de santé, absences, ou mandat de délégué du personnel), rien ne venant corroborer ses affirmations ;

– que les secours n’aient pas été appelés lors du malaise du 18 juillet 2016, ni qu’il ait été laissé seul dans cette attente, M. [O] attestant que ‘les secours ont été appelés dans la foulée par [F] [C]’ puis que lui-même a continué à travailler et que lorsqu’il s’est rendu sur les lieux, ‘il y avait l’ambulance, Mme [Z] ainsi que son fils’.

En revanche, il ressort des pièces produites par le salarié que :

– par courrier du 26 février 1998, il a dû insister auprès de son employeur et faire intervenir l’inspection du travail pour bénéficier de la prime d’ancienneté conventionnelle qui lui était due ;

– par courrier du 12 février 2018, suite à son contrôle du 19 décembre 2017, l’inspection du travail a relevé qu’il ne bénéficiait d’aucune heure de délégation au titre de son mandat et qu’aucune réunion mensuelle n’était tenue avec l’employeur. Elle l’a par ailleurs invité à l’informer de la mise en place de ces réunions. Dans un second courrier du 14 février 2020, suite à la demande de M. [Z], l’inspection du travail lui indique avoir fait un rappel à l’employeur lors du-dit contrôle de la réglementation concernant son rôle de délégué et de l’obligation de mettre en place ces réunions. M. [Z] ne présente cependant aucun élément démontrant qu’il se serait heurté à la résistance de l’employeur à ce titre ;

– la durée hebdomadaire de travail a été dépassée les semaines 16, 17, 20, 21 et 25 de l’année 2015, la semaine 22 de l’année 2017, et la durée quotidienne les 10, 13 et 27 avril 2015, les 6 et12 mai 2015, les 15 et 17 juin 2015, les 11, 22 et 31 mai 2017, et les 6 et 8 juin 2017 ;

– le 7 juin 2018, l’employeur a dénoncé l’usage consistant à maintenir le salaire des cadres en cas d’absence pour maladie et accident ;

– par le courrier précité du 14 février 2020, l’inspection du travail lui a indiqué avoir relevé lors de la visite de l’entreprise du 19 décembre 2017, le double enregistrement des heures par la badgeuse ayant pour effet de diminuer le temps de travail des salariés dont lui-même, ces décalages de quelques minutes dans la journée conduisant après quelques jours, semaines ou mois, à de grosses différences entre les heures déclarées et les heures réellement effectuées, lui-même ayant perdu 33 heures 23 du fait du réglage de ce logiciel.

Au titre des éléments médicaux, il ressort de l’avis du médecin du travail du 13 mars 2018, lors de la visite périodique, que M. [Z] a été déclaré apte, sans aucune réserve ni observation. Le 16 novembre 2018, il a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle déclarée, selon lui, le 15 mai 2018 au titre d’un burn out et état dépressif. Cette date est celle de la disparition de son fils, lequel est source de préoccupations, encore le 5 mars 2020 où ce dernier a fait l’objet d’un avis de disparition inquiétante. La demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été rejetée par décision de la MSA du 6 février 2020 dont il n’est pas allégué qu’elle ait été contestée. Selon certificat médical de son médecin traitant du 19 mars 2020, il est suivi ‘régulièrement’ pour un état dépressif évocateur d’une dépression d’épuisement, précisant que l’ensemble des propos de M. [Z] est ‘centré sur les difficultés et tensions qu’il aurait eu avec sa hiérarchie’.

Les éléments matériellement établis, soit la résistance de l’employeur à verser la prime d’ancienneté plus de vingt ans avant l’avis d’inaptitude de M. [Z], l’absence de mise en place de réunion de délégués du personnel du fait de la négligence de la société qui n’a au demeurant donné lieu à aucun procès-verbal pour délit d’entrave suite au contrôle du 19 décembre 2017, le défaut de réglage de la pointeuse en 2017 dont les effets étaient subis par l’ensemble des salariés et qui a été sans conséquence pour M. [Z], le dépassement exceptionnel des durées de travail dont les dernières sont antérieures d’un an avant son arrêt de travail, et la dénonciation d’un usage, certes irrégulière, mais non décidée par mesure de rétorsion et une nouvelle fois sans conséquence pour M. [Z], pris dans leur ensemble ,ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral ni d’une discrimination à l’origine de la détérioration de son état de santé.

Pour justifier avoir rempli son obligation de sécurité, l’employeur verse aux débats les fiches d’établissement 2015 et 2018 établies par le médecin du travail. Il résulte notamment de la fiche d’établissement de 2015 que la satisfaction au travail était ressentie comme très bonne (85,5 / 100), le stress professionnel comme faible (12,5 / 100), le stress lié à la pression temporelle comme faible (12,2 /100), les relations entre collègues comme très bonnes (83,8 / 100), et les relations avec la hiérarchie comme très bonnes (82,7 / 100) de sorte que le médecin du travail n’a formulé aucune remarque. Il n’en a pas fait davantage en 2018, préconisant uniquement à titre préventif, une information des salariés sur le harcèlement et les discriminations.

La société Les Trois Paroisses communique en outre le registre du personnel ne mettant pas en évidence de sous-effectif, le document unique d’évaluation des risques des années 2016 à 2020, des factures d’aménagement notamment en avril 2015 d’un transpalette électrique et en août 2017 et janvier 2018 de deux tables élévatrices ainsi que l’attestation de suivi de formation de M. [Z] et sa réussite le 5 janvier 2017 au certificat individuel produits phytosanitaires.

Il apparaît ainsi que l’employeur justifie avoir mis en oeuvre les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le seul grief qui puisse lui être opposé à ce titre, mais qui est d’ores et déjà indemnisé et ne peut l’être deux fois, étant le dépassement ponctuel des durées hebdomadaire et quotidienne de travail.

Par conséquent, il y a lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Préalablement, M. [Z] rappelle que si le juge judiciaire ne peut pas se prononcer sur les questions ayant fait l’objet de la décision administrative autorisant le licenciement, il reste compétent pour apprécier l’origine professionnelle de l’inaptitude ayant entraîné le licenciement et l’indemnisation du préjudice subi en raison des manquements de l’employeur antérieurs au licenciement et non pris en compte par l’administration. Il ajoute que le juge judiciaire est compétent dans l’hypothèse où la nullité du licenciement est sollicitée sur un autre fondement que celui de la violation du statut protecteur.

Il assure alors que les manquements de la société Les Trois Paroisses et ses conditions de travail sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et de son état d’épuisement professionnel médicalement constaté.

La société Les Trois Paroisses fait valoir que la demande présentée par M. [Z] au titre de la nullité de son licenciement est irrecevable rappelant que le juge judiciaire n’est pas compétent pour apprécier la licéité du licenciement autorisé antérieurement par l’autorité administrative. Elle ajoute que l’autorisation administrative de son licenciement, en l’absence de contestation, est devenue définitive.

Elle soutient ensuite que l’action en contestation de la rupture du contrat de travail de M. [Z] est prescrite soulignant qu’il avait jusqu’au 14 décembre 2019 pour saisir le conseil prud’homal en application du délai de prescription d’un an posé par l’article L.1471-1 du code du travail, dont le point de départ court à compter de la notification de la rupture du contrat de travail.

Elle conteste enfin tout manquement de sa part, et dénie tout lien entre les conditions de travail du salarié et son inaptitude.

A titre liminaire, il sera observé que M. [Z] fonde son action sur des faits de discrimination et de harcèlement moral dont la prescription de droit commun n’était pas acquise au jour de la saisine du conseil de prud’hommes. Il est donc recevable en sa demande de voir juger que son inaptitude a été provoquée par ces manquements, quand bien même ceux-ci n’ont pas été retenus.

En l’état d’une autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement.

Dès lors, c’est à tort que les premiers juges ont d’une part déclaré M. [Z] recevable en sa demande de nullité du licenciement, et d’autre part ont retenu que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Mais si, dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude. L’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait donc pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. Le salarié est alors fondé à réclamer devant le juge judiciaire la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi, sans pour autant que le motif du licenciement, tel qu’il a été autorisé par l’autorité administrative, ne puisse être discuté devant ce juge.

Il appartient toutefois au salarié de démontrer que le manquement de l’employeur est bien à l’origine de la perte d’emploi.

En l’espèce, les faits de harcèlement moral et de discrimination ayant été écartés, il convient de reprendre séparément les éléments matériellement établis:

– la résistance de l’employeur à régler la prime d’ancienneté en 1998. Ce grief date de plus de vingt ans et ne fait plus débat depuis cette époque.

– l’absence de réunion de délégués du personnel. La société Les Trois Paroisses démontre avoir diffusé une note au personnel le 19 février 2018, soit dès le courrier de l’inspection du travail intervenu le 9 février 2018, informant les salariés de l’organisation de réunions mensuelles et de la possibilité de faire des demandes ou des remarques à cet effet auprès de M. [Z]. Elle communique ensuite les procès-verbaux de réunion des 21 février, 23 mars, 20 avril et 25 mai 2018, aux termes desquels le délégué du personnel a mentionné ‘RAS’, étant précisé que le 25 mai 2018, c’est le délégué suppléant qui a assisté à cette réunion.

– le défaut de réglage de la badgeuse en 2017. Il a été vu précédemment que ce défaut n’a pas porté préjudice à M. [Z], la société les Trois Paroisses affirmant de surcroît, sans être contredite que le réglage a été rectifié suite au contrôle de l’inspection du travail du 19 décembre 2017.

– le caractère irrégulier de la dénonciation de l’usage. Il a été vu que celui-ci ne résulte pas d’une mesure de rétorsion à l’égard de M. [Z].

– le dépassement des durées de travail. Ces manquements concernent 5 semaines en 2015 et une semaine en juin 2017, ainsi que 7 jours en 2015 et 5 jours en 2017 dont les derniers les 6 et 8 juin 2017, soit près d’un an avant l’arrêt de travail du 15 mai 2018.

Au vu des éléments médicaux précités, notamment de l’avis d’aptitude du médecin du travail du 13 mars 2018, de l’absence de lien fait par ce dernier avec les conditions de travail du salarié, du rejet par la MSA de la reconnaissance de maladie professionnelle et de la concomitance de l’arrêt de travail de M. [Z] avec des circonstances l’affectant personnellement, il n’apparaît pas que l’inaptitude du salarié déclarée le 23 octobre 2018 ait été provoquée par les manquements de l’employeur.

Par conséquent, M. [Z] doit être débouté de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail, soit de dommages et intérêts pour licenciement nul, de complément d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les documents sociaux

Aucune condamnation ne justifiant la remise de documents sociaux rectifiés, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires porteront intérêt à compter de la décision qui les ordonne.

La capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La société Les Trois Paroisses qui succombe pour partie à l’instance doit être condamnée aux dépens d’appel, et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en appel au bénéfice de M. [Z]. Il sera débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 27 janvier 2021 sauf en ce qu’il a :

– déclaré M. [Z] recevable en sa demande de nullité du licenciement ;

– dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la Scea Les Trois Paroisses à payer la somme de 2 456,77 euros au titre des heures supplémentaires et celle de 245,68 euros au titre des congés payés afférents ;

– débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour dépassement des durées hebdomadaire et quotidienne de travail ;

– ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés sous astreinte ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le juge judiciaire ne peut apprécier la validité du licenciement de M. [X] [Z] ni le caractère réel et sérieux de celui-ci ;

DECLARE M. [X] [Z] irrecevable en sa demande de nullité du licenciement ;

DEBOUTE M.[X] [Z] de sa demande de 2 456,77 euros au titre des heures supplémentaires et de 245,68 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la Scea Les Trois Paroisses à payer à M. [X] [Z] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées hebdomadaire et quotidienne de travail ;

DEBOUTE M. [X] [Z] de sa demande de remise de documents de fin de contrat et de bulletins de paie rectifiés ;

DIT que conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires porteront intérêt à compter à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

DEBOUTE la Scea Les Trois Paroisses et M. [X] [Z] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Scea Les Trois Paroisses aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché

Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

 


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