Droit du logiciel : 5 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02822

·

·

Droit du logiciel : 5 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02822

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°227

N° RG 20/02822 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QWR5

M. [H] [S]

C/

S.A.S.U. GOLFE HOTEL

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Alexandre TESSIER

– Me Emilie BELLENGER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2023

En présence de Madame [B] [O], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur [H] [S]

né le 29 Juillet 1967 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Isabelle HOUDU de la SELARL GUEGUEN AVOCATS, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La S.A.S.U. GOLFE HOTEL prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant Me Emilie BELLENGER, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Jean-Charles MORICEAU, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

M. [H] [S] a été embauché par la SASU GOLFE HOTEL dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de Directeur, statut cadre, niveau 5, échelon 2, à compter du 1er juillet 2015 ; la relation contractuelle étant régie par Convention collective des Hôtels Cafés Restaurants.

Le 9 janvier 2018, par lettre remise en main propre contre décharge, la SASU GOLFE HOTEL a convoqué M. [S] à un entretien préalable pour le 18 janvier 2018 et l’a mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2018, il a de nouveau été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, entretien fixé cette fois au 19 janvier 2018.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 25 janvier 2018, la SASU GOLFE HOTEL a notifié à M. [S] un licenciement pour faute grave.

Le 28 mai 2018, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Vannes aux fins de :

‘ Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer :

– 22.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.671 € net à titre d’indemnité de licenciement,

– 16.053 € à titre d`indemnité compensatrice de préavis,

– 1.605,30 € à titre d`indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 2,875.33 € à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire,

– 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

‘ Dire et juger la clause de forfait en jours, de nul effet et inopposable,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer :

– 69.764,03 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées ainsi qu’au titre des congés payés afférents,

– 12.520,53 € bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des congés payés afférents,

– 5.351 € au titre de sa prime pour l’année 2017,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui remettre les documents de fin de contrat modifiés en conséquence sous astreinte journalière de 150 €,

‘ Dire et juger que la SASU GOLFE HOTEL s’est livrée à du travail dissimulé,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui verser 44.040 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL aux entiers dépens et aux entiers frais d’exécution de la décision à intervenir et intérêts légaux de droit à compter de l’introduction de l’instance,

‘ Dire que les intérêts échus produiront intérêt conformément à l’article 1343-2 du code civil.

La cour est saisie d’un appel formé le 25 juin 2020 par M. [S] à l’encontre du jugement prononcé le 26 mai 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Vannes a :

‘ Dit que :

– le licenciement pour faute grave est justifié,

– les clauses de la convention de forfait en jours n’ont pas été respectées,

‘ Condamné la SASU GOLFE HOTEL à verser à M. [S] :

– 24.512,10 € brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 2.451,21 € brut à titre de congés payés sur heures supplémentaires,

– 1.500 € à titre d`indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les rappel de salaire et congés payés,

‘ Fixé à 5.351 € la moyenne de salaire,

‘ Débouté M. [S] de ses demandes autres et plus amples,

‘ Débouté la SASU GOLFE HOTEL de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Dit que les dépens seront supportés par la SASU GOLFE HOTEL.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 février 2023, suivant lesquelles M. [S] demande à la cour de :

‘ Dire et juger l’appel de M. [S] recevable et bien fondé :

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé la clause de forfait en jours, de nul effet et inopposable,

– condamné la SASU GOLFE HOTEL aux entiers dépens,

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé le licenciement pour faute grave de M. [S] fondé,

– limité le montant des heures supplémentaires et congés payés afférents,

– limité le montant de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.500 €,

– débouté M. [S] de toutes ses autres demandes à savoir :

– condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer :

– 22.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.671 € net à titre d’indemnité de licenciement,

– 16.053 € à titre d`indemnité compensatrice de préavis,

– 1.605,30 € à titre d`indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 2,875.33 € à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire,

– 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

– 69.764,03 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées ainsi qu’au titre des congés payés afférents,

– 12.520,53 € brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des congés payés afférents,

– 5.351 € à titre de dommages et intérêts pour sanction pécuniaire illicite,

– condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui remettre ses documents de fin de contrat modifiés en conséquence sous astreinte journalière de 150 €,

– dire et juger que la SASU GOLFE HOTEL s’est livrée à du travail dissimulé,

– condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui verser :

– 44.040 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SASU GOLFE HOTEL aux entiers frais d’exécution de la décision à intervenir et intérêts légaux de droit à compter de l’introduction de l’instance,

– dire que les intérêts échus produiront intérêt conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

Et statuant à nouveau,

‘ Dire et juger le licenciement de M. [S] sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer la somme de :

– 22.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.671 € net à titre d’indemnité de licenciement,

– 16.053 € brut à titre d`indemnité compensatrice de préavis,

– 1.605,30 € brut à titre d`indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 2.875,33 € brut à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire,

– 15.000 € net à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

– 69.764,03 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées ainsi qu’au titre des congés payés afférents,

– 12.520,53 € brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des congés payés afférents,

– 5.351 € à titre de dommages et intérêts pour sanction pécuniaire illicite,

– 5.351 € net à titre de dommages et intérêts pour sanction pécuniaire illicite,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui remettre ses documents de fin de contrat modifiés en conséquence sous astreinte journalière de 150 €,

‘ Dire et juger que la SASU GOLFE HOTEL s’est livrée à du travail dissimulé,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui verser 44.040 € net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

En tout état de cause,

‘ Débouter la SASU GOLFE HOTEL de l’ensemble de ses demandes,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL à lui payer 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la SASU GOLFE HOTEL aux entiers dépens et aux entiers frais d’exécution de la décision à intervenir et intérêts légaux de droit à compter de l’introduction de l’instance,

– Dire que les intérêts échus produiront intérêt conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 22 décembre 2020, suivant lesquelles la SASU GOLFE HOTEL demande à la cour de :

‘ Dire et juger que

– le licenciement de M. [S] est parfaitement justifié et repose sur une faute grave,

– les demandes de M. [S] afférentes à la validité de son forfait annuel en jours sont infondées,

En conséquence,

‘ Débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Condamner M. [S] au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner M. [S] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le forfait annuel en jours

Le conseil de prud’hommes a retenu, au visa des articles L. 3121-39 du code du travail et de l’avenant n°22 à la CCN des hôtels, cafés, restaurants (HCR), que M. [S] n’a bénéficié d’aucun entretien annuel durant ses années de travail et que sa convention de forfait en jours n’était de ce fait pas valide.

M. [S] demande la confirmation de la décision des premiers juges qui ont invalidé pour ce motif la convention de forfait en jours incluse à son contrat de travail.

L’employeur soutient que le forfait annuel en jours est dûment négocié par les partenaires sociaux de la branche et que la jurisprudence citée par la partie adverse pour invoquer une prétendue nullité de la convention de forfait est devenue obsolète compte tenu des accords de branche intervenus et qu’il ne peut lui être reproché un défaut de suivi du temps de travail de M. [S].

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l’amplitude du temps de travail.

La convention collective des HCR prévoyait un aménagement du temps de travail sous forme de forfait en jours depuis 2004, mais les dispositions de l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 relatif notamment à l’aménagement du temps de travail, se limitant à un décompte mensuel des jours travaillés, à un décompte des jours de repos pris et à prendre ainsi qu’à un contrôle du respect du repos quotidien minimal prévu par la convention collective et du repos hebdomadaire n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés, et donc à assurer la protection de leur santé et de leur sécurité.

Si les partenaires sociaux ont conclu depuis un accord de branche, le 7 octobre 2016, s’imposant aux conventions de forfait en cours d’exécution, les nouvelles dispositions conventionnelles, constituant l’avenant n°22 à la convention collective nationale HCR, ne sont applicables qu’à compter du 15 mars 2018 et ne sont pas rétroactivement applicables à la période d’exécution du 1er juillet 2015 au 25 janvier 2018 du contrat de travail de M. [S], dont la convention de forfait en jours n’est de ce fait pas valide.

En outre, en application de l’article L. 3121-39 du code du travail, l’employeur doit organiser avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année un entretien individuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

L’employeur, qui ne produit aucun compte rendu d’entretien, ne justifie pas avoir organisé un tel entretien annuel spécifique.

La convention de forfait en jours est donc inopposable à M. [S] , le jugement sera réformé à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

M. [S] revendique la somme de 69.764,03 € à titre de rappels d’heures supplémentaires sur la période de juillet 2015 à décembre 2017 ainsi que les congés payés afférents. Il explique que ses plannings détaillés de ses horaires effectifs pour cette période prouvent la réalité des heures effectuées.

La SASU GOLFE HOTEL réplique que les plannings ont été établis de manière unilatérale par le salarié et adressés directement à l’expert comptable. Elle ajoute que les horaires retenus sont inexacts et qu’une telle imprécision permet légitimement de douter du sérieux et de la véracité de ces décomptes.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [S] produit à l’appui de ses demandes :

– le mail du 22 décembre 2017 envoyé à Mme [N] [G] (XO CONSEIL) joignant des plannings de décembre 2017 et reprenant la période de juillet 2015 à décembre 2017 (pièce n° 6-1),

– ses plannings de juillet 2015 à décembre 2017 (pièce n° 6-2),

– son tableau récapitulatif du calcul des heures supplémentaires de juillet 2015 à décembre 2017 (pièce n° 6-3)

Il produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l’employeur. Il importe peu à cet égard que les plannings aient été remplis unilatéralement par M. [S], sans être soumis à son supérieur hiérarchique.

En application des règles probatoires rappelées ci dessus, il n’appartient pas à M. [S] de rapporter la preuve de ses heures supplémentaires accomplies.

L’employeur produit seulement des attestations de salariés sur l’organisation du travail et des services de M. [S] (pièces n°14, 15, 28, 29).

Si la SASU GOLFE HOTEL auquel il incombe d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, critique les éléments avancés par le salarié, elle n’en fournit aucun de nature à justifier les horaires qui, selon elle, auraient réellement été suivis par M. [S] alors qu’il lui appartient d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail.

Par conséquent, au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires, mais toutefois dans une proportion moindre que ce qu’il soutient puisqu’il apparaît des inexactitudes et imprécisions sur les plannings.

Sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [S] a effectué, entre juillet 2015 et décembre 2017, des heures supplémentaires, non payées ni récupérées, à hauteur de 26.769,17 €, outre 2.676,91 € de congés payés afférents, que l’employeur sera en conséquence condamné à lui payer, en réformation du jugement.

Ces heures supplémentaires n’ont jamais généré de dépassement du contingent annuel conventionnel de 360 heures applicable à l’établissement, de sorte que M. [S] doit être débouté de sa demande au titre du repos compensateur, en confirmation du jugement.

***

Sur le travail dissimulé

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait inopposable ou nulle, ni, en l’espèce, de la réalisation d’heures supplémentaires au regard de leur volume. M. [S], qui ne caractérise aucune intention de l’employeur de dissimuler frauduleusement du temps de travail doit être débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, par voie de confirmation du jugement.

Sur la prime bilan pour l’année 2017

M. [S] sollicite le versement de la prime bilan de 5.351 € pour l’année 2017. Il dit avoir reçu une telle prime en 2016. Il précise que dès lors qu’il ne l’a pas reçue contrairement à M. [Y], adjoint de direction et à M.[F], chef de cuisine, il s’agit d’une sanction pécuniaire interdite.

L’employeur soutient que :

– cette demande ne repose sur aucun fondement juridique,

– le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer qu’une telle somme lui était effectivement due,

– la circonstance qu’il ait perçue une prime exceptionnelle au titre de l’année 2016 n’a aucune incidence,

– il ne s’agit en aucun cas d’une sanction pécuniaire.

En l’occurrence, cette prime n’est pas mentionnée sur le contrat de travail.

Par ailleurs, le versement d’un bulletin de paye de M. [S] mentionnant une prime de bilan pour l’année 2016 n’établit pas l’existence d’un usage présentant les caractères de généralité, de constance et de fixité. La demande de M. [S] n’est pas fondée et de ce fait elle ne peut constituer une sanction pécuniaire illicite.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

L’employeur reproche au salarié les griefs suivants :

– utilisation de la carte bleue de la société le 23 décembre 2017 pour le paiement d’achats personnels pour le réveillon de Noël,

– hébergement à titre gratuit d’amis à l’hôtel, sans information ni autorisation préalable de sa hiérarchie,

– montant des ‘offerts’ trop élevés pour l’année 2017, malgré des rappels à l’ordre par le passé et des directives claires sur le sujet,

– consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail et état d’ébriété avancé le 27 décembre 2017 devant un investisseur et ses invités.

Pour infirmation à ce titre, M. [S] conteste les griefs reprochés par l’employeur dans la lettre de licenciement. Il explique notamment avoir utilisé une carte ‘Metro’ et non une carte bleue, qui lui laissait l’opportunité de prendre en charge ultérieurement ses achats. Il ajoute que le chef de cuisine M. [F] lui avait remis cette carte en connaissance de cause pour l’achat de deux dindes à titre personnel et qu’il n’a pas pu régler l’avance à cause de la mise à pied. Sur les nuitées offertes à un couple d’amis, M. [S] affirme que c’est un usage courant dans le milieu de l’hôtellerie. Le salarié soulève également la prescription des faits.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.

En l’espèce, les faits reprochés au salarié selon la lettre de licenciement datée du 25 janvier 2018 (pièce n°21 de l’employeur) sont les suivants :

‘Le 2 janvier 2018, nous avons toutefois été informés du fait que vous aviez utilisé la carte bleue de la société le 23 décembre 2017, afin d’effectuer des achats personnels pour le réveillon de Noël. Votre acte est d’autant plus grave que nous avons eu confirmation que vous n’avez, à aucun moment, informé ni votre hiérarchie, ni le service comptable, de cet usage abusif et de votre souhait de procéder spontanément à un remboursement de ladite somme. Vous avez au contraire tenté de dissimuler ce fait.

Indépendamment du volume et du montant des achats effectués, cet agissement est condamnable car il matérialise votre volonté de tirer un avantage personnel de manière infondée en usant de votre position hiérarchique et en abusant votre employeur.

Ce constat est d’autant plus vrai que nous avons parallèlement été informés que vous vous êtiez permis d’offrir quatre nuitées à plusieurs amis venant de Bourgogne, sans que vous n’ayez formulé aucune demande d’autorisation préalable auprès de votre hiérarchie. Nous avons eu la confirmation que vous n’aviez par ailleurs pas hésité à également permettre à vos amis de se restaurer au sein de la Brasserie Bleue, sans payer. Pire encore, il nous a été indiqué qu’à l’occasion de l’un de ces dîners vous vous êtes permis de tenir des propos humiliants et dégradants à l’encontre d’un membre de votre équipe, en sa présence.

Ce constat est indéniablement de nature à altérer de manière définitive la confiance que nous vous accordions, d’autant plus qu’il s’ajoute à la réitération de faits pour lesquels nous avions pourtant eu l’occasion de vous rappeler à l’ordre par le passé.

En effet, nous avons également été alertés à la fin de l’exercice 2017 sur le fait que le montant des produits ‘offerts’ était encore très élevé, voir plus important qu’au cours de l’année passée, alors même que nous vous avions rappelé à l’ordre, en 2016, sur la nécessité de cesser vos agissements.

En analysant en conséquence les différentes opérations réalisées en 2017, nous avons découvert que régulièrement, un nombre important de bouteilles (champagnes, vins) n’étaient pas typées par vos soins et donc offertes à vos connaissances. Si de telles pratiques peuvent éventuellement avoir lieu de manière très exceptionnelle, il est établi au vu des informations dont nous disposons que celles-ci étaient devenues fréquentes, voir habituelles.

Au-delà de l’impact économique de vos agissements sur les résultats financiers de l’hôtel, il est indéniable que ce comportement inapproprié et assumé auprès de vos équipes a des effets négatifs sur votre autorité et crédibilité. Il n’est en effet pas admissible qu’un manager donne de vives instructions à ses équipes pour que les ratios financiers fixés par la direction soient respectés, puis se permette parallèlement d’offrir abusivement des produits pourtant destinés à être commercialisés.

A ce comportement, s’ajoute votre rapport particulier à l’alcool qui s’avère définitivement incompatible avec vos fonctions et l’image des établissements le Golfe Hôtel et la Brasserie Bleue.

Nous avons eu la confirmation que vous n’hésitez toujours pas à consommer des boissons alcoolisées sur votre lieu de travail alors que nous vous avions également déjà rappelé à l’ordre à ce titre, notamment en juin 2017.

Il nous a ainsi été indiqué que vous avez récemment été à plusieurs reprises en état d’ébriété avancé, notamment le 27 décembre dernier alors qu’une personne ayant investi personnellement dans ces établissements était présente et accompagnée d’invités.

Ces excès intolérables, qui vous ont parfois conduit à vous attabler longuement avec des clients, à fumer dans la Brasserie et à laisser la salle dans un état innommable, sont également incompatibles avec vos fonctions et les attentes que l’on peut avoir d’un directeur d’établissement.

Une telle attitude constitue en effet un très mauvais exemple pour l’ensemble du personnel placé sous votre responsabilité et a nécessairement pour effet d’affaiblir de nouveau votre autorité et votre crédibilité.

Votre fonction vous obligeait, à l’inverse, à adopter un comportement irréprochable, tant à l’égard de la clientèle que des salariés. Cela est d’autant plus regrettable que nous vous avions par le passé mis en garde concernant nos attentes.

Nous considérons que l’ensemble de ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise’.

Sur le grief de l’utilisation de la carte Métro Réflexe pour l’achat de marchandises à des fins personnelles le 23 décembre 2017, il sera observé que M. [S] ne nie pas le fait d’avoir effectué ces achats mais prétend que son intention était de rembourser ses achats personnels lors de la transmission de la facture au service comptabilité selon la procédure mise en oeuvre dans l’établissement mais qu’il a été empêché de viser cette facture du fait de sa transmission par le chef de cuisine à la direction dès le 02 janvier 2018, avant qu’il ait pu la viser, puis de sa mise à pied à titre conservatoire à compter du 09 janvier 2018.

Toutefois, il ressort des pièces versées par l’employeur que la facture transmise à la direction pour l’informer des agissements de M. [S] était un duplicata et que par conséquent M. [S] avait accès à l’original.

Le document de process versé aux débats précise que ‘chaque facture est accompagnée du bon de livraison et du bon de commande et est visée par [H] avec un BAP, notamment et surtout celles réglées en Carte bancaire (…). Pour le 02 du mois, il faut transmettre à [R] les BL chiffrés dont vous n ‘avez pas encore les factures, afin que X0 les enregistre en FAR’.

En application de ce process non discuté, M. [S] aurait dû informer le service comptable que des achats n’étaient pas destinés au restaurant, avant sa mise à pied à titre conservatoire.

Cet agissement démontre que le salarié tirait parti de sa position de directeur à des fins personnelles et n’exécutait pas son contrat de bonne foi. Le grief est donc constitué.

Sur le grief des nuitées et repas, l’employeur reproche au salarié d’avoir offert quatre nuitées et des repas à des amis de Bourgogne du 03 au 07 novembre 2017, sans en avoir préalablement fait la demande à sa hiérarchie et en précisant que cette pratique n’était pas admise dans l’établissement. L’employeur ne justifie pas que le logiciel de réservation n’avait pas indiqué pour ce séjour qu’il était offert et surtout qu’il prohibait cette pratique au sein de l’hôtel. Dès lors, ce grief ne peut pas être retenu à l’encontre du salarié.

Sur le grief des produits offerts trop élevé pour 2017, l’employeur produit un document relatif à l’analyse des chiffres des ‘offerts’ pour la restauration indiquant que ce poste a été multiplié par deux mensuellement par rapport à l’année 2016 : 2.296 €/mois en 2017 contre 1.129 €/mois en 2016, en précisant qu’il s’agit essentiellement de bouteilles de champagne et de vin. Si M. [S] discute la nature de ce document et les montants, il n’en demeure pas moins que l’employeur produit une attestation du commissaire aux comptes certifiant la véracité des données chiffrées du document de travail relatif à l’arrêté des comptes 2017 et souligne que les données chiffrées énoncées par le salarié ne sont pas certifiées.

A juste titre, les premiers juges ont relevé alors que M. [S] devait être exemplaire dans la gestion de l’hôtel qu’au-delà de l’importance du montant ‘des offerts’, la crédibilité et l’autorité de M. [S] vis à vis du personnel s’en trouvaient entachées puisqu`il exigeait de leur part une rigueur dans les ratios de gestion, imposée par l’employeur, qu`il ne respectait pas lui-même au vu de tous.

Dès lors, ce grief est établi.

Sur le grief de la consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail et état d’ébriété avancé le 27 décembre 2017 devant un investisseur et ses invités, l’employeur produit six attestations de salariés et d’un client relatant des consommations d’alcool de la part de M. [S] sur le lieu de travail. Par ailleurs, il résulte des écritures de M. [S] qu’il ne conteste pas la consommation d’alcool sur son lieu de travail, indiquant qu’elle est inhérente à l’emploi, mais en conteste l’excès. Une telle attitude du salarié démontre qu’il n’a pas pris la mesure de ses responsabilités et que nonobstant l’existence d’un éventuel état d’ébriété le gérant d’un hôtel se doit d’avoir un comportement exemplaire qui implique de ne pas consommer d’alcool sur son lieu de travail. Il s’ensuit que le grief est matérialisé.

Ainsi au vu des éléments produits et des responsabilités du salarié dans ses fonctions, ces manquements de M. [S] sont d’une gravité telle qu’ils rendaient en fait impossible la poursuite du contrat de travail, même pour la durée du préavis et justifiaient en conséquence son licenciement pour faute grave. Le jugement sera confirmé à ce titre y compris en ce que M. [S] a été débouté de l’intégralité de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait en appel application de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau

DÉCLARE inopposable à M. [H] [S] la convention de forfait jours ;

CONDAMNE la SASU GOLFE HOTEL à verser à M. [H] [S] :

– 26.769,17 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 2.676,91 € bruts à titre de congés payés sur heures supplémentaires,

RAPPELLE qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

DÉBOUTE M. [H] [S] de ses autres demandes ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant

CONDAMNE la SASU GOLFE HOTEL à payer M. [H] [S] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SASU GOLFE HOTEL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU GOLFE HOTEL aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon