REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 05 JUIN 2023
(n°264, 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00270 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHT5Z
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2023 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 23/01649
L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 30 Mai 2023
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Madame [N] [T] (Personne faisant l’objet de soins)
née le 27/06/1967 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisé au GHU [Localité 5] [6]
comparante en personne, assistée de, Me Letizia MONNET-PLACIDI, avocat commis d’office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE DIRECTEUR DU GHU [Localité 5] [6]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte RAYNAUD, avocate générale,
DÉCISION
Par requête du 16 mai 2023, le directeur de l’hôpital GHU [Localité 5] [6] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris pour que la poursuite de la mesure de soins psychiatriques dont fait l’objet Mme [N] [T] depuis le 12 mai 2023 soit ordonnée.
Par ordonnance du 23 mai 2023, le juge des libertés et de la détention de Paris a ordonné la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de Mme [N] [T]. Elle en a interjeté appel par lettre datée du 25 mai 2023 enregistrée au greffe le 26 mai 2023.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 30 mai 2023.
L’audience s’est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Suivant avis écrit du 26 mai 2023 communiqué aux parties, le ministère public sollicite la confirmation de l’ordonnance, sous réserve du dernier certificat médical de situation.
A l’appui de son recours écrit, Mme [N] [T] se déclare saine d’esprit. Lors des débats, elle confirme ne pas avoir de troubles mentaux et explique son hospitalisation par la volonté de sa soeur de s’approprier ses biens.
Suivant conclusions transmises au greffe le 29 mai 2023 reprises oralement, le conseil de Mme [N] [T] sollicite la mainlevée de la mesure, faisant valoir les moyens suivants:
-notification tardive des décisions d’admission et de maintien et de l’information sur les droits,
-défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP),
-l’insuffisance caractérisation du péril imminent sur le certificat médical initial du 12 mai 2023,
-à titre subsidiaire, le caractère inadapté de la mesure d’hospitalisation.
Le conseil de l’appelante renonce à l’audience au moyen tiré du défaut de production du certificat médical de situation.
Mme [N] [T] a eu la parole en dernier.
Le directeur de l’hôpital GHU [Localité 5] [6], partie intimée, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
MOTIFS
Lorsque le directeur de l’établissement d’accueil, partie intimée régulièrement convoquée, non comparant ni représenté en appel ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond en application de l’article 472 du code de procédure civile et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que s’il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
L’article L.3212-1, II, 2° du code de la santé publique sur lequel s’appuie la décision d’admission, prévoit que le directeur de l’établissement prononce l’admission, lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir la demande d’un membre de la famille du malade ou d’une personne justifiant de relations avec ce dernier et qu’il existe à la date de l’admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical circonstancié, datant de moins de quinze jours, indiquant les caractéristiques de la maladie.
Aux termes de l’article L 3211-12-1 du même code, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; cette saisine est accompagnée d’un avis motivé rendu par le psychiatre de l’établissement.
En cas d’appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Sur le moyen tiré de la notification tardive des décisions d’admission et de maintien et de l’information sur les droits
L’article L. 3216-1 du code de la santé publique prévoit que l’irrégularité affectant une décision administrative d’admission en soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.
Par ailleurs, il résulte de l’article L. 3211-3, b) du code de la santé publique que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques contraints est informée le plus rapidement possible, d’une manière appropriée à son état de la décision d’admission et dès l’admission ou aussitôt que son état le permet, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1.
Si les notifications des décisions d’admission du 12 mai 2023, à la date du 16 mai 2023 et de maintien de l’hospitalisation du 15 mai 2023 à la date du 17 mai 2023 sont effectivement intervenues tardivement, l’appelante ne démontre pas à l’exercice de quel droit ces irrégularités ont pu porter atteinte, au sens de l’article L3216-1 du code de la santé publique. Le premier juge a dûment rejeté ce moyen pour ce motif. Les certificats des 24 heures et des 72heures prévus à l’article 3211-2-2 du code de la santé publique figurant au dossier de la procédure, datés des 25 et 27 février 2023 mentionnent qu’ elle a été informée du maintien de son hospitalisation sans consentement et mise à même de faire valoir ses observations. Le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l’absence d’information de la CDSP
Il ressort de l’article L3212-5 du code précité que ‘le directeur de l’établissement d’accueil transmet sans délai au représentant de l’Etat dans le département ou, à [Localité 5], au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d’admission, du bulletin d’entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2.’
En l’espèce, le directeur de l’hôpital psychiatrique ne justifie pas avoir informé la CDSP de la décision d’admission dans son établissement de Mme [N] [T] ni lui avoir transmis les pièces médicales exigées, aucune demande de la juridiction n’ayant toutefois pu être adressée à l’établissement avant les débats en appel, compte-tenu du court délai écoulé entre la transmission des conclusions du conseil au greffe et la date de l’audience.
Les parties ont été informées lors des débats par le magistrat délégué que le GHU répondait habituellement quand il était sollicité par la juridiction qu’il transmettait selon un rythme quotidien l’ensemble des pièces exigées à la CDSP de manière dématérialisée par l’intermédiaire du logiciel métier ‘ Planipsy’ .
En l’espèce, l’appelante soutient avoir été privée de l’information de son droit à saisir la CDSP alors qu’il résulte de la procédure qu’elle a au contraire bien reçu avec les décisions d’admission et de maintien une information complète sur ses droits dont celui de saisir directement la CDSP, ayant pris les documents malgré ses refus de signer les actes de notification.
En l’absence d’atteinte à ses droits spécifique , au sens de l’article L3216-1 du code de la santé publique, il n’y a pas lieu de lever la mesure pour ce motif. Le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision d’admission et de l’absence de caractérisation du péril imminent,
Le contrôle de la régularité de la procédure par le juge judiciaire comprend notamment le contrôle du bien fondé des décisions administratives, au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement.
Si le juge doit rechercher tant dans la motivation de la décision du directeur que dans les certificats médicaux communiqués, la réunion des conditions légales nécessaires à justifier le maintien en soins psychiatriques sans consentement, il ne lui appartient pas de substituer son avis ou de dénaturer la teneur des éléments médicaux résultant des constatations personnelles des psychiatres ayant établi ces certificats.
La motivation sur les troubles mentaux nécessitant des soins peut consister à se référer au certificat médical circonstancié à la condition de s’en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision.
Le risque de péril imminent pour la santé du malade s’entend comme étant l’immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient que le certificat médical initial doit faire apparaître.
En l’espèce, la décision d’admission du 12 mai 2023 se fonde sur le certificat médical initial daté du même jour à 18h45émanant d’un médecin n’appartenant pas à l’établissement d’accueil de la personne malade le Docteur [B] de l’hôpital [3] lequel a exposé les circonstances ayant conduit à l’examen médical de Mme [N] [T] .
L’appelante qui est suivie pour une pathologie psychiatrique chronique sévère a fait l’objet d’un passage aux urgences de l’hôpital [3], accompagnée par sa soeur, dans un contexte de décompensation délirante, de claustration au domicile et de rupture de soins depuis un mois.
Le médecin a énoncé les caractéristiques des troubles mentaux dont Mme [N] [T] souffre, notamment un vaste syndrome délirant à thématique persécutive, mégalomaniaque et leur manifestation l’empêchant de consentir aux soins, relevant une anosognosie, un refus des soins, un trouble du jugement manifeste , une imprévisibilité et un risque de mise en danger imminent du fait de ses troubles. Il a estimé que son état représentait un péril imminent pour sa santé et a mentionné la nécessité pour la patiente de recevoir des soins immédiats sous la forme d’une surveillance médicale constante.
Ainsi, le certificat médical initial comporte une motivation suffisante au regard des critères d’admission prévus par la loi de sorte que les conditions d’application de l’article L.’3212-1, II, 2° se trouvent réunies.
Il convient donc de rejeter le moyen soulevé.
Sur le maintien de la mesure.
En l’espèce, Mme [N] [T] remet en cause son maintien en hospitalisation sous contrainte, faisant valoir qu’elle ne présente pas de troubles mentaux.
L’article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose que lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques sans son consentement, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être nécessaires adaptées et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis.
L’ensemble des autres pièces de la procédure et des certificats médicaux communiqués, nécessaires au contrôle obligatoire de la mesure de soins contraints, répond aux exigences de l’article R. 3211-12 du code de la santé publique.
Il ressort des pièces médicales et notamment du certificat médical de situation du 26 mai 2023 que la patiente présente notamment lors de son examen un ‘discours marqué par une désorganisation de la pensée des idées délirantes avec une adhésion totale, une anosognosie totale des troubles et une opposition aux soins .Il préconise de maintenir les soins psychiatriques selon les mêmes modalités.
Ainsi, les conditions d’application de l’article L.’3212-1, II, 2° demeurent réunies.
Il résulte de ces éléments et en particulier de la persistance de ses troubles, du déni à leur égard et du refus des soins qu’ un suivi dans le cadre ambulatoire s’avère actuellement prématuré. Mme [N] [T] a encore besoin d’un cadre strict pour améliorer son état clinique et mettre au point un traitement adapté qu’elle pourra suivre ensuite dans le cadre ambulatoire.
Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d’appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition,
CONFIRMONS l’ordonnance.
LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.
Ordonnance rendue le 05 JUIN 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 05 juin 2023 par fax / courriel à :
X patient à l’hôpital
ou/et ‘ par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l’hôpital
‘ tiers par LS
‘ préfet de police
‘ avocat du préfet
‘ tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d’appel de Paris
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