Droit du logiciel : 5 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 23/00553

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Droit du logiciel : 5 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 23/00553

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 05 JUIN 2023

– STATUANT SUR REQUÊTE EN DÉFÉRÉ –

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00553 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FEN2

Décision déférée à la Cour : ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d’appel de NANCY, R.G.n° 22/1735, en date du 08 mars 2023,

DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ :

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 2]

Représenté par Madame Nora N’HARI, Substitut général près la cour d’appel de NANCY

DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ :

Monsieur [Z] [E]

né le 12 octobre 2000 à DIEOURA (MALI)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Brigitte JEANNOT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d’audience, chargé du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Corinne BOUC, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Marie HIRIBARREN, Conseiller,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 4 mai 2023, modifiée par ordonnance du 5 Mai 2023

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Juin 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BOUC, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d’huissier remis le 4 juin 2020, Monsieur [Z] [E], se disant né le 12 octobre 2000 à Dieoura (Mali), a fait assigner le ministère public devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins, principalement, de se voir reconnaître l’acquisition de la nationalité française.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– constaté que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

– dit que Monsieur [Z] [E], né le 12 octobre 2000 à Dieoura (Mali), est de nationalité française,

– annulé la décision n°DnhM 40/2019 du directeur des services de greffe du tribunal judiciaire de Dijon en date du 10 avril 2019 ayant refusé l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 24 septembre 2018 par Monsieur [Z] [E],

– ordonné l’enregistrement de cette déclaration,

– ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil,

– débouté Monsieur [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’État aux dépens.

Le ministère public a interjeté appel de cette décision et Monsieur [E] a notifié des conclusions d’incident par lesquelles il soulevait l’irrecevabilité de cet appel.

Par ordonnance d’incident du 8 mars 2023, le conseiller de la mise en état a :

– déclaré irrecevable l’appel interjeté par le ministère public contre le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy selon déclaration faite sur support papier le 22 juillet 2022, enregistrée par le greffe de la cour d’appel dans le logiciel WinCi CA le 25 juillet 2022 comme en date du 22 juillet 2022,

– condamné l’État aux dépens de la procédure d’appel, y compris de l’incident,

– condamné l’État à payer à Maître [I] 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a relevé qu’aucun texte n’exonère le ministère public des obligations prévues à l’article 930-1 du code de procédure civile. Il a considéré que le fait que l’accès à ComCi CA et à WinCi CA n’était pas déployé auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy, et que le paramétrage mis en place pour l’accès du parquet général de Nancy à WinCi CA ne semblait pas lui permettre de réaliser une déclaration d’appel dématérialisée ne constituaient pas un obstacle technique irrésistible, dans la mesure où le ministère de la justice avait prévu les modalités adaptées permettant au ministère public d’interjeter appel par la voie électronique. Il a jugé que n’était pas rapportée la preuve que leur absence de mise en ‘uvre au sein des juridictions du ressort de la cour d’appel de Nancy relevait d’une impossibilité matérielle.

Le conseiller de la mise en état a retenu que n’était pas caractérisée en l’espèce une cause étrangère au ministère public l’empêchant de remettre sa déclaration d’appel par la voie informatique et lui permettant de recourir aux modalités subsidiaires prévues à l’alinéa 2 de l’article 930-1 du code de procédure civile.

Il a constaté en l’espèce que l’appel du ministère public avait été interjeté sur support papier alors qu’il aurait dû l’être par la voie électronique et qu’il convenait en conséquence de constater l’irrecevabilité de la déclaration d’appel.

Par requête reçue au greffe le 15 mars 2023, le ministère public a déféré cette ordonnance d’incident à la cour.

Il sollicite l’infirmation de cette décision en faisant valoir en premier lieu que le procureur de la République de Nancy ne pouvait interjeter appel par voie électronique dans la mesure où le logiciel WinCi TGI associé au RVPA, à la date de l’acte d’appel, n’était pas techniquement configuré par les services informatiques pour permettre cet acte, ainsi qu’en atteste la directrice des services judiciaires du tribunal judiciaire de Nancy.

En second lieu, il soutient que la mise en ‘uvre pratique des outils informatiques relève des attributions des services informatiques judiciaires locaux (correspondants locaux informatiques) ou régionaux (service administratif régional) et en aucun cas du magistrat du ministère public dans ses fonctions juridictionnelles.

Il fait valoir que le procureur de la République adjoint, interjetant appel, a exercé cette voie de recours selon les modalités matérielles qui lui étaient ouvertes à [Localité 3] le 22 juillet 2022, alors que le paramétrage de WinCi TGI ne lui permettait pas d’interjeter appel électroniquement. Il soutient que cet état de fait, constituant une cause étrangère au ministère public, l’autorisait à établir l’acte d’appel sur support papier.

Il ajoute que la preuve exigée du ministère public est impossible à rapporter dans la mesure où le greffe civil n’a pas apposé sur les exemplaires de la déclaration d’appel de tampon permettant de numéroter et dater les exemplaires reçus.

Par ordonnance de fixation du 21 mars 2023, l’affaire a été déférée devant la cour à l’audience du 9 mai 2023.

Par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 8 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] demande à la cour, au visa des articles 769, 850 et 930-1 du code de procédure civile, de :

– confirmer l’ordonnance du 8 mars 2023,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par le procureur de la République suivant déclaration d’appel du 22 juillet 2022 enregistrée le 25 juillet 2022 devant la cour d’appel de Nancy contre le jugement n°20/1367 du tribunal judiciaire de Nancy du 14 juin 2022.

Monsieur [E] fait valoir que le ministère public ne démontre pas une impossibilité matérielle d’interjeter appel par voie électronique en raison d’une cause étrangère. Il ajoute qu’il n’a pas même tenté d’interjeter appel par voie électronique.

Il rétorque que l’attestation de la directrice des services du greffe du tribunal judiciaire de Nancy, rédigée dans des termes généraux, ne permet pas de justifier de la tentative vaine du ministère public d’interjeter un appel par voie électronique dans ce dossier.

Sur les modalités de remise de la déclaration d’appel au greffe, Monsieur [E] relève que la déclaration d’appel produite ne comporte pas la mention de la date de la remise et le visa du greffier sur la copie et sur l’original, et que le ministère public ne justifie pas avoir déposé autant d’exemplaires que de parties.

À l’audience du 9 mai 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 5 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

L’article 930-1 du code de procédure civile dispose : ‘À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En ce cas, la déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique’.

La circulaire JUSC1243674C du 3 janvier 2013 relative à la présentation du décret n° 2012-1515 du 28 décembre 2012 rappelle que, à compter du 1er janvier 2013, le ministère public est tenu, dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, de remettre ses actes par la voie électronique.

L’arrêté JUST2002909A du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel prévoit en son article 5, alinéa 2, que ‘Les envois et remises au greffe de la cour d’appel des déclarations d’appel et des conclusions du ministère public sont effectués par la voie électronique au moyen d’un message électronique acheminé au sein du réseau privé virtuel justice depuis la boîte électronique dédiée du ministère public, pour les parquets près les tribunaux judiciaires du type « [Courriel 4] » et pour les parquets généraux « [Courriel 5] ».’

Cet arrêté précise à son chapitre II ‘Du système de communication électronique mis à disposition des juridictions et du ministère public’ les modalités d’accès des agents du ministère de la justice au système de messagerie automatisé ComCi CA, composante de l’application informatique de la chaîne civile WinCi CA.

Il résulte de ce qui précède que l’appel du ministère public doit être interjeté par la voie électronique.

Or, en l’espèce, il l’a été sur support papier, ce qui n’est autorisé en vertu de l’article 930-1 du code de procédure civile que ‘Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit’.

Le fait que l’accès à ComCi-CA et à WinCi-CA n’ait pas été déployé auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy, d’une part, et le fait que le paramétrage mis en place pour l’accès du parquet général de Nancy à WinCi-CA ne lui permettrait pas de réaliser une déclaration d’appel dématérialisée, d’autre part, ne peuvent pas être considérés comme ‘une cause étrangère’ au ministère public l’empêchant de transmettre sa déclaration d’appel par voie électronique. Il est en effet rappelé que cette obligation existe depuis le 1er janvier 2013. Il appartenait dès lors au ministère public, constatant cette difficulté technique, de saisir les services informatiques compétents afin qu’il y soit remédié. Force est de constater qu’il n’est produit aucune pièce démontrant que le ministère public a dénoncé cette difficulté dans les mois ayant suivi l’instauration de l’obligation d’une transmission des actes par voie électronique.

Le ministère public produit dans la présente procédure deux courriels émanant de Madame [J] [H], directrice des services de greffe judiciaires, responsable des services civils et référente informatique de la cour d’appel de Nancy, en date du jeudi 21 juillet 2022, soit la veille de la déclaration d’appel du 22 juillet 2022.

Dans le premier courriel envoyé à 13h44 à Madame [B] [M], avocate générale, Madame [H] écrit : ‘Je viens de vérifier pour la création du mot de passe WINCI CA, avec l’habilitation parquet général je ne peux pas vous permettre d’accéder à l’onglet pour créer un MDP. Vos accès en qualité « ministère public » sont spécifiques’.

Dans le second courriel envoyé à 13h56 à Monsieur [V] [G], dont la qualité n’est pas précisée, Madame [H] écrit : ‘Je me permets de vous contacter car nous rencontrons une difficulté avec WINCI CA dans la transmission des conclusions entre le parquet général et le greffe et/ou avocats. Nous avons saisi le support civil le 1er juillet dernier (cf mail en pièce jointe) qui renvoie vers le secrétariat général. La difficulté avait déjà été rencontrée en 2021 et aucune solution n’a pu être apportée ni à mon niveau ni au niveau du DIT. Pourriez-vous m’indiquer si vos services ont été saisis de cette difficulté  ».

Il est tout d’abord constaté que ces deux courriels ne sont pas explicités dans la requête en déféré du ministère public et qu’il y est tout au plus fait allusion en page 2 de cette requête lorsqu’il est indiqué que la mise en ‘uvre pratique des outils informatiques relève des attributions des services informatiques judiciaires, et non du magistrat du ministère public dans ses fonctions juridictionnelles : ‘(Cf pièces jointes)’.

Ensuite, il n’est pas produit les courriels émanant du ministère public, mais seulement ceux de Madame [H] et il est donc impossible de savoir ce qui a été demandé par le ministère public, et par rapport à quelles procédures.

En outre, ces deux courriels ne mentionnent aucunement la déclaration d’appel, ne faisant qu’évoquer des difficultés concernant la transmission des conclusions et la création de mot de passe.

Il ne peut dès lors qu’être constaté qu’il n’est pas justifié d’une demande présentée par le ministère public au ministère de la justice exposant les difficultés rencontrées pour effectuer une déclaration d’appel par voie électronique et lui demandant d’y remédier.

Le conseiller de la mise en état a donc exactement considéré qu’il n’était pas prouvé que l’absence de mise en ‘uvre des modalités adaptées permettant au ministère public d’interjeter appel par la voie électronique au sein des juridictions du ressort de la cour d’appel de Nancy relevait d’une impossibilité matérielle. Par conséquent, il n’est pas caractérisé une cause étrangère au ministère public l’empêchant de remettre sa déclaration d’appel par la voie informatique et lui permettant de recourir aux modalités subsidiaires prévues à l’alinéa 2 de l’article 930-1 du code de procédure civile.

L’appel du ministère public ayant été interjeté sur support papier alors qu’il aurait dû l’être par la voie électronique, la déclaration d’appel est irrecevable. Il sera donc dit n’y avoir lieu à déféré.

SUR LES DÉPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné l’État aux dépens de la procédure d’appel, y compris de l’incident, ainsi qu’à payer à Maître [I] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Y ajoutant, l’État sera condamné aux dépens de la procédure de déféré.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Dit n’y avoir lieu à déféré concernant l’ordonnance d’incident rendue par le conseiller de la mise en état le 8 mars 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne l’État aux dépens de la procédure de déféré.

Le présent arrêt a été signé par Madame BOUC, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : C. BOUC.-

Minute en sept pages.

 


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