Droit du logiciel : 5 avril 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01881

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Droit du logiciel : 5 avril 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01881

Arrêt n° 147

du 05/04/2023

N° RG 21/01881 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCE4

IF/ACH

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 05 avril 2023

APPELANTE :

d’une décision rendue le 24 septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TROYES, section ENCADREMENT (n° F 19/00268)

Madame [O] [D] épouse [Z]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SELAS FIDAL, avocats au barreau de l’AUBE

INTIMÉE :

S.A.R.L. AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et représentée par la SCP BAZIN-PERSENOT-LOUIS SIGNORET CARLO-VIGOUROUX, avocats au barreau de AUXERRE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 janvier 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président, et Madame Isabelle FALEUR, conseillère, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 22 mars 2023 prorogée au 05 avril 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

Madame Isabelle FALEUR, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Mme Maureen LANGLET, Greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Au terme d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 18 septembre 2017, Madame [O] [D] épouse [Z] a été embauchée par la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT, membre du groupe ETC, en qualité d’expert-comptable, statut cadre indice 40 de l’annexe B de la convention collective, dans le cadre d’un forfait jour annuel de 218 jours et moyennant une rémunération annuelle brute de 60’000 euros outre une prime de bilan décidée par la direction et versée au mois de novembre.

Par courrier du 20 mai 2019, Madame [O] [D] épouse [Z] a informé son employeur de sa décision de démissionner.

Au cours de la période de préavis, d’une durée de trois mois, elle a été convoquée par courrier du 25 juin 2019 à un entretien préalable à une rupture immédiate de préavis et s’est vu notifier une mise à pied conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 8 juillet 2019.

Par courrier recommandé en date du 16 juillet 2019, Madame [O] [D] épouse [Z] s’est vu notifier la rupture du préavis en raison d’une faute grave, son employeur lui reprochant de démarchager activement des clients au profit du cabinet BDS ASSOCIES, son futur employeur et de débaucher du personnel, et ce pendant son temps de travail et avec le dessein de nuire gravement à ses intérêts.

Par requête reçue au greffe le 16 décembre 2019, enrôlée sous le numéro 19/00268, Madame [O] [D] épouse [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes pour solliciter, avec exécution provisoire, l’annulation d’une sanction disciplinaire du 17 juillet 2019, la communication sous huitaine et sous astreinte du procès-verbal dressé le 25 juin 2019 par Me [M], huissier de justice, le paiement de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et harcèlement et le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents.

Par requête reçue au greffe le 23 décembre 2019, enrôlée sous le numéro 19/00276, la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins de voir juger que Madame [O] [D] épouse [Z] a commis de graves manquements à ses obligations professionnelles durant l’exécution du contrat de travail et durant le préavis, en se livrant à une concurrence déloyale et à un détournement de clientèle et aux fins de la voir condamnée à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 100’000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par requête reçue au greffe le 9 janvier 2020, enrôlée sous le numéro 20/00002, Madame [O] [D] épouse [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins d’obtenir, avec exécution provisoire, communication sous astreinte de toutes les fiches des heures saisies dans le logiciel de gestion interne AGIRIS permettant d’établir ses heures de travail réellement effectuées, le paiement d’un rappel de salaire et de RTT et d’une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 24 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Troyes a :

– ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 19/00 268, 19/00276, 20/00002 sous le numéro RG 19/00268,

– dit que la convention de forfait jours est entachée de nullité,

– débouté Madame [O] [D] épouse [Z] de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamné Madame [O] [D] épouse [Z] à payer à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT :

. la somme de 1500 euros pour exécution déloyale du contrat de travail

. la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [O] [D] épouse [Z] aux entiers dépens,

Madame [O] [D] épouse [Z] a interjeté appel le 12 octobre 2021, aux fins de voir infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 mai 2022, Madame [O] [D] épouse [Z] demande à la cour :

D’INFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes en date du 24 septembre 2021 en ce qu’il :

– l’a déboutée de l’ensemble de ses autres demandes,

– l’a condamnée à verser à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT les sommes de 1500 euros pour exécution déloyale du contrat de travail et 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée aux dépens,

DE CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes en date du 24 septembre 2021 en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours est entachée de nullité,

DE DEBOUTER la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT de son appel incident,

Statuant à nouveau,

DE CONDAMNER la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT à lui payer les sommes suivantes, sauf à parfaire en fonction de la communication des pièces demandées:

. 41’212,50 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires d’octobre 2017 à avril 2019,

. 4121,13 euros de congés payés sur rappel de salaire,

. 30’000 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 10’667 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1066,70 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

. 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et harcèlement,

. 4500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DE JUGER que la défenderesse devra rembourser au demandeur les frais d’huissier en cas d’exécution forcée en application de l’article 10 du décret 96’1080 du 12 décembre 1996.

Madame [O] [D] épouse [Z] explique qu’elle a été engagée par la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT en vue d’une association au 1er janvier 2021, qu’en dépit de son titre d’expert-comptable, elle s’est trouvée rapidement sous la subordination de Monsieur [H] [B], salarié non expert-comptable, avec lequel les relations se sont dégradées au fil du temps.

Elle souligne qu’elle devait signer l’intégralité des bilans alors que la moitié du portefeuille du cabinet était gérée directement par [H] [B], sans qu’elle ait de contact avec les clients ni de contrôle sur les comptes qu’elle devait certifier, ce qui lui faisait encourir un risque professionnel très important et était susceptible d’engager sa responsabilité personnelle, dans le cadre d’un exercice illégal de la profession, vis-à-vis de l’ordre des experts-comptables.

Madame [O] [D] épouse [Z] expose qu’après avoir dûment informé la direction de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT de ces difficultés, dans un courrier électronique du 13 novembre 2018, elle a donné sa démission par courrier recommandé avec accusé de réception, reçu le 21 mai 2019 par la société.

Elle ajoute qu’alors que son préavis arrivait à échéance le 28 août 2019, son employeur l’a convoquée à un entretien préalable en vue d’une rupture immédiate de son préavis et l’a placée en mise à pied conservatoire le 25 juin 2019 dans des conditions vexatoires et brutales dès lors que cette mise à pied lui a été signifiée par exploit d’huissier et que ce dernier l’a accompagnée à la sortie avec ses effets personnels sans qu’elle puisse saluer les collaborateurs de la société.

Concernant la convention de forfait en jours et la demande de rappel d’heures supplémentaires, Madame [O] [D] épouse [Z] soutient que la convention de forfait stipulée à son contrat de travail est entachée de nullité dans la mesure où, contrairement aux dispositions de la convention collective des experts-comptables, il n’a été prévu ni les modalités d’appréciation du volume annuel d’activité, ni les objectifs et les missions confiées, ni la possibilité de la dénoncer sous réserve d’un préavis de trois mois si aucun accord n’était trouvé quant au volume d’activité ; qu’il n’a pas davantage été prévu les modalités de suivi de sa charge de travail, ni le contrôle du respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail; qu’enfin l’accord collectif instaurant le régime du forfait en jours ne fait pas mention de dispositions portant sur le droit à la déconnexion, ni sur l’articulation entre l’activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle.

Elle affirme que son temps de travail variait selon les périodes saisonnières d’activité, de 40 heures par semaine pendant les périodes de mai à septembre, à 50 heures par semaine pendant les périodes de mai à octobre, ce qui justifie un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées.

Madame [O] [D] épouse [Z] fait valoir que c’est volontairement que la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT s’est abstenue de suivre et de contrôler sa charge de travail en violation de la convention de forfait en jours, consciente que cette charge de travail était incompatible avec les durées maximales journalières et hebdomadaires de travail et que, dès lors, l’élément intentionnel est clairement établi, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité au titre du travail dissimulé.

Elle souligne que les documents communiqués par la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT pour justifier la durée de son travail n’ont aucune valeur probante dans la mesure où il s’agit seulement de feuilles mensuelles servant de base à la récolte des informations sur les variables de paie, telles que les frais kilométriques, remboursement des frais, congés payés et RTT.

Madame [O] [D] épouse [Z] soutient que la violence de sa mise à pied et de son expulsion du cabinet, à laquelle plusieurs salariés ont assisté, a été extrêmement choquante et vexante et fait valoir qu’il s’agissait d’une mesure de rétorsion en réponse à son courrier, adressé deux jours plus tôt à [H] [B], dans lequel elle l’avisait qu’elle refusait désormais toute délégation de signature, que tous les bilans devraient être signés par le gérant de la société et qu’elle saisirait la justice pénale et prud’hommale s’il continuait à la harceler.

Madame [O] [D] épouse [Z] conteste toute exécution déloyale de son contrat de travail et souligne que la responsabilité du salarié envers son employeur n’est engagée qu’en cas de faute lourde, ce qui suppose la preuve de l’intention de nuire à l’entreprise.

Elle explique que, par correction, elle a informé ses clients de sa démission et de son prochain départ de l’entreprise et que certains ont librement choisi de la suivre, pour continuer à travailler avec elle.

Elle ajoute que plusieurs salariés ont également choisi de démissionner de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT en raison d’une ambiance de travail très dégradée au sein du cabinet, du fait des agissements de [H] [B], qui avait poussé plusieurs collaborateurs à la démission, bien avant qu’elle ne donne la sienne.

Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 2 septembre 2022, la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT demande à la cour, sur le fondement des articles 1194 du Code civil, L 1222-1, L 3121-39 et suivants et L 8221-3 du code du travail :

DE CONFIRMER le jugement du 24 septembre 2021 du conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il a :

– ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéro RG 19/00268, 19/00276, 20/00002 sous le numéro RG 19/00268,

– débouté Madame [O] [D] épouse [Z] de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamné Madame [O] [D] épouse [Z] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [O] [D] épouse [Z] aux entiers dépens,

D’INFIRMER le jugement du 24 septembre 2021 du conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il a:

– dit que la convention de forfait jour est entachée de nullité,

– condamné Madame [O] [D] épouse [Z] à lui payer la somme de 1500 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau,

DE JUGER sa demande tant recevable que bien fondée,

DE JUGER que Madame [O] [D] épouse [Z] a commis de graves manquements à ses obligations professionnelles durant l’exécution de son contrat de travail, en se livrant à une concurrence déloyale et à un détournement de clientèle, lui ayant volontairement porté préjudice,

DE CONDAMNER Madame [O] [D] épouse [Z] à lui payer la somme de 100’000 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant comme suit :

. 50’000 euros de préjudice matériel,

. 50’000 euros de préjudice moral,

DE CONDAMNER Madame [O] [D] épouse [Z] à lui payer la somme de 10’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DE DEBOUTER Madame [O] [D] épouse [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

DE CONDAMNER Madame [O] [D] épouse [Z] aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile qui comprendront le coût des constats d’huissier du 25 juin 2019 et du 5 juillet 2019, avec faculté de recouvrement direct tel que prévu par l’article 699 du code de procédure civile.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT fait valoir que le salarié est tenu d’exécuter normalement son contrat de travail durant le préavis, en respectant son obligation de loyauté, laquelle consiste notamment à ne pas nuire à la réputation et au bon fonctionnement de la société employeur, notamment par des actes de dénigrement ou de concurrence contraires à son intérêt. Elle souligne que le non-respect, par le salarié, de son obligation de loyauté, peut motiver son licenciement pour faute grave ou lourde mais également l’engagement de sa responsabilité civile.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT affirme que, contrairement à ce que soutient Madame [O] [D] épouse [Z], il résulte des SMS qui figurent au procès-verbal de constat d’huissier du 5 juillet 2019 et des attestations qu’elle produit aux débats que, dès le mois de février 2019, alors que sa démission n’a été notifiée que le 20 mai 2019, Madame [O] [D] épouse [Z] avait déjà contacté ses clients et qu’elle échangeait avec eux sur son départ en les incitant à la suivre au sein du cabinet BDS.

Elle ajoute que Madame [O] [D] épouse [Z], par des actes positifs réitérés et persistants, contraires à ses obligations contractuelles et professionnelles, a eu un comportement fautif pour conduire les clients et les salariés de l’entreprise à la suivre chez son nouvel employeur et que ce comportement manifeste son intention de lui nuire, ce d’autant que dans certains SMS elle décrit la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT et ses associés comme des « nazes », des « rats » et des incompétents.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT fait valoir que le fondement juridique de la procédure commerciale qu’elle a engagée contre la société BDS, concernant sa perte de chiffre d’affaires, est distincte du fondement de la procédure prud’homale qui concerne les manquements de la salariée et les préjudices directs qu’ils ont induits.

Elle expose que, du mois de février 2019 au mois de juin 2019, Madame [O] [D] épouse [Z] a été rémunérée à hauteur de 5000 euros mensuels alors qu’elle utilisait son temps de travail pour détourner la clientèle et le personnel, et que son salaire constitue une charge indue de 35’000 euros.

Elle ajoute que, au cours de la relation contractuelle, Madame [O] [D] épouse [Z] a bénéficié de formations dont les coûts et frais peuvent être évalués à minima à 40’000 euros et qu’elle a par ailleurs fait prendre en charge par son employeur les travaux comptables de son activité annexe et des sociétés de son époux, en se dispensant de payer des honoraires, ce qui correspond un préjudice direct de 7000 euros.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT soutient que son préjudice moral est constitué par les conditions de travail difficiles voire déplorables qu’ont subies les salariés et la société tout entière, du fait des agissements de Madame [O] [D] épouse [Z]. Elle précise que le nombre de clients qui ont résilié leur contrat s’est élevé à plus d’une centaine sur une courte période et que la démission de quatre salariés, dont deux avaient une importante expérience en matière agricole, l’a durablement désorganisée.

Elle souligne que Madame [O] [D] épouse [Z] n’a jamais formulé la moindre réclamation quant à la convention de forfait jour dont elle bénéficiait, en sa qualité de cadre et qu’elle a librement organisé son temps de travail.

Elle conteste la réalité des heures supplémentaires que Madame [O] [D] épouse [Z] prétend avoir réalisées, faisant valoir qu’elle produit les feuilles d’heures établies par la salariée, qui au surplus, transmettait elle-même au service des ressources humaines les éléments liés à la paie des autres salariés de la société.

Elle ajoute que pendant la durée de la relation contractuelle, Madame [O] [D] épouse [Z] a pu gérer une activité personnelle de conseil en soutien aux entreprises, la société Jub Audit et Conseil, qui a été radiée en juillet 2020, qu’elle a également géré la société LSCP qui exerce une activité de chambres d’hôtes sous le nom commercial du Clos Saint Pierre à son domicile et qu’elle a pris des fonctions au sein d’un syndicat professionnel dès le mois de janvier 2019, ce qui démontre qu’elle ne subissait aucune surcharge de travail.

Elle souligne qu’au contraire, Madame [C] [G], en charge du service social au sein du groupe ETC a dû rappeler à Madame [O] [D] épouse [Z], au mois d’avril 2019, qu’elle ne pouvait pas comptabiliser du temps de travail effectif pour des missions exercées personnellement, notamment son élection syndicale, et qu’elle devait renseigner toutes ses absences, ce qui démontre qu’elle gérait son temps de travail de manière très libre.

MOTIFS

Il n’y a pas lieu de confirmer la décision de jonction, s’agissant d’une mesure d’administration judiciaire au sens de l’article 368 du Code de procédure civile, insusceptible de recours.

Sur la nullité de la convention de forfait en jours:

Le contrat de travail de Madame [O] [D] épouse [Z] ayant été signé le 18 septembre 2017, il y a lieu de faire application des articles L 3121-53 à L 3121-64 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi numéro 2016’1088 du 8 août 2016, qui prévoient que les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L 3121-64 du code du travail.

Au terme des dispositions légales, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait, établie par écrit.

Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année détermine :

– les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait,

– la période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs,

– le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours,

– les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période,

– les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.

L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :

– les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,

– les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise,

– les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L. 2242-8 du code du travail.

Au terme de l’article 8.1.2.3 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 dans sa version applicable au litige, le cadre autonome organise librement son activité dans le respect des nécessités liées aux missions confiées, du bon fonctionnement des équipes de travail et des règles internes de fonctionnement définies par le cabinet.

Les parties au contrat de travail déterminent par écrit les modalités d’appréciation du volume d’activité, des objectifs, des missions tant fonctionnelles qu’opérationnelles confiées et notamment la périodicité des rencontres, les documents utiles, les mesures applicables, le cas échéant, en cas de dépassement des objectifs, le temps d’encadrement.

Les articles 8.1.2.5 et 8.1.2.5.1 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, modifiée par l’avenant n° 24 bis du 18 février 2015 relatif au forfait annuel en jours, prévoient notamment qu’au plus tard lors de l’appréciation du volume d’activité prévu par l’article 8.1.2.3, le cabinet et le cadre autonome définissent la contrepartie liée à une surcharge imprévue. A titre d’exemple de surcharge imprévue : nouvelle mission, nouveau client, intervention urgente, contraintes liées aux évolutions législatives ou réglementaires.

Le contrat de travail de Madame [O] [D] épouse [Z] stipule qu’elle sera soumise à un forfait annuel en jours de 218 jours, qu’elle organisera librement son temps de travail sur l’année sous réserve de respecter les obligations de repos quotidien et hebdomadaire minimales fixées par le code du travail ou l’accord collectif et qu’elle devra tenir le décompte de son temps de travail selon les modalités fixées par l’accord, mais, comme elle le fait justement observer, la convention individuelle de forfait en jour qui y est stipulée ne mentionne pas les modalités d’appréciation du volume annuel d’activité, ni les modalités du suivi par l’employeur de la charge de travail au moyen d’un relevé mensuel.

C’est à raison que Madame [O] [D] épouse [Z] soutient que sa convention individuelle de forfait en jours est nulle faute de prévoir par écrit, conformément aux articles 8.2.1.3 et 8.2.1.5 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 modifiée par l’avenant n° 24 bis du 18 février 2015 relatif au forfait annuel en jours, les modalités d’appréciation du volume annuel d’activité, les objectifs et les missions confiées.

Contrairement à ce que soutient Madame [O] [D] épouse [Z], les dispositions de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 modifiée par l’avenant n° 24 bis du 18 février 2015 relatif au forfait annuel en jours prévoient un dispositif suffisant de nature à permettre le suivi de l’articulation entre l’activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle.

En revanche, le droit à la déconnexion qui a été introduit dans l’article L 3121’64 du code du travail par l’ordonnance numéro 2017’1718 du 20 décembre 2017, postérieure à l’avenant numéro 24 bis du 18 février 2015, n’y figure pas.

Toutefois l’article 12 de la loi numéro 2016’1088 du 8 août 2016 stipule que :

– l’exécution d’une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d’une convention ou d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n’est pas conforme aux 1° à 3° du II de l’article L 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l’employeur respecte l’article L. 3121-65 du même code,

– sous ces mêmes réserves, l’accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.

L’article L 3121-65 du code du travail précise qu’à défaut de stipulations conventionnelles, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées par tous moyens au salarié concerné.

Or en l’espèce, la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT ne justifie ni du suivi de la charge de travail de Madame [O] [D] épouse [Z], ni du contrôle de la durée du travail et de l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle.

Elle ne justifie pas davantage avoir défini les modalités d’exercice de son droit à la déconnexion.

Les réunions d’associés invoquées par l’employeur, au cours desquelles étaient essentiellement discutées les questions relatives au fonctionnement du cabinet, ne peuvent se substituer à l’entretien individuel au cours duquel l’employeur doit exercer son contrôle sur l’application de la convention individuelle de forfait en jours afin de garantir au salarié le respect d’une durée raisonnable de travail, des repos journaliers et hebdomadaires, des RTT, de l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et du droit à la déconnexion.

L’inobservation par l’employeur des stipulations de l’accord collectif, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, prive d’effet la convention individuelle de forfait, ce qui permet au salarié de prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a dit que la convention de forfait en jours de Madame [O] [D] épouse [Z] était nulle.

En conséquence la durée du temps de travail de Madame [O] [D] épouse [Z] doit être appréciée au regard de la durée légale du travail de 35 heures et les heures accomplies au-delà de la durée légale doivent être valorisées en tenant compte d’une majoration à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà.

Aux termes de l’article L 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Madame [O] [D] épouse [Z] apporte des éléments précis en ce qu’elle affirme que son temps de travail, compte tenu des spécificités du métier d’expert-comptable, était de 50 heures hebdomadaires entre octobre 2017 et avril 2018, 40 heures hebdomadaires entre mai 2018 septembre 2018 et 50 heures hebdomadaires entre octobre 2018 et avril 2019.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT produit des feuilles d’activités mensuelles signées par Madame [O] [D] épouse [Z].

Toutefois, ainsi que cette dernière le fait observer, il s’agit de feuilles mensuelles servant de base à la récolte des informations sur les variables de paie, telles que les déplacements et frais kilométriques, les remboursements de frais, les congés payés, les RTT, sur lesquelles, en dépit des divers déplacements géographiques qui y sont reportés, la durée quotidienne de travail qui est mentionnée est invariablement de huit heures, y compris pour les 25, 26, 27 et 28 juin 2019, jours durant lesquels Madame [O] [D] épouse [Z] était mise à pied. Ces feuilles ne sont donc pas une preuve de la durée réelle de travail de la salariée.

En revanche, il est établi que Madame [O] [D] épouse [Z] a géré une activité personnelle de conseil aux entreprises, dénommée JUB AUDIT & CONSEIL, qui a été radiée en 2020.

Elle a par ailleurs pris part à un syndicat professionnel, l’IFEC, à compter du mois de janvier 2019, auquel elle a consacré du temps sur son temps de travail, ce qui a conduit Madame [C] [G] expert-comptable commissaire aux comptes du groupe ETC, dont fait partie la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT, à lui rappeler dans un mail du 27 mars 2019 que son investissement personnel syndical ne relevait pas du temps de travail effectif et que les déplacements ne seraient pas pris en charge.

Madame [O] [D] épouse [Z] a émis une contestation dans un mail du 8 avril 2019 dans lequel elle indiquait notamment qu’il n’était pas question qu’elle pose des congés pour le temps consacré à ses obligations syndicales à l’IFEC qu’elle considérait comme 100 % professionnelles.

Madame [C] [G] a également rappelé à Madame [O] [D] épouse [Z] qu’elle ne pouvait comptabiliser du temps de travail pour des absences non renseignées.

Enfin il résulte d’un sms retrouvé dans le téléphone professionnel de Madame [O] [D] épouse [Z], après sa mise à pied, que dans une conversation avec un dénommé ‘[P]’ elle critique son employeur et indique « j’attends un chèque en faisant le minimum ».

Au vu de ces éléments, la cour retient l’existence d’heures supplémentaires pour les seules années 2017 et 2018 et évalue la durée hebdomadaire de travail de Madame [O] [D] épouse [Z] à 40 heures.

Il lui est donc dû la somme de 7747,95 euros outre 774,79 euros de congés payés afférents.

Le jugement de première instance sera infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé:

L’article L 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Seule la dissimulation intentionnelle d’une activité ou d’un emploi au préjudice du salarié expose l’employeur au versement d’une indemnité forfaitaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut pas se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT n’a pas correctement contrôlé la durée du travail de Madame [O] [D] épouse [Z], mais, en l’absence d’autres éléments, il ne peut être déduit de cette insuffisance une volonté de dissimuler le nombre d’heures réellement travaillées.

Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du préavis pour faute grave:

Aux termes de l’article L 1237-1 du code du travail, en cas de démission , l’existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif.

Pendant toute la durée du préavis , le salarié doit exécuter normalement et pleinement les obligations résultant du contrat de travail. A défaut, l’employeur peut mettre fin au préavis en invoquant la faute grave ou lourde du salarié.

Le 25 juin 2019, en présence d’un huissier de justice, Madame [O] [D] épouse [Z] a reçu une convocation en vue d’un entretien préalable à une rupture immédiate de préavis avec notification d’une mise à pied conservatoire.

L’entretien préalable a eu lieu le 8 juillet 2019 et par courrier recommandé en date du 16 juillet 2019, la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT a notifié à Madame [O] [D] épouse [Z] la rupture immédiate du préavis en raison d’une faute grave pour avoir activement démarché les clients du cabinet pour les diriger vers le cabinet BDS ASSOCIES son futur employeur à l’issue de son préavis et pour avoir débauché du personnel.

Madame [O] [D] épouse [Z] soutient que son préavis n’a pas été rompu en raison d’un prétendu détournement de clientèle et de personnel puisque quatre autres salariées avaient donné leur démission entre le 20 mai et le 3 juin 2019 et que plusieurs dizaines de clients avaient déjà, depuis la fin du mois de mai 2019, envoyé à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT leur lettre de résiliation du contrat.

Elle affirme que la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT a rompu son préavis en réaction à son email du 23 juin 2019 adressé à Monsieur [H] [B] dans lequel elle dénonçait le harcèlement moral dont elle était victime de sa part et fait part de son refus de délégation de signature pour signer les bilans.

Elle omet toutefois de préciser qu’elle a elle-même adressé ce courrier électronique du 23 juin 2019 en réaction à un courrier électronique reçu de Monsieur [H] [B] le 17 juin 2019 par lequel il lui demandait de signer les bilans en attente depuis début mai 2019, de ne pas bloquer les dossiers, de compléter son emploi du temps prévisionnel sur outlook et de transmettre son planning de formation, de transmettre les informations nécessaires à l’avancement des dossiers aux collaborateurs, de lui soumettre préalablement les missions juridiques et la planification des travaux et de lui transmettre un état des lieux de divers dossiers.

Il lui demandait également, dans cet email, de cesser de harceler les clients et lui rappelait que la clientèle était la propriété de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT.

Il est établi que les relations étaient extrêmement tendues entre Monsieur [H] [B] et Madame [O] [D] épouse [Z], depuis plusieurs mois, sans que les éléments du dossier permettent d’en imputer la responsabilité à l’un ou à l’autre, mais les faits qu’elle qualifie de harcèlement moral dans le cadre de son courrier électronique du 23 juin 2019 correspondent seulement au contrôle légitime de son employeur concernant l’exécution normale de son préavis, et notamment de son obligation de signer les bilans, que contrairement à ses affirmations, elle pouvait contrôler même s’ils étaient établis par des collaborateurs, ainsi que cela ressort de l’attestion de Madame [U], ancienne expert-comptable de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT qui détaille le fonctionnement du cabinet.

Ce contrôle apparaît d’autant plus légitime que l’employeur soupçonnait qu’elle détournait la clientèle, ce dont il a pu avoir la pleine confirmation à l’occasion de l’exploitation par un huissier de justice du contenu du téléphone portable professionnel de Madame [O] [D] épouse [Z] qu’elle a restitué le jour de sa mise à pied.

Il apparaît en effet, au terme du procès-verbal de constat d’ huissier en date du 5 juillet 2019 qui retrace diverses communications et sms de Madame [O] [D] épouse [Z], qu’elle a commencé dès le mois de février/mars 2019 à envisager les conditions de sa future association au sein du cabinet BDS, en ‘apportant’ des clients de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT pour environ 250’000 euros, clients qu’elle activement démarchés jusqu’à la date de sa mise à pied pour qu’ils résilient leur contrat avec la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT au profit du cabinet BDS.

Ces conversations établissent également qu’elle a débauché quatre membres du personnel de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT, contrairement aux attestations de ces personnes qui indiquent qu’elles avaient déjà l’idée de quitter le cabinet.

Il y a d’ailleurs lieu de souligner que trois d’entre elles ont envoyé leur démission le 20 mai 2019, le même jour que Madame [O] [D] épouse [Z], au moyen de courriers rédigés selon le même modèle.

Au terme de l’article L 1152-2 du code du travail, le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

La mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

En l’espèce, il apparaît que Madame [O] [D] épouse [Z] a faussement dénoncé des faits de harcèlement moral de la part de Monsieur [H] [B], avec lequel il est établi qu’elle entretenait des relations exécrables, afin de justifier son propre comportement, caractérisant ainsi sa mauvaise foi.

Il est établi que le 25 juin 2019, l’employeur était accompagné d’un huissier de justice lors de la mise à pied de Madame [O] [D] épouse [Z] et de sa convocation à entretien prélable mais, au vu du comportement de cette dernière, la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT était légitime à prendre toutes les précautions, notamment pour reprendre possession du matériel informatique et numérique professionnel de Madame [O] [D] épouse [Z].

Compte tenu des circonstances, les conditions de sa mise à pied et de la rupture du préavis n’apparaissent ni abusives ni vexatoires.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [O] [D] épouse [Z] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et harcèlement moral.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT:

Il est établi que Madame [O] [D] épouse [Z] a activement détourné une centaine de clients de la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT et débauché quatre membres de son personnel, ce qui l’a considérablement impactée financièrement et désorganisée.

Toutefois, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.

La faute grave n’autorise pas une telle responsabilité du salarié.

Le préavis de Madame [O] [D] épouse [Z] ayant été rompu pour faute grave, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a condamné Madame [O] [D] épouse [Z] à payer à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.

La SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT est déboutée de cette demande.

Sur les autres demandes:

Il y a lieu de préciser que les condamnations salariales sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables.

Chaque partie succombant en ses prétentions, assumera la charge de ses frais irrépétibles et la moitié des dépens de première instance et d’appel.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné Madame [O] [D] épouse [Z] à payer à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement de première instance sauf en ce qu’il a débouté Madame [O] [D] épouse [Z]de sa demande au titre des heures supplémentaires, l’a condamnée à payer à la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT la somme de 1500 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles et l’a condamnée aux dépens,

L’INFIRME de ces seuls chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT à payer à Madame [O] [D] épouse [Z] la somme de 7 747,95 euros au titre des heures supplémentaires pour les années 2017 et 2018 outre la somme de 774,79 euros de congés payés afférents,

PRECISE que les condamnations salariales sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables,

DEBOUTE la SARL AEC CONSEIL DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et préjudice moral,

LAISSE à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

CONDAMNE chaque partie à supporter les dépens de première instance et d’appel par moitié.

La Greffière, La Conseillère,

 


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