Droit du logiciel : 4 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02357

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Droit du logiciel : 4 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02357

MHD/LD

ARRET N° 237

N° RG 21/02357

N° Portalis DBV5-V-B7F-GKYA

S.A.S. SUEZ RV SUD OUEST

C/

[A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 04 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS

APPELANTE :

S.A.S. SUEZ RV SUD OUEST

N° SIRET : 701 980 203

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Sébastien PONCET, substitué par Me Yves MERLE, tous deux du Cabinet CHASSANY WATRELOT & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [A]

né le 14 Août 1967 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Malika MENARD, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 Mars 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Y] [A] a été embauché par la société Genet à compter du 7 juillet 1997 en qualité de chauffeur poids-lourds.

Il a été promu chef de groupe à effet du 1er janvier 2002.

Son contrat de travail a été transféré au profit de la société Suez RV Sud Ouest au sein de laquelle il a été promu attaché d’exploitation à effet du 1er janvier 2018.

Le 9 octobre 2018, la société Suez RV Sud Ouest a adressé à M. [Y] [A] une lettre d’observation.

Le 20 décembre 2018, la société Suez RV Sud Ouest a infligé à M. [Y] [A] un avertissement.

Le 1er août 2019, la société Suez RV Sud Ouest a convoqué M. [Y] [A] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 21 août suivant.

Le 27 août 2019, la société Suez RV Sud Ouest a notifié à M. [Y] [A] son licenciement pour faute simple.

Le 18 décembre 2019, M. [Y] [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :

– annuler les sanctions prononcées à son encontre les 9 octobre et 20 décembre 2018 ;

– juger que son licenciement était abusif ;

– condamner la société Suez RV Sud Ouest à lui payer les sommes suivantes :

– 79 598,13 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement en date du 29 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Poitiers a :

– prononcé l’annulation de la lettre d’observation du 9 octobre 2019 ;

– prononcé l’annulation de l’avertissement du 20 décembre 2019 ;

– prononcé l’annulation du licenciement pour faute simple et dit que le licenciement de M. [Y] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Suez RV Sud Ouest à payer à M. [Y] [A] les sommes suivantes :

– 65 668,45 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté la société Suez RV Sud Ouest de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la société Suez RV Sud Ouest aux entiers dépens.

Le 22 juillet 2021, la société Suez RV Sud Ouest a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :

– avait prononcé l’annulation de la lettre d’observation du 9 octobre 2019 ;

– avait prononcé l’annulation de l’avertissement du 20 décembre 2019 ;

– avait prononcé l’annulation du licenciement pour faute simple et dit que le licenciement de M. [Y] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– l’avait condamnée à payer à M. [Y] [A] les sommes suivantes :

– 65 668,45 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– l’avait déboutée de l’ensemble de ses demandes ;

– l’avait condamnée aux entiers dépens.

Par conclusions, dites n° 3, reçues au greffe le 6 avril 2022, la société Suez RV Sud Ouest demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

– a prononcé l’annulation de la lettre d’observation du 9 octobre 2019 ;

– a prononcé l’annulation de l’avertissement du 20 décembre 2019 ;

– a prononcé l’annulation du licenciement pour faute simple et dit que le licenciement de M. [Y] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– l’a condamnée à payer à M. [Y] [A] les sommes suivantes :

– 65 668,45 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes ;

– l’a condamnée aux entiers dépens ;

– en conséquence, à titre principal :

– de débouter M. [Y] [A] de l’intégralité de ses demandes ;

– à titre subsidiaire :

– de limiter le montant de sa condamnation à la somme de 9 300,33 euros ;

– en tout état de cause :

– de débouter M. [Y] [A] de toutes ses demandes ;

– de condamner M. [Y] [A] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 7 janvier 2022, M. [Y] [A] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société Suez RV Sud Ouest à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 6 février 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 6 mars 2023 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au soutien de son appel, la société Suez RV Sud Ouest expose en substance :

– que M. [Y] [A] a été licencié en raison de la multiplication de fautes dans l’exécution de sa prestation d’attaché d’exploitation ;

– que M. [Y] [A] avait été formé pour exercer ses fonctions d’attaché d’exploitation, ce qu’au demeurant elle démontre en produisant les programmes des formations auxquelles le salarié a assisté ainsi que les fiches de présence qu’il a signées ;

– que, contrairement à ce qu’il soutient, le salarié n’avait pas une charge de travail anormale ;

– qu’à cet égard il fait des comparaisons entre le site de [Localité 6] sur lequel il était employé et ceux de [Localité 4] et [Localité 7] pour en déduire à tort qu’il était surchargé de travail quand d’une part ces deux sites avaient un volume d’activité 4 fois supérieur à celui du site de [Localité 6] et d’autre part, contrairement à ses collègues de [Localité 4] et [Localité 7], il n’avait pas à assumer les tâches de pesée et du back-up ;

– que, contrairement à ce prétend M. [Y] [A], le nombre de ses missions n’a pas augmenté à compter de juin 2018 et que la lettre de mission qui lui avait été adressée à cette date ne visait qu’à lui rappeler des axes prioritaires de travail suite à la constatation de ses carences ;

– qu’encore M. [Y] [A] soutient à tort que sa charge de travail avait augmenté en raison de l’absence de deux collègues, M. [N] et Mme [V] ;

– qu’en effet, M. [N] était mécanicien et son départ à la retraite n’a eu aucun impact sur la charge de travail de M. [Y] [A] et Mme [V] qui a été absente pour maladie n’était pas affectée sur le même site que M. [Y] [A] et a été remplacée durant ses absences par Mmes [L] et [X] ;

– que M. [Y] [A] n’avait jamais fait état d’une surcharge de travail avant d’être licencié ;

– que M. [Y] [A] a été licencié aux motifs suivants :

– défaut de mise en place dans les délais de la nouvelle station SOLID alors que la précédente était obsolète, ce qui l’empêchait de lire les cartes des chauffeurs et faisait courir un risque important pour ces derniers et pour l’entreprise et défaut de renouvellement dans les délais de la carte Entreprise Chronoservice qui était devenue obsolète depuis le 24 juin 2019 ;

– non-transmission des licences communautaires et des récépissés de transport de déchets avant le 2 août 2019 quand il avait été informé par mail du 27 mai 2019 que cette transmission devait être faite avant le 30 juin suivant ;

– une absence de suivi de l’activité plate-forme et en particulier de vérification de la conformité des matières réceptionnées, ce qui l’a conduite à acheter du platin revendu 80 euros la tonne au prix de l’aluminium soit 510 euros la tonne, étant précisé que cette faute n’est pas prescrite puisqu’elle n’en a eu connaissance qu’en juin 2019 ;

– une mauvaise saisie et une absence de saisie des bons de commande et des poids mesurés ;

– des manquements à ses obligations en matière de sécurité alors que sa fiche de poste stipulait qu’il devait mettre en oeuvre la ‘politique prévention sécurité des risques’ ;

– son inaction à la suite de la dégradation chez un client d’une passerelle par un chauffeur de l’entreprise ;

– des défaillances dans la remontée d’informations à sa hiérarchie et vers les clients ;

– un manque de collaboration avec ses collègues (non suivi des formations collaborateurs, non transmission des RIB des collaborateurs et défaut de réponse aux questions de ces derniers) ;

– que le licenciement pour faute simple de M. [Y] [A] est donc justifié ;

– subsidiairement, qu’en application du ‘barème Macron’, M. [Y] [A] ne pourrait obtenir une indemnité supérieure à 51 151,81 euros et qu’à défaut de justifier de son préjudice il ne pourra lui être alloué une indemnité supérieure à 9 300,33 euros.

En réponse, M. [Y] [A] objecte pour l’essentiel :

– qu’il n’a pas reçu de formation à l’utilisation des nouveaux logiciels mis en place dans l’entreprise ;

– qu’à défaut du remplacement de collègues partis à la retraite ou placés en arrêt maladie, il était seul sur le site de [Localité 6] pour réaliser un volume de tâches irréalisable dans le temps qui lui était imparti ;

– que c’est donc sans fondement que la société Suez RV Sud Ouest lui a adressé une lettre d’observation le 9 octobre 2018 puis lui a notifié un avertissement le 20 décembre 2018 ;

– qu’il ne relevait pas de ses fonctions de former ses collègues et qu’il n’avait pas eu le temps de saisir systématiquement les quarts d’heures de prévention qu’il avait pourtant bien réalisés ;

– que les deux sanctions qui lui ont été notifiées avant son licenciement doivent donc être annulées ;

– qu’il conteste l’ensemble des griefs aux motifs desquels il a été licencié ;

– qu’alors qu’il s’était plaint en 2018 de ne pouvoir assumer l’intégralité de ses fonctions, la société Suez RV Sud Ouest lui a ajouté de nouvelles attributions en janvier 2019 ;

– que le départ à la retraite de M. [N] et le non-remplacement de Mme [V] placée en arrêt de travail ont encore alourdi sa charge de travail, ce que confirment les témoignages de M. [R], chauffeur dans l’entreprise et de Mme [V] ;

– que, s’agissant du premier grief, il n’a jamais reçu le logiciel SOLID et ne pouvait pallier les carences du service informatique de l’entreprise ;

– que, s’agissant du deuxième grief, il a bien transmis les licences et les récépissés transport au plus tard le 2 août 2019 et cette transmission n’a entraîné aucune conséquence ;

– que, s’agissant du troisième grief, les faits sont prescrits pour avoir été connus de l’employeur en janvier 2019 ;

– que, s’agissant du quatrième grief, il n’a jamais été formé au logiciel MOSAIC et que les retards de saisie via le logiciel CLEAR étaient dus à son manque de temps ;

– que, s’agissant du cinquième grief, le véhicule à réparer était neuf et qu’il n’a fait que suivre les règles applicables aux véhicules neufs dans l’entreprise ;

– que, s’agissant du sixième grief, il avait bien géré le problème puisqu’il avait fait établir un devis par la société Boileau en vue de la réparation de la passerelle endommagée, étant ajouté qu’il n’y a eu aucune plainte de la part du client concerné ;

– que, s’agissant du septième grief, il lui avait été imposé de ne plus faire d’heures supplémentaires et qu’ainsi il ne lui était plus possible de dispenser de formations auprès de ses collègues ;

– que, s’agissant du huitième grief, il a informé sa hiérarchie dès qu’il a eu l’information par le chauffeur responsable du déversement, que le travail a été réalisé et qu’en réalité il lui est seulement reproché de ne pas avoir informé sa supérieure hiérarchique de la réalisation des travaux ;

– que, s’agissant du neuvième grief, il n’avait pas pu transmettre les RIB de ses collègues faute de les avoir lui-même reçus en dépit de ses relances ;

– que, s’agissant du dixième grief, il appartenait au service paie et non à lui d’informer son collègue au sujet de la difficulté qu’il avait rencontrée ;

– que, s’agissant du onzième grief, il n’avait pas la main sur les formations de ses collègues lesquelles étaient décidées à Paris ;

– que les griefs qui lui sont reprochés sont d’une futilité telle qu’ils ne sauraient fonder son licenciement ;

– qu’il verse aux débats de nombreux témoignages qui rendent compte de ce qu’il a toujours parfaitement rempli ses missions.

– Sur les demandes d’annulation de la lettre d’observation du 9 octobre 2018 et de l’avertissement du 20 décembre 2018 formées par M. [Y] [A] :

L’article L 1333-1 alinéa 1er du Code du travail énonce : ‘ En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction’.

Cet article dispose in fine : ‘ Si un doute subsiste, il profite au salarié’.

L’article L 1333-2 du même code prévoit que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

La lettre d’observation du 9 octobre 2018 a été notifiée à M. [Y] [A] aux motifs énoncés qu’il n’avait pas animé ‘les QHP’ et ne les avait pas saisis dans l’outil interne ‘Synergie’, qu’il n’avait pas assuré le contrôle des matières entrantes sur le site, ce qui avait engendré des conséquences financières importantes et désorganisé les conducteurs d’engins, et encore d’un ‘manque d’animation de l’équipe tant sur la partie sécurité que sur l’organisation du travail. Pour le reste cette lettre contient des rappels des obligations professionnelles de M. [Y] [A] sans grief précis.

L’avertissement du 20 décembre 2018 a été notifié à M. [Y] [A] aux motifs énoncés qu’il avait accordé à deux chauffeurs et pris des congés payés sans tenir compte du bon fonctionnement du service, qu’il n’avait pas formé sa collègue Mme [F] en dépit de demandes réitérées, qu’il avait animé et saisi 2 quarts d’heure Prévention au lieu de 5, mais également d’un défaut de réponse ou de réaction suite à diverses sollicitations de la part de son responsable et plus généralement d’un ‘mode de fonctionnement’ et d’une organisation qui ne lui permettaient pas ‘de remplir pleinement [votre] sa mission d’attaché d’exploitation’.

La cour observe cependant que la société Suez RV Sud Ouest ne développe aucun moyen ni ne produit aucune pièce de nature à éclairer les débats au sujet de ces deux sanctions disciplinaires qui n’apparaissent donc pas justifiées.

En conséquence la cour annule ces deux sanctions.

– Sur le licenciement :

Selon l’article L 1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et si un doute subsiste il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l’espèce le licenciement de M. [Y] [A] a été prononcé aux motifs :

– qu’il n’avait pas mis en place dans les délais prescrits la nouvelle station SOLID alors que la précédente était obsolète, ce qui l’avait empêché de lire les cartes des chauffeurs et avait fait courir un risque important pour ces derniers et pour l’entreprise ;

– qu’il n’avait pas assuré le renouvellement dans les délais de la carte Entreprise Chronoservice qui était devenue obsolète depuis le 24 juin 2019 ;

– qu’il n’avait pas transmis des licences communautaires et des récépissés de transport de déchets avant le 2 août 2019 quand il avait été informé par mail du 27 mai 2019 que cette transmission devait être faite avant le 30 juin suivant ;

– qu’il n’avait pas assuré le suivi de l’activité plate-forme et en particulier la vérification de la conformité des matières réceptionnées,

ce qui avait conduit l’entreprise à acheter du platin revendu 80 euros la tonne au prix de l’aluminium soit 510 euros la tonne ;

– qu’il avait mal saisi ou n’avait pas saisi des bons de commande et des poids mesurés ;

– qu’il avait manqué à ses obligations en matière de sécurité alors que sa fiche de poste stipulait qu’il devait mettre en oeuvre la ‘politique prévention sécurité des risques’ ;

– qu’il n’avait pas adopté une réaction adaptée à la suite de la dégradation chez un client d’une passerelle par un chauffeur de l’entreprise ;

– qu’il avait été défaillant dans la remontée d’informations vers sa hiérarchie et vers les clients ;

– qu’il avait manqué à ses obligations de collaboration avec ses collègues (non suivi des formations collaborateurs, non transmission des RIB des collaborateurs et défaut de réponse aux questions de ces derniers).

S’agissant du premier de ces griefs, la société Suez RV Sud Ouest verse aux débats :

– sa pièce n° 12 : il s’agit de la ‘fiche de poste d’attaché d’exploitation collecte DI et Plate-forme’ dont M. [Y] [A] ne conteste pas qu’elle correspondait à ses fonctions dans l’entreprise. Cette fiche contient un paragraphe intitulé ‘Ressources humaines’ qui débute comme suit : ‘L’attaché d’exploitation DI s’assure de la bonne application de la réglementation sociale, notamment le respect des horaires (temps de conduite, temps de pause)….’.

– sa pièce n° 13 : il s’agit de deux courriels relatifs à l’organisation de la formation à l’utilisation du logiciel SOLID en décembre 2018. La cour observe que M. [Y] [A] admet explicitement (page 8 de ses conclusions) avoir bénéficié de cette formation.

– sa pièce n° 14 : il s’agit d’un ensemble de 4 courriels qui font apparaître notamment que M. [Y] [A] avait demandé le 23 juillet

2019 à Mme [I] [D] la mise en service de la borne Solid sur le site dont il avait la responsabilité, ajoutant qu’il ne pouvait plus ‘vider les cartes chauffeurs’.

– sa pièce n° 15 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [I] [D], responsable centres services au sein de l’entreprise, qui y déclare : ‘Suite à la formation ARREX sur le nouveau logiciel Solid en décembre 2018, les attachés d’exploitation ont reçu pour consigne de vérifier s’ils réceptionnaient bien les nouvelles bornes Solid dans chacune des exploitations. En effet, nous avions été informés pendant la formation, que les anciennes bornes étaient obsolètes et qu’elles ne fonctionneraient plus à partir du 1er juillet 2019. Le 15 juillet 2019, M. [Y] [A], sans m’en informer, a demandé au service informatique de lui adresser une nouvelle borne car il ne pouvait plus vider les cartes chronos……A aucun moment il ne m’a prévenue de cette situation en amont’.

La mise en perspective de ces pièces fait clairement apparaître qu’alors qu’il avait été formé à l’utilisation de la borne Solid fin 2018 et qu’à cette occasion il avait été informé de ce que les bornes alors en usage ne seraient plus utilisables à compter du 1er juillet 2019, M. [Y] [A] a attendu le 15 juillet 2019 pour se manifester auprès de sa hiérarchie et du service informatique de l’entreprise afin qu’une borne Solid soit mise en place au sein du site placé sous sa responsabilité. Par son inertie, il a pris le risque de n’être pas équipé de cette borne Solid pour le jour de la date butoir du 1er juillet 2019 puis s’est trouvé confronté à la réalisation effective de ce risque entre cette date et au mieux le 15 juillet suivant, ce qui consécutivement s’est traduit par l’impossibilité de lire les cartes des chauffeurs pendant toute cette période et donc de contrôler le respect par ces derniers des horaires et de la réglementation en matière de temps de conduite et de pause notamment, étant en outre observé à cet égard d’une part que M. [Y] [A] ne justifie pas s’être manifesté d’aucune manière avant le 15 juillet 2019 pour régulariser la situation et d’autre part qu’il apparaît

que la régularisation de cette situation qui n’a nécessité de la part de M. [Y] [A] qu’un courriel aux services compétents n’impliquait pas d’y consacrer un temps tel que la charge de travail dont fait état M. [Y] [A] ait pu justifier sa carence dans un domaine touchant in fine à la sécurité dans l’entreprise.

Aussi la cour considère que ce premier grief est établi et sérieux.

L’employeur verse également aux débats :

– sa pièce n° 16 : il s’agit de deux courriels en dates des 23 et 27 mai 2019 dont il ressort que M. [Y] [A] avait été informé de ce qu’il devait transmettre ‘par scan l’intégralité des licences communautaires…. et l’autorisation de transport de déchets’ pour l’ensemble des ‘camions Suez, des camions de location …..’, et que la mise à jour de ces documents devait être ‘finalisée pour le 30 juin 2019’ ;

– sa pièce n° 17 : il s’agit d’un courriel en date du 2 août 2019 adressé par M. [Y] [A] à plusieurs collègues relatif aux licences communautaires et aux récépissés de transport des déchets ;

– ses pièces n° 18 à 20 : il s’agit d’un ensemble de courriels adressés à M. [Y] [A] par Mme [I] [D] les 21 juin, 25 et 29 juillet 2019 aux termes desquels celle-ci a réclamé à 3 reprises au salarié de justifier qu’il avait fait le nécessaire au sujet des licences communautaires et des autorisations de transport de déchet qui devaient se trouver à bord des camions des chauffeurs placés sous son contrôle.

La mise en perspective de ces pièces fait clairement apparaître que, dans un domaine réglementé qui notamment exposait l’entreprise à des sanctions pénales, M. [Y] [A] n’a pas exécuté, dans les délais impartis, les consignes claires et réitérées qui lui avaient été données, étant ajouté une nouvelle fois que le respect de ces consignes n’impliquait pas d’y consacrer un temps tel que la charge de travail dont fait état M. [Y] [A] ait pu justifier sa carence.

L’employeur verse encore aux débats :

– de nouveau sa pièce n° 12 : il s’agit de la ‘fiche de poste d’attaché d’exploitation collecte DI et Plate-forme’. Cette fiche contient un paragraphe intitulé ‘Gestion et suivi d’activité tri plate-forme’ qui stipule notamment que M. [Y] [A] était chargé de s’assurer que les réceptions matières étaient réalisées selon les procédures groupe et de les valider ;

– sa pièce n° 23 : il s’agit d’un ensemble de documents (courriels, bon de réception, fiche de réception de marchandises non conformes etc….) dont il ressort que la société Suez RV Sud Ouest a, sous le contrôle de M. [Y] [A] qui a validé la livraison, reçu, en provenance d’un chantier à [Localité 2], puis payé une benne de métaux présentée comme contenant de l’aluminium qui s’est avérée être une benne de ferraille.

Parmi ces documents figure un courriel en date du 11 juin 2019 rédigé par Mme [I] [D] qui y écrit notamment : ‘Nous avons donc acheté la matière à [Localité 2] à 510 euros la tonne quand Menut nous l’achète 80 euros la tonne’, puis plus avant : ‘Lorsque j’ai demandé à [Y] s’il avait répercuté la non-conformité, il m’a répondu que ce n’était pas son problème mais celui du commerce’.

Ces éléments démontrent que M. [Y] [A] a failli à ses obligations en matière de contrôle et de validation de la livraison de matières.

L’article L 1332-4 du Code du travail énonce :

‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales’.

Il est acquis que le point de départ du délai de deux mois prévu par ce texte est constitué par le jour où l’agissement fautif a été clairement identifié c’est-à-dire le jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Or à cet égard, s’il est établi par les pièces produites par les parties que la livraison litigieuse a eu lieu en janvier 2019, les documents communiqués par la société Suez RV Sud Ouest sous ses pièces n° 23, 25 et 26 démontrent que celle-ci, par l’intermédiaire de Mme [I] [D], n’a été informée de la non-conformité de la marchandise livrée et achetée en janvier 2019 que le 11 juin 2019, soit moins de deux mois avant la date de mise en oeuvre de la procédure ayant abouti au licenciement de M. [Y] [A]. La cour observe en outre sur ce plan que la pièce n° 23 de l’employeur fait apparaître que la question de la non-conformité de la livraison faite auprès de la société Menut a été signalée par deux courriels par cette entreprise à M. [Y] [A] seul.

En conséquence, la cour retient que la faute commise par M. [Y] [A] en matière de contrôle et de validation de la livraison de matières n’était pas prescrite au jour de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

S’agissant de la surcharge de travail dont le salarié fait grief à l’employeur, la cour observe que M. [Y] [A] qui soutient s’être plaint en 2018 de ne pouvoir assumer l’intégralité de ses tâches, n’en justifie d’aucune manière quand la société Suez RV Sud Ouest soutient à l’inverse qu’il n’avait jamais formulé la moindre plainte à ce sujet avant son licenciement.

Par ailleurs, alors que M. [Y] [A] fait valoir qu’il était seul à exercer ses fonctions sur le site de [Localité 6] quand ses homologues de [Localité 4] et de [Localité 7] étaient deux pour exercer les mêmes attributions dans chacun de ces sites, la société Suez RV Sud Ouest verse aux débats, sous sa pièce n° 47, une attestation et des décomptes de tonnages de déchets pour l’année 2019 dont il ressort que le site de [Localité 6] recevait un tonnage représentant environ un tiers de celui enregistré à [Localité 4] et un quart de celui enregistré à [Localité 7].

Encore, alors que la société Suez RV Sud Ouest justifie (sa pièce n° 50) de ce que M. [B] [N] était employé dans l’entreprise en qualité de mécanicien, et fait ensuite valoir que par conséquent le départ à la retraite de ce salarié n’avait pu avoir aucune conséquence en termes de charge de travail pour M. [Y] [A], ce dernier ne produit aucun élément précis et probant contraire au soutien de ses allégations.

M. [Y] [A] fait en outre grief à l’employeur de lui avoir transféré une partie des tâches de sa collègue, Mme [K] [V], pendant la période durant laquelle celle-ci avait été placée en arrêt maladie, quand la société Suez RV Sud Ouest verse aux débats sa pièce n° 51 dont il ressort que Mme [K] [V] avait été placée en arrêt de travail dès 2017 c’est-à-dire avant même la nomination de M. [Y] [A] aux fonctions d’attaché d’exploitation. De surcroît, alors que la société Suez RV Sud Ouest objecte que Mme [K] [V] n’était pas affectée sur le même site que M. [Y] [A], ce dernier ne fournit aucune explication précise sur les tâches qui lui auraient été transférées du fait de l’absence de cette collègue. Enfin toujours sur ce point, la société Suez RV Sud Ouest produit aux débats, sous sa pièce n° 54, un document intitulé ‘Lettre de mission’ dont il ressort que l’entreprise a confié à une dame [U] [X], à compter du 1er novembre 2018, les fonctions d’assistante d’exploitation sur le périmètre de l’agence Poitou-Charentes, fonctions que Mme [K] [V] avait préalablement exercées.

La mise en perspective du contenu d’une part de la lettre d’observation du 9 octobre 2018 dont M. [Y] [A] soutient qu’elle mettait à sa charge de nouvelles missions et avait donc pour effet d’accroître sa charge de travail et d’autre part de la fiche de poste déjà évoquée ne fait pas apparaître un accroissement du nombre de missions qui lui étaient dévolues. La seconde de ces pièces énumère, sous une forme légèrement différente, des missions qui figuraient déjà sur la fiche de poste et présente seulement ces missions comme prioritaires et non comme supplémentaires.

Certes enfin M. [Y] [A] verse aux débats plusieurs attestations d’anciens collègues qui font état de ses qualités professionnelles et humaines. Toutefois ces appréciations d’ordre général ne sont pas de nature à faire écarter la réalité des fautes reprochées à M. [Y] [A] et dont il a déjà été exposé qu’au moins trois d’entre elles étaient établies. Parmi ces attestations figurent celles rédigées par M. [P] [R] (pièces de M. [Y] [A] n° 17 et 29) aux termes desquelles ce dernier déclare notamment que ‘les tâches de M. [Y] [A] se sont multipliées’, citant : ‘la reprise d’une partie du travail de Mme [V], la gestion du centre de tri, les pesées, les stocks etc…’. Cependant, ainsi que cela a déjà été observé les éléments de l’affaire ne permettent pas de considérer que M. [Y] [A] a dû supporter une surcharge de travail durant la période d’absence de Mme [K] [V]. Par ailleurs la quasi des tâches citées, au demeurant avec beaucoup d’approximation, par M. [P] [R] comme étant venues accroître la charge de travail de M. [Y] [A] s’inscrivaient dans les fonctions de ce dernier telles que prévues à sa fiche de poste. Enfin, outre que la pièce n° 27 communiquée par M. [Y] [A] et intitulée attestation ne répond pas aux règles de formes posées par l’article 202 du Code de procédure civile, la cour observe que sa rédactrice, Mme [K] [O], y formule des observations en termes laconiques (‘lors du changement de direction…..la pression de toute part a commencé à se faire ressentir’, ou ‘j’ai pu à plusieurs reprises être le témoin du peu de moyen voire pas du tout que disposait M. [Y] [A] pour réaliser correctement son travail et répondre aux attentes des clients’ dont il ne peut être déduit avec certitude et précision que M. [Y] [A] a été confronté à une surcharge de travail au sein de la société Suez RV Sud Ouest.

En conséquence la cour considère que M. [Y] [A] ne rapporte pas la preuve d’une surcharge de travail telle qu’elle ait pu justifier qu’il manque à ses fonctions dans des domaines essentiels touchant à la sécurité de ses collègues chauffeurs, à la réglementation des transports et, dans une moindre mesure, touchant aux intérêts économiques de l’entreprise.

Ainsi au total, la cour retient que la société Suez RV Sud Ouest justifie de la réalité et du sérieux des trois griefs déjà analysés et que ces trois griefs suffisent à fonder le licenciement de M. [Y] [A] sans qu’il soit même nécessaire d’analyser les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement.

En conséquence de quoi, la cour déboute M. [Y] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Succombant en sa demande, M. [Y] [A] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

En revanche, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Suez RV Sud Ouest l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société Suez RV Sud Ouest sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour infirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Suez RV Sud Ouest à verser à M. [Y] [A] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a annulé la lettre d’observation du 9 octobre 2018 et l’avertissement infligé à M. [Y] [A] le 20 décembre 2018 ;

Et, statuant à nouveau :

– Déboute M. [Y] [A] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Déboute M. [Y] [A] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Et, y ajoutant :

– Déboute les parties de leur demande respective sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ;

– Condamne M. [Y] [A] aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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