DLP/CH
[Z] [Y]
C/
S.A.S. LYRECO FRANCE prise en la personne de son représentant légal
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 04 MAI 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00575 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYE5
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 12 Juillet 2021, enregistrée sous le n° F 20/00267
APPELANT :
[Z] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Stefan RIBEIRO de la SELARL ALTILEX AVOCATS, avocat au barreau du VAL D’OISE
INTIMÉE :
S.A.S. LYRECO FRANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline BARBE de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Justice VERQUIN, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [Y] a été engagé en qualité d’attaché commercial par la SAS Lyreco France qui commercialise des fournitures de bureau, du 12 octobre 2000 au 27 mai 2018.
Par requête reçue au greffe le 2 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir condamner son employeur à lui payer l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé et, subsidiairement, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 12 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté l’ensemble de ses demandes.
Par déclaration enregistrée le 29 juillet 2021, M. [Y] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
– condamner la SAS Lyreco France à lui payer la somme de 21 827,58 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
A titre subsidiaire,
– condamner la société Lyreco France à lui payer la somme de 12 741,16 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
En tout état de cause,
– condamner la société Lyreco France à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite de base et complémentaires, ce sous astreinte de 100 euros par jour passé à compter d’un délai de 2 mois à compter de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société Lyreco à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Lyreco aux entiers dépens.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28 février 2023, la société Lyreco France (Lyreco) demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 500 euros,
Statuant à nouveau,
– débouter M. [Y] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [Y] à 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Y] aux entiers frais et dépens d’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA DEMANDE AU TITRE DU TRAVAIL DISSIMULÉ
l sera liminairement relevé que la société Lyreco prétend, dans le corps de ses conclusions, que la demande de M. [Y] en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est prescrite depuis le 28 mai 2020, le point du délai de prescription biennale étant, selon elle, la date de la rupture du contrat de travail. Or, elle ne reprend pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses écritures de sorte que la cour n’en est pas saisie.
M. [Y] soutient que la société Lyreco a eu l’intention de dissimuler une partie de son salaire par la non-prise en compte de la partie variable de sa rémunération dans le calcul de l’assiette de l’indemnité de congés payés. Il estime que la société a sciemment inscrit sur les bulletins de salaire des montants qu’elle savait erronés au titre des congés payés ou intentionnellement refusé de rectifier la situation et qu’elle a ainsi engagé sa responsabilité en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ces derniers.
La société Lyreco s’oppose et se prévaut d’une simple erreur de paramétrage du logiciel paie, indépendante de sa volonté.
En vertu de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Ici, s’agissant de l’élément matériel de l’infraction, l’hypothèse invoquée par M. [Y] n’est pas prévue par l’article précité, alors qu’il n’est ni allégué ni démontré une soustraction de l’employeur à son obligation de délivrer un bulletin de paie ou d’y mentionner le nombre d’heures de travail réellement accompli par le salarié, sans analogie possible. Il n’est pas davantage démontré que l’employeur a procédé à des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales qui ne soient pas conformes aux sommes qu’il a effectivement versées à son salarié, même s’il n’est pas contestable qu’en déclarant des sommes de nature salariale sur la base d’une assiette de calcul inférieure à ce qu’elle aurait dû être, les cotisations sociales ont été minorées.
En tout état de cause, la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas rapportée par M. [Y].
S’il est démontré par les procès-verbaux du comité d’entreprise des 12 mars 2008 et 16 avril 2008 qu’au moins à cette époque, la question de l’absence de prise en compte des éléments variables de rémunération des commerciaux pour le calcul de l’indemnité de congés payés avait déjà été posée par les membres du comité au directeur des ressources humaines, celui-ci y a répondu en présentant son argumentation et en exprimant son désaccord, tout en proposant au comité d’entreprise de lui fournir les textes de loi sur lesquels il se fondait. Lorsque la question a de nouveau été posée en comité d’entreprise le 24 octobre 2018, la direction a décidé de mener un audit avec mission de procéder à une étude comparative de ses pratiques sociales (usages, accords, …) et, notamment, sur ses pratiques de paie, audit qui a eu lieu de mi-février 2019 à fin avril 2019, pour aboutir à une correction du paramétrage du système de paie et à un rappel d’indemnités de congés payés décidé dès le 23 mai 2019, soit le lendemain de la restitution du rapport d’audit. Le caractère intentionnel de l’omission en cause n’est donc pas établi, s’agissant d’une erreur de calcul qui n’était pas facilement détectable et qui a finalement été régularisée.
Il en résulte que le travail dissimulé n’est pas caractérisé de sorte que la demande d’indemnité afférente doit être, par confirmation du jugement, rejetée.
SUR L’EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL
M. [Y] se prévaut de la mauvaise foi de la société Lyreco dans l’exécution du contrat de travail. Il prétend là encore que l’employeur a intentionnellement omis de prendre en compte la part variable du salaire dans le calcul de l’indemnité de congés payés. Il excipe d’un mauvais paramétrage volontaire du logiciel paie de la part de l’employeur et estime rapporter la preuve de l’intention déloyale de ce dernier qui a, selon lui, nécessairement indiqué au prestataire extérieur les paramétrages à effectuer sur le logiciel paie. Il ajoute que la société Lyreco aurait pu régulariser au réel des sommes dues et non se retrancher derrière la prescription triennale.
La société Lyreco réplique que l’absence de prise en compte de la rémunération variable dans l’assiette de calcul des indemnités de congés payés résulte bien d’une erreur de paramétrage du logiciel paie, indépendante de sa volonté.
Il est constant que l’employeur, au même titre que le salarié, a l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi laquelle se présume. Il se doit ainsi de respecter les règles légales, conventionnelles, contractuelles ou simplement d’usage dont il a connaissance et est notamment tenu d’une obligation de sécurité de moyen renforcé.
La preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur doit être rapportée par le salarié qui l’allègue.
Ici, il est constant que le logiciel de paie CEGID n’est pas paramétré par la société Lyreco mais par un prestataire extérieur (pièce 10 de l’employeur). M. [Y] ne peut déduire la mauvaise foi de son employeur du seul fait que celui-ci aurait « nécessairement indiqué au prestataire les paramétrages à effectuer » alors qu’il ne l’établit pas et que, surtout, l’erreur dont s’agit n’était pas facilement détectable puisqu’il a fallu la réalisation d’un audit pour la déterminer. De plus, la société Lyreco a eu connaissance de la restitution de l’audit le 9 mai 2019. Le temps écoulé entre le lancement de cette mesure et sa restitution ne lui est pas imputable, étant précisé que l’employeur a communiqué le résultat de l’audit lors de la réunion du comité d’entreprise du 22 mai 2019, soit dans un délai très rapide. Il a par ailleurs régularisé la situation dès le mois de juillet 2019 en mettant à la disposition des salariés concernés une adresse mail pour toute question relative à la régularisation opérée (pièce 13 du salarié).
De même, le fait que la société Lyreco ait régularisé la situation sur les trois dernières années s’explique par la prescription triennale applicable et ne saurait caractériser sa mauvaise foi.
Par ailleurs, la prise en compte de la rémunération variable dans le calcul de l’assiette des congés payés n’a pas été évoquée avant les réunions du comité d’entreprise des 12 mars et 16 avril 2008 et il n’en ressort pas une mauvaise foi de la part de M. [O], DRH, qui considérait manifestement en toute bonne foi que ces primes variables n’entraient pas dans l’assiette de calcul des congés payés. La direction actuelle n’a jamais été informée de l’existence d’une difficulté avant l’été 2018 (pièce 5 de l’employeur). M. [O] n’a pas davantage alerté le responsable du service de paie sur cette question, étant ajouté que l’équipe RH présente en 2018 n’était pas celle de 2008, M. [O] notamment ayant quitté l’entreprise en 2014. De surcroît, l’argumentation du salarié sur l’existence d’un climat social tendu au sein de la société ne concerne aucunement la prise en compte de la rémunération variable dans l’assiette de calcul des indemnités de congés payés, de même que les erreurs déjà commises par l’employeur au niveau de l’indemnité d’activité partielle, surplus d’indemnité versé au salarié.
Ainsi, M. [Y] ne démontre pas que son employeur a, de manière volontaire, procédé au mauvais paramétrage du logiciel de paie aux fins d’économies d’échelle au détriment des salariés ou qu’il a laissé perdurer la situation en toute connaissance de cause à cette fin.
Enfin, même à supposer que l’entreprise se soit montrée négligente, le salarié ne justifie d’aucun préjudice moral alors qu’il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi lequel ne peut, au surplus, être réparé par une somme à caractère salariale, M. [Y] sollicitant de ce chef la somme de 2 151,41 euros correspondant, en réalité, aux indemnités de congés payés qui lui étaient dues pendant la période qui n’a pas donné droit à régularisation en raison de la prescription.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire du salarié à ce titre.
SUR LA RÉGULARISATION DES COTISATIONS RETRAITE
M. [Y] entend voir condamner la société Lyreco France à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite de base et complémentaire, et ce sous astreinte de 100 euros par jour passé à compter d’un délai de 2 mois à compter de l’arrêt à intervenir. Sa demande concerne les cotisations afférentes à des indemnités de congés payés non versées. Il précise avoir subi un préjudice dans le fait d’avoir vu ses droits à retraite calculés sur une base de rémunération erronée.
En réponse, la société Lyreco oppose, dans le corps de ses écritures, la prescription de la demande mais ne reprend pas cette prétention dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’en est pas saisie.
Il est constant que l’employeur a régularisé en juillet 2019 les arriérés de congés payés ainsi que les cotisations retraite sur les trois dernières années, soit 2016, 2017 et 2018.
M. [Y] sollicite la régularisation des cotisations de retraite sans viser expressément la période concernée. Or, il est manifeste qu’il se réfère à celle visée au titre du travail dissimulé et, plus précisément, celle partant de la date de son embauche ou « à tout le moins à compter de 2008 » jusqu’au terme de son contrat de travail (pages 18 et 20 de ses conclusions). Or, aucune régularisation d’indemnité de congés payés n’est intervenue pour les années antérieures à 2016 de sorte qu’aucune régularisation auprès des organismes de retraite de base et complémentaire ne peut être ordonnée avant ladite année.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [Y] et de confirmer le jugement en ses dispositions en ce sens.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [Y], qui est à l’origine d’un appel non fondé, doit prendre en charge les dépens d’appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [Y] et le condamne à payer à la société Lyreco la somme de 1 500 euros,
Condamne M. [Y] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION
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