Droit du logiciel : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/00373

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Droit du logiciel : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/00373

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2023

N° 2023/

MS/PR

Rôle N°21/00373

N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYIK

[V] [O]

C/

S.A.S. VAUBAN 21

Copie exécutoire délivrée

le : 04/05/2023

à :

– Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE

– Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 09 Décembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00756.

APPELANT

Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Murielle GANDIN, avocat au barreau de PARIS

et par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

INTIMEE

S.A.S. VAUBAN 21, sise [Adresse 3]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [V] a été engagé par la SAEM de gestion [Localité 4] en qualité de Directeur, statut cadre, à compter du 1er juin 2015 par contrat à durée indéterminée.

Le contrat de travail du salarié prévoyait une clause de reprise d’ancienneté ainsi formulée : ‘à compter de 18 mois (dix-huit mois) de présence au sein de l’entreprise, Monsieur [V] [O] bénéficiera de la reprise d’ancienneté de son précédent contrat de travail depuis le 4 décembre 1995. Le certificat de travail du précédent employeur est joint au présent contrat’.

A compter du 1er janvier 2017, le contrat de travail de M. [O] a été transféré à la SAS Vauban 21, cette dernière succédant à la SAEM de gestion [Localité 4] dans la délégation de service public pour l’exploitation, l’entretien et la gestion du port.

En dernier lieu, M. [O] relevait de la qualification conventionnelle de directeur de port, niveau E, échelon 3, coefficient 808 et il bénéficiait d’une convention annuelle de forfait en jours (216 jours).

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des personnels des ports de plaisance du 8 mars 2012.

Après avoir été mis à pied à titre conservatoire et convoqué par courrier remis en main propre le 7 février 2018 à un entretien préalable fixé le 16 février 2018, auquel il s’est présenté assisté, M. [O], par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 février 2018 a été licencié pour faute sérieuse.

A l’issue de sa période de préavis de six mois, qui a fait l’objet d’une dispense d’exécution par l’employeur, M. [O] s’est vu remettre ses documents de fin de contrat.

Le 19 novembre 2018, M. [O], contestant le bien-fondé de son licenciement, ainsi que la validité de sa convention de forfait en jours et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 9 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grasse a :

– dit que le licenciement de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire à 9 789,79 euros,

– condamné la société Vauban 21 à payer au salarié la somme de 164 097, 44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire, ainsi qu’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement dans la limite de neuf mois de salaire,

– dit que l’indemnité conventionnelle portera intérêts légaux à la date de la saisine et seront capitalisés,

– condamné la société Vauban 21 à remettre à M. [O] les documents sociaux rectifiés, sans astreinte,

– débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Vauban 21 aux dépens.

M. [O] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, M. [O], appelant, demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter la SAS Vauban 21 de ses demandes et de condamner l’intimée au paiement d’une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, dont 3 000 euros au titre des frais de première instance et 2 000 euros au titre des frais en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Statuant à nouveau, l’appelant demande à la cour de ‘dire et juger’ que :

– son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– qu’il bénéficiait d’une reprise d’ancienneté au 4 décembre 1995,

– que sa convention de forfait annuel en jours est nulle,

– que la société Vauban 21 a manqué à son obligation de restitution de l’intégralité de ses affaires personnelles,

En conséquence,

– fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 9 921, 25 euros bruts,

– ordonner la condamnation de la société Vauban 21 au paiement des sommes suivantes :

* 163 700, 70 euros nets à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (16, 5 mois),

* 30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

*166 726, 64 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire,

* 30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention individuelle de forfait en jours,

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de restitution des affaires personnelles,

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

En tout état de cause,

– ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

L’appelant fait valoir que :

– son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ne lui sont pas imputables et ne sont pas fondés ;

– à compter du transfert de son contrat de travail à la société Vauban 21 en date du 1er janvier 2017, il a subi une modification de ses fonctions, en passant de directeur de port à directeur d’exploitation du port, sans qu’aucun avenant à son contrat de travail, ni de nouvelle fiche de poste ne soient établis. Au regard de l’absence de définition de sa fonction aucune faute professionnelle ne peut lui être imputée ;

– la modification de ses fonctions a également eu pour effet de réduire ses prérogatives, de sorte que les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement ne peuvent lui être imputés puisqu’ils n’entraient pas dans le périmètre de ses nouvelles responsabilités;

– certains des griefs mentionnés dans la lettre n’ont pas été abordés lors de l’entretien préalable et doivent donc être écartés ;

– au demeurant, les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas fondés ni corroborés d’aucune preuve sérieuse ;

– en tout état de cause, eu égard à l’absence de passif disciplinaire, la sanction du licenciement s’avère disproportionnée aux fautes alléguées par l’employeur ;

– la véritable cause du licenciement repose sur un motif économique qui est démontré par les difficultés financières rencontrées par la société Vauban 21 et par son remplacement par un autre salarié déjà présent dans les effectifs de la société ;

– le salaire moyen brut mensuel retenu par le conseil de prud’hommes est erroné car il n’intègre pas la prime de fin d’année ;

– l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 16, 5 mois de salaire réclamée est justifiée par la démonstration de son préjudice résultant des circonstances du licenciement et en ce qu’il justifie qu’il a perçu depuis le licenciement pour seul revenu les allocations versées par Pôle emploi ;

– en raison des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement il est également bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts pour réparer son préjudice moral distinct de celui réparé par l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– il n’est pas rempli de ses droits au titre de l’indemnité de licenciement conventionnelle, dans la mesure où l’employeur a fait une lecture erronée des dispositions conventionnelles en considérant qu’elles excluent la prise en compte de la clause contractuelle de reprise d’ancienneté à compter du 4 décembre 1995 ;

– sa convention annuelle de forfait en jour est nulle, étant considéré que la société Vauban 21 n’a pas respecté la convention collective nationale des ports de plaisance, qui conditionnait l’application du dispositif de forfait en jours à la conclusion d’un accord d’entreprise pour compléter les dispositions conventionnelles, notamment sur les modalités d’évaluation et de suivi de la charge de travail du salarié ;

– en outre, la convention collective nationale ne prévoit aucune disposition relative aux modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail, l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, la rémunération et l’organisation du temps de travail ;

– en tout état de cause, l’employeur n’a mis en place aucune des garanties visées à l’article L.3121-65 du code du travail ;

– il s’ensuit que la nullité de la convention de forfait annuel en jours lui cause nécessairement un préjudice qui doit être réparé par l’attribution de dommages et intérêts ;

– la société Vauban 21 ne lui a pas restitué l’ensemble de ses affaires personnelles après son licenciement malgré plusieurs relances, de sorte qu’il est bien-fondé à réclamer la restitution de ses affaires, et à défaut, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du retard de restitution de certains objets et de l’absence de remise de l’intégralité de ses affaires ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2021, la SAS Vauban 21, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné la société Vauban 21 à payer à M. [O] les sommes suivantes:

*164 097, 44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire,

*1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que l’indemnité conventionnelle de licenciement portera intérêts légaux à la date de la saisine et seront capitalisés,

– condamné la société Vauban 21 à remettre au salarié les documents sociaux rectifiés,

– l’a condamné aux dépens.

Statuant à nouveau, la société Vauban 21 demande à la cour de :

– à titre principal, débouter M. [O] de l’intégralité de ses demandes,

– à titre subsidiaire, ‘dire et juger’ que le montant des dommages et intérêts que le salarié peut solliciter pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est au maximum de 29 396, 37 euros,

– débouter M. [O] de ses autres demandes.

En tout état de cause, condamner M. [O] au paiement d’une somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’intimée réplique que :

– le licenciement de M. [O] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse, les griefs qui motivent le licenciement du salarié étant fondés sur des éléments objectifs et matériellement vérifiables ;

– ils sont suffisants pour justifier son licenciement eu égard à ses multiples manquements et e considération de ses fonctions de directeur de port ;

– la société Vauban 21 ‘s’inscrit en faux’ à l’égard du compte rendu d’entretien préalable produit par le salarié, dans la mesure où il ne rapporte pas l’ensemble des échanges de l’entretien et n’est pas signé par la personne qui a assisté le salarié ;

– aucune modification de ses fonctions n’est intervenue à la suite du transfert de son contrat de travail à la société Vauban 21, de sorte que les fautes reprochées qui sont toutes relatives à sa mission d’exploitation du plan d’eau lui sont bien imputables ;

– la véritable cause du licenciement repose sur les manquements reprochés à M. [O] et non sur un motif économique. Les allégations du salarié à ce titre sont inopérantes;

– à titre subsidiaire, le salaire de référence de M. [O] à retenir est celui qui a justement été calculé par le conseil de prud’hommes ;

– l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse réclamée par M. [O] doit être ramenée à 3 mois de salaire, étant donné qu’il ne justifie pas de l’existence et de l’étendue de son préjudice à hauteur de 16, 5 mois de salaire ;

– sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct est mal fondée, le salarié ne démontrant pas que le licenciement a été prononcé dans des circonstances vexatoires et humiliantes ;

– le salarié est rempli de ses droits au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, dans la mesure où la clause de reprise d’ancienneté contractuelle ne pouvait être prise en compte pour comptabiliser l’ancienneté dans le cadre de l’indemnité de licenciement conventionnelle. Au sens des dispositions conventionnelles l’ancienneté s’entend des jours de travail effectifs/jours de présence, lesquels débutent au premier jour d’embauche, ce qui exclut dès lors de prendre en compte la reprise de l’ancienneté chez un autre employeur ;

– la convention de forfait annuelle en jours du salarié est régulière, eu égard à la convention collective nationale des ports de plaisance qui n’imposait pas la conclusion d’un accord d’entreprise pour mettre en place le dispositif, les dispositions conventionnelles étant conformes aux exigences légales en la matière ;

– il est par ailleurs mal fondé à soutenir que la société n’a mis en place aucun dispositif de suivi du temps et de la charge de travail des salariés bénéficiaires d’une convention de forfait en jours, alors qu’il incombait au salarié en raison de ses fonctions de mettre en place ce dispositif. Il ne peut donc valablement reprocher à l’employeur sa propre défaillance ;

– en tout état de cause, la nullité du forfait en jours n’ouvre pas droit à l’allocation de dommages et intérêts mais replace les parties dans la situation d’un décompte du temps de travail sur la base de 35 heures hebdomadaire, ce qui impose au salarié d’apporter des éléments quant aux heures supplémentaires réalisées ;

– M. [O] ne verse aucun élément de nature à justifier de la réalité des heures qu’il prétend avoir effectué, d’autant qu’il continuait à réaliser une prestation de travail pour le compte de son ancien employeur pendant son temps de travail au sein de la société Vauban 21 ;

– le salarié est mal fondé à demander des dommages et intérêts au titre de l’absence de restitution de ses effets personnels, alors qu’il ne démontre pas leur existence et que suite à la réception de ses affaires envoyées par voie postale il n’a émis aucune réclamation auprès de la société, laquelle apparaît seulement dans ses conclusions plus d’un an après cette restitution ;

– dans son dispositif le salarié sollicite des dommages et intérêts au titre d’une résistance abusive de l’employeur, sans pour autant détailler cette demande dans le corps de ses écritures. Eu égard à sa défaillance dans la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention, il sera débouté de sa demande à ce titre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1- Sur la demande de nullité de la convention annuelle de forfait en jours

* Sur la faculté de l’employeur de se prévaloir du dispositif de forfait en jours prévu par l’accord de branche

D’après l’article L. 3121-39 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le recours au forfait annuel en jours est subordonné à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche.

Le paragraphe 9 de l’annexe 1 « dispositions propres au personnel d’encadrement » de la convention collective nationale des personnels des ports de plaisance prévoit les modalités de mise en place du dispositif de forfait en jours. Ce paragraphe a été étendu par arrêté du 13 octobre 2015 « sous réserve que soient précisées, par un accord d’entreprise ou d’établissement, les caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait dans le respect des exigences jurisprudentielles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, et sous réserve du respect des articles L. 3121-46 et L. 2323-29 du code du travail ».

En application de l’article L.3121-39 susvisé qui n’exige pas que l’accord de branche soit étendu, la société Vauban 21 pouvait se prévaloir du dispositif de forfait en jours tel que prévu par les dispositions conventionnelles non étendues, sans avoir conclu au préalable un accord d’entreprise ou d’établissement.

* Sur la validité de la convention de forfait en jours

Il résulte de l’article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article L.3121-39, les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.

Il est constant que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il résulte toutefois de l’article L.3121-65 du code du travail, que depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en l’absence de disposition dans l’accord collectif sur le suivi de la charge de travail, il est possible de conclure une convention individuelle de forfait en jours dès lors que l’employeur :

– établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Ce document peut être renseigné par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ;

– s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

– et organise un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En outre, en l’absence de précision dans l’accord collectif sur l’exercice du droit à la déconnexion, les modalités d’exercice de ce droit doivent être définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés.

En l’espèce, le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 29 mai 2015 entre M. [O] et la société Vauban 21 prévoyait un forfait en jours, étant rappelé que la convention collective nationale des personnels des ports de plaisance était applicable à la relation de travail. L’article 7 du contrat de travail ‘durée du travail’ est ainsi rédigé :

‘Compte tenu de la nature de sa fonction et des missions qui lui sont rattachées, le Directeur dispose d’une forte autonomie dans l’organisation de son travail et n’est pas soumis à des horaires fixes et contrôlables.

Pour cette raison et conformément à l’article L.3121-39 du code du travail, et en référence à la convention collective nationale des Ports de Plaisance, le temps de travail de Monsieur [V] [O] est fixé forfaitairement à 216 jours par an, sans référence horaire’.

La convention collective nationale des personnels des ports de plaisance, dans le paragraphe 9 de l’annexe 1 « dispositions propres au personnel d’encadrement », sur lequel se fonde l’employeur pour justifier le recours à un forfait en jours, se borne à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l’année est au plus de 216 jours, qu’il est convenu de respecter les jours de repos légaux et conventionnels quotidien et hebdomadaire, que le nombre de jours de repos sera déterminé en fonction du nombre jours effectivement travaillés sur l’année, que le contrôle des jours travaillés et non travaillés est effectué dans le cadre d’un formulaire mis à disposition par la société et complété par le salarié, sans toutefois indiquer de périodicité de contrôle outre l’obligation pour l’employeur d’organiser chaque année un entretien individuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre l’activité et la vie professionnelle.

Il en résulte que les dispositions conventionnelles n’instituent pas de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile aux situations dans lesquelles la charge de travail serait anormale ou ne permettrait pas d’exercer le droit au repos. Ces dispositions ne sont donc ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

En outre, le procédé auto-déclaratif tel qu’envisagé par l’accord de branche conduit à faire peser la preuve du temps de travail sur le salarié.

Par ailleurs, l’accord de branche ne prévoit aucune disposition relative aux modalités d’exercice du droit à la déconnexion.

L’employeur qui se contente d’alléguer qu’eu égard à ses fonctions de directeur il appartenait à M. [O] d’établir les documents de contrôle du temps de travail nécessaires, ne justifie pas que la société Vauban 21 avait mis en place des dispositions suffisantes pour pallier les carences de l’accord de branche, afin de suivre régulièrement la charge de travail effective des salariés soumis à une convention de forfait en jours, ni avoir défini et communiqué les modalités d’exercice du droit à la déconnexion au salarié.

Dès lors, en l’absence de garanties suffisantes, dans l’accord de branche, quant au respect du droit au repos, à la durée raisonnable du travail, au droit à la déconnexion et de régularisations de l’employeur, la convention de forfait insérée dans le contrat de travail de M. [O] est nulle.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] à ce titre.

2- Sur la demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours

En présence d’une convention de forfait en jours illicite le salarié peut obtenir des dommages et intérêts. Il lui appartient de démontrer le préjudice qu’il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l’existence et l’étendue.

En l’espèce, s’il apparaît que si M. [O] justifie avoir subi un préjudice en son principe du fait de l’application d’un forfait en jours nul et de l’absence de contrôle de la durée effective de travail, il ne démontre pas l’étendue de son préjudice à hauteur de sa demande de dommages et intérêts qu’il fixe à 30 000 euros.

En effet, M. [O], qui ne sollicite pas le paiement d’heures supplémentaires, se contente d’affirmer qu’il a travaillé au-delà de 35 heures par semaine ainsi que durant certains week-end, sans pour autant communiquer de pièce permettant de quantifier le dépassement allégué.

Néanmoins, il fait valoir qu’il n’a pas été en mesure de prendre ses congés compte tenu de sa charge de travail, ce qui ressort notamment du paiement sur son solde de tout compte de 15, 16 jours de RTT et plus de 40 jours de congés payés.

Dès lors, la société Vauban 21 sera condamnée à lui verser, par infirmation du jugement entrepris, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la nullité de la convention de forfait en jours.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement pour faute sérieuse du 26 février 2018 est ainsi motivée :

« Suite à l’entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement qui s’est tenu le vendredi 16 février 2018, au cours duquel vous étiez assisté de [S] [K], membre du personnel, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

– Non reprise en main du plan d’eau :

La reprise en main du plan d’eau était une priorité que nous avions fixée pour 2017, or vous ne l’avez pas menée à son terme. Le pilotage de l’intégralité du plan d’eau est la base de la gestion portuaire. Les places « sous traitées » historiquement par le port à certains professionnels d'[Localité 2] (ABYSS, NAUTICA,’) n’ont toujours pas fait l’objet de contrat entre Vauban 21 et ces mêmes professionnels. Le temps perdu compromet, à l’approche de la saison d’été 2018, notre capacité d’avoir un plan d’eau totalement sous notre maitrise. Des relances multiples ont été faites sur le sujet sans que des actions soient entreprises et génèrent les résultats demandés.

– Votre décision de maintenir des différences tarifaires au bénéfice de certains clients de la SAS VAUBAN 21 au détriment de celle-ci :

o Tarification erronée appliquée à certains clients : plusieurs bateaux de la panne 8 (CASAOLA, BERTOMEU,’) et tous ceux de la panne 8 bis n’ont pas été facturés selon la grille tarifaire 2017. Les remontées reviennent maintenant avec l’envoi des tarifications 2018.

o Remise volontaire attribuée au bénéfice de certains professionnels sur des factures émises. Exemple : AOT Phil Marine qui, en recevant la facture 2018, a sollicité une révision tarifaire habituelle que vous lui accordiez.

o Stationnement de navires contre la station d’avitaillement sans facturation pas la SAS VAUBAN 21 mais par d’autres professionnels : les derniers bateaux concernés sont partis en décembre 2017 et vous n’avez pas recouvert les sommes revenant à VAUBAN 21.

– Incapacité d’organiser de manière cohérente votre activité, d’en rendre compte et d’obtenir les validations appropriées :

– Pas de priorisation des tâches :

Vous n’avez toujours pas finalisé le cahier des charges pour la sous-traitance du contrôle d’accès au quai de Grande Plaisance alors que la gestion des personnels affectés à cette activité est problématique et que ce chantier a été annoncé par vous aux représentants du personnel comme devant être déployé au cours du 1er trimestre 2018.

Par ailleurs, vous n’avez pas piloté correctement le déploiement du logiciel Sea [Localité 4]. En effet de nombreuses règles de gestion n’ont toujours pas été transmises au groupe projet, ce qui a entraîné des retards de déploiement importants.

– Pas de reporting : les tarifications « personnalisées » n’ont pas été portées à la connaissance de votre hiérarchie ni validées par elle (panne 8 et 8 bis, Phil Marine ou la tarification des postes situés après le carénage). Par ailleurs, vous n’avez pas porté à la connaissance de votre hiérarchie certaines situations sensibles qui sont aujourd’hui découvertes au fur et à mesure.

Autre exemple : la récupération des archives de la SAEM [Localité 4] par la Ville d'[Localité 2] selon un planning dont le Directeur Général de la SAS VAUBAN 21 n’a été informé que par le mail de la mairie d'[Localité 2] du 13 février 2018, après votre mise à pied à titre conservatoire.

– Initiative non corporate : réalisation d’une carte de v’ux supplémentaire différente de celle émise par la société. La décision d’adresser une carte de v’ux signée par tous les managers de VAUBAN 21 avait pourtant été prise durant une des réunions hebdomadaires de direction et a été réalisée puis envoyée à une liste de correspondants que vous avez pu alimenter.

– Attitude envers les personnels et les clients :

Votre attitude condescendante avec certains collaborateurs ou clients ; deux collaborateurs se

plaignant même (en décembre 2017 et janvier 2018) de vos mensonges, au motif que vous avez nié avoir tenu certains propos à leur encontre, qu’ils avaient pourtant entendus.(…)».

1- Sur le bien-fondé du licenciement pour faute sérieuse

En application de l’article L 1235-1 du code du travail le juge a pour mission d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

Il s’ensuit que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties.

* Sur les fonctions du salarié

Aux termes du contrat de travail daté du 29 mai 2015, M. [O] a été engagé en qualité de ‘Directeur’. L’article 3, objet du contrat, précise que ‘dans le cadre de sa fonction de directeur, M. [V] [O] :

– participe, en lien avec le Président à la définition des orientations stratégiques et opérationnelles de la SAEM [Localité 4] dans le cadre d’un projet partagé par toutes les parties prenantes.

– coordonne et gère l’ensemble des ressources et moyens de la SAEM [Localité 4] (direction et coordination des services, organisation et gestion des instances délibérantes).

– assure et coordonne la gestion administrative et financière de la SAEM.

– supervise le contrôle de gestion afin de garantir le niveau de service et la performance des fonctionnements en place.

– pilote, en tant que représentant de la Maîtrise d’ouvrage, les projets de rénovation, modernisation et développement des infrastructures. Elabore à cet effet le plan d’investissement et de maintenance.

– assure la promotion du port et contribue à renforcer son image auprès des partenaires et des clients.’

La fiche de poste annexée au contrat de travail précise les activités et compétences attachées au poste de ‘Directeur du port’, réalisées sous la subordination du Président Directeur Général de la SAEM. Elle précise notamment qu’il avait pour mission de coordonner et de piloter l’équipe de direction et la management des services.

Il ressort de la carte de visite professionnelle du salarié et des deux organigrammes (pièces 23 et 31) qu’il produit, qu’à compter du 1er janvier 2017 il a occupé le poste de directeur d’exploitation, sous la subordination de M. [I], Directeur général de la société Vauban 21.

A la lecture des organigrammes, il apparaît que seuls les services d’entretien, d’accueil des navires et entretien du port, ainsi que la gestion du plan d’eau sont placés sous la direction de M. [O]. Les autres directions : administrative et financière, relation client et développement, se trouvent au même niveau hiérarchique que la direction de l’exploitation.

Il résulte de ces éléments que le transfert du contrat de travail de M. [O] a eu pour effet de réduire l’étendue de ses fonctions et responsabilités, telles que prévues à son contrat de travail, en limitant ses missions à l’exploitation du port et à l’encadrement des équipes rattachées à la direction de l’exploitation du port.

Notamment, les fonctions de directeur d’exploitation, qui placent le salarié au même niveau hiérarchique que les autres directeurs ne le mettaient plus en position de coordonner et piloter l’équipe de direction et d’assurer le management des autres services.

La SAS Vauban 21 ne démontre pas de manière opérante que le salarié a conservé après le 1er janvier 2017 des responsabilités dans les attributions relevant des autres pôles de directions, ni que leurs directeurs demeuraient placés sous sa subordination.

Il s’ensuit que l’imputabilité des griefs reprochés à M. [O] doivent nécessairement être appréciés au regard de ses fonctions de directeur d’exploitation.

* Sur le grief tiré du maintien de différences tarifaires au bénéfice de certains clients

D’après la lettre de licenciement, la SAS Vauban 21 fait grief au salarié d’avoir appliqué une tarification erronée, d’avoir attribué des remises à certains clients et d’avoir permis le stationnement de navires contre la station d’avitaillement sans facturation par la société.

Il résulte de ce qui précède que le contrôle de la facturation ne relevait plus des fonctions de M. [O] puisqu’il n’avait plus depuis le 1er janvier 2017 de mission générale de supervision des autres pôles de direction.

Cette analyse est corroborée par le témoignage de Mme [Y] [N], directrice administrative et financière, qui expose que M. [O] intervenait ‘comme interlocuteur principal’ sur certains dossiers complexes tels que ‘les tarifs à adapter aux catégories réseaux CCINCA’ mais que ‘le respect de la tarification des clients selon les grilles était du ressort de la DAF et de la direction relation clients, et plus précisément sous la responsable gestion, en charge entre autre, de vérifier que tous les clients avaient été facturés et aux bons tarifs. Aucunement [V] n’était lié à cette gestion et n’est absolument pas intervenu pour un éventuel maintien de tarification erronée (…)’.

En outre, l’employeur qui soutient que les différences tarifaires appliquées ont pour origine une manipulation informatique spécifique, ne rapporte pas la preuve qu’elle a été réalisée par M. [O] lui-même.

Dès lors, faute de démontrer que le grief est imputable au salarié, il ne peut être retenu.

* Sur les griefs tirés de l’organisation et de l’attitude du salarié

Il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur reproche au salarié :

– son incapacité à organiser de manière cohérente son activité, d’en rendre compte et d’obtenir les validations appropriées ;

-son initiative non corporate par laquelle il a envoyé une carte de voeux supplémentaire et différente de celle émise par la société ;

– ainsi que de son attitude condescendante envers le personnel et les clients.

La société Vauban 21, n’apporte pas d’élément objectif au soutien de ces griefs, ce qui ne permet pas de vérifier la matérialité des faits reprochés, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes.

Au surplus, M. [O] produit plusieurs attestations de Mme [Y] [N], directrice administrative et financière de la société Vauban 21, M. [C] [B], membre du conseil d’administration de la SAEM (ancien employeur du salarié) et de Mme [D] [H], partenaire de la société.

Ces témoignages divers dans leurs termes et la description des situations vécues, qui rapportent une attitude respectueuse de M. [O] tant à l’égard des clients que de ses collaborateurs et décrivent son implication et son sérieux dans son poste, viennent contredire les reproches formulés par l’employeur.

Dès lors, faute d’être établis ces griefs ne peuvent être retenus.

* Sur le grief tiré de la non reprise en main du plan d’eau

Il ressort de la lettre de licenciement qu’il est reproché au salarié de ne pas avoir mené à son terme la mission de reprise en main du plan d’eau qu’il lui avait été confiée pour 2017. A ce titre, l’employeur lui reproche que les places sous-traitées par le port ‘à certains professionnels (Abyss, Nautica…) n’ont toujours pas fait l’objet de contrat entre Vauban 21 et ces mêmes professionnels’, malgré de multiples relances sur le sujet, sans que des actions soient entreprises et génèrent des résultats.

En l’espèce, la gestion du plan d’eau relevait des missions contractuelles de M. [O], qui se sont poursuivies après le transfert de son contrat de travail à la société Vauban 21, en sa qualité de directeur d’exploitation du port, ce qui n’est pas utilement contesté par le salarié.

Le moyen de M. [O] selon lequel les griefs relatifs aux sociétés Nautica et Abyss ne peuvent être retenus, au motif qu’ils n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable est inopérant, dans la mesure où le compte-rendu de l’entretien préalable sur lequel il se fonde, est signé seulement par Mme [K] qui l’a assisté durant l’entretien mais n’est pas contresigné par les autres parties. Ce compte-rendu unilatéral, dont la valeur probante et le contenu sont contestés par la société Vauban 21, s’avère ainsi insuffisant pour établir que l’employeur n’a pas exposé l’ensemble des motifs du licenciement.

Il ressort des éléments versés au dossier de la cour qu’aucune convention d’occupation temporaire du domaine public n’avait été finalisée entre la société Vauban 21 et les sociétés Abyss et Nautica au début de l’année 2018, alors qu’il résulte des pièces produites par M. [O] et notamment des projets de conventions datés du 13 juin 2017 qu’il avait connaissance de la situation illicite de ces deux sociétés qui occupaient des emplacements du port sans titre.

Ainsi, même si l’employeur ne démontre pas qu’il a expressément fait part à M. [O] que la signature de ces conventions constituait une priorité pour l’année 2017, en sa qualité de directeur d’exploitation le salarié ne pouvait ignorer l’importance de régulariser la situation des sociétés Abyss et Nautica à bref délai.

La cour observe en outre que si le salarié justifie avoir transmis les projets de conventions aux dites sociétés courant 2017, il ne rapporte pas la preuve qu’il a entrepris des actions pour les relancer en vue de la signature des contrats alors qu’ils étaient indispensables à la régularisation de la situation illicite dans laquelle se trouvaient les sociétés Abyss et Nautica.

M. [O] allègue toutefois que l’absence de signature des conventions n’est pas due à un manque de diligence de sa part mais découle de questions restées en suspens, nécessitant d’être tranchées par le directeur général, M. [I], et qu’il lui avait fait part de ces éléments à l’occasion de leurs réunions hebdomadaires.

A cet effet, il produit l’attestation de Mme [Y] [N], directrice administrative et financière, qui rapporte que ‘Nous avions des réunions hebdomadaires entre directeurs, animées par le directeur général pendant lesquelles nous rendions compte des actions menées et des avancements des sujets sur lesquels nous étions en charge. [V] était très précis et clair sur ses avancées lors de ces réunions, et à diverses reprises, il a remonté les complexités rencontrées avec EBS et ABYS par exemple (…)’.

Néanmoins, ce témoignage qui expose dans des termes imprécis et non situés dans le temps que M. [O] rendait compte de son travail auprès du directeur général n’est pas suffisant pour démontrer qu’il avait effectué toutes les diligences nécessaires en vue de la signature des conventions et que le directeur général était informé que leur finalisation était conditionnée à des actions de sa part.

Par ailleurs, l’argument du salarié selon lequel la société Vauban 21 avait connaissance des projets de convention établis au mois de juin 2017 et n’a donc pas découvert la situation irrégulière des deux sociétés en 2018 est inopérant, dans la mesure où M. [O] ne démontre pas sérieusement que l’employeur a eu connaissance de la persistance de la situation irrégulière par la suite.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le grief tiré de la non reprise en main du plan d’eau, eu égard à l’absence de signature des conventions d’occupation temporaire avec les sociétés Abyss et Nautica, trouve manifestement son origine dans le manque de diligence de M. [O] dans la réalisation de sa mission d’exploitation du port.

Ce grief établi et imputable à M. [O] constitue un manquement contractuel et justifie à lui seul son licenciement pour faute sérieuse, nonobstant l’absence de sanctions antérieures, compte tenu de la situation illicite qu’a entraîné l’absence de convention d’occupation du domaine public entre les sociétés Abyss, Nautica et la société Vauban 21, ainsi qu’eu égard à la nature de son poste de directeur d’exploitation du port, à hautes responsabilités, qui implique des exigences dans l’exécution de ses missions supérieures à celles qu’un employeur peut normalement attendre d’un autre salarié.

* Sur la véritable cause du licenciement

L’exigence d’une cause exacte signifie que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l’employeur comme cause de licenciement existent; il doit également rechercher si d’autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement.

M. [O] soutient que la véritable cause de son licenciement est de nature économique. Il expose que la société Vauban 21 rencontrait des difficultés financières au 31 décembre 2017, que son remplacement a été assuré par M. [A], déjà présent dans les effectifs de la société et que par la suite l’employeur a procédé à deux autres suppressions de postes, celui de Mme [Y] [N], directrice financière et administrative et de M. [R] [I], directeur général, permettant d’évincer les plus hauts salaires de la société.

En réplique, la société Vauban 21 fait valoir qu’elle n’avait aucun intérêt à éluder les règles du licenciement pour motif économique, étant considéré qu’il représentait le même coût qu’un licenciement pour motif personnel et que l’argument tiré de la prétendue réduction de la masse salariale n’est pas fondé, notamment en ce que le poste de directeur général de M. [I] a bien été remplacé.

Il résulte de ce qui précède que la cour a retenu, en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés, que la rupture procédait d’un manquement du salarié dans l’exécution de ses missions contractuelles relatives à l’exploitation du port et plus précisément par le défaut des diligences nécessaires à la reprise en main du plan d’eau.

Ces faits constituent la seule et véritable cause du licenciement qui a ainsi la nature juridique d’un licenciement pour motif personnel fondé sur une faute sérieuse, tel qu’énoncé dans la lettre de licenciement.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [O] de sa demande d’indemnité au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

2- Sur les demandes indemnitaires

* Sur le bien-fondé de la demande de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement

Il est constant que les dispositions d’une convention collective doivent être interprétées de manière stricte. Si les termes sont clairs et précis il n’y a pas lieu de les interpréter.

Si la convention collective manque de clarté, elle doit être interprétée comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.

La convention collective nationale des ports de plaisance, dans son annexe 1 relative aux dispositions propres au personnel d’encadrement, renvoie à l’article 41 « indemnité de fin de carrière » de la même convention s’agissant de la définition de l’indemnité de licenciement.

L’article 41 stipule que « l’ancienneté se décompte à partir du premier jour d’embauche en contrat à durée indéterminée ou du premier jour en contrat à durée déterminée si celui-ci a précédé l’embauche en durée indéterminée sans interruption entre les contrats successifs ».

En l’espèce, le contrat de travail qui est la loi des parties, stipule une clause de reprise d’ancienneté en ces termes ‘à compter de 18 mois (dix-huit mois) de présence au sein de l’entreprise, Monsieur [V] [O] bénéficiera de la reprise d’ancienneté de son précédent contrat de travail depuis le 4 décembre 1995. Le certificat de travail du précédent employeur est joint au présent contrat’.

Il ressort de la rédaction de l’article 41 de la convention collective nationale des personnels des ports de plaisance qu’elle ne prévoit aucune exclusion de la reprise d’ancienneté des contrats antérieurs. En disposant que l’ancienneté se décompte à partir du premier jour d’embauche, elle n’interdit pas que cette date soit librement fixée par les parties à une date antérieure, en valorisant une ancienneté déjà considérée comme acquise.

Ainsi, il n’y a pas lieu d’écarter la clause contractuelle de reprise d’ancienneté prévue par les parties pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, M. [O] est bien-fondé à réclamer un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, eu égard à son ancienneté de 22 ans et 7 mois.

* Sur le montant du complément d’indemnité conventionnelle de licenciement

La convention collective nationale des personnels des ports de plaisance, dans son annexe 1 relative aux dispositions propres au personnel d’encadrement, prévoit une indemnité de licenciement pour les cadres d’indice égal ou supérieur à 400 à hauteur d’un mois de salaire par année de présence, plafonnée à 20 mois.

L’article 41, auquel renvoi l’annexe 1 susmentionnée dispose que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement est ‘1/12 de la rémunération brute, primes et gratifications incluses, des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, 1/3 de la rémunération brute perçue au cours des 3 derniers mois de travail. Dans ce cas, toutes primes ou gratifications ne sont prises en compte que prorata temporis. Les éléments à caractère exceptionnel sont exclus de cette assiette de calcul’.

En l’espèce, au dernier état de la relation contractuelle, M. [O] relevait de la qualification conventionnelle de directeur de port, niveau E, échelon 3, coefficient 808 et justifiait d’une ancienneté de 22 ans et 7 mois au moment du licenciement.

D’après les bulletins de salaire versés aux débats pour la période du mois d’août 2017 au mois de juillet 2018 et le calcul produit par le salarié, non utilement contesté par l’employeur, il y a lieu de tenir compte de la prime annuelle de fin d’année et de fixer son salaire moyen des douze derniers mois à la somme de 9 921, 25 euros bruts.

Il en résulte que l’indemnité conventionnelle de licenciement, plafonnée à 20 mois de salaire devait s’élever à 198 425 euros.

Or, M. [O] a perçu à ce titre une somme de 31 698, 36 euros, le complément d’indemnité conventionnelle de licenciement s’élève ainsi à 166 726, 64 euros.

Dès lors, la décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 9 789, 79 euros et en ce qu’elle a condamné la société Vauban 21 à payer à M. [O] la somme de 164 097, 44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire.

Statuant à nouveau, la moyenne des douze derniers mois de salaire est fixée à 9 921, 25 euros bruts et il sera alloué à M. [O] la somme de 166 726, 64 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire.

Sur les autres demandes

1-Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct

M. [O] réclame des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros, au motif que les conditions brutales et vexatoires dans lesquelles s’est déroulé son licenciement ont entraîné un préjudice moral, nécessitant sa prise en charge médicale.

Nonobstant le fait que le licenciement soit pourvu d’une cause réelle et sérieuse, le salarié ne caractérise pas une faute de l’employeur dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l’allocation de dommages et intérêts à ce titre.

Le conseil de prud’hommes a relevé à juste titre qu’il ne peut être reproché à la société Vauban 21 d’avoir tout d’abord envisagé un licenciement pour faute grave, expliquant la mise à pied, avant de décider de licencier le salarié pour faute sérieuse et de rembourser la période de mise à pied.

Dès lors la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] de sa demande.

2-Sur les dommages et intérêts au titre de la résistance abusive

En application des articles 1240 et 1241 du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent êtres octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

Or, si M. [O] sollicite des dommages et intérêts à ce titre le dispositif de ses dernières conclusions, il ne présente aucun moyen de droit et de fait dans le corps de ses écritures au soutien de sa demande.

Faute pour l’appelant d’apporter les éléments nécessaires au succès de sa prétention, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] de sa demande à ce titre.

3- Sur les dommages et intérêts au titre de la non-restitution des effets personnels

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

M. [O] fait grief à son employeur de ne pas lui avoir restitué l’intégralité de ses effets personnels et sollicite aux termes de son dispositif une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En réplique, la société Vauban 21, justifie de la restitution des affaires appartenant au salarié par l’envoi d’un colis postal en date du 5 octobre 2018 à son domicile personnel. Elle fait valoir que le salarié qui ne lui a adressé aucune réclamation à l’époque des faits, n’a formulé ses doléances à ce titre qu’à compter de la procédure prud’homale.

Le salarié sans contester la réception du colis postal, se contente de dresser une liste des biens supplémentaires dont il allègue la non-restitution, sans rapporter de preuve de leur existence, ni de leur valeur.

Ce faisant, il est défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Dès lors, la décision sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] de sa demande.

4-Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

5-Sur la remise de documents

La cour ordonne à la société Vauban 21 de remettre à M. [O] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Vauban 21, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.000 euros.

Par conséquent, la société Vauban 21 sera déboutée de sa demande au titre des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a :

Fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire de M. [V] [O] à la somme de 9 789,79 euros,

Débouté M. [V] [O] de sa demande au titre de la nullité de la convention de forfait en jours et de sa demande de dommages et intérêts subséquente,

Condamné la SAS Vauban 21 à payer à M. [O] une somme de 164 097, 44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement complémentaire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe la moyenne des douze derniers mois de salaire de M. [V] [O] à la somme de 9 921, 25 euros bruts,

Dit que la convention de forfait en jours de M. [O] est nulle,

Condamne la SAS Vauban 21 à payer M. [O] les sommes suivantes :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de nullité de la convention de forfait en jours,

– 166 726, 64 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement conventionnelle,

Y ajoutant,

Ordonne à la SAS Vauban 21 de remettre à M. [V] [O] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne la SAS Vauban 21 aux dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit,

Condamne la SAS Vauban 21 à payer à M. [V] [O] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Vauban 21 de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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