COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 04 MAI 2023
N° 2023/ 87
N° RG 19/14294 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3RW
[N] [B] épouse [W] [Y] [Z]
[X] [F] [W] [Y] [Z]
SARL MM
C/
[E] [R]
[G] [S] épouse [R]
[O] [R]
[P] [R]
[A] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sandra JUSTON
Me Roberto DO NASCIMENTO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d’Aix en Provence en date du 13 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018 001920
APPELANTS
Madame [N] [B] épouse [W] [Y] [Z], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [X] [F] [W] [Y] [Z], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL MM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [E] [R]
né le 11 Octobre 1953 à [Localité 7] (39), demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté de Me Roberto DO NASCIMENTO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Madame [G] [S] épouse [R]
née le 15 Septembre 1954 à [Localité 11] (55), demeurant [Adresse 4]
représentée et assistée de Me Roberto DO NASCIMENTO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [O] [R]
né le 16 Septembre 1977 à [Localité 10] (74), demeurant [Adresse 6]
représenté et assisté de Me Roberto DO NASCIMENTO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [P] [R]
né le 16 Mai 1989 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 9]
représenté et assisté de Me Roberto DO NASCIMENTO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [A] [R]
né le 01 Septembre 1979 à [Localité 10] (74), demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Roberto DO NASCIMENTO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Fait, procédure, et prétentions des parties :
Le 7 octobre 2015, un acte de cession des parts sociales de la SAS [E] [R], qui gère un commerce d’optique situé [Adresse 2] pour un montant de 569’000 €, a été signé entre les consorts [R] et Monsieur et Madame [W] [Y] [Z] et la SARL MM, le prix retenu ayant été minoré pour tenir compte d’une dépréciation du stock au 30 septembre 2015.
Cet acte est assorti d’une clause de garantie d’actif et de passif, basée sur le bilan arrêté au 31 décembre 2014 et le bilan arrêté aux 30 septembre 2015. La somme de 369’000 €a été payée comptant et le solde de 200’000 € payable à terme moyennant un crédit vendeur de 64 mensualités de 3125 € chacune.
Les acquéreurs, estimant que les comptes sont entachés d’irrégularités, ont mandaté le cabinet d’expertise comptable SECOV afin de dresser un inventaire des anomalies alléguées.
Par acte du 27 janvier 2017, les acquéreurs ont assigné les consorts [R] devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence réclamant leur condamnation au paiement d’une somme de 241’000 € en exécution de l’engagement de garantie de passif.
Par décision du 19 décembre 2017, le tribunal de grande instance d’Aix en Provence s’est déclarée incompétent au profit du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence.
Par jugement du 13 juin 2019, le tribunal de commerce d’Aix en Provence a débouté la SARL MM et les consorts [W] [Y] [Z] et les a condamnés à payer aux consorts [R] la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a retenu que le rapport du cabinet SECOV ne peut être retenu en raison des relations d’affaires entretenues entre ses dirigeants et Monsieur [W] [Y] [Z], que la valeur du fonds de commerce correspond à un accord entre les parties qui ne peut être modifié, que la dépréciation du stock a déjà fait l’objet d’une réduction de prix, que les salaires de Monsieur [E] [R] ont bien été comptabilisés dans l’exercice 2015 ce dont les acquéreurs avaient connaissance au jour de la signature, qu’ils ont eu parfaitement connaissance de la procédure de licenciement concernant Madame [R], que les installations de vidéo-surveillance sont présentes dans un bureau qui n’a pas été repris lors de la cession et que les immobilisations ne peuvent être soudainement déclarées obsolètes.
Le 9 septembre 2019, Monsieur et Madame [W] [Y] [Z] et la société MM ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 31 mai 2021, ils demandent à la cour de :
Les recevoir en leur appel,
Vu l’ancien article 1134 du Code civil les articles 1103 et 1104 du Code civil,
les articles 1383 et 1240 du Code civil,
Constater que les cédants sont tenus à une obligation de garantie de passif de la SAS [E] [R] dont ils ont cédé les actions,
Constater que les rectifications apportées par l’expert-comptable historique de la société, le cabinet MLA, au bilan arrêté au 31 décembre 2014 et au 30 septembre 2015 ont entraîné un supplément de passif à la charge de la société [R],
Constater que les pratiques commerciales litigieuses des anciens dirigeants ont entraîné une surévaluation du chiffre d’affaires et de la société par conséquent du fonds de commerce,
Constater que les salaires prélevés par Monsieur [R] au cours de l’exercice 2015 ainsi que les cotisations de retraite, non approuvées par l’assemblée générale des associés tenue le 30 juin 2016 sont indues,
Constater que les cédants doivent garantir des frais de remise en état des installations électriques vidéo-surveillance endommagées de leur fait,
Constater que les amortissements exceptionnels, ainsi que la récupération par le bailleur de certains agencements a entraîné un supplément de passif pour la SA [E] [R],
Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence le 13 juin 2019,
Condamner solidairement les cédants au paiement aux cessionnaires de la somme de 241’100€ en exécution de l’engagement d’actif et de passif,
Dire et juger que le soi-disant rapport d’expertise de Monsieur [M] n’est pas contradictoire et doit être écarté des débats,
Dire et juger que les cessionnaires apportent parfaitement la preuve des suppléments de passif ou insuffisances d’actif qui affectent la régularité des comptes arrêtés aux 31/12/2014 ou l’actif net et la valeur de fonds de commerce au 30 septembre 2015,
Dire et juger que les cédants ne rapportent aucune preuve du dol dont ils se prétendent victimes dans de la signature de l’acte de cession,
Dire et juger que les cessionnaires n’ont pas failli à une obligation d’information et qui n’a donc pas lieu à déchéance de la garantie d’actif et de passif,
Dire et juger que les accusations complotistes des cédants sont sans fondement,
Dire et juger qu’il n’y a pas eu interprétation du contrat sur la commune intention des parties sur la garantie d’actif et de passif assortissant la cession des actions de la SA [R] et sur la nature, l’étendue et la portée des engagements pris par les cédants,
Condamner solidairement les cédants au paiement aux cessionnaires de la somme de 241’100€en exécution de l’engagement d’actif et de passif
Dire et juger que la résistance opposée par les cédants est abusive et les condamner solidairement à payer à chacun des cessionnaires la somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts,
Dire et juger que les cédants ne rapportent pas la preuve du caractère abusif et dilatoire de l’action,
Dire que les cédants ne rapportent pas la preuve de l’inexécution fautive et déloyale du contrat par les cessionnaires, pas plus du préjudice qui leur aurait été causé,
Débouter les consorts [R] de toutes leurs demandes, y compris leurs demandes reconventionnelles,
Subsidiairement
Si par impossible , la Cour s’estimait insuffisamment informée par les pièces et analyses faites par les experts-comptables que les appelants ont pris le soin de consulter,
Désigner tel expert-comptable qu’il plaira avec la mission habituelle en pareille matière, et notamment :
– Se faire remettre tous documents comptables par les parties,
– Donner son avis technique sur les éléments de passif invoqués par les apppelants et qui selon eux doivent donner lieu à application de la Garantie d’Actif et de Passif
-Chiffrer le préjudice causé aux Cessionnaires des actions de la société OPTIQUE [E] [R], devenue MM OPTICIEN.
Condamner solidairement les consorts [R] à payer à chacun des cessionnaires la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées notifiées le 2 septembre 2020, les consorts [R] demandent à la cour :
Vu les articles 1108, 1134, 1156, 1162, et 1315 du Code civil,
Vu les articles 16 et 32-1 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté les appelants de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
L’infirmer pour les demandes des intimés auxquelles le premier juge n’a pas fait droit,
Constater :
-l’absence de consentement des concluants à la clause de garantie d’actif et passif querellée en tout état de cause, telle qu’entendue par les appelants,
– que les appelants n’ont pas informé les concluants en qualité de garant lorsqu’ils ont appliqué la clause garantie de passif et d’actif querellée,
– que les pièces adverses dans leurs recueils, n’ont pas respecté d’une part le principe de légalité et d’autre part le principe du contradictoire,
-que les appelants ne rapportent pas la preuve indiscutable de peines avérées qui auraient été caractérisées de manière contradictoire,
-que les appelants ont commis un dol,
– que les appelants ont commis de très nombreux manquements en termes d’exécution de la clause de garantie, notamment au regard du contradictoire et de la régularité des éléments qu’ils ont recueillis,
-qu’un doute persiste sur ce qui est effectivement garanti, sur ce que sont les pertes et sur la procédure qu’il aurait fallu appliquer,
Dire et juger nul et de nul effet la clause querellée à raison de l’absence de consentement des concluants ; surabondamment à raison de l’absence d’objet parfaitement déterminé et très surabondamment à raison de son caractère léonin et potestatif,
Ordonner la déchéance de la garantie à raison du défaut d’information du garant,
Dire et juger que les appelants ne rapportent pas la preuve de leurs allégations,
Dire que les appelants ont commis un dol au préjudice des concluants,
dire et juger que les appelants ont commis de très nombreux manquements au préjudice des concluants,
Dire et juger que le doute subsiste et doit profiter aux concluants,
Ecarter les pièces adverses et en tout état de cause, les déclarer inopposables aux concluants pour non-respect des principes d’impartialité, d’indépendance de la légalité et de contradictoire,
Dire et juger que la procédure des appelants est dilatoires est abusives,
Dire et juger que les appelants ont exécuté de manière fautive et déloyale la convention,
Débouter les appelants de l’intégralité de leurs demandes fins et prétentions,
Condamner conjointement et solidairement les appelants à payer aux consorts [R] la somme de 10’000 € au titre de l’amende civil en application de l’article 32-1 du code de procédure civile
Condamner conjointement et solidairement les appelants à payer aux consorts [R] la somme de 50’000 € actifs de dommages-intérêts en application de l’article 1134 du code civil et 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Do Nascimento, avocat sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.
Motifs
Les parties sont en l’état d’une promesse souscrite le 10 avril 2015 portant sur la cession de l’intégralité des actions appartenant aux consorts [R] et constituant le capital social de la SA [E] [R] à la société MM et Monsieur et Madame [W] [Y] [Z], comportant une garantie de l’actif et du passif.
Cette promesse a été réitérée le 7 octobre 2015 moyennant un prix de 569 000euros, par un acte authentique comportant une clause de garantie de passif et d’actif qui stipule :
‘Le cédant garantit que le bilan arrêté au 30 septembre 2015, le compte de résultat de la société concernant l’exercice arrêté au 30 septembre 2015 et les annexes aux comptes annuels ci-joint et annexés aux présentes, approuvés par le cessionnaire, que la situation bilancielle qui a été remise au cessionnaire, préalablement aux présentes, sont réguliers et sincères au regard des normes comptables françaises et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice clos à cette date et de la situation du patrimoine de la société à la clôture de ces exercices. Le cédant garantit les différents postes d’actif et de passif de la société tels qu’ils apparaissent dans le bilan au 31 décembre 2014, notamment les comptes créditeurs et débiteurs divers, les créances et dettes de tous ordres et tels qu’ils apparaissent dans le bilan arrêté au 30 septembre 2015″.
Les cédants se sont donc engagés à rembourser tout passif inconnu lors de la signature du contrat de cession et qui se serait révélé par la suite mais dont l’origine est antérieure à cette même cession, ainsi que toute dette omise dans les comptes mais qui existait en puissance. Le cédant s’est également porté garant de montant de l’actif et engagé à prendre en charge toute diminution de l’actif dont la cause sera antérieure à la cession.
Le fait générateur de la mise en ‘uvre de la clause de garantie résulte, postérieurement à la cession, du caractère inexact ou lacunaire des déclarations et annexes garanties, et de la révélation d’un passif ayant une cause antérieure à la cession mais qui n’apparaissait pas dans les comptes de référence ou d’un actif dont la valeur se révèle inférieure à celle indiquée dans les comptes de référence.
La cause ou l’origine antérieure à la cession est fondamentale, car si le passif, révélé après la cession, a une origine postérieure à celle-ci, il n’est pas couvert par la garantie. A contrario, l’information figurant au bilan ou dans une déclaration du cédant annexée à la clause de garantie exclut la mise en ‘uvre de la garantie.
Les cédants se sont engagés à indemniser les cessionnaires d’un accroissement de passif non inscrit, comptabilisé ou insuffisamment provisionné,
La clause souscrite par les parties parfaitement claire et précise ne souffre d’aucune ambiguïté et ne peut donner lieu à différentes interprétations.
Les parties se sont entendues pour retenir au titre de la période de référence, les différents postes d’actif et de passif au 30 décembre 2014, mais également les comptes divers pris en considération pour la détermination du prix de cession au 30 septembre 2015.
Les consorts [R] affirment que seules les pertes existantes avant la signature de l’acte de cession et non provoquées par les cessionnaires peuvent être prises en compte. Ces affirmations, qui reprennent les conditions générales de la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif, ne sont pas remises en cause par les appelants.
Les consorts [R] soutiennent que la clause de GAP serait nulle et de nul effet sur le fondement de l’article 1108 du code civil au motif que leur consentement aurait fait défaut, en fondant leur argumentation pour obtenir l’annulation de la clause de garantie, sur la notion de dol.
Toutefois, ils leur incombent de rapporter la preuve que de leur consentement a été vicié par une manoeuvre intentionnelle du cessionnaire de nature à générer une erreur déterminante sur l’appréciation de leur engagement, voir une réticente volontaire du cessionnaire sur un événement qu’ils auraient eu intérêt à connaître.
Les consorts [R] ne justifient nullement que les cessionnaires auraient agi sciemment dans le but de les tromper en leur fournissant des informations erronées. Il convient de les débouter de leur action en nullité.
La clause de garantie d’actif et de passif ne présente aucun caractère léonin ou potestatif, ainsi que l’affirment à torts les consorts [R], sans démontrer le bien fondé de leurs allégations.
La juridiction de premier degré a écarté le rapport rédigé par Monsieur [T], gérant du cabinet SECOV au motif que ce dernier est le successeur de Monsieur [W] [Y] [Z] à la direction du cabinet SECOV et entretient des liens d’affaires avec lui à travers diverses sociétés.
Toutefois ce seul élément est insuffisant pour permettre d’écarter une note technique, certes établie de façon non contradictoire, mais soumise à la discussion des parties dans le cadre de la présente procédure. Ce document ne bénéficie nullement de la présomption de vérité dont jouit un rapport d’expertise judiciaire mais constitue un simple avis technique qui a la valeur d’un témoignage et peut être remis en cause par une attestation contraire.
Il en est de même du rapport amiable produit par les consorts [R] établi à leur demande par Monsieur [M] de façon non contradictoire.
Les consorts [R] demandent à la cour de prononcer la déchéance de la clause de GAP en raison selon eux, de la violation par les appelants du devoir d’information à leur égard.
Toutefois, cette obligation d’information ne s’impose pas de plein droit. Elle doit être prévue dans l’acte de garantie et à défaut de clause imposant une obligation d’information à la charge du cessionnaire, ce dernier peut valablement mettre en jeu la garantie sans informer au préalable le cédant de l’événement causant cette mise en ‘uvre. Par conséquent, la déchéance de la clause ne peut valablement être retenue.
Les cessionnaires sollicitent le paiement d’une somme de 241 000euros au titre de la garantie d’actif et de passif se décomposant en différents postes.
Sur le fonds de commerce :
La convention des parties a chiffré le fonds de commerce à la somme de 534 000euros.
La clause de GAP précise que ‘le cédant garantit irrévocablement au cessionnaire qu’il prendra en charge sans recours ultérieur contre quiconque et dans les conditions ci-après, toute perte subie par la société au 30 septembre 2015, ayant pour effet de ramener l’actif net comptable tel qu’il ressort au 30 septembre 2015 à un montant inférieur à la somme de
569 000euros et ce y compris le fonds de commerce valorisé pour un montant de 534 000euros’
Les cessionnaires soutiennent que le fonds de commerce a été valorisé par les parties pour un montant de 534 000euros qui représente 85% du chiffre d’affaires d’affaires 2014 arrêté à 630 841euros et que le chiffre d’affaires aurait été artificiellement augmenté par une surfacturation des prises en charges adressées aux Mutuelles permettant de remettre aux clients un avoir qui compenserait pour partie la recette.
Toutefois, d’une part, les cessionnaires et le cabinet SECOV procèdent par affirmation en estimant que le prix du fonds de commerce est nécessairement corrélé au chiffre d’affaires et fixé à 85% du chiffre d’affaires. S’agissant d’un acte de cession d’actions, la méthode retenue par les parties pour déterminer la valeur du fonds n’est pas connue par la juridiction, pas plus que celle pour déterminer la valeur d’achat des actions et relève de l’accord intervenu entre les parties.
De surcroît, la valeur du fonds de commerce ne constitue pas une composante des actifs de la SA de sorte qu’elle n’est pas couverte pas la garantie d’actif et de passif.
Enfin et de façon surabondante, il convient de noter que le cabinet SECOV ne justifie pas du montant de 63 000euros de sur-facturation dont il fait état, le listing produit en annexe 3 ne permettant pas d’atteindre ce résultat. Seuls 30 dossiers ont été examinés qui ont fait ressortir des avoirs détenus par les clients pour un montant de 11 489,42euros pour un chiffre d’affaires qui s’élève à 630 841euros soit 1,75% et non pas 10% comme retenu par le cabinet SECOV pour obtenir une surestimation du fonds de commerce de 53 000euros.
En tout état de cause, le chiffre d’affaire obtenu en 2016 correspond à celui réalisé en 2015 qui démontre l’absence de surfacturation et que la fuite de la clientèle dénoncée n’est pas avérée.
Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.
Sur les rectifications de comptes au 31 décembre 2014 :
Les appelants exposent qu’en procédant à la vérification de l’inventaire des stocks existant encore physiquement dans l’actif de l’entreprise et composés principalement de montures de lunettes, ils ont pu déceler qu’une partie des marchandises enregistrées dans les stocks au niveau du bilan du 31 octobre 2015 était devenue totalement obsolète et dépourvue de toute valeur marchande d’où une diminution de l’actif de nature à permettre de mettre en jeu la garantie d’actif.
Le commissaire aux comptes de la société [R] à compter de l’exercice 2016, Monsieur [H] a demandé le 27 janvier 2016 que les stocks fassent l’objet d’une provision pour dépréciation d’une valeur de 70 000euros, après avoir constaté l’absence de dépréciation depuis plus de trois ans du stock dans les bilans.
Il est constant qu’une minoration d’actif dont le fait générateur trouve son origine dans un événement qui s’est produit avant la cession est couvert par la garantie d’actif et de passif dont notamment un stock ancien qui aurait dû être déprécié et que ne l’a pas été et qui s’avère avoir une valeur réelle plus faible que ce qui a été déclaré au jour de la vente.
En l’espèce, la situation au 31 septembre 2015 fait ressortir un stock évalué à la somme de 132 226euros, sans qu’aucune provision pour dépréciation n’ait été constituée dans le bilan de l’entreprise antérieurement à la cession des parts.
Il est admis par les appelants qu’un inventaire physique des stocks a été réalisé avant la cession par eux même, mais sans vérification de la valorisation comptable.
Les photographies attestant de la présence de cartons endommagés dans les lieux contenant des montures vétustes ne permettent nullement d’évaluer une dépréciation, faute de savoir si les dites montures ont été comptabilisées dans le stock.
Le cabinet SECOV a tenu compte l’état des stocks arrêté au 31 décembre 2014 et celui arrêté au 21 septembre 2015 et des achats enregistrés dans le logiciel Optimum renseigné à partir de 2013 par Monsieur [R], en appliquant une dépréciation de 100% pour les montures de plus de 4 ans, 75% pour celles de 3à 4 ans, 50% pour celles de 2 à 3 ans et 25% pour celles de 1 à 2 ans.
Monsieur [M] critique cette analyse, non pas sur le coefficient de dépréciation retenu qu’il valide, mais en soulignant que le logiciel Optimum mis en place en 2013 ne ventile pas les montures acquises antérieurement à cette date, notamment en 2011 et 2013 en indiquant faussement une date d’acquisition en 1960 alors qu’elles conservent une valeur certes diminuée mais certaine.
En effet, ce mode de fonctionnement du logiciel explique l’absence de stock acquis en 2011 et 2012 ainsi que cela apparaît sur les listings produits en pièces jointes et la présence dans le stock de nombreuses montures acquises en 1960. D’où une majoration de la dépréciation pour les montures acquises en 2011 et 2012,dont la dépréciation aurait dû être de 50% ou 70% et non de 100%, ainsi que le logiciel tend à le faire croire faussement.
Il résulte de ces deux analyses que si l’existence d’une dépréciation des stocks, qui n’a été retenu à sa juste valeur, doit donner lieu à application de la garantie d’actif et de passif, il convient de minorer le montant de cette dépréciation pour tenir compte de l’erreur générée par les limites du logiciel quant à l’enregistrement des dates d’achat réelles. Seule la somme de 51 776euros doit être retenue à ce titre.
Sur les salaires de Monsieur [R] :
Monsieur [R] a bénéficié en 2015 d’une rémunération annuelle de 33 076euros sur 9 mois, alors que sa rémunération pour l’exercice 2014 était fixée à 25 992euros.
Lors de l’assemblée générale du 31 décembre 2015, les associés ont refusé de ratifier les comptes et donc la rémunération du président qui constituerait selon eux alors une charge non justifiée ainsi que les cotisations sociales y afférents.
Les appelants sollicitent que la garantie prenne en charge cette augmentation conséquente non justifiée selon eux.
Toutefois, la rémunération de Monsieur [R] figure dans les comptes de l’exercice arrêtés au 31 septembre 2015 donc dans les comptes de l’année de référence. Dés lors les cessionnaires ne peuvent se prévaloir d’une augmentation du passif non inscrit et la garantie d’actif et de passif ne peut intervenir à ce titre, quand bien même, cette rémunération n’a pas été approuvée lors de l’a assemblée générale intervenue postérieurement à la vente
Sur la correction de la situation comptable au 30 septembre 2015 :
Monsieur [V], expert comptable de la société, a rectifié la situation arrêtée au 30 septembre 2015 d’où un passif supplémentaire de 23 877euros dont notamment l’augmentation de la provision en raison de la procédure de licenciement à l’encontre de Madame [R] de 14 355,80euros pour atteindre 32 260,76euros en raison, selon lui, du changement de type de rupture du contrat de travail, le licenciement économique étant privilégié par rapport à la rupture conventionnelle initialement envisagée.
Les appelants demandent aux consorts [R] de prendre en charge ses sommes au titre de la garantie.
Monsieur [M] ne conteste pas les ajustements et rectifications d’anomalies et d’omissions opérées par Monsieur [V], à l’exception de la provision de 32 261euros retenue à titre de provision en raison de la procédure prud’homale concernant Madame [R].
Aux termes de la promesse de cession intervenue le 10 avril 2015 entre les parties, le départ de Madame [R] est acté en les termes suivants ‘les parties ont convenu qu’au jour de la cession définitive soit au plus tard le 31 juillet 2015, Madame [G] [R] ne devra plus être présente dans le fonds de commerce appartenant à la société [E] [R] laquelle devra avoir procédé à son licenciement ou avoir obtenu sa démission’.
Toutefois, l’acte souscrit le 7 octobre 2015 entre les parties précise que ‘contrairement aux conventions passées entre les parties, Madame [R] n’a pas été licenciée avant les présentes’.
Dés lors, l’éventuelle rupture du contrat de travail de Madame [R] ne constitue pas un événement inconnu des cessionnaires puisque la promesse puis l’acte de cession y font clairement référence et ce d’autant que Monsieur [V] n’a fait qu’augmenter une provision qui figurait déjà au bilan, démontrant que les parties avaient parfaitement conscience de l’arrivée de l’événement qui a été régulièrement provisionné et figure au bilan.
Il n’est nullement justifié de l’existence d’une procédure de licenciement introduite à l’égard de Madame [R] et de la modification du motif légitimant l’augmentation de la provision revendiquée alors que la provision existante à ce titre a été estimée avec une fiabilité suffisante sachant que toute provision a nécessairement un caractère estimatif et non certain.
L’augmentation de la provision pour un licenciement à venir répond à une appréciation subjective qui n’ouvre pas droit à garantie.
Il convient de rejeter cette augmentation de la provision qui n’entre pas dans la garantie de passif et que seule la somme de 9 521,20euros correspondant à la rectification de scories affectant le bilan du 30 septembre 2015 est due à ce titre.
Sur les frais de remise en état des installations de vidéo surveillance :
Par constat établi le 16 novembre 2015, Maître [K], huissier de justice, qui s’est rendu au [Adresse 3], a rapporté qu’au 1er étage de l’immeuble ‘les installations électriques, vidéo, alarme, informatiques et téléphonies ne sont pas dissociées du magasin du rez de chaussée et que les boîtiers et gaines … sont déconnectés au niveau du sol’. Il n’est pas contesté par les parties que l’huissier a établi ses constations dans un local resté propriété des cédants.
Dés lors, d’une part ce constat ne permet nullement d’imputer d’éventuelles dégradations des installations appartenant aux cessionnaires à l’intervention des cédants alors qu’il incombe aux cessionnaires de procéder aux travaux nécessaires pour bénéficier d’une installation personnelle.
D’autre part, il n’est nullement acquis que les déconnections constatées seraient intervenues antérieurement à l’acquisition signée le 7 octobre 2015, les constations datant du 16 novembre 2015 soit plus d’un mois après, alors que les cessionnaires ne peuvent se prévaloir de la garantie que lorsque l’origine de l’événement est antérieure à l’acquisition ce qui n’est pas avéré en l’espèce.
De même que l’installation de 6 caméras de surveillance dans le local commercial ne peut être mise à la charge des cédants.
Il convient de confirmer la décision de première instance.
Sur les amortissements exceptionnels :
Les appelants sollicitent la prise en compte d’une somme de 8 436 euros correspondant à des amortissements pour des équipements déjà entièrement amortis, Monsieur [R] aurait, selon eux, procédé à des amortissements minorés sur une période supérieure à la norme pour des équipements vieillissants.
Monsieur [H] dans son courrier du 27 janvier 2016 fait état d’immobilisations qui seraient totalement amorties au 31 décembre 2014, toutefois sans préciser les amortissements visés et en chiffrer le montant. De sorte que l’imprécision de document ne permet pas à la juridiction de retenir la somme de 8 436euros à ce titre.
Monsieur [V], dans sa note de correction du bilan, précise qu’il convient de retenir un amortissement exceptionnel de 8 436,16euros pour permettre aux cessionnaires de réaliser des travaux de remise en état des lieux et de sortir ainsi du tableau d’amortissement des immobilisations non intégralement amorties.
D’une part, la valeur des immobilisations ne constitue pas un élément dont les acquéreurs ignoraient l’existence puisqu’elles figurent au bilan produit lors de la cession. Les critiques ultérieures présentées par Monsieur [H] sur la période d’amortissement retenue en raison d’une durée d’immobilisation trop élevée, sont insuffisantes pour permettre de mettre en jeu la garantie de passif et d’actif, faute de caractériser des inexactitudes précises.
De surcroît, Monsieur [H] ne dénonce pas le caractère fictif des déclarations faites au bilan par le cédant, mais préconise un changement de méthode comptable. Or seul le passif non révélé au bilan lors de la cession fait l’objet de la garantie.
D’autre part, le choix de procéder à des amortissements exceptionnels pour remettre les lieux en l’état ne procède pas non plus de la garantie d’actif et de passif, mais d’un choix de gestion.
Sur le transfert de propriété des agencements à la SCI Jolim, bailleresse :
Selon les dires des parties, le bail commercial souscrit le 28 décembre 2004 avec effet au 1er janvier 2005 et qui a fait l’objet d’un renouvellement le 1er janvier 2014, avec la SCI Jolim, bailleresse, ainsi que le mentionne l’acte de cession, mais qui n’est pas produit à la procédure, a été cédé avec le fonds de commerce. Il n’est pas contesté par les parties que les agencements présents dans les lieux loués resteront la propriété du bailleur en fin de bail selon accord.
Les appelants soutiennent que ce transfert de la propriété des agencements au profit du bailleur va nécessairement générer une dégradation de l’actif pour la locataire qui n’apparaît pas au bilan et que le fait que les cessionnaires soient également devenus les bailleurs, suite à l’acquisition des murs dans lesquels s’exerce l’activité, est sans conséquence puisque omettre de prendre en compte ce transfert pour minorer l’actif aboutirait à faire payer deux fois le prix des agencements qui a été pris en compte dans le calcul de la valeur des murs acquis par les cessionnaires.
Toutefois, il convient de constater que ce transfert de propriété n’interviendra, selon les termes du bail, qu’en fin de contrat et que les agencements restent la propriété de la locataire jusqu’à l’issue du bail qui n’est pas déterminée en l’état de la procédure, le contrat ayant fait l’objet d’un renouvellement le 1er janvier 2014 pour une durée de 9 ans avec tacite prorogation et qu’il n’est fourni à la juridiction aucun élément sur une éventuelle résiliation.
Il convient de confirmer le jugement de première instance à ce titre.
Sur la cotisation de retraite de Monsieur [R] :
Le solde de cotisation de retraite AGIRA au bénéfice de Monsieur [R] réclamé par le groupe APICIL pour un montant de 1 921euros à la société [R] pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, qui n’apparaît pas au bilan du 31 septembre 2015, constitue une augmentation de passif postérieurement à la vente en raison d’un événement antérieur à la cession qui doit être pris en compte par la garantie.
Sur les dommages et intérêts :
Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.
En l’espèce, l’appréciation inexacte de leurs droits par les consorts [R] n’est pas constitutive d’une faute. S’estimant lésés dans leurs droits, ils ont pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur leurs demandes. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Les consorts [R], succombant, doivent assumer les dépens sans que l’équité ne commande de faire application des dispositions d l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs la cour statuant par arrêt contradictoire :
Infirme le jugement rendu le 13 juin 2019 par le tribunal de commerce d’Aix en Provence,
Statuant à nouveau :
Condamne solidairement Messieurs [O], [A], [P] et [E] [R] et Madame [G] [R] à payer à la société MM, Monsieur [X] [W] [Y] [Z] et Madame [N] [I] [B] épouse [W] [Y] [Z] la somme de 63 218,20euros,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne solidairement Messieurs [O], [A], [P] et [E] [R] et Madame [G] [R] aux entiers dépens y compris ceux de première instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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