RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01150 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H7RI
YRD/JLB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
01 mars 2021
RG:19/00525
S.A.S. TRANSDEV OCCITANIE PAYS NIMOIS
C/
[T]
Grosse délivrée le 04 AVRIL 2023 à :
– Me LANOY
– Me SOULIER
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 01 Mars 2021, N°19/00525
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 01 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S. TRANSDEV OCCITANIE PAYS NIMOIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
Représentée par M eLaure PERIES de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur [E] [T]
né le 27 Février 1952 à
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [E] [T] a été engagé par la SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois en qualité de conducteur receveur suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel puis à temps complet.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
La SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois, suite à la demande des délégués du personnel, a accepté de verser la prime des paniers dus au conducteur ayant effectué des déplacements mais seulement à compter du 1er mai 2019, alors que ces derniers demandaient une rétroactivité sur 3 ans.
Par courrier du 13 juin 2019, M. [E] [T] a sollicité auprès de son employeur le versement de la prime de repas unique due pour la période d’août 2016 à avril 2019.
Par requête du 20 septembre 2019, M. [E] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de dire et juger que l’employeur est redevable d’une prime de repas unique, sur la période du 1er août 2016 au 30 avril 2019 ; dire et juger que le comportement de l’employeur est consécutif d’une résistance abusive ainsi que de condamner la SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois à diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 1er mars 2021, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– dit que la SAS Transdev Occitanie pays nîmois est redevable d’une prime de
repas unique sur la période du 1er août 2016 au 30 avril 2019,
– condamné la SAS Transdev Occitanie pays nîmois à payer à M. [E] [T] les sommes suivantes :
– 4195,20 euros à titre de rappel de salaires sur prime de repas unique,
– 500,00 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– 900,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Transdev Occitanie pays nîmois aux entiers dépens,
-ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– débouté la SAS Transdev Occitanie pays nîmois de sa demande au titre de
l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de la SAS Transdev Occitanie pays nîmois.
Par acte du 22 mars 2021, la SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2021, la SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois demande à la cour de :
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a :
– dit que la SAS Transdev Occitanie pays nîmois est redevable d’une prime de
repas unique sur la période du 1er août 2016 au 30 avril 2019,
– condamné la SAS Transdev Occitanie pays nîmois à payer à M. [E] [T] les sommes suivantes :
– 4195,20 euros à titre de rappel de salaires sur prime de repas unique,
– 500,00 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– 900,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Transdev Occitanie pays nîmois aux entiers dépens,
-ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– débouté la SAS Transdev Occitanie pays nîmois de sa demande au titre de
l’article 700 du code de procédure civile,
Par conséquent,
A titre principal,
– constater la régularité des pratiques de la société TOPN,
– constater l’absence de résistance abusive de la société TOPN,
– débouter M. [E] [T] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– ramener les demandes de M. [E] [T] à de plus justes quantums,
En tout état de cause,
– condamner M. [E] [T] à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [E] [T] aux entiers dépens.
La SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois soutient que :
– les taux pratiqués sont plus intéressants pour le salarié que les dispositions auxquelles il se réfère,
– elle verse :
– soit l’indemnité conventionnelle aux salariés qui répondent aux conditions de l’article 8 sus visé, et, allant au-delà, également à un salarié disposant d’une coupure d’une durée supérieure à 1 heure s’il se trouve, pour sa coupure déjeuner, à l’extérieur de son lieu de prise de service ;
– soit une prime forfaitaire de déplacement journalier, correspondant à l’indemnité conventionnelle de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner, lorsque le salarié prend son service sur un lieu différent de son lieu habituel,
– elle considère que l’indemnité de repas de l’article 8 du Protocole du 30 avril 1974 est donc bien versée, mais sous une autre dénomination et selon un montant bien plus favorable.
En l’état de ses dernières écritures en date du 30 septembre 2021, M. [E] [T] a demandé de :
– recevoir l’appel de la SAS Transdev Occitanie pays nîmois,
– le dire mal fondé,
En conséquence,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes,
En conséquence,
– dire et juger que l’employeur est redevable d’une prime de repas unique, sur la période du 1er août 2016 au 30 avril 2019,
En conséquence,
– condamner la SAS Transdev Occitanie pays nîmois au paiement d’une somme de
4195.20 euros à titre de rappel de salaires sur prime de repas unique,
– dire et juger que le comportement de la SAS Transdev Occitanie pays nîmois est constitutif d’une résistance abusive,
– condamner la SAS Transdev Occitanie pays nîmois au paiement d’une somme de 2500 euros à titre de dommages intérêts,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les défendeurs aux entiers dépens.
M. [E] [T] fait valoir que :
– l’argumentation de l’employeur n’est pas conforme aux dispositions de la convention collective, aux accords conclus dans l’entreprise et au droit positif s’agissant de deux primes de nature distinctes et n’ayant pas les mêmes vocations,
– un employeur ne peut s’exonérer du paiement des avantages conventionnels issus d’une convention collective notamment de l’article 8 de la convention collective des transports, en soutenant qu’il règle par ailleurs une indemnité de déplacement plus favorable.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance rectificative en date du 16 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 1er février 2023 à 16 heures et fixé examen de l’affaire à l’audience du 1er mars 2023.
MOTIFS
Le salarié fonde sa demande sur l’article 8 de la section 2A du protocole du 30 avril 1974 en lien avec l’annexe 1 des ouvriers du 25 juillet 1951, prévoit que :
« 1° Le personnel qui se trouve, en raison d’un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages.
Toutefois, lorsque le personnel n’a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d’un déplacement effectué en dehors des ses conditions habituelles de travail, l’indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l’indemnité de repas, dont le taux est également fixé par le tableau joint au présent protocole.
Enfin, dans le cas où, par suite d’un dépassement de l’horaire régulier, la fin de service se situe après 21 h 30, le personnel intéressé reçoit pour son repas du soir une indemnité de repas.
2° Ne peut prétendre à l’indemnité de repas unique :
a) Le personnel dont l’amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures ;
b) Le personnel qui dispose à son lieu de travail d’une coupure ou d’une fraction de coupure, d’une durée ininterrompue d’au moins 1 heure, soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures.
Toutefois, si le personnel dispose à son lieu de travail d’une coupure d’une durée ininterrompue d’au moins 1 heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures, une indemnité spéciale, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, lui est attribuée. »
Nul ne discute l’application de ces dispositions en l’espèce.
La société appelante indique qu’elle verse l’indemnité conventionnelle de repas, appelée en interne « prime de panier » ou encore « indemnité de repas unique » (libellé sur le bulletin de salaire).
Elle précise qu’elle a instauré un régime plus favorable d’indemnisation des repas pour les salariés prenant leur service sur un lieu différent de leur lieu habituel de prise de service (lieu différent du lieu d’embauche tel que prévu au contrat) en versant une indemnisation dite « déplacement journalier ».
Ainsi, le protocole de fin de grève du 22 novembre 1991 prévoit que « les déplacements journaliers des conducteurs remplaçants [donc ceux qui prennent leur service depuis un lieu différent du lieu de prise de service habituel et contractuel] seront rémunérés selon les règles de la Convention collective ; la compensation financière étant basée sur l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner à raison d’une par déplacement ».
Par «rémunérés selon les règles de la Convention collective» il faut entendre les conditions d’attribution de la prime, sinon le membre de phrase «la compensation financière étant basée sur l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner» serait vidé de son sens.
La société ajoute que pour les agents prenant leur service sur un lieu différent de leur lieu habituel de prise de service, l’indemnité de repas unique est remplacée depuis 30 ans par une prime forfaitaire de déplacement journalier, qui s’ajoute d’ailleurs aux indemnités kilométriques.
Elle soutient que l’indemnité de déplacement journalier (qui « englobe » dans cette hypothèse l’indemnité de repas de la CCN) correspond à l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner (alors même qu’ils ne découchent pas) selon un montant plus favorable, pour tenir compte de ce changement de lieu de prise de service.
En résumé elle verse :
– soit l’indemnité conventionnelle aux salariés qui répondent aux conditions de l’article 8 sus visé, et, allant au-delà, également à un salarié disposant d’une coupure d’une durée supérieure à 1 heure s’il se trouve, pour sa coupure déjeuner, à l’extérieur de son lieu de prise de service ;
– soit une prime forfaitaire de déplacement journalier, correspondant à l’indemnité conventionnelle de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner, lorsque le salarié prend son service sur un lieu différent de son lieu habituel.
Elle considère que l’indemnité de repas de l’article 8 du Protocole du 30 avril 1974 est donc bien versée, mais sous une autre dénomination et selon un montant bien plus favorable.
Elle en conclut que les primes de repas et de déplacement sont ainsi des primes de même nature, qui ont la même fonction, à savoir celle de compenser la même sujétion, celle résultant du fait pour le salarié de ne pas pouvoir prendre son repas hors de son lieu de travail.
Prime unique de repas et indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner (indemnité de déplacement journalier) sont des avantages ayant le même objet dont le contenu est identique, même sous des dénominations différentes.
Il ne peut être sérieusement contesté que l’indemnité de chambre et l’indemnité spéciale de petit déjeuner n’ont pas vocation à dédommager le salarié d’un quelconque déplacement, celui-ci pouvant prétendre au paiement d’indemnités kilométriques dans ce cas.
Il n’est pas davantage discuté que l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner (indemnité de déplacement journalier) prévue par l’accord d’entreprise est plus favorable que l’indemnité conventionnelle de repas de l’article 8 du Protocole du 30 avril 1974.
L’employeur précise sans être utilement contredit qu’à titre d’exemple au 1er août 2016, selon la convention collective :
– l’indemnité de repas unique s’élevait à 8,05 euros
– l’indemnité de repas s’élevait à 13,04 euros
– l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner s’élevait à 27,53 euros.
Au demeurant il n’est pas précisé par le salarié quelle sujétion autre que prendre ses repas hors de l’entreprise indemniserait l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner (indemnité de déplacement journalier) alors qu’il n’est en tout état de cause nullement question pour le salarié de coucher à l’hôtel et de prendre son petit déjeuner, ce qu’il ne soutient pas du reste. Cette indemnité couvre les frais inhérents à la prise d’un repas en déplacement.
Il en résulte que c’est à bon droit que l’employeur a versé l’indemnité de chambre et indemnité spéciale de petit déjeuner (indemnité de déplacement journalier) en lieu et place de l’indemnité de repas unique, ces deux indemnités ayant vocation à indemniser le même objet ne peuvent donc se cumuler, le principe de faveur ayant joué au bénéfice du salarié.
Concernant la situation à compter du 1er mai 2019 le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 30 avril 2019 acte : « afin d’éviter de nouveaux problèmes d’interprétation en cas de déplacements à compter du 1er mai 2019, le logiciel sera paramétré pour que les paniers soient comptabilisés en fonction du lieu d’embauche contractuel ».
Dans un courrier en date du 14 juin 2019 l’employeur précise que « dans une volonté d’apaisement sur ce point précis, la nouvelle Direction a décidé d’attribuer une prime de panier en plus de la prime de déplacement à compter du 1 er mai 2019 par décision unilatérale matérialisée dans le PV de CE du vendredi 26 avril 2019. Il a toutefois bien été précisé qu’aucune rétroactivité ne serait appliquée dans ce cadre ».
S’agissant d’une décision unilatérale de l’employeur destinée à mettre un terme à la discussion, cette décision ne saurait rétroagir et c’est par une interprétation qui lui est toute personnelle que le salarié prétend que l’employeur aurait reconnu que les primes de paniers seraient dues même en cas de paiement de la prime de déplacement unique.
Enfin, nul ne discute que le salarié se trouvait dans les conditions prévues soit par l’article 8 de la section 2A du protocole du 30 avril 1974 en lien avec l’annexe 1 des ouvriers du 25 juillet 1951 soit par le protocole de fin de grève du 22 novembre 1991 .
Le jugement encourt l’infirmation et le salarié sera débouté de l’ensemble de ses prétentions.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner l’intimé à payer à l’appelante la somme de 400,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
– Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
– Déboute M. [E] [T] de l’ensemble de ses prétentions,
– Condamne M. [E] [T] à payer la société Transdev Occitanie Pays Nîmois la somme de 4 00,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne M. [E] [T] aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire