Droit du logiciel : 4 avril 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/02200

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Droit du logiciel : 4 avril 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/02200

ARRÊT N°

BUL/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 4 AVRIL 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 21 février 2023

N° de rôle : N° RG 21/02200 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EORV

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BELFORT

en date du 10 novembre 2021

Code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

APPELANT

Monsieur [V] [T], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Olivier GAUTHIER, avocat au barreau de MONTBELIARD, absent

INTIMEE

S.A.S. BUREAU D’ETUDES DE CONSEIL ET INGENIERIE INTERNATI ONAL – BEC2I sise [Adresse 1]

représentée par Me Vincent BESANCON, avocat au barreau de BELFORT, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 21 Février 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 4 Avril 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [V] [T] a été embauché par la société BEC2I à compter du 10 août 2010 suivant contrat à durée indéterminée en qualité d’ingénieur spécialisé en système d’information géographique, moyennant un salaire de 2 275 euros sur 13 mois, ‘à condition de satisfaire à une bonne productivité’. Le contrat est soumis à la Convention collective des géomètres-experts, géographes.

Par courrier du 14 mars 2019, M. [V] [T] a sollicité son employeur pour envisager une rupture conventionnelle de son contrat de travail avant d’y renoncer lui-même, en dépit d’une convocation à un entretien proposé à cet effet le 22 mars 2019.

Placé en arrêt de travail à compter du 25 mars 2019, M. [V] [T] a déclaré une maladie professionnelle selon certificat médical du 13 juin 2019 auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie du Territoire de Belfort (CPAM), laquelle a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie le 28 février 2020.

Par requête du 17 octobre 2019. M. [V] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Belfort, aux fins d’obtenir au principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts de l’employeur, à défaut de paiement des heures supplémentaires et d’un treizième mois.

Parallèlement, le médecin du travail, selon avis du 17 octobre 2019, a déclaré M. [V] [T] inapte à son poste.

Par courrier du 14 novembre 2019, l’employeur a notifié à M. [V] [T] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, conduisant le salarié à réactualiser ses demandes devant la juridiction prud’homale.

Suivant jugement du 10 novembre 2021, ce conseil a :

– débouté M. [V] [T] de sa demande en requalification du licenciement

pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la SAS BEC2I à régler à M. [V] [T] les sommes de :

* 300 euros brut au titre des heures supplémentaires correspondant à l’année 2017 et à un reliquat 2016

* 8 322 euros brut au titre du 13ème mois des années 2017, 2018 et 2019

* 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté la demande d’indemnité de procédure de la SAS BEC2I

– débouté M. [V] [T] du surplus de ses demandes et laissé à chaque partie la charge de ses dépens

Par déclaration du 16 décembre 2021, M. [V] [T] a relevé appel de cette décision et selon dernières conclusions du 18 mai 2022, demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il n’a pas condamné l’employeur au paiement des heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019 et refusé de requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Statuant à nouveau,

– requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle ni sérieuse

– condamner la SAS BEC2I à lui payer les sommes suivantes :

* 24 966 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse

* 5 548 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

* 6 826,45 € au titre des heures supplémentaires

* 1 500 € au titre de l’indemnité de procédure d’appel

– confirmer le jugement pour le surplus

– condamner la SAS BEC2I à lui remettre les documents de fin de contrat modifiés (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et bulletin de salaire du mois de novembre 2019) sous un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard

– condamner la SAS BEC2I aux entiers dépens de l’instance

Par conclusions du 30 mars 2022, la société BEC2I conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. [V] [T] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, ‘La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion…’

A titre liminaire, la cour relève qu’en l’absence d’appel incident, elle n’est saisie par l’appelant dans le dispositif de ses écrits, s’agissant de la rupture de son contrat de travail, que d’une demande tendant à voir dire son licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse mais nullement d’une demande tendant à voir infirmer le jugement déféré ou le voir compléter du fait d’une omission de statuer et à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Il s’ensuit que les développements de la société BEC2I et de M. [V] [T] lui-même sur la question de la résiliation judiciaire du contrat de travail, dont ce dernier avait effectivement saisi initialement la juridiction prud’homale, ne seront pas examinés à hauteur de cour.

I- Sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude

Au soutien de sa voie de recours l’appelant, opérant une confusion entre la résiliation judiciaire du contrat et la ‘requalification’ de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, fait grief aux premiers juges d’avoir rejeté sa demande de requalification après avoir néanmoins retenu une faute à l’encontre de l’employeur pour n’avoir pas réglé l’intégralité de ses salaires au titre du treizième mois et d’heures supplémentaires.

L’employeur, qui conclut à la confirmation pure et simple du jugement querellé, ne développe aucun argumentaire sur la demande adverse, dans la mesure où il n’évoque que la question de la résiliation judiciaire du contrat, dont la cour n’est pas saisie.

Il résulte des productions que M. [V] [T] a fait l’objet le 17 octobre 2019, après une étude du poste et des conditions de travail et un échange avec l’employeur effectués le 3 octobre précédent, d’un avis d’inaptitude à son poste de travail, le docteur [L] [R], médecin du travail, précisant que le salarié ‘ne peut porter de charges lourdes, ni travailler de façon répétée le buste penché en avant. Ne peut pas effectuer de longs trajets en voiture. Serait en capacité d’occuper un poste de bureau (dessinateur, ingénieur bureau d’étude…)’.

M. [V] [T], dont les seuls griefs articulés à l’encontre de l’employeur sont d’avoir omis de lui payer son treizième mois et certaines heures supplémentaires ne démontre pas en quoi le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse alors qu’il repose sur une inaptitude avérée à son poste, médicalement constatée, et que l’impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise n’est à aucun moment mise en doute.

Aucun lien de causalité entre l’inaptitude du salarié à son poste et les manquements imputés à son employeur n’est en effet établi.

Il s’ensuit que dès lors que l’inaptitude est avérée, le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et les prétentions pécuniaires subséquentes.

II- Sur les heures supplémentaires

Si l’appelant conclut, tout comme l’intimé, à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle lui a alloué la somme de 8 322 euros au titre du paiement de son treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, il fait en revanche grief aux premiers juges, dans le dispositif de ses écrits, qui seul saisit la cour, d’avoir rejeté sa demande en paiement d’heures supplémentaires accomplies au titre des années 2018 et 2019.

Il sollicite néanmoins que lui soit allouée la somme de 6 826,45 euros à ce titre pour la période d’octobre 2016 à mars 2019 afin de tenir compte des règles de la prescription.

La société BE2CI conclut à confirmation s’agissant des heures supplémentaires retenues dans le jugement querellé pour les années 2016 et 2017 et fait valoir à bon droit qu’à défaut de conclure à l’infirmation du jugement déféré sur ce point, son contradicteur n’est pas légitime à solliciter une quelconque somme au titre de cette période.

L’employeur s’oppose à la demande adverse pour le surplus au motif que le salarié l’a privé de l’un de ses moyens de suivi des horaires de travail en lui restituant un ordinateur professionnel formaté.

Il rappelle qu’il ne peut valablement prétendre à une moyenne d’heures supplémentaires par semaine, purement théorique, ni considérer que ses temps de trajets sont des heures supplémentaires alors qu’ils sont réalisés pendant le temps de travail.

Il relève en outre des incohérences sur les tableaux adverses produits pour l’année 2017, notamment de lieux, lesquels sont sans emport sur le présent litige, et souligne que le salarié omet curieusement de préciser qu’il a récupéré entre 2016 et 2019 206 heures.

Aux termes de l’article L.3171-2, alinéa 1er du code du travail dans ses versions applicables au litige, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

L’article L.3171-4 du même code prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [V] [T], qui exerçait, en vertu de son contrat de travail, les fonctions d’ingénieur SIG et plus précisément de géomètre topographe, expose que son temps de travail était de 35 heures hebdomadaires réparties de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures du lundi au jeudi puis de 8 heures à 12 heures le vendredi, les horaires ainsi mentionnés correspondant cependant à 32 heures hebdomadaires.

Il prétend que les temps de trajets pour se rendre sur sites étaient fréquemment effectués en dehors des temps de travail.

Le salarié ne présente cependant aucun élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies sur la période considérée permettant à son employeur d’y répondre utilement puisqu’aucune pièce n’est communiquée pour la période de janvier 2018 à mars 2019, date de son arrêt de travail.

S’il fait valoir qu’il n’aurait plus eu accès, depuis cette date, via l’intranet de la société au logiciel lui permettant de justifier de ses heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019, il ne justifie cependant pas avoir sommé son contradicteur de lui communiquer les tableaux récapitulatifs de ses horaires hebdomadaires, pas plus qu’il n’a saisi le magistrat en charge de la mise en état afin d’obtenir l’injonction de son employeur de verser aux débats lesdits documents.

A cet égard s’il a effectivement sollicité son employeur par courrier recommandé du 23 septembre 2019 (pièce n°5) afin d’obtenir la transmission par mail de tous les relevés de son ‘compte épargne temps depuis (son) entrée en fonctions dans la société en 2010 et de régulariser (ses) heures non payées’, lequel lui a répondu qu’aucun dispositif de compte épargne temps n’avait été mis en place au sein de la société, il n’a pas pris la peine de réitérer sa demande en évitant cette fois l’usage impropre de la notion de ‘compte épargne temps’, qui correspond effectivement à un dispositif tout autre.

En outre si les bulletins de paie qu’il produit pour l’année 2018 et 2019 jusqu’à son arrêt de travail en mars 2019 ne mentionnent aucune heure supplémentaire rémunérée, la cour ne peut que faire le constat qu’aucun élément objectif suffisamment précis n’est communiqué pour étayer l’allégation de l’appelant sur l’existence de telles heures alors qu’en toute hypothèses il aurait pu disposer d’un agenda en version papier répertoriant ses heures et déplacements ou d’un tableau récapitulatif de ces éléments.

Enfin, l’appelant ne peut valablement procéder par analogie avec les heures supplémentaires qu’il prétend avoir accomplies en 2017.

Il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] [T] de sa demande à ce titre.

III -Sur les demandes accessoires

La disposition du jugement déféré rejetant sa demande de communication de documents de fin de contrat modifiés n’a pas été critiquée par l’appelant, de sorte que la cour n’est pas saisie de cette demande.

L’issue du litige justifie que chaque partie conserve la charge de ses propres frais irrépétibles d’appel.

En revanche l’appelant qui succombe en sa voie de recours supportera les dépens d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions déférées à la cour.

Déboute la SAS BEC2I et M. [V] [T] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [V] [T] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre avril deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

 


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