Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03725

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Droit du logiciel : 31 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03725

31/03/2023

ARRÊT N°158/2023

N° RG 21/03725 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OLC5

AB/AR

Décision déférée du 22 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01728)

BARAT

[W] [P]

C/

S.A.R.L. ARABESK

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 31 3 23

à Me Romain GARCIA

Me Isabelle BAYSSET

ccc délivrée

le 31 3 23

à POLE EMPLOI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [W] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain GARCIA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. ARABESK

prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 2]

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP INTER-BARREAUX D’AVOCATS MARGUERIT – BAYSSET – RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [W] [P] a été embauchée selon un contrat de professionnalisation à durée déterminée à temps complet du 3 septembre 2018 au 31 mars 2020 par la SARL Arabesk en qualité d’assistante marketing, dans la perspective de la préparation du diplôme de responsable en développement marketing et vente.

La société Arabesk exerce une activité de commerce de gros à [Localité 4] (31) et commercialise des biens de consommation courante, textiles et artisanat exotique. Elle emploie moins de 11 salariés. La convention collective nationale du commerce de gros est applicable.

Du 5 au 11 décembre 2018, Mme [P] a été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé jusqu’au 10 janvier 2019.

Parallèlement, l’inspection du travail, ayant été saisie par Mme [P] et son collègue M. [S] par courriers respectifs du 5 et 9 décembre 2018, est intervenue aux fins d’inspection dans les locaux et a rendu un rapport en date du 18 février 2019.

Par lettre du 10 janvier 2019, Mme [P] a rompu de manière unilatérale et anticipée son contrat de professionnalisation, alléguant de nombreux griefs à l’encontre de la société Arabesk.

Par requête en date du 23 octobre 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de demander que la rupture de son contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 22 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que Mme [W] [P] ne démontre pas la validité de sa rupture prématurée du CDD pour faute grave,

– débouté Mme [P] de l’intégralité de ses demandes,

– dit que cette rupture ne produit pas les effets d’une démission,

– débouté Mme [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [P] aux entiers dépens de l’instance.

Mme [P] a relevé appel de ce jugement le 25 août 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [P] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 22 juillet 2021 en ce qu’il a :

* dit que Mme [P] ne démontre pas la validité de sa rupture prématurée du CDD pour faute grave,

* débouté Mme [P] de l’intégralité de ses demandes,

* débouté Mme [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [P] aux entiers dépens de l’instance,

En conséquence, statuant à nouveau :

– déclarer que les griefs dénoncés dans le courrier de rupture du 10 janvier 2019 sont justifiés et fondés,

– déclarer que la rupture du contrat de travail de Mme [P] intervenue le 10 janvier 2019 s’est faite aux torts exclusifs de la société Arabesk,

– déclarer que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– déclarer que la moyenne mensuelle du salaire de Mme [W] [P] est fixée à hauteur de 1 498,50 euros,

– condamner en conséquence la société Arabesk à régler à Mme [P] les sommes suivantes :

* 1 498,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 149,85 euros au titre des congés payés afférents,

* 21 994,10 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux salaires restants dus jusqu’au terme du CDD et subsidiairement 1 498,50 euros à titre de dommages et intérêts en raison d’une rupture ayant les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse (1 mois),

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

* 1 498,50 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

– condamner la société Arabesk à délivrer à Mme [P] :

* un bulletin de paie récapitulatif des condamnations à intervenir,

* une attestation pôle emploi rectifiée,

– condamner la société Arabesk à payer à Mme [P] la somme de 3 500 euros nets sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Arabesk aux entiers frais et dépens de l’instance et de ses suites, en ce compris les frais de signification et ceux éventuels d’exécution de la décision à intervenir,

– condamner la société Arabesk au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes de nature salariale mises à sa charge à compter du jour de la convocation des parties devant le Bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Toulouse, et pour les sommes à caractère indemnitaire à compter du prononcé de la décision à intervenir, les intérêts dus pour une année devant produire eux-mêmes intérêts selon les prescriptions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter la société Arabesk de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Arabesk demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– débouter Mme [P] de l’intégralité de ses demandes.

Y ajoutant en cause d’appel :

– condamner Mme [P] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700-1 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée de droit commun :

Le contrat de professionnalisation, signé entre les parties, a pour objet de permettre d’acquérir une qualification prévue à l’article L.6314-1 du code du travail et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle, associant des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation et à l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec des qualifications recherchées.

Aux termes de l’article L.6325-3 du code du travail l’employeur s’engage à assurer une formation au salarié lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée, le salarié s’engage à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat.

Les actions de formation sous la forme d’enseignements généraux, professionnels et technologiques, ainsi que les actions de positionnement, d’évaluation et d’accompagnement sont définies entre les parties lors de la signature du contrat.

Lorsqu’il est à durée déterminée il est conclu en application de l’article L.1242-3 du code du travail, qui prévoit que le contrat de professionnalisation peut être d’une durée déterminée lorsque l’employeur s’engage « pour une durée et dans des conditions déterminées par décret à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. »

En l’espèce Mme [P], qui poursuivait la validation de son diplôme RNCP Niveau 2 – responsable en développement marketing et vente, soutient que la société Arabesk ne lui a assuré aucune formation, et qu’elle a été livrée à elle-même durant la relation contractuelle, ne bénéficiant d’aucun encadrement ni accompagnement, étant affectée à un poste isolé d’assistante commerciale, et que les ‘tuteurs’ désignés (les deux co-gérants, Messieurs [G] [Z] et [D]) étaient absents régulièrement de la société.

Au regard des pièces produites, il est exact comme elle le soutient que la société Arabesk ne justifie d’aucun document relatif au suivi et à l’encadrement professionnel lui incombant, qu’aucune annexe au contrat de professionnalisation ne fixe l’encadrement, l’évaluation et la nature des actions de formation menées par l’employeur.

La production d’une feuille d’émargement tenue auprès de l’organisme de formation ISTEF dans lequel s’inscrit le parcours de professionnalisation, est inopérante à démontrer que l’employeur a respecté ses propres obligations de formation en son sein, imposées par l’article L.6325-3 du code du travail, tout comme est inopérant le fait que Mme [P] ait obtenu finalement son diplôme.

Mme [P] verse aux débats le rapport de l’inspection du travail du 15 février 2019 dont il ressort que l’employeur a admis que le recours aux contrats aidés servait à obtenir de la main d’oeuvre à une période au cours de laquelle l’entreprise se trouvait en difficulté mais que l’infrastructure n’était pas en adéquation avec les diplômes préparés, même si l’inspection du travail a constaté que quelques alternants avaient été finalement recrutés en contrat à durée indéterminée par l’entreprise. Il s’agit d’une faible minorité compte tenu des allégations de la société Arabesk affirmant avoir formé en alternance une cinquantaine de jeunes au total alors que son effectif à la date du litige est de 8 salariés, dont 2 contrats à durée déterminée, 1 contrat de professionnalisation, et 1 contrat d’apprentissage.

M. [T], ancien salarié en alternance, atteste lui aussi de l’absence de formation l’ayant conduit à rompre son contrat de professionnalisation. La société Arabesk oppose à juste titre que ce salarié n’était pas employé en même temps que Mme [P] mais deux ans auparavant, néanmoins il décrit le même procédé dans l’entreprise consistant à recruter des jeunes en alternance sans leur prodiguer de formation.

M. [O] , étudiant à l’école de formation ISTEF avec Mme [P], M. [S] et M. [K], atteste que M. [S] et M. [K] se plaignaient régulièrement qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, sans formation au sein de la société Arabesk.

M. [S], également en litige avec la société Arabesk pour les mêmes raisons, confirme dans une attestation n’avoir reçu aucune formation ni encadrement de la part de son maître de stage M. [Z] [G], l’un des co-gérants.

Mme [P] justifie que l’OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) Intergros a suspendu tous les financements des contrats de professionnalisation de la société Arabesk le 26 février 2019, soit peu de temps après l’intervention de l’inspection du travail.

La société Arabesk ne s’explique pas sur cette mesure de suspension, et se contente de démontrer que ces aides étaient effectives en juin 2019.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le contrat de professionnalisation conclu entre les parties le 15 juillet 2016 et renouvelé le 31 juillet 2017 ne remplissait pas les conditions pour qu’il soit considéré comme tel, à défaut de formation prodiguée par l’employeur, il doit donc être requalifié en contrat à durée indéterminée par infirmation du jugement entrepris.

Il sera ainsi fait droit à la demande d’indemnité de requalification présentée par Mme [P] à hauteur de 1 498,50 € bruts soit un mois de salaire, sur le fondement de l’article L1245-2 du code du travail.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

Il résulte de la requalification du contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée que ce contrat ne pouvait pas être rompu par la survenance du terme prévue le 31 mars 2020, et en tout état de cause, la rupture est survenue à l’initiative de Mme [P] par courrier du 10 janvier 2019 dans lequel elle reproche à l’employeur de nombreux griefs.

Il ne saurait s’agir d’une rupture anticipée de contrat à durée déterminée, de sorte que la demande de Mme [P] en paiement de salaires jusqu’au terme du contrat à durée déterminée pour rupture anticipée aux torts de l’employeur, ne saurait en tout état de cause être accueillie. Le jugement ayant rejeté cette demande sera ainsi confirmé.

La cour doit en réalité examiner si la rupture que Mme [P] impute aux torts de l’employeur, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou une démission.

En l’espèce, Mme [P] reproche à la société Arabesk un certain nombre de griefs :

– les violences verbales et parfois physiques entre les deux gérants, s’insultant devant les salariés en français et en libanais, ceci impactant l’ambiance et les conditions de travail,

– le vapotage constant de l’un des deux gérants dans les bureaux,

– des remarques dénigrantes, sexistes et déplacées de la part des gérants sur le lieu de travail,

– des retards retenus sur le salaire en décembre 2018 uniquement pour M. [S] et Mme [P], alors que les retards n’étaient pas comptabilisés pour les autres salariés,

-l’absence de toute formation dans le cadre du contrat de professionnalisation et de mise à disposition d’un poste fixe pendant 4 mois,

– des pratiques fiscales et comptables peu conventionnelles, des clients venant sur place pour payer leur commande en espèces et sans TVA, auxquelles les salariés devaient se prêter sur ordre des gérants,

– la présence de caméras de vidéo-surveillance munies de micros, installées sur les postes de travail,

– la violation de l’obligation de sécurité par l’employeur : Mme [P] indique avoir fait l’objet d’un arrêt maladie pour trouble anxio dépressif à raison des conditions de travail.

Il a été jugé par cette cour que le manquement relatif à l’absence de formation adéquate prodiguée dans le cadre du contrat de professionnalisation était établi.

S’agissant du comportement des gérants (vapotage, insultes entre eux, remarques dénigrantes et sexistes), et des pratiques fiscales et comptables douteuses, force est de constater que ces éléments ne résultent que des déclarations de Mme [P] et de son collègue M. [S] également en litige avec l’employeur, ce qui ne permet pas de considérer les faits comme suffisamment établis par des éléments objectifs.

Dans le cadre de la visite de l’inspecteur du travail, M. [G] a uniquement reconnu avoir qualifié Mme [P] de ‘rayon de soleil’ lors d’un débriefing avec son frère après avoir reçu plusieurs candidates en entretien de recrutement ; ces propos, ayant de surcroît été rapportés à Mme [P] et non proférés directement envers elle, ne peuvent à eux seuls être qualifiés de ‘sexistes’ et a fortiori ne peuvent laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel.

S’agissant des retards retenus sur salaire en décembre 2018, force est de constater que Mme [P] ne conteste pas les dits retards, que l’employeur explique en avoir excusé un certain nombre puis avoir pratiqué des retenues sur salaires minimes (0,33h) afin d’obtenir l’assiduité de la salariée, et que cette dernière ne démontre pas l’existence d’un traitement différent qui aurait été réservé aux autres retardataires, comme elle le prétend. Ceci ne peut donc être considéré comme un manquement de l’employeur et relève de son pouvoir de direction.

En revanche, quant à la présence de caméras dans l’entreprise dénoncée par courriers de Mme [P] et M. [S] à l’inspection du travail, celle-ci a été constatée par cette autorité ayant mis en demeure la société Arabesk le 15 février 2019 d’une part de justifier de leur déclaration à l’autorité administrative, dans la mesure où certaines caméras filmaient l’entrée et la sortie et donc des lieux ouverts au public, et d’autre part de ne pas orienter les caméras sur les postes de travail mais uniquement sur la porte d’entrée.

La société Arabesk n’a pas justifié d’une telle déclaration à l’autorité administrative ; elle conclut de manière inopérante que les locaux n’étaient pas ouverts au public alors que l’inspection du travail a constaté le contraire, en mentionnant que l’entreprise comprenait à la fois des lieux non ouverts au public et d’autres lieux ouverts au public.

L’employeur soutient que les caméras ne fonctionnaient pas ; or les éléments versés aux débats montrent :

– que certes celles-ci ne fonctionnaient pas lors du passage de l’inspection du travail, qu’en revanche elles fonctionnaient lors de la période de travail litigieuse et même en 2016 comme en atteste M. [T] précisant que l’une d’entre elle était pointée sur son poste de travail, et comme le montre la capture d’écran du logiciel Arlo produite en pièce 8 par la salariée,

– qu’ il s’agissait de caméras avec détection de mouvements, se déclenchant dès qu’un salarié bougeait,

– que, contrairement à ce qu’indique la société Arabesk, la brochure du logiciel Arlo qu’elle produit mentionne bien, quelque soit le type d’abonnement, que la notification de mouvement mais également la diffusion de vidéo en direct sont assurées par le système, ce qui corrobore les déclarations de Mme [P] et M. [S] selon lesquelles les gérants avaient un aperçu visuel direct sur ce que les salariés faisaient en leur absence grâce à leur téléphone portable connecté au logiciel,

– qu’il n’y a eu aucune information préalable des salariés quant à cette installation.

Bien plus, Mme [P] indique, sans que la société Arabesk ne s’explique sur ce point précis, s’être plainte de la présence de ces caméras le 4 décembre 2018 auprès de Messieurs [G], lesquels lui avaient répondu ‘les caméras étaient là avant que vous arriviez et seront toujours là quand vous partirez’, et que, dès le lendemain, l’une des caméras avait été tournée directement vers son poste de travail.

Le système installé était donc bien illicite, même si la présence de micros n’a pas été mise en évidence lors de la visite de l’inspection du travail, et portait atteinte à la vie privée des salariés.

S’agissant plus généralement de la dégradation des conditions de travail, Mme [P] produit l’attestation de M. [T] qualifiant les conditions de travail d’inacceptables, et expliquant les circonstances de son départ de l’entreprise lorsque les gérants lui ont dit qu’ ‘ils (une autre salariée Mme [C] et lui) coûtaient trop cher’.

Il est également produit un mail de Mme [J], ancienne salariée de la société Arabesk, n’ayant pas voulu attester pour la salariée mais indiquant dans son mail qu’elle s’en était sortie ‘après des périodes très compliquées’ et avait négocié une rupture conventionnelle pour s’en ‘détacher rapidement’ car, disait-elle, ‘je sais qui sont ces gens…c’est aussi pour cela que je suis partie’.

Ces considérations sont toutefois générales, propres à la situation de deux autres salariés, et ne permettent pas de retenir la dégradation des conditions de travail de Mme [P].

Mme [P] produit enfin un certificat médical relatif à un trouble anxio-dépressif établi par son médecin généraliste, sans que le lien ne puisse être fait avec les conditions de travail étant rappelé que Mme [P] a occupé son poste durant quatre mois, dont un mois d’arrêt maladie. Le manquement à l’obligation de sécurité n’est donc pas caractérisé.

Parmi tous ces éléments, la cour juge établis les manquements de l’employeur quant au défaut de formation et d’encadrement de la salariée, ayant d’ailleurs justifié la requalification en contrat à durée indéterminée, et à l’existence d’un système de vidéo-surveillance illicite portant atteinte à la vie privée des salariés.

La cour estime, contrairement aux premiers juges, que ces manquements graves faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifiaient la rupture que Mme [P] a qualifiée dans son courrier de prise d’acte.

Cette rupture produit donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour un salarié tel que Mme [P], ayant 4 mois d’ancienneté dans une entreprise comprenant moins de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 0 et 1 mois de salaire brut.

Mme [P] justifie avoir entrepris une autre formation après la rupture et être actuellement en contrat d’apprentissage (Master) comme chargée de marketing pour un salaire de 1 031,88 € bruts.

Compte tenu des éléments de la cause, le préjudice subi par Mme [P] à raison de la rupture sera réparé par l’allocation de la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail.

L’article 35 de la convention collective du commerce de gros applicable à la cause prévoit un préavis d’un mois sans condition minimale d’ancienneté, pour les ouvriers ou employés.

Mme [P] est donc également fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis de 1 498,50 € bruts outre 149,85 € bruts au titre des congés payés y afférents, le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité :

La demande indemnitaire de Mme [P] présentée à ce titre sera rejetée

par confirmation du jugement déféré, la cour ayant jugé qu’aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’était caractérisé en l’espèce.

Sur le surplus des demandes :

Il sera fait droit à la demande de Mme [P] tendant à obtenir la délivrance des documents sociaux rectifiés en considération de la présente décision.

La société Arabesk, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris, ainsi qu’aux dépens d’appel et à payer à Mme [P] la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a débouté Mme [W] [P] de sa demande indemnitaire au titre de la violation de l’obligation de sécurité par l’employeur, et de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents sur la période du 10 janvier 2019 au 31 mars 2020,

Le confirme sur ces points,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Requalifie le contrat de professionnalisation à durée déterminée de Mme [W] [P] en contrat à durée indéterminée,

Dit que la rupture de la relation contractuelle intervenue le 10 janvier 2019 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Arabesk à payer à Mme [W] [P] les sommes suivantes :

*1498,50€ à titre d’indemnité de requalification du contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée,

* 1000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1498,50 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 149,85 € bruts au titre des congés payés y afférents,

* 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 30 octobre 2019 et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

Ordonne la remise par la SARL Arabesk à Mme [W] [P] d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SARL Arabesk aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

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