ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 488/23
N° RG 22/00585 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHM7
SHF/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
24 Septembre 2018
(RG 17/00310 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [S] [O]
[Adresse 2]
représenté par Me Rodolphe HUBER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
S.A.S. FINANCIERE C.L.C. venant aux droits de la sas CLC [Localité 4] (intervention forcée)
[Adresse 3]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Bertrand FOLTZ, avocat au barreau de NANCY
S.A.S. CLC [Localité 4], absorbée par la SAS financiere CLC
[Adresse 1]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Bertrand FOLTZ, avocat au barreau de NANCY
DÉBATS : à l’audience publique du 01 Février 2023
Tenue par Soleine HUNTER-FALCK
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 janvier 2023
La SAS Financière CLC, holding, venant aux droits de la SAS CLC [Localité 4], est soumise à la convention collective du commerce des articles de sports et équipements de loisirs ; elle comprend moins de 11 salariés.
M. [S] [O], né en 1975, a été engagé par la société CLC [Localité 4] par contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité à compter du 16.09.2014 et jusqu’au 28.02.2015, en qualité de responsable magasin accessoires, catégorie maîtrise coefficient 220, pour une durée de vingt-quatre semaines, à temps complet (151,67 heures par mois) ; ce, sur le site de [Adresse 5], siège de la société.
Par avenant du 01.03.2015, le contrat de travail s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions avec maintien de l’ancienneté acquise.
La moyenne mensuelle des salaires de M. [S] [O] s’établit à 2.734,50 €.
M. [S] [O] a été convoqué par lettre du 02.09.2016 à un entretien préalable fixé le 14.09.2016 reporté au 21.09.2016, puis licencié par son employeur le 24.09.2016 pour faute grave ; il lui était reproché les faits suivants :
«Le 26 juillet 2016, vous avez commis les faits suivants dont nous avons eu connaissance le 9 août 2016 au retour de congés de Monsieur [B].
Usant de vos prérogatives d’encadrement du personnel rattaché au magasin, vous avez demandé à Monsieur [W] [Y] de procéder à l’ouverture du coffre contenant l’argent en espèces.
Celui-ci a exécuté l’ordre que vous lui avez donné et vous avez prélevé la somme de 2.000 € en espèces.
Pour ce faire, vous n’avez sollicité aucune autorisation préalable et n’avez pas pris soin d’en informer votre direction après avoir agi.
Pour tenter de dissimuler ces faits, vous n’avez ni mentionner cette sortie d’argent sur la feuille de caisse au 26 juillet 2016, ni au 16 août 2016 où figure un solde de 9.300 € alors que cette somme n’était plus là physiquement en dépit de vos obligations contractuelles (suivi caisse coffre, reporting auprès de la direction).
Ce n’est qu’au moment du comptage des espèces et du rapprochement avec le solde des opérations mentionnées sur la feuille de caisse que nous avons eu connaissance de la disparition de la somme de 2.000 €, ce qui était reporté de manière manuscrite par Monsieur [V] [B].
Vous avez alors reconnu auprès de ce dernier avoir pris cette somme, qui d’après votre déclaration, aurait été remise à Madame [U] [H], employée en qualité de Vendeuse VDL du 19/07/2016 au 10/08/2016.
Ces faits sont constitutifs d’un manquement grave à vos obligations.»
Le 21.10.2016, M. [S] [O] a par LRAR contesté son licenciement et formé une demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires à hauteur de 185h30 et sur primes mensuelles d’activité et de carte. En réponse, la société a contesté cette demande le 14.12.2016.
M. [S] [O] a porté plainte le 01.02.2017 auprès du commissariat de police de [Localité 4] pour diffamation à l’encontre de M. [V] [B].
Le 17.07.2017 le conseil des prud’hommes de Valenciennes a été saisi par M. [S] [O] en contestation du bien fondé du licenciement, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l’exécution du contrat de travail.
Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d’appel de Douai le 23.10.2018 par M. [S] [O] à l’encontre du jugement rendu le 24.09.2018 par le conseil de prud’hommes deValenciennes section Commerce, notifié le 27.09.2018, qui a :
Débouté M. [S] [O] de l’intégralité de ses demandes
Débouté la SAS Financière CLC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamné M. [S] [O] aux dépens.
Vu l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 23.10.2020 qui a rejeté la demande de production de pièces émanant de M. [S] [O] ;
Vu l’ordonnance de radiation en date du 25.11.2020 et le rétablissement de l’affaire le 12.04.2022 par conclusions de reprise d’instance émanant du salarié ;
Vu l’assignation en intervention forcée délivrée par M. [S] [O] à l’encontre de la SAS Financière CLC le 11.08.2022 ;
Vu les conclusions transmises par RPVA le 11.01.2023 par M. [S] [O] qui demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris,
Juger que le licenciement pour faute grave prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, condamner la société Financière C.L.C., venant aux droits de la société CLC, à verser à Monsieur [O] les sommes suivantes :
Indemnité de préavis : 5.469 € (le salaire moyen des douze derniers mois était de 2.734,50 €)
Congés payés afférents : 546,90 €
Indemnité de licenciement : 1.196,90 €
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 125.980,71 €
Dommages et intérêts pour préjudice moral complémentaire : 25.000 €
Dire que M. [O] a subi un préjudice moral complémentaire, et condamner la société Financière C.L.C. à lui allouer la somme de 15.000 € de ce chef,
Dire que M. [O] a effectué des heures supplémentaires,
En conséquence, condamner la société Financière C.L.C. à payer les sommes suivantes :
– Heures supplémentaires : 4.366,97 €,
– Congés payés afférents : 436,70 €
Condamner la société Financière C.L.C. à payer à Monsieur [O] la somme de 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation sur les temps de repos et temps de pause,
Condamner la société Financière C.L.C. à payer à Monsieur [O], à titre de rappel de primes : – 2.550 €, au titre de la prime d’activité, outre la somme de 255 € pour les congés payés afférents
– 1.200 € pour la prime de carte, outre 120 € pour les congés payés afférents
Condamner la société Financière C.L.C. à remettre des fiches de paie, et attestation Pôle Emploi modifiée en conséquence, sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter du 15 ème jour suivant l’arrêt à intervenir, la Cour se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte ;
Le tout avec intérêts au taux judiciaire.
Condamner la société Financière C.L.C. à payer la somme de 4.500 € sur le fondement de l’article 700 CPC, outre les entiers frais et dépens ;
Vu les conclusions transmises par RPVA le 06.01.2023 par la SAS Financière CLC qui demande de :
‘ Déclarer l’appel recevable mais mal fondé,
En conséquence,
‘ Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
‘ Débouter Monsieur [O] de ses demandes, fins et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire,
‘ Donner acte à la SAS Financière CLC venant aux droits de la CLC VALENCIENNE de ce qu’elle reconnaît devoir la somme de 1 031.25 € à titre d’heures supplémentaires outre 103.12€ de congés payés y afférents,
En toute hypothèse
‘ Condamner Monsieur [O] à verser à la SAS Financière CLC venant aux droits de la CLC VALENCIENNE, la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
‘ Laisser les entiers frais et dépens à la charge de Monsieur [O] ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 11.01.2023 prise au visa de l’article 907 du code de procédure civile ;
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.
A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’exécution du contrat de travail :
a) Sur les heures supplémentaires :
M. [S] [O] réclame le paiement de 185 heures supplémentaires ; il précise que l’horaire collectif était de 37h50 par semaine ; la SAS Financière CLC a reconnu devant le premier juge devoir la somme de 1.031,25 € pour 55 heures outre les congés payés alors que le conseil des prud’hommes n’a pas donné suite à cet aveu judiciaire ; ses demandes d’heures supplémentaires étaient visées par M. [B], son supérieur hiérarchique, elles constituent un relevé de son temps de travail qui lui permet d’établir un décompte.
La SAS Financière CLC estime que le salarié a formé cette demande sur le coup de la colère après son licenciement ; elle reconnaît que M. [S] [O] a pu effectuer 55 heures supplémentaires qui n’ont pas été réglées mais elle conteste le surplus réclamé ; le décompte produit par lui est insuffisamment étayé.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il appartient donc au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis au sens de l’article 6 du code civil quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences aux dispositions légales et réglementaires déjà rappelées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le salarié produit un décompte hebdomadaire allant de la semaine 43 en 2014 à la semaine 39 de 2016 ; il produit de la semaine 40 en 2014 à la semaine 34 en 2016 ses feuilles d’heures qui sont signées de lui et, en partie, de son responsable qui a pu y porter des annotations, elles attestent de dépassements horaires réguliers repris dans son décompte hebdomadaire.
Cependant, les bulletins de paie mentionnent le paiement d’heures supplémentaires, et notamment chaque mois 15 heures bonifiées à 125% ; or il apparaît par exemple qu’en février 2015 ces 15 heures lui ont été réglées alors qu’il fait état dans son propre décompte de 10h50 au titre des heures supplémentaires ; de même en octobre 2015, il réclame le paiement de 10h75 alors que 15 heures bonifiées ont été payées.
Il s’ensuit que la demande n’est pas suffisamment étayée et que les heures réclamées ne sont pas justifiées ; la demande doit être rejetée, le jugement étant confirmé.
b) Sur le non respect de la réglementation du temps de repos et du temps de pause :
M. [S] [O] déclare avoir travaillé de nombreux dimanches pour réaliser des actions commerciales ou des journées porte ouverte, et avoir travaillé régulièrement sans prendre de pause méridienne, en contradiction avec les dispositions des articles L3132-1, L3132-2 et L3132-3 du code du travail.
Cependant M. [S] [O] ne démontre aucunement l’absence de pause alors même que ses feuilles d’heures d’absence mentionnent des pauses méridiennes sans indiquer les pauses dans la journée dont il n’est pas davantage établi qu’il n’avait pas été en mesure de les prendre.
Par ailleurs comme le fait observer l’employeur, M. [S] [O] ne précise aucunement les journées travaillées n’ayant pas donné lieu à un repos ; l’attestation délivrée par la mère de l’appelant n’est pas suffisamment crédible eu égard aux liens familiaux.
Cette demande sera également rejetée et le jugement sera confirmé.
c) Sur les primes d’activité et de vente de cartes :
Une prime mensuelle d’activité devait être contractuellement versée au responsable de magasin en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le magasin et des objectifs qui lui avaient été fixés ; il en est de même de la prime mensuelle carte.
M. [S] [O] déclare avoir été licencié le 28.09.2016 alors que son objectif mensuel avait été atteint, il n’a perçu que 4.000 € sur 5400 € eu égard au chiffre d’affaires réalisé et son augmentation de plus de 20 % depuis septembre 2014 ; il en est de même pour l’année 2016, eu égard au chiffre d’affaires réalisé et à son augmentation de 16,5 %. Enfin il n’a pas perçu la prime sur les ventes de cartes de crédit de 50 € par mois.
La société produit la méthode de calcul des primes litigieuses, qu’elle confronte au tableau de bord reprenant les résultats du salarié de octobre 2015 à mai 2016, les primes d’activité étant bien reportées sur les bulletins de paie. Des primes d’objectifs magasin ont été ainsi mentionnés depuis novembre 2014. Il s’agit d’une prime mensuelle fonction des résultats de chaque mois et le salarié ne pouvait pas se borner à proposer une moyenne sur l’année. La demande sera rejetée et le jugement confirmé.
En ce qui concerne la prime de vente de cartes de crédits, là encore la SAS Financière CLC mentionne sur le tableau de bord du salarié le paiement ponctuel de cette prime sur la même période considérée, mais cette prime n’est pas reportée sur les bulletins de paie et les conditions de son attribution ne sont pas clairement visées sur le tableau de bord.
A défaut d’explications plus convaincantes et plus explicites de la part de l’employeur il sera fait droit à cette demande et le jugement sera infirmé.
Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :
La lettre de licenciement, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du litige qui peuvent être éventuellement précisés par l’employeur. Dès lors que l’employeur et le salarié sont d’accord pour admettre que le contrat de travail a été rompu, chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, il incombe au juge de trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu.
Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n’incombe pas spécialement à l’une ou à l’autre des parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. Le doute sur la réalité des faits invoqués doit profiter au salarié.
La faute grave est entendue comme la faute imputable au salarié constituant une violation de des obligations découlant de son contrat de travail ou de ses fonctions, qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis et impose son départ immédiat ; les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.
Lorsque qu’une faute grave n’est pas caractérisée, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les faits reprochés au salarié sont les suivants :
– Le premier, est d’avoir demandé à Monsieur [Y] d’ouvrir le coffre fort de l’établissement et d’avoir prélevé 2 000€ sans autorisation ni information de l’employeur ;
– La seconde série de faits est d’avoir caché le prélèvement non autorisé en ne le mentionnant pas sur la feuille de sortie d’argent de caisse du mois de juillet 2016.
Il a été précisé que le responsable de l’établissement était Monsieur [D] qui était secondé par :
– Au service commercial, Monsieur [B], vendeur de véhicules de loisirs ;
– Au service après-vente, Monsieur [A], avec comme adjoint Monsieur [Y] ;
– Au service des accessoires, Monsieur [O].
A l’appui de ses griefs, la SAS Financière CLC communique l’attestation délivrée par M. [B] selon lequel son collègue, M. [S] [O], était responsable du magasin accessoires, et à ce titre de la tenue de sa caisse, des écarts de cette caisse et des impayés ; il déclare avoir constaté à son retour de congés de juillet 2016 qu’il manquait 2000 € en liquide après rapprochement avec les feuilles de caisse ; il a interrogé M. [O] qui a reconnu avoir donné cet argent à Mme [U], qui l’avait remplacé pendant ses congés et il précise : ‘Il m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il allait récupérer cet argent. Quelques jours plus tard il m’informe qu’il n’a finalement pas réussi à récupérer l’argent auprès de Mme [U]’, et que voyant la réaction de M. [D] devant ce faits il a fait évoluer sa version des faits et m’a dit ‘de toute façon, je ne suis pas responsable ce n’est pas moi qui ait les clés du coffre’ ; il rappelle que c’est lui qui a en effet les clés du coffre ainsi que M. [Y] en son absence, ce dernier ne pouvant prélever des fonds de cette caisse qu’avec l’accord de M. [O].
De même M. [Y] déclare dans son attestation : ‘à la demande du responsable du magasin [S] [O], j’ai ouvert le coffre fort et il a prélevé la somme de 2000 €’. Ce salarié a été lui aussi licencié le 07.10.2016.
Elle verse aux débats le suivi du coffre sur lequel est indiqué le 12 août un total ‘Adonix’, qui représente le compte du magasin accessoires, de 9.300 € et un retrait transféré de 400 € puis un versement en banque le 16.08.2016 de 7.700 €, cette feuille de suivi comportant la mention ‘manque 2000 €’.
Mme [U] a rédigé une note le 29.09.2016 dans laquelle elle indique avoir demandé à M. [S] [O] le 26 juillet la somme de 2000 € en ajoutant qu’il lui avait remis cette somme en espèces prélevées dans le coffre de la société. La société fait état de ce que cette salariée embauchée en CDD a également détourné un chèque et qu’une plainte a été déposée le 09.11.2016 à son encontre.
La société conteste avoir séquestré le salarié dans un bureau et elle produit des attestations de MM. [T] et [A] qui ont été témoins d’une altercation provoquée par M. [S] [O] pendant la période du salon du Bourget, les forces de l’ordre ayant dû être appelées par l’employeur.
En réplique, M. [S] [O] déclare qu’il ne gérait et ne suivait pas le coffre, qu’il ne disposait pas de la clé mais M. [Y] en l’absence de M. [B] ; il ne lui appartenait pas de remplir la feuille de suivi du coffre qui est produite et qui ne correspond pas à la feuille de caisse visée dans la lettre de licenciement et dont il fournit des exemples ; c’est Mme [Z] qui suivait la caisse accessoires dont il avait la responsabilité (logiciel ADONIX) tandis que son collègue M. [Y] gèrait la caisse atelier et la caisse EVASIA pour les camping cars ; il précise que le liquide était déposé dans le coffre et MM. [B] et [Y] assuraient les remises en banque en remplissant une feuille de suivi coffre. Il justifie avoir bien adressé à la société Narbonne accessoire qui recueillait ces informations la feuille de caisse le 26 juillet. Il conteste les mentions portées sur la feuille de suivi du coffre et avoir remis des fonds.
Il affirme n’avoir pas ordonné à M. [Y] d’ouvrir le coffre, alors qu’il n’était pas sous sa subordination, ni donné des fonds à Mme [U], et il rappelle une précédente plainte déposée par la société avant son arrivée pour un détournement de fonds intervenu en 2014 ; il a tenté de joindre les dirigeants lorsque Mme [U] lui a fait cette demande, sans succès ; c’est M. [Y] qui réclame à Mme [U] le remboursement et celle ci lui a donné un faux document ; M. [D] a faire pression sur lui en lui demandant le remboursement de la moitié de la somme tout en le réclamant aussi à Mme [U] dans un message du 16.08.2016.
Il a obtenu une attestation de Mme [U] dans laquelle elle admet qu’il a refusé de lui remettre les 2000 € qui lui ont été remis par M. [Y].
Ainsi, la société pour démontrer la réalité des griefs s’appuie sur :
– l’attestation rédigée par M. [B] responsable de la concession de [Localité 4] qui n’était pas présent lors des faits mais qui a constaté la disparition de la somme de 2000 € de la caisse du magasin accessoires ressortant de la responsabilité de M. [S] [O] ; selon ses dires ce dernier lui aurait déclaré avoir donné cet argent à Mme [U], la vendeuse qui l’avait remplacé durant ses congés de juillet 2016 ;
– celle rédigée par M. [Y], rattaché au service après vente, et qui assurait l’ouverture du coffre en l’absence de M. [B], ce dernier affirmant avoir ouvert le coffre à la demande de M. [O] et avoir prélevé la somme de 2000 € ; or M. [Y] a été licencié le 07.10.2016 pour avoir ouvert ce coffre à la demande de M. [O] et avoir assisté au prélèvement de 2000 € sans autorisation préalable ni information de la direction, et pour avoir omis de reporter sur la feuille de suivi du coffre la sortie d’argent et falsifié le comptage des espèces ; par ailleurs, M. [O] rappelle la procédure pénale introduite par M. [B] le 19.07.2014 pour vol d’une somme de 5070€ qui se trouvait dans le coffre, le procès verbal d’audition de M. [B] indiquant explicitement que ce vol n’avait pu être commis que par les salariés présents au nombre desquels M. [Y] qui était le seul à savoir où la clé du coffre était dissimulée dans son bureau ;
– et la simple note de Mme [U] du 29.09.2016, non conforme aux dispositions relatives au témoignage en justice, selon laquelle celle-ci a demandé à M. [O] de lui remettre 2000 € en espèces ce qu’il a accepté en prélevant la somme au coffre de l’entreprise ; cette salariée avait embauchée à durée déterminée à compter du 19.07.2016 comme vendeuse VDL pour assurer le remplacement de M. [B] pendant ses congés, elle était rémunérée à la commission ; dans une attestation du 03.11.2022, Mme [R], clientèle de la SAS Financière CLC, affirme que le chèque de 10.000 € confié pour caution à la société avait été falsifié à hauteur de 2000 € et encaissé par Mme [U], somme qui lui a été restituée en espèces par M. [B], la société précisant dans ses écritures avoir porté plainte à l’encontre de cette salariée ; par ailleurs M. [S] [O] a déposé plainte le 01.02.2017 à l’encontre de M. [B] pour diffamation et il précise devant les services de police le 04.12.2018 que Mme [U] lui avait révélé qu’elle avait reçu des pressions de la part de M. [D] pour rédiger son ‘attestation’ et il communique une lettre du 03.12.2018 de Mme [U] accompagnée d’une pièce d’identité dans laquelle elle indique avoir en réalité demandé tant à M. [O] qu’à M. [Y] la somme de 2000 € en avance sur commissions après avoir déjà reçu une avance de M. [D] de 1500 €, M. [O] la lui ayant refusée tandis que ‘[W]’ ([Y]) lui aurait donnée ; en outre, Mme [J], vendeuse, atteste avoir entendu M. [Y] le 30 juillet ‘qui s’énervait sur Mme [U] en disant ‘tu devais rendre l’argent aujourd’hui’ et elle précise que Mme [U] et M [Y] ont été retrouver M. [B] le 9 août à son retour de congés en disant que c’était M. [O] qui lui aurait donné l’argent ‘or il n’a jamais été en possession de la clef du coffre’ ; enfin elle confirme que le salarié a été séquestré dans son bureau le 28.09.2016 par MM. [A], M. [T] et M. [G], ce que confirme également M. [E].
Ces éléments font ressortir de nombreuses incohérences et incertitudes quant à la responsabilité de M. [O] dans la sortie du coffre de l’entreprise sur son ordre de la somme de 2000 € le 26.07.2016 sans en informer sa hiérarchie ; il est constant que Mme [U] le lui a bien demandé en revanche il n’est pas établi qu’il ait demandé l’ouverture du coffre à M. [Y] ni qu’il ait fait droit au prélèvement de 2000€.
La société se fonde essentiellement sur le témoignage de M. [Y] et une note de Mme [U] qui l’un comme l’autre n’apparaissent pas avoir géré la situation en toute honnêteté, en outre le 16.08.2016 M. [D] a adressé un message sur le téléphone de Mme [U] pour lui demander de rembourser en revenant néanmoins travailler pour la société. La société en la personne de M. [B] a eu un comportement douteux également en interrogeant un fonctionnaire de police sur les antécédents judiciaires de M. [S] [O], ce qui a donné lieu à une plainte de celui ci qui a été suivie d’effets et a donné lieu à condamnation de M. [B] le 18.10.2018 ; le témoignage de M. [B] perd de sa crédibilité alors même que des pressions ont été exercées à l’encontre de M. [O] qui a été temporairement séquestré dans son bureau. En dernier lieu il ne pouvait pas être reproché au salarié de ne pas avoir mentionné cette sortie d’argent sur la feuille de caisse alors que ce grief est reproché dans sa lettre de licenciement à M. [Y], qui était responsable de l’ouverture du coffre. A tout le moins le salarié doit profiter du doute.
En conséquence il convient de dire que les griefs ne sont pas établis et que le licenciement de M. [S] [O] est sans cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement rendu.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l’âge de M. [S] [O], de sa faible ancienneté dans l’entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour,
la SAS Financière CLC sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 25.000 € ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; ce, outre les indemnités de rupture ainsi qu’il est précisé au dispositif dont le montant n’a pas été contesté.
M. [S] [O] justifie en effet de la précarité de sa situation après ce licenciement illégitime ; en particulier il est inscrit à Pôle Emploi depuis le 11.10.2016 et il est arrivé en fin de droits en avril 2022, et il perçoit les allocations de solidarité spécifique depuis.
Il justifie également d’un préjudice moral spécifique en raison du motif du licenciement qui n’est pas avéré et qui porte atteinte à son honneur, mais d’aucun autre préjudice complémentaire ; la SAS Financière CLC sera condamnée au paiement de la somme de 10.000€.
Dans les cas de nullité du licenciement prévus aux articles L. 1132-4 (discrimination), L. 1134-4 (action du salarié fondée sur les dispositions du principe de non discrimination), L. 1144-3 (égalité professionnelle hommes/femmes), L. 1152-3 (harcèlement moral), L. 1153-4 (harcèlement sexuel), et lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il est fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l’astreinte soit nécessaire.
Il serait inéquitable que M. [S] [O] supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SAS Financière CLC qui succombe doit en être déboutée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement :
Déclare l’appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 24.09.2018 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes section Commerce en ce qu’il a rejeté la demande d’heures supplémentaires, et de dommages intérêts pour non respect du repos et de rappels de primes d’objectifs ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement de M. [S] [O] sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne en conséquence la SAS Financière CLC à payer à M. [S] [O] les sommes de :
Indemnité de préavis : 5.469 €
Congés payés afférents : 546,90 €
Indemnité de licenciement : 1.196,90 €
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25.000 €
Dommages et intérêts pour préjudice moral complémentaire : 10.000 €
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;
Dit que la SAS Financière CLC devra transmettre à M. [S] [O] dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision une attestation Assedic/Pôle emploi conforme ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif ;
Rejette les autres demandes ;
Ordonne, dans les limites de l’article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS Financière CLC à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [S] [O] à concurrence de six mois de salaire ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Financière CLC à payer à M. [S] [O] la somme de 3.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel;
Condamne la SAS Financière CLC aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
LE PRESIDENT
Soleine HUNTER-FALCK
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