Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06374

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Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06374

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 JANVIER 2023

N° RG 21/06374

N° Portalis DBV3-V-B7F-UZL2

AFFAIRE :

S.A. BPCE LEASE

C/

[K] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020F00628

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Sabine LAMIRAND

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. BPCE LEASE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 – N° du dossier 20210387

Représentant : Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0574

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sabine LAMIRAND, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.455

Représentant : Me Carlo RICCI de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000049

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Aux termes de deux actes sous seing privé du 12 mars 2016, la SA Natixis lease, désormais dénommée BPCE lease, a consenti deux contrats de crédit-bail à la SAS Niuarts concept, spécialisée dans l’impression numérique, à savoir :

– un contrat n°927710 portant sur une table de découpe de marque Zünd G3 XL 3200 d’une valeur de 134300 euros HT soit 161 160 euros TTC ;

– un contrat n°927711 portant sur une imprimante UV JFX 500-2131 d’une valeur de 92 990 euros HT soit 111 588 euros TTC.

Les matériels ont été livrés respectivement les 25 et 18 avril 2016.

Par actes distincts du 12 mars 2016, M. [K] [I], président de la société Niuarts concept, ainsi que M. [C] [H], se sont chacun portés caution solidaire des deux engagements de ladite société, à hauteur des sommes de 80 580 euros s’agissant du contrat relatif à la table de découpe et de 55 794 euros s’agissant du second contrat, chacune de ces sommes couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou des intérêts de retard, pour une durée de 96 mois.

A compter du mois de janvier 2019, la société Niuarts concept a cessé de procéder au règlement des loyers.

Par courriers en date du 31 juillet 2019, la société BPCE lease a mis en demeure la société Niuarts concept de régler les sommes de 15 041,67 euros TTC et 10 415,02 euros TTC, correspondant aux échéances restées impayées et lui a indiqué qu’à défaut de paiement de ces sommes sous un délai de huit jours, la résiliation des contrats de plein droit serait encourue, avec pour conséquence la restitution immédiate des matériels financés et l’exigibilité immédiate des sommes de 99 349,51 euros et 68 790,52 euros correspondant aux différentes sommes impayées et à l’indemnité de résiliation pour chacun des contrats.

La société BPCE lease, par courrier en date du 19 septembre 2019, a informé la société Niuarts concept de la résiliation des contrats et l’a mise en demeure de procéder à la restitution des matériels et de régler la somme totale de 168 140,03 euros.

Par lettre recommandée datée du même jour, la société BPCE lease a mis en demeure MM. [I] et [H], en leur qualité de cautions solidaires, de régler la somme de 136 374 euros chacun sous un délai de huit jours.

La société Niuarts ayant entreposé les machines louées dans les locaux de la société DB création, leur restitution a donné lieu à des difficultés et à une procédure de référé.

La société BPCE a repris possession des machines selon constat d’huissier du 29 septembre 2020, sans avoir pu cependant obtenir restitution du logiciel de l’imprimante.

Par lettre recommandée du 16 octobre 2020, la société BPCE lease a mis en demeure la société Niuarts concept de régler la somme de 211 720,53 euros, au titre des deux contrats de crédit-bail. Elle a aussi mis en demeure à cette même date, MM. [I] et [H] de régler la somme de 136 374 euros.

Par actes d’huissier en date du 12 novembre 2020, la société BPCE lease a assigné la société Niuarts concept, MM. [I] et [H] devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 1er octobre 2021, a :

– condamné la société Niuarts concept à payer à la société BPCE lease la somme de 25 456,69 euros TTC en principal au titre des loyers impayés ;

– condamné la société Niuarts concept à verser 47 276,71 euros TTC et 72 099,87 euros à la société BPCE lease, au titre des indemnités de résiliation ;

– condamné la société Niuarts concept à payer à la société BPCE lease :

* des intérêts au taux contractuel de 12 % par an à compter de l’exigibilité de chaque échéance de loyers impayée, et ce, jusqu’à parfait paiement, selon le détail précisé au dispositif ;

* des intérêts au taux légal sur le montant de 72 099,87 euros à compter du 19 août 2019, et ce jusqu’à parfait paiement ;

– dit que les cautionnements sont manifestement disproportionnés aux revenus et patrimoine de M. [I] ;

– prononcé la déchéance des actes de cautionnement de M. [I] sur les contrats de crédit-bail 927710 et 927711, et dit que la société BPCE lease ne peut s’en prévaloir ;

– débouté la société BPCE lease de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. [I];

– débouté M. [I] de sa demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque et l’a invité à mieux se pourvoir ;

– dit que les cautionnements sont manifestement disproportionnés aux revenus et patrimoine de M. [H] ;

– prononcé la déchéance des actes de cautionnement de M. [H] sur les contrats de crédit-bail 927710 et 927711 et dit que la société BPCE lease ne peut s’en prévaloir ;

– débouté la société la société BPCE lease de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. [H];

– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Niuarts concept aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 19 octobre 2021, la société BPCE lease a interjeté appel du jugement en intimant M. [I].

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert la liquidation judiciaire de la société Niuarts concept.

Par lettre recommandée du 3 décembre 2021, la société BPCE lease a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 147 102,01 euros ; le liquidateur judiciaire lui a adressé le 4 mai 2022 un certificat d’irrecouvrabilité.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 septembre 2022, la société BPCE lease demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit que les cautionnements sont manifestement disproportionnés aux revenus et patrimoine de M. [I] ;

* prononcé la déchéance des actes de cautionnement de M. [I] sur les contrats de crédit-bail 927710 et 927711, et dit qu’elle ne peut s’en prévaloir ;

* l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. [I] ;

Statuant à nouveau,

– condamner M. [I], dans la limite de ses engagements de caution (soit la somme de 136 374 euros), à lui payer la somme de 144 833,27 euros, outre intérêts :

– au taux contractuel de 12 % par an à compter de l’exigibilité de chaque échéance de loyers impayée, et ce, jusqu’à parfait paiement (article 11 des conditions générales) ;

– au taux légal sur l’indemnité de résiliation à compter du 19 août 2019, date de résiliation du contrat (article 8.3 des conditions générales) ;

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

– débouter M. [I] de toutes ses demandes ;

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par maître Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [I], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 septembre 2022, demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit que les cautionnements sont manifestement disproportionnés à ses revenus et son

patrimoine ;

* prononcé la déchéance de ses actes de cautionnement sur les contrats de crédit-bail 927710 et 927711, et dit que la société BPCE lease ne peut s’en prévaloir

* débouté cette dernière de l’ensemble de ses prétentions à son encontre ; Subsidiairement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société BPCE lease de l’ensemble de ses prétentions à son encontre par substitution de motif, celui-ci étant fondé à se voir décharger de ses engagements de caution dans la mesure où la société BPCE lease a d’une part fait souscrire à son cofidéjusseur, M. [H], des engagements jugés disproportionnés à ses revenus et patrimoine par les premiers juges et d’autre part lui a fait perdre le recours subrogatoire qu’il aurait pu espérer pouvoir exercer contre ce dernier si la société BPCE lease l’avait intimé ;

Sur son appel incident,

– infirmer le jugement en ce qu’il :

* l’a débouté de sa demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque et l’a invité à mieux se pourvoir ;

* a dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– donner mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire régularisée par la société BPCE lease sur son domicile commun avec son épouse suivant bordereau du 23 juillet 2020;

Subsidiairement,

– se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire régularisée par la société BPCE lease sur son domicile commun avec son épouse suivant bordereau du 23 juillet 2020 au profit du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Versailles ;

En toute hypothèse,

– condamner la société BPCE lease à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel ;

– condamner la société BPCE lease aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Seul M. [I] étant intimé, la cour statue dans la limite des dispositions du jugement le concernant.

Sur la disproportion des engagements de M. [I] :

L’appelante qui relève que M. [I] n’a jamais contesté la validité de ses engagements et rappelle la mention relative à la proportion figurant sur ces actes puis la jurisprudence de la Cour de cassation notamment en ce que la disproportion manifeste s’apprécie comme étant l’impossibilité manifeste de faire face à l’engagement litigieux, soutient en premier lieu que M. [I] ne rapporte pas la preuve d’une telle disproportion au jour de la souscription des cautionnements au regard des revenus et du patrimoine mentionnés dans la fiche patrimoniale, la caution étant tenue par ses déclarations auxquelles le créancier peut se fier en l’absence d’anomalies apparentes ; elle expose que le ‘patrimoine apparent’ de M. [I] était alors d’un montant de 375 000 euros composé du revenu annuel de 25 000 euros qu’il a déclaré, et non 18 000 euros comme l’a relevé de manière ‘curieuse’ le tribunal, et de son patrimoine immobilier de 350 000 euros, non grevé d’emprunt et que même en prenant en considération le fait que ce bien soit indivis, son patrimoine immobilier, évalué pour sa part à la somme de 175 000 euros, augmenté de ses revenus de 25 000, soit un ‘patrimoine’ de 200 000 euros lui permettait de faire face à son engagement ; elle fait valoir que seule la moitié du capital restant dû retenu par le tribunal, soit 75 000 euros (150 000 /2), doit être prise en considération dès lors que l’emprunt a été consenti conjointement aux époux de sorte que M. [I] disposait a minima d’un patrimoine de 125 000 euros (200 000 – 75 000 euros) et que le caractère disproportionné de son engagement n’est donc pas manifeste. Pour répondre à M. [I], elle observe que si l’article 1313 du code civil invoqué par ce dernier institue une solidarité entre les débiteurs, M. [I] n’a pas vocation définitive à supporter le remboursement intégral de son prêt immobilier au regard des dispositions de l’article 1317 du code civil de sorte que seule la moitié du capital restant dû au titre du prêt immobilier contracté par les époux doit être prise en considération dans l’appréciation des charges de l’intimé.

L’appelante fait valoir en second lieu, même si l’examen du retour à meilleure fortune est inutile en l’absence de disproportion manifeste au jour de la souscription de ses engagements, qu’il est démontré l’absence de disproportion de l’engagement litigieux à la date à laquelle M. [I] a été appelé au regard notamment du bien immobilier dès lors que la charge de remboursement de son emprunt a diminué à hauteur de 135 430 euros, celle-ci devant être prise en considération pour la moitié uniquement ; elle ajoute que d’après le contrat de travail de M. [I] qu’il communique sous sa pièce 50, celui-ci perçoit chaque mois la somme de 1 469,90 euros, soit un revenu annuel de 17 638,80 euros qui permet de conclure que son patrimoine actuel lui permet de faire face à ses obligations.

Après avoir rappelé les dispositions légales du code de la consommation et la jurisprudence en observant notamment que la formule que l’appelante lui a fait signer sur la proportion de ses engagements est nulle et de nul effet au regard de ces dispositions d’ordre public, M. [I] souligne que la disproportion doit être appréciée au seul vu de ses dettes, de ses revenus et de sa quote-part dans le biens indivis dans la mesure où il est marié sous le régime de la séparation de biens, ce dont l’appelante a été informée. Il fait état de sa rémunération annuelle de 25 000 euros, de sa part dans le bien immobilier dont il est propriétaire avec son épouse, soit 175 000 euros, du montant cumulé de ses engagements de caution (136 374 euros) et de la charge totale de l’emprunt à rembourser sur le bien immobilier pour une durée de 18 ans, soit 230 490 euros (18 x 12 805 euros) au paiement de laquelle il est intégralement tenu en qualité de coemprunteur et non la somme ‘incompréhensible’ de 150 000 euros retenue par le jugement qu’il critique, précisant que d’après le tableau d’amortissement, après 76 échéances payées, le capital à rembourser est de 165 492 euros ; il soutient que compte tenu de la charge d’emprunt à rembourser (230 490 euros) qui s’ajoute à ses engagements de caution (136 374 euros), lesquels représentent une somme très largement supérieure à son patrimoine immobilier et à ses revenus, la disproportion de ses

engagements, au jour de leur souscription, est manifeste. Il critique la méthode de calcul de l’appelante, en particulier s’agissant des sommes restant à rembourser sur l’emprunt, expliquant que par application de l’article 1313 du code civil, il est tenu de l’intégralité de la dette en sa qualité de coemprunteur de sorte que la somme à déduire au titre du capital restant dû n’a pas à être divisée par deux.

Il ajoute que ses engagements étaient également disproportionnés au jour des poursuites dès lors que ses revenus, dont il indique justifier en communiquant notamment ses avis d’imposition et ses relevés de compte, n’ont pas évolué favorablement et qu’il reste devoir rembourser en capital à la société Cetelem la somme de 135 430 euros, précisant qu’en capital et intérêts, c’est une somme de 179 274,48 euros dont il reste débiteur ; il ajoute que sa situation reste des plus précaires au titre des années 2021 et 2022 dès lors qu’après avoir été plusieurs années sans revenus, il n’a trouvé qu’un emploi d’assistant secrétaire dans une pharmacie dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, son revenu imposable s’étant élevé à 7 452 en 2021 de sorte que son patrimoine immobilier de 175 000 euros reste insuffisant pour faire face à la fois au remboursement de son prêt et de ses engagements de caution, ‘sans même évoquer ses autres charges et dépenses courantes’.

Il résulte des dispositions de l’ancien article L. 341-4 du code de la consommation, applicable aux cautionnements souscrits par M. [I] et reprises aux actuels articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code, qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s’appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie, la preuve de la disproportion incombant à la caution.

En outre, lorsque la caution, lors de son engagement, a déclaré des éléments sur sa situation financière au créancier, celui-ci, en l’absence d’anomalies apparentes, peut se fonder sur ces seules déclarations dont il n’a pas à vérifier l’exactitude. La caution n’est pas alors admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l’existence d’autres charges pesant sur cette dernière.

Enfin, en l’absence de disproportion du cautionnement au moment où il est conclu, il est inopérant de rechercher si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

Ces dispositions sont d’ordre public et la cour doit apprécier, au regard du débat instauré entre les parties, l’éventuelle disproportion manifeste des cautionnements souscrits par M. [I], quand bien même les deux actes de caution qu’il a signés comportent, juste au dessus de sa signature la mention suivante ‘Je déclare sur l’honneur que le présent engagement est proportionné à mes revenus et mon patrimoine’, étant observé que si l’appelante fait état de cette mention, elle n’en tire pas de conséquence juridique.

Les deux fiches patrimoniales que M. [I] ne discute pas avoir remplies et signées le 12 mars 2016, en faisant précéder sa signature de la mention ‘certifié sincère et exact’ et qui sont rédigées dans les mêmes termes, mentionnent :

– qu’il est marié sous le régime de la séparation de biens ;

– qu’il est cogérant depuis 2013 de la société Niuarts concept ;

– qu’il perçoit des ressources de 25 000 euros, montant composé de ses salaires et dont les parties s’accordent à dire qu’il s’agit de revenus annuels ;

– au titre de ses charges annuelles, le remboursement d’un prêt immobilier auprès de Cetelem à hauteur de 12 805 euros, la ‘durée restante’ de remboursement étant de 18 ans ;

– au titre de son patrimoine immobilier, une maison située à [Localité 7], mentionnée comme ‘bien commun’ d’une ‘valeur estimative’ de 350 000 euros ; la case ‘observations’ correspondant notamment au ‘capital restant dû en cas d’emprunt’ n’est pas remplie.

Compte tenu du régime matrimonial de M. [I], sa situation doit être appréciée au regard de ses seuls revenus personnels, de ses biens propres et la part qu’il détient dans le bien dont il est propriétaire indivis avec son épouse, le fait que cette dernière n’ait pas préalablement donné son consentement étant sans incidence sur l’appréciation de la disproportion.

La cour relève que M. [I] ne discute pas le montant des revenus à prendre en compte tels que mentionnés dans la fiche patrimoniale, peu important que les salaires qu’il a effectivement déclarés d’après ses avis d’impositions relatifs aux revenus perçus en 2015 et 2016 aient été moins élevés dès lors que le montant des revenus indiqué dans la fiche de renseignements ne présente aucun caractère anormal.

S’agissant du bien immobilier mentionné sur la fiche patrimoniale, la société appelante n’a pu considérer que M. [I] était propriétaire de ‘façon apparente’ de la valeur totale du bien même s’il a mentionné qu’il s’agissait d’un ‘ bien commun’, ce terme ne pouvant constituer qu’une anomalie apparente dès lors que dans le même temps il a mentionné qu’il était marié sous le régime de la séparation de biens.

Par conséquent, ce bien ne pouvant qu’être indivis, M. [I] confirmant qu’il en est propriétaire indivis à hauteur de la moitié, seule la part de M. [I] doit être prise en considération pour l’appréciation de la disproportion.

La société BPCE lease n’a pu de même considérer qu’aucun emprunt n’a été souscrit même si la case relative au capital restant dû n’a pas été remplie dans la mesure où la fiche de renseignement mentionne un prêt immobilier auprès de Cetelem restant à rembourser sur 18 ans.

La valeur du patrimoine immobilier à prendre en considération doit donc s’établir sur la base de la valeur totale du bien, à hauteur de 350 000 euros comme indiquée dans la fiche de renseignements, laquelle doit être diminuée du montant de la totalité du capital restant dû et non du montant de chacune des échéances restant dues multiplié par leur nombre comme le sollicite M. [I], ni de la moitié du capital restant dû, comme allégué par l’appelante, dès lors que les coemprunteurs sont solidairement tenus du remboursement du prêt accordé. La valeur nette de la part indivise de M. [I] représente la moitié de la valeur nette du bien indivis.

Le tableau d’amortissement communiqué par M. [I] montre qu’après paiement de 76 échéances, le capital restant dû s’élève à la somme de 165 492, 05 euros, étant précisé que le prêt de Cetelem ayant été accordé le 21 décembre 2009, il ne pouvait pas avoir été remboursé plus de 76 mensualités à la date du cautionnement ; la valeur nette de ce bien indivis s’établit donc à la somme de 184 507,95 euros (350 000 – 165 492,05 euros) et par conséquent, la valeur nette de la part indivise de M. [I] s’élève à 92 253,97 euros.

Au regard de la valeur nette de la seule part détenue par M. [I] dans le patrimoine indivis des époux et des revenus déclarés par M. [I] à hauteur de 25 000 euros, avec lesquels il participe au paiement des charges de son foyer, les deux cautionnements d’un montant total de 136 374 euros qui excède largement le cumul du patrimoine indivis de M. [I] et de ses revenus, apparaissent manifestement disproportionnés.

A la date à laquelle M. [I] a été assigné en paiement, le 12 novembre 2020, celui-ci était toujours propriétaire du bien immobilier indivis dont il a confirmé qu’il remboursait toujours le prêt consenti par la société Cetelem.

Selon le relevé établi par la société Cetelem et confirmé par le tableau d’amortissement, communiqué par M. [I], la somme totale restant due au titre de ce prêt immobilier était de 135 430,18 euros de sorte que la valeur nette de la part indivise de M. [I] s’élevait à la somme de 107 284,91 euros.

D’après son avis d’imposition 2021, M. [I] n’a déclaré aucun revenu en 2020, comme d’ailleurs en 2018 et 2019 d’après les avis d’impositions qu’il communique également ; il établit avoir été embauché comme assistant secrétaire dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée le 9 août 2021 pour un salaire imposable total de 7 452 euros sur l’année 2021 d’après son avis d’imposition. La société BPCE lease qui ne démontre pas que M. [I] aurait bénéficié d’autres revenus en 2020 et avant son embauche le 9 août 2021, n’est pas fondée à soutenir qu’il conviendrait de prendre en compte des revenus annuels de plus de 17 000 euros pour ce dernier alors même qu’il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu’il disposait d’un emploi lorsqu’il a été assigné en paiement, le seul contrat dont il dispose depuis août 2021 étant de surcroît un contrat à durée déterminée.

Dans ces circonstances, il n’est pas démontré par la société appelante que lors de l’assignation M. [I] disposait d’un patrimoine et de revenus suffisants pour lui permettre de lui régler la somme totale de 136 374 euros dont elle lui réclame le paiement de sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société BPCE ne pouvait pas se prévaloir des cautionnements souscrits par ce dernier et qu’elle l’a déboutée de toutes ses demandes à l’égard de M. [I].

Sur la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire :

La société BPCE demande à la cour, pour les mêmes raisons que celles retenues en première instance tenant aux dispositions de l’article R.512-1 du code des procedures civiles d’exécution, de confirmer le jugement sur ce point.

M. [I] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire en faisant d’abord valoir qu’il est fondé à obtenir cette mainlevée si la cour confirme le jugement en ce qu’il l’a déchargé de ses engagements de caution ; il observe ensuite que si la cour considère que cette demande relève de la compétence exclusive du juge de l’exécution par application de l’article R.512-3 du code des procédures civiles d’exécution, il lui appartiendra de se déclarer incompétente de sorte qu’elle infirmera le jugement de ce chef.

Il ressort des pièces communiquées que par acte d’huissier des 28 juillet et 3 août 2020, le dépôt du bordereau d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête de l’appelante par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 16 juin 2020, a été dénoncé à M. [I], cet acte lui rappelant notamment les dispositions des articles R.512-1 à R.512-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Selon l’article R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la

demande est portée devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur. Toutefois, lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.

Si le tribunal a justement fait état de ces dispositions, il n’en a pas tiré la bonne conséquence dès lors qu’il a débouté M. [I] de sa demande en l’invitant à mieux se pourvoir sans se déclarer incompétent ; le jugement est infirmé de ce chef.

Compte tenu de la plénitude de juridiction de la présente cour, juridiction d’appel des décisions du juge de l’exécution, il convient de statuer sur la demande de mainlevée en application de l’article 90 du code de procédure civile.

L’ordonnance du 16 juin 2020 a autorisé l’appelante à prendre une hypothèque judiciaire provisoire en garantie de la somme de 136 374 euros, créance correspondant aux engagements de caution de M. [I] comme exposé dans la requête présentée au juge de l’exécution.

Dès lors que la présente décision confirme le jugement qui a considéré que la société BPCE lease ne pouvait pas se prévaloir de ces deux cautionnements manifestement excessifs et l’a déboutée de toutes ses demandes à ce titre, il doit être ordonné mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, en l’absence de toute créance de cette dernière à l’égard de M. [I].

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement du 1er octobre 2021en ses dispositions relatives aux cautionnements de M. [K] [I], notamment en ce qu’il a dit que la société BPCE lease ne peut pas s’en prévaloir et en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. [K] [I] ;

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] [I] de sa demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire et l’a invité à mieux se pourvoir ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire régularisée par la société BPCE lease suivant bordereau d’inscription déposé le 28 juillet 2020 au service de la publicité foncière de Rambouillet sous la référence [Cadastre 1] portant sur le bien immobilier situé à [Adresse 8], dont les références au cadastre sont [Cadastre 5] à [Cadastre 6] et [Cadastre 4] ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BPCE lease aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,

 


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