Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00098

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Droit du logiciel : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00098

Ordonnance N°23/91

N° RG 23/00098 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IWHU

J.L.D. NIMES

30 janvier 2023

[H]

C/

LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 31 JANVIER 2023

Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d’Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,

Vu l’arrêté de M. Le Préfet des Bouches du Rhone portant obligation de quitter le territoire national en date du 26 janvier 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 26 janvier 2023, notifiée le même jour à 21h00 concernant :

M. [Y] [H]

né le 18 Novembre 2002 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 28 janvier 2023 à 15h43, enregistrée sous le N°RG 23/510 présentée par M. le Préfet des Bouches du Rhone ;

Vu l’ordonnance rendue le 30 Janvier 2023 à 12h26 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [Y] [H];

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 28 jours à compter du 28 janvier 2023 à 21h00,

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [H] le 30 Janvier 2023 à 17h09 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu l’absence du Préfet des Bouches du Rhone, régulièrement convoqué,

Vu la comparution de Monsieur [Y] [H], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Pascale CHABBERT MASSON, avocat de Monsieur [Y] [H] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [Y] [H] a reçu notification le 26 janvier 2023 d’un arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.

Monsieur [Y] [H] a fait l’objet d’une garde à vue, le 25 janvier 2023, à [Localité 3], à 18h20.

Par arrêté de la même préfecture en date du 26 janvier 2023 et qui lui a été notifié le jour même à 21h00, il a été placé en rétention administrative aux fins d’exécution de la mesure d’éloignement.

Par requête du 28 janvier 2023, le Préfet des Bouches du Rhône a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d’une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 30 janvier 2023 à 12h26, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [Y] [H] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [Y] [H] a interjeté appel de cette ordonnance le 30 janvier 2023 à 17h09.

Sur l’audience, Monsieur [Y] [H] déclare que :

– il veut s’organiser pour partir par ses propres moyens, il veut partir en Espagne,

– en France, il vivait chez sa tante à [Localité 3].

Son avocate soutient que :

– la garde à vue est irrégulière, car il est indiqué qu’il est placé en garde à vue pour des faits pour lesquels il n’était pas sur les lieux ce jour-là, la personne victime ne dépose pas plainte et la personne chargée de l’enquête sur [Localité 1] ne veut pas se déplacer ; à 10h00 on sait qu’il n’y aura pas de suite et pourtant la garde à vue est prolongée pour permettre à la Préfecture de prendre une OQTF, un logiciel aurait été indisponible. Donc la prolongation de la garde à vue ne peut intervenir que dans des cas strictement fixé:le nécessités de l’enquête, pour obtenir des éléments d’enquête et non pas pour des fins administratives ; il y a un détournement des fins de la garde à vue. La procédure est donc nulle.

Monsieur le Préfet n’est pas représenté.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté le 30 janvier 2023 à 17h09 par Monsieur [Y] [H] à l’encontre d’une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 30 janvier 2023 à 12h26, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL:

L’article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.

A l’inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l’article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l’espèce, Monsieur [Y] [H] soulève l’irrégularité de la requête en prolongation de la mesure pour défaut de qualité de son signataire et l’irrégularité de procédure soulevée en première instance devant le juge des libertés et de la détention.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D’IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L’ARRÊTÉ :

L’article L.743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Sur une prolongation irrégulière de la garde à vue :

L’article 62 du code de procédure pénale dispose que « la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en ‘uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit ».

En l’espèce, il ressort de la procédure les éléments suivants :

– le 25 janvier 2023, à [Localité 3], Monsieur [Y] [H] est interpellé à 18h20, pour fraude aux moyens de transport,

– passé au FPR, le procès verbal mentionne que l’intéressé fait l’objet d’une fiche de recherche pour des faits de violences sur personne en charge d’une mission de service public,

– le 25 janvier 2023, Monsieur [Y] [H] se voit notifier une mesure de garde à vue, pour des faits de violences sur personnes en charge d’une mission de service public commis à [Localité 1],

– le procès verbal dressé le 26 janvier 2023 à 10h00 indique que l’enquêteur en charge de l’enquête pour les faits de violences sur personnes en charge d’une mission de service public refuse de se déplacer pour procéder à l’audition de l’intéressé, que cet enquêteur indique que la victime n’a pas déposé plainte et qu’elle ne voudra pas être confronté à son auteur,

– le procès verbal dressé le 26 janvier 2023 à 15h50 fait état de la transmission à la Préfecture d’élément de procédure l’intéressant, que leur interlocutrice va les rappeler sans délai, qu’elle va demander une place au CRA ; l’officier de police judiciaire lui demande une réponse rapide car la fin de garde à vue doit intervenir à 18h20,

– le procès verbal dressé le 26 janvier 2023 à 16h10 indique que la Préfecture a rappelé les services de police pour les informer qu’une place était disponible au CRA de [Localité 4], et que de leur côté ils s’engagent à rappeler la Préfecture après décision du magistrat,

– le procès verbal dressé le 26 janvier 2023, à 16h16, fait état d’instruction du magistrat du parquet visant à lui faire parvenir une demande de prolongation de la mesure de garde à vue, en attente du résultat du FAED et d’un placement au CRA, ainsi que des instructions aux fins de classement sans suite, code 61, de la procédure suivie à l’encontre de Monsieur [Y] [H],

– une demande de prolongation de garde à vue, le 26 janvier 2023, à 17h22 est adressée au Procureur de la République, pour les faits de violences sur une personne en charge d’une mission de service public,

– une autorisation de prolongation de la garde à vue pour garantir la mise en ‘uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit, et établir l’identité de la personne gardée à vue,

– Monsieur [Y] [H] s’est vu notifier, le 26 janvier 2023 à 18h05, une prolongation de sa mesure de garde à vue, le 26 janvier 2023, à compter de 18h20 aux motifs de permettre l’exécution des investigations impliquant la présence de l’intéressé, garantir la présence de Monsieur [Y] [H] devant le procureur de la République pour lui permettre d’apprécier les suites à donner à l’enquête, ou permettre sa présentation devant l’autorité judiciaire (‘) pour les faits de violences sur personnes en charge d’une mission de service public,

– un procès verbal du 26 janvier 2023, à 19h50 faisant état de l’indisponibilité du FAED,

– Une fin de garde à vue est notifiée à Monsieur [Y] [H], le 26 janvier 2023, à 21h00 et le procès verbal mentionne sa remise à un autre service à l’issue de cette mesure,

– l’unique audition de Monsieur [Y] [H], le 26 janvier 2023 à 14h40 mentionne une question sur les faits de violences qui lui sont reprochés tandis que l’essentiel de cette audition porte sur sa situation d’étranger sur le territoire national.

De ce qui précède, il y a lieu de constater que la mesure de garde à vue a été prise au seul motif des violences reprochées à Monsieur [Y] [H], nonobstant l’erreur sur a date des faits, que cette enquête a fait l’objet d’un classement sans suite au motif d’une infraction insuffisamment caractérisée avant toute demande de prolongation de la mesure de garde à vue, que cette mesure a été prolongée pour des motifs étrangers aux dispositions de l’article 62-2 du code de procédure pénale, alors que dans le même temps, les services de police avaient pris attache avec la Préfecture, la pressant de prendre rapidement une décision en raison d’une fin de garde à vue qui devait intervenir à 18h20, le même jour, et tel que cela ressort du procès-verbal dressé le 26 janvier 2023 à 15h50 ; dès lors la prolongation de la garde à vue est irrégulière, l’identification de l’intéressé n’étant pas de nature à permettre la résolution de l’affaire pour laquelle elle a été placée sous cette mesure de contrainte, une décision de classement sans suite ayant déjà été prise.

Il y a donc lieu de constater que les droits de Monsieur [Y] [H] n’ont pas été préservés durant la procédure antérieure à l’arrêté de rétention et que cette carence lui a porté grief.

En conséquence, l’ordonnance entreprise doit être infirmée et il convient d’ordonner la mise en liberté immédiate de Monsieur [Y] [H] et de lui rappeler qu’il a obligation de quitter le territoire national français en vertu de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire national français du 26 janvier 2023 à pris par le Préfet des Bouches du Rhône.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [Y] [H] ;

INFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Y] [H] ;

ORDONNONS la mise en liberté immédiate de Monsieur [Y] [H] ;

RAPPELONS à Monsieur [Y] [H] qu’il a l’obligation de quitter le territoire national français en application de l’arrêté préfectoral du 26 janvier 2023 ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation 5 quai de l’Horloge 4ème étage, 75055 PARIS CEDEX 05.

Fait à la Cour d’Appel de NÎMES,

le 31 Janvier 2023 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [Y] [H].

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

– Monsieur [Y] [H], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,

– Me Pascale CHABBERT MASSON, avocat

(de permanence),

– M. Le Préfet des Bouches du Rhone

,

– M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],

– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de NIMES

– Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,

 


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