RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02450 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ6Q
MS/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
04 septembre 2020 RG :F19/00037
[C]
C/
S.C.I. CHATEAU DE NALYS
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 04 Septembre 2020, N°F19/00037
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [A] [C]
née le 31 Décembre 1970 à
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D’AVIGNON
INTIMÉE :
S.C.I. CHATEAU DE NALYS
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Romain PIOCHEL de la SELEURL DELOS, , avocat au barreau de LYON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [A] [C] a été engagée à compter du 18 septembre 2006, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de responsable commerciale France et export, statut cadre, par la SCI Château de Nalys.
La rémunération fixe mensuelle était fixée à 5.666, 66 euros, avec des primes liées au nombre de cols de bouteilles vendus.
Le 20 avril 2010, Mme [A] [C] est nommée gérante de la SCI Château de Nalys, avec une rémunération de 2.000 euros, à effet du 1er décembre 2010.
Par avenant, en date du 6 décembre 2010, à effet au 1er janvier 2011, la rémunération de Mme [A] [C] est élevée à 88.000 euros bruts sur treize mois, avec majorations possibles selon les résultats en fin d’année.
Le 19 juillet 2017, M. [I] [O] est nommé co-gérant.
Le 4 décembre 2018, Mme [A] [C] a démissionné de son poste de co-gérante, avec effet au 21 décembre 2018.
Par courrier, en date du 28 février 2019, Mme [A] [C] a été mise à pied et convoquée à un entretien préalable fixé au 11 mars 2019.
Par requête, en date du 7 mars 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange en résiliation judiciaire du contrat aux torts de la SCI Château de Nalys, laquelle devait produire les effets d’un licenciement nul ainsi que la condamnation de la SCI Château de Nalys au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par courrier, en date du 15 mars 2019, elle a été licenciée pour faute grave, en ces termes :
‘…
C’est dans ce contexte que suivant courrier en date du 20 août 2018, nous avons été alertés par le Médecin du travail, le Docteur [D] [J], quant à ‘une situation préoccupante au Domaine de Nalys, notamment concernant l’équipe administrative’, évoquant un stress chronique.
… nous avons organisé une première série d’entretiens avec chacun des salariés du Domaine en date du 08 octobre 2018, y compris vous, afin de rappeler entre autres, et si nécessaire, la définition des tâches/missions de chacun, les attentes, projets et organisation.
C’est à cette occasion que certains membres du personnel avaient fait état, vous concernant, d’une attitude autoritaire, incompréhensible voire insistante. D’autres salariés avaient même indiqué souffrir de pressions psychologiques et de ‘quasi-harcèlement’.
Eu égard à nos obligations précitées, nous vous avons alors adressé un email en date du 3
novembre 2018, pour évoquer cette situation en vous demandant d’ ‘opérer un changement
rapide de votre attitude à tenir vis-à-vis de [G]’ et de ‘modifier sensiblement votre
comportement’ car ‘ nous ne saurions tolérer d’une manière ou d’une autre, que l’un de ces
salariés, fut il unique, à se sentir harcelé sur son lieu de travail’.
D’ailleurs, l’analyse de cette situation nous a conduit notamment à observer rétrospectivement un turn-over important sur le poste de chef de culture (3 en 3 ans) ou encore l’envoi permanent d’emails extrêmement nombreux et volumineux, illustrant entre autres, cette ‘ pression’ évoquée par les salariés.
Votre réponse par email en date du 18 novembre 2018 n’a apporté aucun élément rassurant,
d’apaisement de la situation ou de prise en compte de nos observations purement objectives.
…
ll est manifeste qu’au regard de votre réponse à la fin de votre email du 18 novembre 2018,
votre présentation travestie de la réalité consistant à vous considérer comme une victime tout
en détournant le vrai sujet n’est pas credible, et pire, apparaît à la fois comme une tentative
d’occulter vos propres agissements.
En dépit de notre email du 03 novembre 2018, basé sur le courrier du médecin du travail et du contenu do nos échanges avec les salariés, il semble que vous n’ayez pas mis à profit le temps qui vous était laissé pour remédier aux relations de travail que nous avions pu vous décrire.
En effet, le 27 février 2019, nous avons été destinataire d’un email tres circonstancié et
particulièrement alarmant de Monsieur [R] indiquant clairement : ‘les
agissements de Madame [C] à mon égard, génèrent chez moi comme chez d ‘autre ici croyez-le, stress et angoisse (parfois nocturnes !). D ‘ailleurs j’ai dû consulter une
psychologue et récemment un cardiologue qui n’a pu que constater une forte tension’.
Ainsi, Monsieur [R] évoque des ‘manipulations morales’ sur le personnel
administratif, des méthodes ‘oppressantes, inutiles et déstabilisantes, usantes et dangereuses
pour le mental des employés’, indiquant dans le même temps que ‘visiblement son
changement de statut n’a rien changé’, et pour terminer sur ‘cette situation me pousse
aujourd’hui à m’interroger sur mon avenir’.
C’est dans ces conditions que nous avons décidé de procéder immédiatement à une enquête
objective en interrogeant l’ensemble des salariés.
Or, les rapports d’entretiens et témoignages sont accablants et convergent tous sur un constat que nous ne pouvons tolérer en notre qualité d’employeur, à savoir des méthodes de
management et/ou de pressions permanentes voire perverses de votre part envers le personnel et particulièrement celui avec qui vous êtes directement en contact.
Madame [LJ], comptable, s’est dite terrifiée à l’idée de répondre à la question ‘avez-vous été victime ‘ de peur des représailles que vous pourriez exercées à son égard, tout en reconnaissant, une fois confiée lors de l’entretien, être libérée d’un lourd fardeau qui avait trop longtemps pesé sur sa santé mentale et physique.
ll ressort des entretiens que vous avez mis en oeuvre des pratiques inacceptables consistant à :
– user mentalement et même physiquement vos collègues et collaborateurs ;
– à donner des ordres puis contre-ordres afin de mieux les déstabiliser ;
– de demander de faire et refaire encore des documents sans aucune raison objective ;
– d’avoir des remarques désobligeantes ou blessantes très ciblées à l’égard de plusieurs de vos collègues ;
– à tenir régulièrement de véritables interrogatoires dans votre bureau contre les salariés avec qui Monsieur [O] aurait pu échanger ;
– établissements de devis et contre-devis ;
– surveillance de vos collègues dans leurs et gestes, y compris en accédant à leurs emails, et
ce, au-delà de toute nécessité professionnelle ;
– envoyer un nombre incalculable d’emails à vos collègues se situant pour certains à quelques dizaines de mètres, avec des questionnements auxquels des réponses ont déja été apportées maintes fois, sentiment de surveillance perrnanente des salaries, entretien d’une confusion volontaire sur le double statut cogérante-responsable commerciale, contre-ordre auprès des prestataires exterieurs qui ne savent plus à qui répondre.
De surcroît, interrogée, Madame [H] précise qu’ ‘en dehors du travail, il existe une paix sociale qui n ‘existe pas dans l’administratif’ et de conclure après avoir complété
l’entretien ‘Je n ‘aurai pas fait cela à titre personnel auparavant par peur, crainte de représailles et de suites éventuelles de Madame [C]’.
Vous avez également été invitée à répondre à notre enquête contraclictoire. Pourtant, vous avez spontanément opposé un refus catégorique dans une attitude particulièrement agressive,attitude peu propice il faut l’avouer à une remise en cause minime des accusations portées à votre encontre.
Au bénéfice de ce qui précède, il est donc évident que ces faits délibérés relèvent du harcèlement moral qui est parfaitement incompatible avec vos fonctions de Responsable commerciale ainsi que les valeurs mêmes de notre société.
Ce management, à tout le moins dictatorial, vexatoire et blessant qui se répète dans le temps,et ce malgré une première alerte au mois d’octobre 2018, porte atteinte à la dignité des salariés et dégrade clairement leurs conditions de travail et ne peut, en l’état, persister.
Lors de l’entretien préalable et de la présentation des faits susvisés, c’est dans une parfaite mauvaise foi que vous avez indiqué ne pas savoir ce qui vous était reproché.
En consequence, nous considérons que l’ensemble de ces manquements et faits ainsi décrits, participent d’une faute grave de votre part qui commande la rupture immédiate de votre contrat de travail et rend impossible votre maintien dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.
…’
Par jugement, en date du 4 septembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
– ‘déclaré Mme [A] [C] irrecevable dans sa demande de résiliation judiciaire,
– déclaré Mme [A] [C] irrecevable dans sa demande de reconnaissance de licenciement injustifié,
– débouté Mme [A] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté Mme [A] [C] de ses demandes complémentaires d’établissement de documents sous astreinte, d’exécution provisoire,
– condamné Mme [A] [C] à verser à la SCI Château de Nalys la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [A] [C] aux entiers dépens de l’instance.’
Par acte du 2 octobre 2020, Mme [A] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2022, Mme [C] demande à la cour de :
‘Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a ‘
– déclaré irrecevables les demandes de résiliation judiciaire et de reconnaissance de licenciement injustifié,
– débouté Madame [C] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Madame [C] à verser 100 € à la SCI au titre des frais irrépétibles.
Dire que le contrat de travail de Madame [C] a été modifié tant au niveau des responsabilités assumées que de la rémunération dues en 2018 ;
Dire que la SCI s’est abstenue de régler ses dettes de jours supplémentaires et congés contractées en 2015, 2016 et 2017 malgré les relances de la salariée;
Dire que Madame [C] a enduré un harcèlement moral ;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [C] aux torts de la SCI CHATEAU DE NALYS au 15/03/19 ;
Dire que cette résiliation produira les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral qui l’a précédée et, à titre subsidiaire, d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
A défaut de résiliation judiciaire, dire recevable la contestation du licenciement et des indemnités de rupture versées ;
Dire et juger le licenciement injustifié ;
Condamner la SCI à verser à Madame [C] :
– 3.809,92 € bruts au titre de la mise à pied ;
– 380,99 € bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;
– 294,82 € bruts à titre de rappel incident sur treizième mois ;
– 21.907,68 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 2.190,76 € bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;
– 1.768,89 € bruts à titre de rappel incident sur treizième mois ;
– 33.425,45 € à titre d’indemnité de licenciement ;
– 200.000 € en réparation des préjudices moral, professionnel et économique causés ;
– 5.000 € au titre des frais irrépétibles ;
En toutes hypothèses, condamner la SCI à verser à Madame [C] :
– 23.792,33 € bruts au titre des primes d’objectifs 2018 ;
– 2.234 € bruts au titre des primes d’objectifs 2019 ;
Dire et juger que les condamnations portant sur des salaires, accessoires et substituts de salaires produiront intérêts à compter de la notification de la convocation à l’audience de conciliation et que ces intérêts se capitaliseront l’an ;
Condamner la SCI à établir et porter, sous astreinte de 15 € par document et par jour de retard quinze jours après la notification de la décision à venir :
– un bulletin de salaire conforme ;
– une attestation POLE EMPLOI conforme ;
– un certificat de travail conforme ;
Condamner la SCI aux dépens.’
Mme [A] [C] soutient que :
– sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur
– les repreneurs de la SCI lui ont retiré ses responsabilités, ils l’ont privée de la rémunération variable correspondante et ils ont refusé de lui régler l’arriéré de jours supplémentaires.
– sur les responsabilités
– à partir de février 2019, son travail consistait à finir d’écouler l’ancienne gamme, c’est-à-dire les vins rouges de 2015 et blancs de 2016, et à vendre la nouvelle aux professionnels de deux départements seulement.
– elle n’a reçu aucune réponse de l’employeur sur ses interrogations quant à ses attributions et prérogatives.
– elle a été engagée pour vendre et promouvoir en France et dans le monde les vins du Domaine de Nalys. Elle n’était ni employée, ni agent de maîtrise mais cadre, ce qui implique autonomie, autorité et pouvoir d’action.
– ses attributions contractuelles découlaient de son titre.
Elles ont été explicitées dans l’offre d’emploi à laquelle elle a répondu en 2006 et ont été confirmées par la pratique suivie durant onze années.
– la fiche de poste existe et a été transmise avec l’offre d’emploi. Elle possède un caractère contractuel.
– elle ne les confond pas avec ses attributions de gérante exercées de décembre 2010 à décembre 2018.
– la société [O] a acquis en 2018 sous forme de bouteilles « nues » toute la production de l’année, celle qui constitue la nouvelle gamme, pour la commercialiser elle-même, ne laissant sur place que de quoi satisfaire les clients de passage au caveau et plus généralement la clientèle locale.
– concrètement, « responsable commerciale France et Export », elle ne vendait plus la production du domaine ni à l’étranger ni même en France, en dehors du [Localité 8] et du Gard.
– elle n’a pas été conviée à la présentation de la nouvelle gamme en juillet 2018 en Angleterre ni début novembre 2018 aux Etats-Unis ni ensuite au Québec.
– elle ne s’occupe plus des tarifs, du positionnement, de l’étiquetage, de la communication ou de la gestion des marques.
– elle n’a pas été chargée de la création de la page Facebook, des comptes Twitter et
Instagram du domaine : elle a été avisée le 5/09/17, six semaines après le rachat, que c’était fait par Mme [V] [O], qui n’est ni gérante, ni membre de son équipe. Cette dernière a agi de même pour le site internet du Domaine.
– Mme [V] [O] a en vérité accaparé toute la communication de Nalys ; s’emparant même du caveau, jusqu’au niveau du recrutement.
– sur la rémunération variable afférente aux responsabilités
– en 2018 elle a été privée de commissionnement sur la nouvelle gamme. Elle n’a ainsi été gratifiée que sur l’ancienne gamme.
– en dix-huit mois M. [O] n’a jamais échangé concrètement sur le sujet et plus généralement sur son futur poste alors même qu’elle le priait de la fixer.
– les repreneurs ont réglé avec retard et de mauvais gré les primes 2017.
– après son licenciement elle n’a rien perçu, y compris au titre de 2019 alors pourtant que, selon le contrat de travail, « en cas de rupture du contrat en cours d’année civile, un prorata équitable entre les deux parties serait trouvé ».
– sur le non-paiement des jours supplémentaires et congés payés
– de 2015 à 2017 elle a ‘uvré chaque année bien plus que les 218 jours convenus et payés.
– alors même qu’un accord favorable à la SCI avait été trouvé début octobre 2018 sur le nombre de ces jours travaillés à régler (quatre-vingt trois) au titre de 2015, 2016 et 2017 ainsi que sur les congés payés acquis et non pris au 30/09/18, M. [O] a différé sa décision.
– par courriel du 19/02/19, M. [O] a encore révisé à la baisse le nombre de jours arrêtés en brandissant la prescription désormais acquise pour 2015 ainsi que le temps consacré à la gérance qu’il a estimé inclus dans les jours travaillés à hauteur de 30 %.
– la SCI a réglé les quarante jours qu’elle admettait ainsi que des congés qu’elle ne lui avait pas permis de prendre après la saisine du conseil de prud’hommes.
– subsidiairement, sur le licenciement
– dès la réception de la lettre de licenciement, elle a dénoncé les manoeuvres employées et mis sans succès la SCI en demeure de fournir des détails.
– la valeur probante des pièces produites par l’employeur est sujette à caution.
– la lettre de licenciement rappelle que les repreneurs ont été alertés par une lettre du médecin du travail du 20/08/18, non produites par l’employeur.
– les faits signalés avant le 3/11/18 au cours de l’enquête et des entretiens ne pouvaient plus fonder une sanction au-delà du 3/01/19.
– le seul élément nouveau serait qu’elle aurait reproché à une secrétaire d’avoir exécuté un travail de recherche et/ou d’expédition pour le chef de culture.
– le courriel du 27/02/19 de M. [R], qui aurait déclenché la réaction de l’employeur, ne contient que des accusations imprécises, subjectives, de même que sa déposition complémentaire.
– l’employeur ne démontre aucunement le prétendu harcèlement reproché.
– elle verse les messages reçus avant ou après son licenciement de membres actuels ou anciens du personnel, y compris un chef de culture, qui attestent de relations cordiales.
En l’état de ses dernières écritures en date du 4 février 2021, contenant appel incident, la SCI Château de Nalys a demandé de :
– ‘confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange du 4 septembre 2020 en ce qu’il a :
-déclaré Mme [A] [C] irrecevable dans sa demande de résiliation judiciaire,
– déclaré Mme [A] [C] irrecevable dans sa demande de reconnaissance de licenciement injustifié,
– débouté Mme [A] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté Mme [A] [C] de ses demandes complémentaires, d’établissement de documents sous astreinte, d’exécution provisoire,
– condamné Mme [A] [C] à verser à la SCI Château de Nalys la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [A] [C] aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire,
– dire et juger que le licenciement de Mme [A] [C] repose bel et bien sur une faute grave,
– débouter Mme [A] [C] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples
ou contraires,
En tout état de cause,
– condamner Mme [A] [C] à payer à la SCI Château de Nalys la somme de 4.000 €uros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.’
La SCI Château de Nalys fait valoir que :
– sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
– les missions visées par la salariée dans ses écritures n’ont jamais été contractualisées, celle-ci ayant établi cette liste pour les besoins de la cause.
– le descriptif de poste contenu dans l’offre d’emploi n’a aucune force contractuelle et juridique.
– la mission première et contractuelle de Mme [C] était d’appliquer la politique commerciale définie par son supérieur hiérarchique, tant en France qu’à l’export.
– la salariée entretient la confusion entre ses missions relevant d’une part de ses fonctions de responsable commerciale France et Export et ses missions de gérante du château de Nalys.
– Mme [C] a démissionné de son mandat de gérance par courrier du 4 décembre 2018 au motif que M. [O] l’aurait dépossédée de plusieurs de ses missions et prérogatives de gérante. Les missions et prérogatives citées dans la lettre de démission font doublon avec les prérogatives et missions dont elle prétend, aujourd’hui, avoir été dépossédée au titre de ses fonctions de responsable commerciale France et Export.
– sur les prétendues questions laissées sans réponse
– M. [O] a reçu à lui seul plus de 1.200 emails de la salariée en près de 12 mois. Dans la mesure du possible, au regard de l’occupation requise par ses fonctions, il prenait soin d’y répondre aussi rapidement et précisément que possible.
– sur le prétendu retrait de certaines fonctions commerciales
– Mme [C], sans viser dans ses écritures la moindre pièce et / ou élément, se contente donc
de simples affirmations.
– l’appelante a été remplacée par M. [P] [F] à compter du 2 décembre 2019, lequel exerce les fonctions commerciales France-Export anciennement dévolues à Mme [C].
– la commercialisation de sa nouvelle gamme continuait à faire partie des prérogatives de Mme [C], en sa qualité de responsable commerciale France et Export.
– le choix de la politique et de la stratégie commerciale incombait à M. [I] [O], Mme [C] se devant de l’appliquer.
Si pour Mme [C] cela constituait un changement dans ses pratiques, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agissait pas d’une modification de son contrat de travail.
– Mme [C] a été très rapidement associée à la nouvelle stratégie commerciale, rédigeant elle-même le projet de lettre d’information du rachat par la Maison Guigal du Château de Nalys pour l’ensemble des interlocuteurs et clients.
– les échanges d’emails montrent l’incapacité de la salariée à appliquer une autre politique commerciale.
– sur les absences de Mme [C] lors des manifestations internationales
– par email du 3 septembre 2018, adressé à M. [O], la salariée indiquait que la participation ou non à un salon relevait de la politique commerciale et donc du choix de M. [O].
– Mme [C] a toujours été associée aux décisions de participer ou non à tel ou tel événement, le choix définitif revenant effectivement à M. [O], au regard de ses fonctions de co-gérant et décisionnaire de la nouvelle politique commerciale.
– sur le fait que Mme [C] ne serait plus en charge de la communication
– il appartient à l’appelante de démontrer que la gestion de la communication lui incombait en sa qualité de responsable commerciale France et Export ce qu’elle ne fait nullement et pour cause.
– cette mission relève avant tout de la gérance, ou à tout le moins ne relève pas nécessairement de la responsabilité commerciale.
– les aspects liés à la communication étaient évoqués non pas dans le reporting commercial mensuel établi par la salariée, mais dans les rapports mensuels de la gérance, établis eux-aussi par Mme [C].
– contrairement à ce que soutient Mme [C], cette dernière a toujours continué, en sa qualité de gérante, à être associée à la communication du [Localité 4] de Nalys.
– sur le fait que Mme [C] ne déciderait plus de la gamme et de l’habillage des vins
– il appartient là encore à Mme [C] de démontrer que les décisions relatives à la gamme et à l’habillage des vins lui incombaient en sa qualité de responsable commerciale France et Export, ce qu’elle ne fait nullement et pour cause.
– ces décisions relèvent avant tout de la stratégie globale du Domaine, ou à tout le moins ne relèvent pas nécessairement de la responsabilité commerciale.
– contrairement à ce que soutient Mme [C], cette dernière a toujours continué, en sa qualité de gérante, à être associée aux décisions relatives à la gamme et à l’habillage du vin du [Localité 4] de Nalys.
– sur le prétendu retrait des fonctions de Mme [C] au niveau du caveau
– l’appelante ne produit pas le moindre élément sur cette allégation totalement fantaisiste et pour cause.
– Mme [C] a toujours conservé ses prérogatives sur le caveau, notamment s’agissant du recrutement.
– sur le fait que Mme [C] se serait vu retirer la gestion des marques
– il appartient là encore à Mme [C] de démontrer que la gestion des marques lui incombait en sa qualité de responsable commerciale France et Export, ce qu’elle ne fait nullement et pour cause.
– la gestion des marques relève avant tout de la stratégie globale du Domaine, du fonctionnement administratif ou encore de la gestion courante. En tout état de cause, elle ne relève pas de la responsabilité commerciale.
– contrairement à ce que soutient Mme [C], cette dernière a toujours continué, en sa qualité de gérante, à être associée à la gestion des marques du [Localité 4] de Nalys. Elle a simplement perdu cette gestion du fait de sa démission de son mandat de gérante.
– sur la prétendue réticence de l’employeur à lui rémunérer les jours de travail supplémentaires à sa convention de forfait en jours sur l’année
– Mme [C] occupait les fonctions salariées de responsable commerciale France et Export sur la base d’une convention de forfait de 218 jours sur l’année. En parallèle, elle occupait le mandat de gérante pour lequel elle était rémunérée 2.000 euros bruts.
– le décompte des journées de travail au-delà du forfait adressé par la salariée le 17 juillet 2018 ne précisait pas s’il s’agissait de journées dédiées aux fonctions commerciales ou au mandat de gérance. Il visait en outre des périodes pendant lesquelles Groupama était propriétaire et actionnaire principal.
– début octobre 2018, une fois le décompte définitif de jours établi, s’est effectivement posée la question de la répartition de ses jours travaillés entre les fonctions commerciales et le mandat de gérante.
– la salariée n’a jamais produit un décompte des jours travaillés pour la gérance.
– tant le principe de ces jours supplémentaires que leur chiffrage souffraient d’une discussion.
– le chiffrage de ces jours a évolué dans les propres décomptes de la salariée, preuve là encore d’une part de la difficulté de les évaluer mais également preuve que le montant de ceux-ci était discutable.
– ce n’est que le 25 février 2019 que les parties se sont enfin entendues sur le chiffrage de ces
jours travaillés supplémentaires à régler.
– or, Mme [C] a adressé sa demande en résiliation judiciaire motivée par la réticence de son employeur à lui régler le montant ainsi convenu le 7 mars 2019, soit 10 jours après.
– il s’avère qu’au 25 février 2019, les paies de l’ensemble des salariés avaient déjà été effectuées et il fallait attendre la prochaine paie à établir pour honorer cet engagement. Ce qui fut fait le 15 mars 2019, soit 18 jours après que les parties se soient mises d’accord sur le montant définitif à régler.
– la mauvaise foi ou la mauvaise intention de l’employeur n’est absolument pas établie.
– subsidiairement, sur le licenciement
– en l’absence de disposition spéciale depuis 2016, la procédure prud’homale est régie désormais par les règles procédurales de droit commun du code de procédure civile qui disposent que « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».
Seul un lien suffisant peut permettre la formulation d’une demande additionnelle.
– la demande au titre du licenciement, qui ne présente aucun lien suffisant avec la requête initiale, est nouvelle et donc ne pouvait être formulée au cours de la même instance.
– la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires en découlant sont dès lors irrecevables, ces demandes n’ayant pas été présentées dans le cadre de la requête introductive déposée devant le conseil de prud’hommes.
– sur le fond
– elle est tenue envers ses salariés à une obligation de sécurité et doit prendre toute mesure utile, si leur sécurité est en cause, au risque de mettre en jeu sa propre responsabilité.
– elle verse aux débats, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, l’ensemble des attestations démontrant la réalité et la gravité des griefs visés dans la lettre de licenciement.
– dès le mois de novembre 2018, M. [O] avait alerté la salariée sur la nécessité d’améliorer rapidement ses relations avec le personnel et notamment avec M. [R] par email du 3 novembre 2018, en vain.
– jusqu’au rachat par le Groupe [Adresse 5] et la nomination de M. [O] en qualité de co-gérant, Mme [C] était l’unique gérante et seule interlocutrice des salariés.
– sur le rappel de primes variables 2018/2019
– Mme [C] a droit à une prime sur objectif 2018 de 1.839,65 euros bruts, outre les congés payés y afférents, qu’elle s’engage à payer.
– aucune prime n’est due pour 2019.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 6 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 27 octobre 2022 et fixé examen de l’affaire à l’audience du 10 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.
Les juges doivent dès lors caractériser l’existence d’un ou plusieurs manquements de l’employeur et, cela fait, ils doivent, dans un second temps, apprécier si ce ou ces manquements sont d’une gravité suffisante pour justifier l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail.
En matière de résiliation judiciaire, les manquements s’apprécient à la date à laquelle le juge prend sa décision.
Si le salarié saisit le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation de son contrat de travail et qu’il est ensuite licencié, le juge doit examiner d’abord la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.
S’il fait droit à la demande de résiliation judiciaire :
– les effets de la résiliation judiciaire sont fixés à la date du licenciement,
– il n’y a pas lieu de statuer sur l’éventuelle contestation du licenciement.
La prise d’effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu’à cette date, le salarié est toujours au service de l’employeur.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit en priorité rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
En l’espèce, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon le 7 mars 2019 et a ensuite été licenciée pour faute grave par courrier en date du 15 mars 2019.
Pour fonder sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la salariée invoque :
– les repreneurs de la SCI lui ont retiré ses responsabilités,
– ils l’ont privée de la rémunération variable correspondante,
– ils ont refusé de lui régler l’arriéré de jours supplémentaires.
Le retrait des responsabilités
Mme [C] a été embauchée en qualité de responsable commerciale France et export.
Dans le cadre d’un avenant en date du 1er janvier 2011, l’article III du contrat de travail, relatif aux fonctions de la salariée, est modifié, en ce qu’il est rajouté la mention suivante :
‘Mademoiselle [A] [C] exerce la fonction de Responsable Commerciale France et Export du Domaine de Nalys.
A ce titre, elle est notamment chargée d’appliquer la politique commerciale définie et mise en place par le Secrétaire Général du Domaine de Nalys, tant en France qu’à l’export.
Elle exerce ses fonctions, sous l’autorité et dans le cadre des instructions données par son supérieur hiérarchique, le Secrétaire Général du Domaine de Nalys, à qui elle devra rendre compte régulièrement de son activité.’
Cette clause ne modifie en rien les attributions de la salariée, mais ne fait que rappeler le principe selon lequel tout salarié doit agir selon les directives de son employeur.
Il est constant que les parties n’ont signé aucune fiche de poste.
Mme [C] produit un courriel adressé le 10 janvier 2019 à ‘administration [O]’ ainsi libellé :
‘Bonjour [I],
Dans la perspective de notre RV de demain avec votre père et vous-même sur mes fonctions salariées, vous trouverez, ci-dessous, à toutes fins utiles, la liste de mes principales fonctions de responsable commerciale telles qu’à mon embauche et jusqu’au rachat :
Missions commerciales
Clientèle
Gestion portefeuille clients existant,France et export
Prospection et développement nouveaux clients, France et export
Gestion du caveau et de son évolution comme entité spécifique
Choix des manifestations commerciales où participer (hors celles chez clients)
…
Marketing
Définition de la gamme de vins et de son positionnement
Travail sur les assemblages avec les ‘nologues maison et conseil
Politique tarifaire
Habillage : définition, réalisation avec fournisseurs
Distribution
Communication
…
Aspect législatif
Dépôts de marque et leur suivi
RH
Gestion dont recrutement du personnel sur la partie commerciale et qualité liées à la vente
Organisation plannings : ouverture caveau/salons/CP
…’
Mme [C] soutient qu’au mois de février 2019, il ne lui restait plus aucune de ces attributions et responsabilités.
Ainsi qu’il a été indiqué supra, il n’existe aucune fiche de fonctions de sorte qu’il appartient à la salariée de rapporter la preuve de la réalisation de toutes les fonctions par elle décrites ci-dessus
Le site de l’Onisep définit le responsable commercial de la manière suivante:
‘Activités principales
Participer à la définition de la politique commerciale de l’entreprise, à partir de la stratégie de l’entreprise
Fixer les objectifs et les axes prioritaires
Diriger et accompagner l’équipe commerciale
Promouvoir l’image et la notoriété de l’entreprise
Participer à la négociation sur certains comptes stratégiques
Etre attentif aux évolutions du marché et aux offres de la concurrence afin d’adapter en permanence les offres de l’entreprise
Reporter à la Direction
Activités spécifiques
Recruter et former l’équipe commerciale
Assurer l’interface avec les autres services de l’entreprise
Description synthétique
Il est le garant du chiffre d’affaires et de la marge commerciale sur le périmètre qui lui est alloué. Il peut participer à la définition de la stratégie commerciale et a la responsabilité de la conduire. Il fixe les objectifs et les axes prioritaires des actions commerciales.
…
Selon la taille de l’entreprise, il prendra plus ou moins à sa charge le développement et le suivi de clients.’
Le commercial export est défini de la manière suivante par le même site :
‘Le commercial export parcourt une zone géographique précise avec comme objectif de développer les parts de marché de son entreprise à l’étranger. Il organise des rendez-vous avec des « prospects » (clients potentiels) et négocie les contrats. Il participe à des salons internationaux et à des foires pour développer son réseau. Il entretient des liens réguliers avec les clients qu’il compte déjà à son actif et se met à l’écoute de leurs besoins.’
La fiche métier du responsable export sur le site ‘Hello work’ est ainsi libellée:
‘Le responsable export doit assurer le développement des ventes de son entreprise à l’étranger. Bien souvent rattaché à un secteur géographique, il assure la gestion et la stratégie commerciale et optimise son portefeuille clients. Il encadre une équipe de commerciaux qui se déplacent à l’étranger. Il anticipe les besoins de la clientèle, fait des études de marché tout en étudiant la concurrence. Il effectue des investissements et participe aux négociations commerciales avec les réseaux de distribution. Il fait en sorte de fidéliser ses clients tout en tentant de décrocher des nouveaux partenariats en faisant de la prospection. Sa présence à des salons internationaux est l’occasion pour lui d’établir de nouveaux contacts. Il a pour mission d’atteindre les objectifs financiers fixés, d’assurer une certaine rentabilité. Il se doit de rédiger des rapports sur ses activités auprès de sa direction.’
L’employeur se retranche derrière l’avenant repris supra en indiquant qu’il appartenait à Mme [C] d’appliquer la politique commerciale définie par son supérieur hiérarchique, tant en France qu’à l’export. Il considère par ailleurs que le descriptif du poste auquel la salarié a postulé en 2006 n’est pas contractuel.
Mme [C] produit en effet le descriptif de fonction réalisé par Giraudier conseil (conseil en organisations et ressources humaines) à l’attention des candidats (pièce n°19), lequel n’a pu être réalisé qu’en concertation avec la société employeur ayant fait appel à ses services.
Il résulte de la lecture de ce document que les attributions du futur salarié choisi par le Domaine de Nalys sont similaires à celles détaillées par les sites internet Onisep et Hello work.
Il convient également de tenir compte de la qualité de gérante de Mme [C] de la SCI [Adresse 5] du 1er décembre 2010 au 19 juillet 2017 et de co-gérante du 19 juillet 2017 au 4 décembre 2018, M. [I] [O] ayant été nommé co-gérant aux côtés de l’appelante.
En effet, les emails produits par l’appelante jusqu’à sa démission de son poste de co-gérante montrent une confusion entre les fonctions de salarié et de gérante.
Il n’est pas contestable à la lecture des emails produits par les parties qu’un changement de politique, notamment commerciale, est intervenue suite à la vente par Groupa ma de ses actions à la Maison [O] au mois de juillet 2017 et que les fonctions de la salariée ont subi un aménagement, cette dernière considérant que son contrat de travail avait fait l’objet d’une modification substantielle sur ce point.
La cour relève que les fonctions que Mme [C] indique avoir réalisées depuis son embauche (cf courriel du 10 janvier 2019) correspondent à celles figurant dans la définition du métier de responsable commercial et de responsable commercial export détaillées par les sites Onisep et Hello work.
Le dossier de l’appelante comporte de nombreux emails dans lesquels elle soutient que la plupart de ses fonctions de responsable commerciale France et Export lui ont été retirées, demandant à plusieurs reprises à M. [I] [O] une description de ses fonctions futures, tant au niveau de son contrat de travail que de son mandat de co-gérante, et ce dès le mois de mras 2018.
Il résulte encore des courriels figurant aux dossiers des parties que ces dernières sont en désaccord sur le déroulement des faits. En effet, dans un courriel du 21 février 2019, M. [O] revient sur les échanges intervenus avec Mme [C] depuis le mois de juillet 2017, en ces termes :
‘…
Enfin, je trouve surprenante votre question : ‘ Je vous prie de me préciser ce que sont mes attributions et comment les exercer.’, car sauf erreur, vous disposez toujours de fonctions commerciales.
Nous sommes à ce jour, dans une relation de dialogues et nous avons déjà abordé ce sujet à de nombreuses reprises.
Aussi, puisque vous semblez vouloir un écrit, je vous rappelle la situation suivante :
– notre famille est propriétaire de Nalys depuis juillet 2017.
– devant la relative faiblesse du réseau de distribution de Nalys en comparaison avec celui de la Maison [O], nous prenons la décision en novembre 2017 de reprendre la commercialisation des vins Nalys, sur une nouvelle gamme de produit à compter de novembre 2018. Cette politique commerciale vise à accroître les ventes, vos fonctions commerciales ne peuvent que s’en trouver consolidées.
– vous insistez alors, à de très nombreuses reprises pour informer les clients Nalys de ces changements ce que nous refusons, craignant que les ventes de l’ancienne gamme ne s’arrêtent trop rapidement.
– nous initions un dialogue et une demande de vous conforter dans vos fonctions de gérante en envisageant de modifier vos fonctions de responsable commerciale sans perte de salaire compte tenu de l’évolution de la partie commerciale de Nalys alors projetée à un an.
– vous ne répondez jamais à cette demande pourtant répétée et destinée à vous conforter dans vos statuts et surtout dans votre rémunération, préférant camper sur votre position.
– au printemps 2018 et ce malgré quelques réticences de notre part, les clients de Nalys sont informés des changements prévus pour novembre 2018.
– en été soit quelques mois seulement après avoir lourdement insisté pour l’envoi de ce courrier, vous vous inquiétez du ralentissement des ventes de l’ancienne gamme Nalys. Nous ne ferons pas de commentaire.
– en novembre 2018, comme prévu nous mettons en oeuvre notre politique commerciale avec une nouvelle gamme de vins du [Localité 4] de Nalys avec succès (les comptes de Nalys ne peuvent qu’en attester).
– en décembre 2018 et avec surprise, vous démissionnez de votre mandat de co-gérante ne gardant que votre poste de responsable commerciale en sachant pertinemment que les tâches issues de cette fonction seraient nécessairement différentes, plongeant volontairement Nalys dans une situation délicate.
Ainsi, pour répondre à votre question et coucher par écrit le fruit de nos très nombreuses conversations, vos attributions principales en tant que responsable commerciale de Nalys restent d’appliquer la politique commerciale, et donc de vendre l’ancienne gamme du Domaine de Nalys au prix dont nous sommes convenus et de tout mettre en oeuvre pour développer la vente directe de la nouvelle gamme du [Localité 4] de Nalys aux professionnels et aux particuliers prioritairement sur les départements du 84 et du 30.
…’
Mme [C] apportera une réponse à cette correspondance par email du 26 février 2019, en apportant les précisions suivantes :
‘…
Par rapport à mes attribution :
Vous indiquez que ‘je dispose toujours de fonctions commerciales’, qu’avec la nouvelle politique commerciale ‘mes fonctions ne peuvent que s’en trouver consolidées’ et que ‘mes attributions principales restent d’appliquer votre politique commerciale, donc de vendre de l’ancienne gamme au prix dont nous sommes sommes convenus et de tout mettre en oeuvre pour développer la vente directe de la nouvelle gamme du [Localité 4] de Nalys aux professionnels et aux particuliers prioritairement sur les départements du 84 et du 30″ :
– cette liste est déjà très réduite par rapport aux attributions initiales de mon poste salarié que vous avions vues ensemble ;
– l’exemple de Prowein, salon majeur de la profession est explicite de mon éviction ;
– pour l’activité caveau-oenotourisme : je vous ai questionné, ai fait des notes depuis plus d’un an, m’inquiète pour la prochaine saison et comprends au travers du dernier courriel d'[V] reçu vendredi après-midi que vous gérez cela d'[Localité 3] ;
– pour les ventes locales, 84 et 30, aux professionnels, mes multiples questionnements pour avancer en la matière sont restés sans réponse (notamment ceux du 19/11) et dernièrement votre père m’a dit que vous étiez en pourparlers ou aviez recruté un agent (fils de M. [DD]) ;
– mes perspectives sont donc de finir de vendre une gamme Domaine amenée à disparaître…avec une augmentation des prix de près de 10% sur les derniers millésimes qui conjugués aux changements de distributions actés ne facilite pas les choses.
…’
Il résulte ainsi incontestablement du courriel de l’employeur du 21 février 2019 que les fonctions de Mme [C] concernent la vente d’une gamme de vins (ancienne gamme), la salariée devant en outre mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour développer la vente directe de la nouvelle gamme aux professionnels et aux particuliers prioritairement sur les départements du 84 et du 30.
Contrairement aux allégations de l’appelante, son champ d’action n’a pas été réduit mais précisé à sa demande (vente de vin de l’ancienne gamme et vente de vin de la nouvelle gamme), pas plus que son champ géographique ; en effet, par l’utilisation du terme ‘prioritairement’, l’employeur a demandé à la salariée de concentrer son action sur deux départements, mais sans pour autant négliger la recherche de nouveaux clients tant en France qu’à l’étranger, et ce, conformément à ses fonctions.
L’employeur produit d’ailleurs plusieurs échanges d’emails avec Mme [C], dans lesquels cette dernière forme plusieurs propositions pour le placement des produits, la politique commerciale et tarifaire, et ce, tant en France qu’à l’étranger : pièces n°31-1 (échange de février 2019), 31-3 (échange de janvier 2019), 31-4, 31-5, 31-6 (échanges d’octobre 2018), 31-7 (échange de septembre 2018), 31-10, 31-11 (échange de mai et juin 2018), 31-12 (échange de novembre 2017), 31-13, 31-14 (échanges de décembre 2018), 31-15, 31-16 (échanges de novembre 2018), 31-17, 31-18, 31-19 (échanges d’octobre 2018), 31-23 (échange de mai 2018, 31-24 (échange de mars 2018), 31-25, 31-26 (courriel du 23 février 2018 et échange de février 2018), 31-27 (échange d’août et septembre 2018), 32-1 à 32-6 (sur la présence de l’entreprise à divers salons france et étranger), 33-1 à 33-3 (sur l’intervention de Mme [C] pour la publication d’informations sur Facebook), 33-4 à 33-9 (sur l’établissement de la brochure pour ‘Nalys’), 33-10 à 33-16 (préparation et participation au salon ‘Grand Tasting’ à [Localité 6]), 33-17 à 33-27 (concernant le nouveau site suite à l’acquisition des parts Groupama par la Maison [O]), 33-28 à 33-31 (concernant la ‘préparation lancement Nalys’ aux Etats-Unis d’après l’employeur, ce qui n’est pas contesté par l’appelante), 33-32 à 33-42 (sur les opérations publicitaires et de communication proposées par la salariée) .
De plus, le 5 avril 2018, M. [I] [O] interroge Mme [C] sur l’opportunité de vendre une gamme de vin à un importateur danois.
La salariée reproche encore à l’employeur de l’avoir évincée des salons à l’étranger, ce qui résulte incontestablement des pièces par elle produites et concernant le Canada, Londres, les Etats-Unis et l’Allemagne ; l’employeur ayant justifié son choix sur le salon en Allemagne par courriel du 18 février 2019, repris dans ses conclusions, lesquelles font état d’un numéro de pièce 30-7 qui correspond à un échange d’emails du mois de juin 2018. Le bordereau de pièces mentionne que le courriel du 18 février 2019 correspond à la pièce n°29-7 laquelle correspond à un reporting commercial au 31 mai 2018.
Ce faisant, aucune justification n’est apportée par l’employeur à l’absence de Mme [C] aux salons susvisés autrement que l’exercice de son pouvoir de direction, à condition que ce dernier ne dégénère pas en abus.
Les échanges de courriels repris ci-dessus montrent que Mme [C] participait à l’organisation des salons à l’étranger, l’employeur ayant la décision finale sur l’opportunité de la présence de celle-ci, aucun abus n’étant démontré par cette dernière sur ce point.
Mme [C] soutient encore qu’elle n’a pas été rendue destinataire des prix des vins de la nouvelle gamme et qu’elle était ainsi contrainte de renvoyer les clients à [Localité 3].
Les nouveaux tarifs ont été adressés par email du 31 octobre 2018 à M. [I] [O], ‘france@guigal.com, info@guigal.com, Mme [V] [O] et M. [L] [E], ce dernier les ayant ensuite répercutés à Mme [C] le jour même; la salariée n’ayant pas été obligée de les réclamer contrairement à ce qu’elle soutient dans ses écritures.
Dès lors, et étant en possession de la grille tarifaire applicable, elle pouvait sans difficulté renseigner les clients particuliers ou professionnels.
Concernant la communication, il résulte également des échanges d’emails entre les parties que Mme [C] y était associée, même si la décision finale revient à l’employeur, de sorte que ce grief ne sera pas plus retenu.
Mme [C] soutient que Mme [V] [O] ‘s’est même emparée du caveau, jusqu’au niveau du recrutement’, et produit pour en justifier un courriel adressé par Mme [O] le 22 février 2019, ainsi libellé :
‘ … l’activité oenotouristique du caveau doit être développée. Concernant le recrutement, … nous avons rencontré un jeune homme qui postulait pour notre structure sur [Localité 3] et qui était également intéressé par Nalys. Le rendez-vous s’est bien déroulé, mais nous pensons que cette personne n’a pas le profil … Suivant votre suggestion, je serai heureuse de recevoir [Z] en entretien à [Localité 3], pourriez-vous lui transmettre mes coordonnées afin qu’elle me contacte pour prendre rendez-vous »
Mme [C] ne démontre pas avoir procédé à un quelconque recrutement avant l’arrivée de la Maison [O], ce qui se justifie dans la mesure où le descriptif de fonction du cabinet de conseil Giraudier prévoyait que la personne embauchée serait l’unique commercial du Domaine.
Aucun grief ne saurait dès lors être retenu sur ce point à l’encontre de l’employeur, et ce d’autant plus que Mme [O] associe Mme [C] au recrutement envisagé.
La rémunération variable afférente aux responsabilités
Mme [C] soutient qu’en 2018, elle a été privée de commissionnement sur la nouvelle gamme, pour n’être gratifiée que sur l’ancienne gamme.
Par avenant du 6/12/10, l’article IV ‘rémunération’ du contrat de travail comme suit :
‘En rémunération de ses services, Mademoiselle [A] [C] perçoit un salaire fixe annuel brut de 88.000 euros… versé en 13 mensualités égales…
Une rémunération variable pourra lui être attribuée sous réserve de la réalisation des objectifs suivants :
10 % du salaire fixe annuel brut si les ventes de cols se situent entre 145.000 et 165.000 cols d’AOC.
Ce pourcentage sera porté à 15% si les ventes se situent entre 165.001 et 180.000 cols AOC et à 20 % au-delà de 220.001 cols AOC.
Par ailleurs, une part variable de 3% du salaire brut annuel pourra être versée si les ventes de ‘Premimum’ ont augmenté de 10 % par rapport à celles de l’année N-1.
Enfin une part variable de 2 % du salaire fixe brut annuel sera appliquée dès lors que les ventes à l’Export dépasseront 50 % des ventes totales (en nombre de cols).
Cette rémunération variable sera calculée par exercice comptable et réglée, sous réserve que les objectifs soient atteints, au plus tard sur le salaire de mars de l’année N+1.
Les critères servant de base au calcul de cette rémunération variable seront revus et adaptés en fonction de l’évolution du Domaine.
En cas de rupture du contrat en cours d’année civile, un prorata équitable entre les deux parties serait trouvé.’
L’employeur reconnaît dans ses écritures devoir la somme de 1839,65 euros bruts pour l’année 2018, laquelle devait être payée au plus tard au mois de mars 2019.
Il indique encore dans ses écritures du 4 février 2021 qu’il ‘entend verser cette somme à Madame [A] [C] dans le cadre de la présente procédure, d’ici la clôture de la mise en état.’
Cependant, il ne justifie aucunement de ce retard de paiement de près d’un an, lui seul étant en possession des éléments permettant de calculer la rémunération variable de la salariée.
Bien plus, le montant de ladite prime est contesté par Mme [C], l’employeur répondant que les modalités de calcul ont toujours été validées par cette dernière, tant en sa qualité de gérante que de salariée.
L’appelante indique que ‘la pièce adverse n° 56 enseigne que la SCI n’intéresse Madame [C] que sur les ventes de l’ancienne gamme (131.832 bouteilles en 2018.’, l’employeur lui ayant retiré la possibilité de gagner la rémunération contractuellement prévue.
Or, la cour a relevé supra que les fonctions de la salariée n’avaient pas été modifiées, celle-ci faisant une interprétation erronée d’un courriel qui lui a été adressé le 21 février 2019, l’employeur lui demandant de concentrer son action, pour la nouvelle gamme, sur deux départements, ce qui n’impliquait aucunement d’abandonner toute prospection à l’étranger, celle ci étant en outre chargée de vendre l’ancienne gamme.
Le dossier de l’employeur comporte les pièces justifiant le calcul de la rémunération variable de Mme [C] pour l’année 2017, la cour constatant que le mode de calcul est identique à celui utilisé pour l’année 2018, la salariée n’ayant formulé aucune contestation à ce titre et ne sollicitant aucun rappel de prime pour l’année 2017.
D’ailleurs, Mme [C] utilise les données figurant sur les justificatifs produits pour l’année 2017 pour calculer la somme qu’elle réclame, pour aboutir à un résultat incompatible avec les chiffres y figurant. En effet, elle reconnaît que le nombre de cols ‘premium’ vendus en 2017 s’élève à 7759 (7758 sur le document) mais estime que le nombre de cols ‘premium’ vendus en 2018 s’élève à 104347, le document correspondant faisant état de 6651 ventes selon le même mode de calcul que pour l’année 2017.
Dès lors, les chiffres figurant sur les pièces n°56-1 à 56-3 produites par l’employeur ne peuvent être contestés puisqu’étant le résultat des ventes telles que prévues par l’avenant conclu entre les parties.
Aucune somme complémentaire n’est donc due à la salariée pour 2018.
Concernant l’année 2019, l’appelante sollicite la somme de 2234 euros bruts mais ne détaille aucunement le calcul utilisé pour aboutir à cette somme, l’employeur détaillant de son côté son mode de calcul, de sorte que toute prétention de la salariée à ce titre sera rejetée.
Il résulte de ces éléments que le seul grief pouvant être reproché à l’employeur est le non paiement de la rémunération variable 2018 dans le délai contractuel.
Cependant, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par requête du 15 mars 2019, soit avant l’expiration du délai pour régler la prime litigieuse.
De plus, Mme [C] a fait l’objet d’un licenciement par courrier du 15 mars 2019.
La Cour de cassation a clairement posé le principe selon lequel, pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement. Toute régularisation ultérieure est donc sans effet (Cass. soc., 2 mars 2022, no 20-14.099).
En l’espèce, à la date du licenciement, l’employeur était toujours dans le délai pour payer la rémunération variable à la salariée, de sorte qu’aucune faute ne saurait être retenue à son encontre à ce titre.
Le non-paiement des jours supplémentaires et congés payés
Il est constant qu’un échange a eu lieu entre les parties sur ce point à compter du mois de février 2018. La somme définie entre les parties le 25 février 2019 a été réglée à Mme [C] sur un bulletin de paie établi au 15 mars 2019.
Il résulte des pièces produites par les parties que dès le 5 octobre 2018, Mme [C] avait donné son accord sur la proposition faite par M. [N], expert comptable, le même jour.
M. [N] informait la salariée par email du 24 octobre 2018 qu’il devait expliquer la situation à M. [O] à la mi-novembre et qu’il ferait un retour à la salariée sur la deuxième quinzaine de novembre.
Cependant, et malgré l’accord susvisé, de nouveaux échanges devaient intervenir sur le calcul des jours de congés dès le 1er novembre 2018 jusqu’au 6 novembre 2018.
Aucun autre échange entre les parties n’est démontré jusqu’au 8 février 2019, date à laquelle un nouvel intervenant du cabinet comptable, M. [S], adressait à Mme [C] un projet de tableau des congés à régler et des jours travaillés au delà du forfait, en excluant certaines demandes de la salariée pour cause de prescription.
Cette dernière considère dès lors que l’employeur a agi de manière parfaitement déloyale (prescription opposée à l’issue de la discussion) et s’est abstenue de payer durant plusieurs mois une dette dont il ne discutait ni le principe, ni même le montant à partir de février 2019.
Il est de jurisprudence constante que les démarches, échanges de correspondances et autres pourparlers ne sauraient interrompre la prescription, de sorte qu’il appartenait à Mme [C] de tenir compte de cet élément dans les pourparlers avec l’employeur.
Concernant le paiement, la cour relève que la somme arrêtée entre les parties le 25 février 2019 a été réglée à Mme [C] sur un bulletin de paie établi au 15 mars 2019.
Par ailleurs, Mme [C] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 7 mars 2019, mais n’a pas demandé le paiement de la somme litigieuse. Bien plus, cette saisine est intervenue postérieurement à l’entretien préalable à son éventuel licenciement (le 11 mars 2019) et deux semaines après l’accord des parties sur les jours de travail au delà du forfait et les jours de congés dus.
Le manquement de l’employeur dans le paiement de ces dépassements ne constitue dès lors pas, à lui seul, un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, entre le 25 février et le 15 mars 2019, date du licenciement.
Il résulte de l’ensemble des explications développées supra que les griefs reprochés par la salariée à l’employeur sont, soit inexistants, soit insuffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, justifiant dès lors la confirmation du jugement querellé.
Sur le licenciement
Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme [C]
Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 a supprimé le principe de l’unicité de l’instance, lequel imposait à une partie de former toute demande nouvelle dans le cadre d’une instance prud’homale en cours.
Toutefois, en application de l’article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter en cours d’instance des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond.
Lorsqu’un licenciement est postérieur à une demande de résiliation judiciaire, les juges doivent examiner en premier la demande de résiliation judiciaire du contrat travail.
Si la résiliation judiciaire est fondée, alors la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à compter de la date du licenciement survenu postérieurement.
Il y a donc lieu de constater que chacune des demandes procède de la rupture du même contrat travail, à quelques jours d’intervalle, et que les prétentions financières en découlant sont identiques puisque dans chacune des situations, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu’il n’y avait pas un lien suffisant entre la demande initiale de résiliation judiciaire du contrat travail et la nouvelle demande de contestation du licenciement pour fautes graves.
La décision entreprise sera infirmée sur ce point et les demandes de Mme [C] visant à faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse seront déclarées recevables.
Sur le fond
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement reproche à Mme [C] des méthodes de management et/ou de pressions permanentes voire perverses envers le personnel et particulièrement celui avec qui elle est directement en contact, l’employeur lui reprochant des actes de harcèlement moral à l’encontre de ses collègues de travail.
Mme [C] indique dans ses écritures que ‘les faits signalés avant le 3/11/18 au cours de l’enquête et des entretiens ne pouvaient plus fonder une sanction au-delà du 3/01/19.’
Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance et l’employeur, qui a déjà sanctionné le salarié pour des faits fautifs, ne peut plus s’appuyer ensuite sur des faits antérieurs non sanctionnés.
Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés.
Lorsqu’une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l’ampleur des fautes commises par un salarié, c’est la date à laquelle les résultats de l’enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois.
Cependant, un fait fautif dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement des poursuites peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou répété dans ce délai.
Il n’est pas contestable que les faits reprochés à l’appelante avant le 3 novembre 2018 sont de même nature que ceux ayant fondé son licenciement, à savoir des actes de harcèlement moral lié à un management agressif.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dans un tel contexte, c’est l’organisation du travail dans son ensemble, et particulièrement la mise en ‘uvre de certaines pratiques managériales prévues par elle, qui est sanctionnée, plus que des agissements résultant d’une intention de nuire à un salarié en particulier.
Pour démontrer ce grief l’employeur produit les éléments suivants :
– le courriel de M [R] adressé à l’employeur le 27 février 2018, ainsi libellé :
‘Je viens par la présente, vous faire part d’une situation que je subie depuis plus d’un an et qui m’apparaît aujourd’hui comme insoutenable.
En effet, les agissements de madame [C] à mon égard, génèrent chez moi comme chez d’autre ici croyez-le, stress et angoisses (parfois nocturnes!) D’ailleurs j’ai dû consulter une psychologue et récemment un cardiologue qui n’a pu que constater une forte tension.
Aussi sans énumérer les nombreux évènements liés à la manipulation morale qu’exerce Mme [C] sur le personnel administratif je constate depuis 14 mois un management axé sur la rentabilité alors qu’il a été clairement dit qu’il fallait pendant quelques années aller vers la qualité.
En mai période chargée, conditions météo déplorable favorisant le mildiou, avec mes 23 ans d’expérience je sens le problème arriver, il faut être très réactif si on ne veut pas que ce soit préjudiciable pour la récolte.
J’ai proposé différentes solutions, matérielles et humaines en autre de mettre à disposition gracieusement mon matériel pour compenser les besoins. J’ai essuyé des refus, des propositions inadaptées et tardives de la part de madame [C]. Au moins deux semaines de perdues pendant lesquelles je subissais la pression de résultat sans pouvoir agir. Je suis venu travailler le dimanche pour faire le travail que les deux autres permanents ne voulaient pas faire sachant que seul en une journée je ne peux pas couvrir 50 ha.
Madame [C] m’a même demandé de rentrer chez moi, ne comprenant pas l’urgence. Nous en connaissons aujourd’hui les dommages, demi-récolte.
J’ai osé leur dire que j’attendais un peu de soutien dans les moments cruciaux, ce qui a déclenché colère insultes et agression physique de leurs parts (témoins présents) et Mme [C] se tenait non loin et prétent n’avoir rien vu ni entendu.
Elle s’est contentée de recevoir chacun de nous trois, aucune sanctions et classement du dossier. Cet évènement m’a vraiment ébranlé, détresse et solitude.
J’ai pensé démissionner, comment faire du bon travail avec du personnel ne tenant pas compte de mes ordres mais au garde à vous devant Mme [C] qui dès mon arrivée a fait en sorte que ces deux permanents ne m’acceptent pas comme leur supérieur et encore aujourd’hui c’est difficile pour moi avec eux, même s’il y a un peu plus de respect je la vois les manipuler pour rester informée de tout et tenter de me déstabiliser.
Mme [C] contredisait tous mes ordres, en allant voir le personnel en fin de journée pour s’informer de ce qui avait été fait et les projets, les mettaient sur une autre tache.
Exemple une matinée ou il un travail du sol au tracteur était prévue dans une parcelle et elle envoie le permanent tondre les abords.
Elle n’a eu de cesse de me discréditer et de me surveiller, de vérifier toutes mes saisies sur mon ordinateur pour me prendre à défaut alors qu’elle m’empêchait de faire mon travail correctement.
Ce qui par ce comportement a usé nombre de mes prédécesseurs.
Elle s’impose même avec l’ingénieur agronome et tente d’imposer ses choix qui vont à l’encontre de la qualité et qui met l’ingénieur très mal à l’aise. A qui obéir ‘
Nombre de mails inutiles, vérifications sur vérifications inutiles administrativement car déjà effectuées.
Faire faire des devis, des contre devis qu’elle a déjà fait faire, accepter puis refuser, discuter et prendre la décision contraire à celle que j’émettais systématiquement et me mettait une pression supplémentaire dans mon travail à cause du retard occasionné par sa non réactivité
Pression de compte rendu de la journée pendant la saison tous les soirs
Remarque de ne pas assez travailler, des remarques humiliantes sur ma vie personnelle (difficile à écrire)
Sous couvert de sa co-gérance elle demande encore aujoud’hui par voie électronique des documents et justificatifs liées à certaines interventions dans la vigne en 2018
Des documents mettant en avant l’exposition aux risques chimiques des tractoristes pendant les traitements qui sont consignés dans l’ordinateur via le logiciel isagri, consultable et à la disposition de la médecine du travail en cas de contrôle.
Sa méthode consiste à réclamer à tout le personnel administratif et moi-même des documents inutiles dont la plupart du temps la loi n’en précise pas l’obligation.
Si par soucis de bien faire et acquis de conscience je contribue à sa demande, cela déclenche des modifications, contrôle, sur-contrôle, vérification etc. Ces méthodes sont oppressantes, inutiles, déstabilisantes, usantes et dangereuse pour le mental des employés, en totale opposition de l’étique de la maison [O] et des conditions de mon embauche.
Je constate ce mode d’action également avec tout le personnel administratif. Ayant les codes d’accès de tout le monde, elle vérifie tout.
Encore aujourd’hui et sans relâche sous forme de harcèlement elle contraint par son ex-supériorité hiérarchique de fournir des documents inutiles me laissant croire que je suis en faute.
Visiblement son changement de statut n’a rien changé, en effet lundi encore suite à ses mails, j’ai pris l’initiative d’appeler la médecine du travail pour prendre connaissance de la loi concernant « les fiches d’exposition aux risques ». Il s’avère qu’au-delà de tenir à disposition des registres il n’est pas obligatoire de les leur envoyer, ce que j’ai tout de même fait suite à mon entretien avec la médecine du travail. Mon interlocutrice m’a confirmé que les documents envoyés sont largement supérieurs à ceux exigés.
Pour un gain de temps (une partie de la matinée à tout réunir) j’ai demandé à une secrétaire d’accomplir cette tache. Elle a été convoquée par Mme [C] et réprimandée car cela passe hors son contrôle.
Même si cela me coûte de vous écrire cela, cette situation me pousse aujourd’hui à m’interroger sur mon avenir qui, je le souhaite, se poursuivra au domaine, mais j’espère vivement dans des conditions relationnelles plus apaisées de la part de madame [C] à mon égard.
…’
S’agissant d’un email, ce document n’a pas à respecter les conditions de forme prévues par l’article 202 du code de procédure civile pour les attestations, tel que soutenu par l’appelante.
M. [R] fait état de divergences de point de vue sur la gestion de la vigne, les reproches étant dirigés à l’encontre de la gérante et non de la responsable commerciale.
Les actes de harcèlement reprochés à Mme [C] en lien avec sa qualité de salariée sont constitués par :
‘ elle demande encore aujoud’hui par voie électronique des documents et justificatifs liées à certaines interventions dans la vigne en 2018
Des documents mettant en avant l’exposition aux risques chimiques des tractoristes pendant les traitements qui sont consignés dans l’ordinateur via le logiciel isagri, consultable et à la disposition de la médecine du travail en cas de contrôle.
Sa méthode consiste à réclamer à tout le personnel administratif et moi-même des documents inutiles dont la plupart du temps la loi n’en précise pas l’obligation.
Si par soucis de bien faire et acquis de conscience je contribue à sa demande, cela déclenche des modifications, contrôle, sur-contrôle, vérification etc. Ces méthodes sont oppressantes, inutiles, déstabilisantes, usantes et dangereuse pour le mental des employés, en totale opposition de l’étique de la maison [O] et des conditions de mon embauche.
Je constate ce mode d’action également avec tout le personnel administratif. Ayant les codes d’accès de tout le monde, elle vérifie tout.
Encore aujourd’hui et sans relâche sous forme de harcèlement elle contraint par son ex-supériorité hiérarchique de fournir des documents inutiles me laissant croire que je suis en faute.’
La cour relève que les déclarations de M. [R] ne sont pas suffisamment précises sur la nature des documents inutiles demandés par Mme [C], notamment par voie électronique, les messages correspondants n’étant pas produits par l’employeur.
– les auditions réalisées le 28 février 2018 à la suite de la dénonciation des faits par M. [R] :
Audition de Mme [U] [LJ] :
‘…
2. Pouvez vous décrire vos relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
Aucune réponse
3. Pouvez vous citer des faits précis à l’appui de vos bonnes ou mauvaises relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
Aucune réponse
4. D’après vous, avez-vous une responsabilité dans les difficultés que vous avez rencontrées avec Madame [A] [C], si tel est le cas ‘
Non, très clairement.
5. En avez-vous fait par à la Direction et dans l’affirmative, quelle a été sa réponse ‘
Précédemment, avec Groupama, nous n’avons jamais été questionnés. Depuis le rachat les relations avec la Direction sont clairement différentes. Après m’être confiée à Monsieur [O], j’ai eu l’impression d’être restée moi-même.
6. Avez-vous personnellement constaté des relations de travail dégradées, tendues entre Madame [A] [C] et Monsieur [R], Madame [H] ou encore d’autres salariés ‘
Il y a des difficultés entre [G] et [A] mais je n’en ai jamais été témoin directement. Concernant Mmme [H], elle est appelée dans le bureau de Mme [C] et je ne suis pas présente et donc ne connais pas la teneur de leurs échanges.
7. Avez-vous été victime de faits, comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] ‘
Aucune réponse
8. Avez-vous été témoin de comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] à l’égard de certains de vos collègues ‘
Non pas témoin directement.
9. Selon vous quelles évolutions permettraient d’améliorer la situation si besoin est ‘
Je souhaite que tous les salariés du Domaine de Nalys regardent devant eux et dans la même direction.’
Aucune accusation de harcèlement moral n’est émise par Mme [LJ] à l’encontre de Mme [C], tant sur sa personne qu’à l’encontre de collègues de travail.
Audition de M. [R]
2. Pouvez vous décrire vos relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
Relation avec une divergence d’idées dès mon arrivée qui l’a rendu conflictuelle. J’ai eu beaucoup de difficultés à appliquer de nouvelles méthodes de travail simples et efficaces pour suivre une ligne de conduite de qualité souhaitée par la maison [O]. Difficile de prendre une initiative, Mme [C] se mêle de tout et va systématiquement à l’encontre de mes décisions. Chaque discussion occasionne un différent et une impossibilité d’aboutir à une conclusion constructive au contraire. À force de discussions stériles et inutiles la relation est courtoise mais forcée, elle m’inondait de mails au lieu de venir me parler.
3. Pouvez vous citer des faits précis à l’appui de vos bonnes ou mauvaises relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
Je me suis toujours senti surveillé voir épié sur mes faits et gestes. Mme [C] m’envoie des mails pour me signaler ce que je dois faire, des demandes de documents inutiles, des doubles devis, des recrutements que de toute manière elle gère à son idée. Mme [C] a toujours mis en doute mes compétences. Ayant les codes d’accès de tous les ordinateurs celle ci a édité mes enregistrements de travail pour les vérifier. Mme [C] parfois me discrédite auprès des permanents en leur donnant une tâches différente de celle que j’avais prévu.
4. D’après vous, avez-vous une responsabilité dans les difficultés que vous avez rencontrées avec Madame [A] [C], si tel est le cas ‘
J’estime avoir abordé Mme [C] avec respect pour sa fonction et compréhension. Mme [C] m’a considéré dès mon arrivée comme un danger pour son poste alors que je ne m’occupe que de la gestion technique du vignoble, la gérance ne m’intéresse pas. J’ai essayé de lui faire comprendre que certains travaux étaient nécessaires pour la qualité et la sérénité du vignoble. Cela a été mal compris de sa part, les premiers mois j’ai donc suivi sa ligne de conduite pour le vignoble et le recrutement. Si j’ai pu à quelques reprises être directe ce n’est que l’aboutissement de sa stratégie pour me destabiliser et à son entêtement à tout vouloir décider et contrôler.
5. En avez-vous fait par à la Direction et dans l’affirmative, quelle a été sa réponse ‘
Des mails attestent de mes difficultés rencontrées avec Mme [C], de ses méthodes de management, de l’incompatibilité technique avec la fonction pour laquelle j’ai été recruté. J’ai envoyé ces mails de ma boîte personnelle car elle avait accès à mon ordinateur.
J’ai eu plusieurs conversations téléphoniques avec Messieurs [O] pour leur exprimer ma difficulté à conduire le vignoble comme il se doit car Mme [C] ne me laissant pas faire, des contres ordres aux ouvriers aux bâtons dans les roues pour toutes nouvelles initiatives.
Ils m’ont toujours soutenu, conforté dans mon poste et également auprès de Mme [C] qui manifestement ne l’entendait pas (et ce en ma présence).
6. Avez-vous personnellement constaté des relations de travail dégradées, tendues entre Madame [A] [C] et Madame [LJ], Madame [H] ou encore d’autres salariés ‘
On ressent une pression/tension extrême du personnel en présence de Mme [C], cela génère un stress très palpable.
7. Avez-vous été victime de faits, comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] ‘
Mme [C] m’a toujours fait sentir sa supériorité, des mails de contrôle et demande inutile, vérification de tout. Elle a eu quelques fois des propos très déplacés pour me blesser personnellement. Elle nie avoir été témoin d’une agression que j’ai subit de la part de deux permanents vignoble et a classé l’affaire sans suite. Mme [C] fait en sorte de tenir les permanents qu’elle a recruté sous sa coupe afin que je sois écarté et non accepté. C’est très palpable, souvent dans son bureau ‘au rapport’ je me suis senti discrédité auprès d’eux.
8. Avez-vous été témoin de comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] à l’égard de certains de vos collègues ‘
Mme [C] est très fine et manipulatrice, fait en sorte de ne pas avoir de témoins, en revanche je l’ai souvent vu assise derrière le personnel administratif qui subissait une pression le stress était palpable.
9. Selon vous quelles évolutions permettraient d’améliorer la situation si besoin est ‘
Avec toute ma bonne foi, je pensais que Mme [C] aurait confiance en mon travail et que nous aurions pu collaborer, j’ai prouvé mes compétences, malheureusement elle ne supporte pas le changement de stratégie vers la qualité et veut malgré sa démission du poste de co gérante tout contrôler. Je ne vois pas comment cela peut changer avec cette personne.’
Cette audition vient en complément du courriel de dénonciation adressé par M. [R] le 27 février 2018, mais il fait état de faits en lien avec les fonctions de gérante de Mme [C], indiquant même que la gérance ne l’intéresse pas, estimant que Mme [C] le considérait comme un danger pour son poste de gérante.
De plus, M. [R] vise encore de nombreux emails qui lui auraient été adressés par l’appelante, ainsi que d’autres qu’il aurait envoyés à M. [O] pour se plaindre du comportement de Mme [C], aucun ne figurant au dossier de l’employeur.
Il fait encore état de propos très déplacés à son encontre sans pour autant les reproduire.
Les déclarations complémentaires de M. [R] ne sont dès lors pas plus précises pour démontrer des actes de harcèlement de l’appelante à son encontre.
Audition de Mme [C] qui a refusé de répondre aux questions
Audition de Mme [W] [H]
2. Pouvez vous décrire vos relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
A l’heure actuelle, depuis sa démission de la gérance, elles sont meilleurs.
Auparavant elles étaient très difficiles.
3. Pouvez vous citer des faits précis à l’appui de vos bonnes ou mauvaises relations de travail avec Madame [A] [C] ‘
Ordres et contre ordres – Usant – Des lettres, des présentations refaites maintes fois (type de caractère, ponctuation, type de papier). Des remontrances et remarques désobligeantes ponctuelles mais très ciblées.
4. D’après vous, avez-vous une responsabilité dans les difficultés que vous avez rencontrées avec Madame [A] [C], si tel est le cas ‘
Je me suis remise en question mais malgré les efforts réalisés, il n’y a jamais eu de retour positif de sa part. Je pense qu’elle est comme ça et que malgré mes efforts, il n’y a jamais aucun retour positif.
5. En avez-vous fait par à la Direction et dans l’affirmative, quelle a été sa réponse ‘
Je n’en ai jamais fait part à Gourpama. J’ai rencontré messieurs [O] en octobre et je me suis ouverte aux difficultés rencontrées jusqu’alors. La direction a fait preuve d’écoute et de compréhension mais Madame [C] a passé plusieurs jours à nous interroger sur ces entretiens.
6. Avez-vous personnellement constaté des relations de travail dégradées, tendues entre Madame [A] [C] et Monsieur [R], Madame [LJ] ou encore d’autres salariés ‘
Oui de suite : avec [U] [LJ] avec qui je travaille depuis de nombreuses années ; avec [G] [R], je vois les choses de plus loin car ne suis pas en contact direct avec lui. D’autres heurts avec [X] [B] [T], [OJ] [Y], [K] [M]…
7. Avez-vous été victime de faits, comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] ‘
Pressions par le mode de management, très certainement oui. Pas de menace ni agressions physiques mais verbalement très limite. Pour le harcèlement, je me sens mieux depuis quelques temps et ne saurais pas répondre car c’est du passé. Ne pas ressasser.
8. Avez-vous été témoin de comportements, pressions (y compris par le mode de management), menaces, agressions physiques ou verbales, ou harcèlement de la part de Madame [A] [C] à l’égard de certains de vos collègues ‘
En dehors du travail, il existe une paix sociale qui n’existe pas dans l’administratif. Madame [C] convoque régulièrement [U] dans son bureau et j’en déduis au retour que les choses se sont mal passées ou ne se déroulent pas toujours très bien…
9. Selon vous quelles évolutions permettraient d’améliorer la situation si besoin est ‘
Nous avons besoin de quelqu’un sur place (un gérant) qui soit différent dans sa gestion du personnel. Très important !’
Madame [H] a porté la mention manuscrite suivante à la suite de sa signature :
‘J’ai rempli ce document avec Mr [I] [O]. Je n’aurai pas fait cela à titre personnel auparavant par peur, crainte de représailles et de suites éventuelles de Mme [C].’
Mme [H] ne fait état d’aucun fait précis de harcèlement mais de relations difficiles pendant la gérance de Mme [C]. Elle ajoute que depuis la démission de cette dernier de ses fonctions de gérante, les relations sont meilleures. Enfin, Mme [H] expose un ressenti forcément subjectif et personnel, lequel ne saurait être retenu par la cour.
– l’employeur vise dans ses écritures en pièce n°25 un courriel du 3 novembre 2018 par lequel il avait alerté la salariée sur la nécessité d’améliorer rapidement ses relations avec le personnel et notamment avec M. [R].
Or, il apparaît que la pièce n°25 est un courriel de l’employeur à Mme [C] du 21 février 2019. Le bordereau de pièce mentionne que l’email du 3 novembre 2018 est constituée de la pièce n°24, laquelle est en réalité un email de Mme [C] à l’employeur du 25 février 2019.
Cet élement de preuve ne sera dans ces circonstances pas retenu par la cour.
En effet, l’article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent ‘ formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.’
Au soutien de sa prétention, l’intimée a visé une pièce avec un numéro erroné, tant dans ses conclusions que dans son borderau, et ce en contradiction avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de sa prétention et faisant obstacle à la nécessité d’un débat loyal.
Il résulte de l’ensemble des éléments développés supra qu’aucun acte de harcèlement commis par Mme [C] dans l’exercice de ses fonctions de responsable commerciale n’est démontré par l’employeur, rendant en conséquence le licenciement de celle-ci sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les parties conviennent d’un salaire de référence de 7302,56 euros bruts.
La salariée peut prétendre au paiement des sommes suivantes :
– une indemnité compensatrice de préavis de trois mois en application de l’article 10.10 de la convention collective des exploitations agricoles de [Localité 8], soit la somme brute de 21907,62 euros outre les congés payés afférents de 2190,76 euros bruts.
– une indemnitéde licenciement de 24901,73 euros calculée sur la base du salaire de référence.
– le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire d’un montant brut de 3496,63 euros tel que figurant sur le bulletin de salaire du mois de mars 2019,outre la somme de 349,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Concernant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [C] considère avoir fait l’objet d’un harcèlement moral pour conclure à l’exclusion des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail.
Or, elle ne développe aucune argumentation à ce titre, ni ne produit aucun élément démontrant ses allégations.
Ce faisant, au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C], de son âge, de son ancienneté (12 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 70000 euros le préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.
En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la SCI Château de Nalys doit être condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.
Sur le treizième mois
L’employeur soutient que la salariée a été remplie de ses droits et renvoie la cour à ses pièces n°6 (bulletin de salaire de mars 2019), 11 (solde de tout compte) et 13 (attestation Pôle emploi).
La lecture de ces documents montre qu’une somme de 8254,82 euros bruts a été versée à la salariée à titre de ‘prime exceptionnelle’, mais correspondant au treizième mois pour l’année 2018 et le prorata de l’année 2019, la même mention figurant sur les bulletins de salaire des mois de mars des années antérieures, ladite prime étant versée avec le salaire de mars de l’année N+1 (avenant du 1er janvier 2011), l’appelante ne démontrant pas pouvoir prétendre à une somme complémentaire à ce titre.
Mme [C] sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de prétention.
Sur la remise des documents
La SCI Château de Nalys devra remettre à Mme [C] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à l’arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante.
Les dispositions du jugement critiquée concernant les frais irrépétibles et les dépens seront réformées
La SCI Château de Nalys prendra à sa charge les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Réforme le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,
Et statuant à nouveau,
Dit le licenciement de Mme [A] [C] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SCI Château de Nalys à payer à Mme [A] [C] les sommes suivantes :
– 21907,62 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 2190,76 euros bruts,
– 24901,73 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 3496,63 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre la somme de 349,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 70000 euros à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif ,
– 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière,
Ordonne à la SCI Château de Nalys de remettre à Mme [A] [C] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à l’arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte,
Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SCI Château de Nalys aux dépens de première instance et d’appel,
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Laisser un commentaire