Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02100

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Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02100

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° ,22 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02100 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBS2R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° F 19/00075

APPELANTE

Madame [B] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMEE

Association ORIENTATION DEVELOPPEMENT EMPLOI (ODE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffières, lors des débats : Madame Joanna FABBY et Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES

L’association Orientation Développement Emploi (ci-après désignée l’association ODE) a pour but d’aider les personnes rencontrant des difficultés particulières à se réinsérer sur le marché de l’emploi.

Elle employait à titre habituel au moins onze salariés.

Les relations entre l’association ODE et ses salariés n’étaient pas régies par une convention collective.

Mme [B] [F], née le 13 juillet 1950, a été engagée par l’association Partage 77 par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour la période du 15 avril 2005 au 14 avril 2006 en qualité de chargé de mission. La durée mensuelle de travail de 76h stipulée au contrat a été étendue à 106,33 heures par avenant n°1 prenant effet le 26 mai 2005.

Par avenant n°3, Mme [F] a été engagée par l’association Partage 77 par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 avril 2006 en qualité de chargée de mission accompagnement vers l’emploi.

Le 1er janvier 2007, le secteur RMI géré par l’association Partage 77 a été transféré à l’association ODE.

Par avenant du 19 décembre 2006, le contrat de travail de Mme [F] a été transféré à l’association ODE, la salariée occupant désormais les fonctions de chargée d’insertion professionnelle. Mme [F] était alors âgée de 56 ans.

Lors d’une visite du 28 juin 2016, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude temporaire de Mme [F] et a prescrit une visite de la salariée auprès de son médecin traitant. A cette fin et par courrier du 28 juin 2016, le médecin du travail a écrit à ce dernier : ‘Je vois en ce jour votre patiente, Mme [F], 65 ans, dans le cadre de la médecine du travail. La patiente bien connue sur le plan médical présente un état d’épuisement professionnel avec syndrome anxio dépressif réactionnel. Insomnie aigüe, pleurs à l’entretien, difficultés de concentration intellectuelle et de vigilances l’exposant à des erreurs professionnelles, surcharge de travail, charge mentale intense (accompagnement vers l’emploi d’un public RSA) soumise aux objectifs quantitatifs. Je suis dans l’obligation de la retirer temporairement de son poste pour lui permettre de se ressourcer et de pouvoir rebondir professionnellement. La patiente comprend la nécessité d’un soutien de psychologie’.

Du 28 juin 2016 à la rupture du contrat de travail, Mme [F] a fait l’objet d’arrêts maladie de manière continue.

Le 11 mai 2018, Mme [F] a adressé à l’Assurance maladie de [Localité 5] une déclaration de maladie professionnelle pour syndrome anxio-dépressif majeur suite à épuisement professionnel.

Lors d’une visite du 6 septembre 2018, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude définitive de Mme [F] à son poste, tout en précisant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 24 septembre 2018, Mme [F] a adressé à la [Adresse 3] (MDPH) de [Localité 5] une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Par courrier du 23 novembre 2018, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 4 décembre 2018 en vue d’un éventuel licenciement. Cet entretien a été repoussé au 21 décembre 2018 en raison d’un problème postal. Mme [F] était présente à cet entretien et assistée de M. [P], délégué du personnel.

Par courrier du 15 janvier 2019, l’association ODE a notifié à Mme [F], alors âgée de 68 ans, son licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Soutenant que son inaptitude était liée à un harcèlement discriminatoire et au manquement par l’employeur à son obligation de sécurité, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun le 12 février 2019 aux fins d’obtenir la condamnation de l’association ODE au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par courrier du 1er mars 2019, la MDPH de [Localité 5] a notifié à Mme [F] une décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 28 février 2019 au 31 janvier 2024.

Par courrier du 2 mai 2019, l’Assurance maladie de [Localité 5] a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée le 11 mai 2018 par Mme [F].

Par courrier du 15 juillet 2019, l’association ODE a contesté cette reconnaissance devant la commission de recours amiable. Les suites de cette procédure ne sont pas indiquées par les parties.

Par jugement du 11 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit que la CPAM a reconnu que la maladie professionnelle de Mme [F] est d’origine professionnelle,

Dit que Mme [F] était fondée à percevoir les sommes découlant du caractère professionnel du licenciement,

Donné acte de ce que l’association ODE a versé à Mme [F] le 21 mai 2019 les sommes de 5.300 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 530 euros de congés payés afférents et 6.547,09 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement,

Débouté Mme [F] de ses demandes,

Débouté l’association ODE de ses demandes,

Mis les dépens à la charge de l’association ODE.

Le 9 mars 2020, Mme [F] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 9 août 2022, Mme [F] demande à la cour de :

La recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondée,

Donner acte de ce qu’elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Melun afin d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’association ODE,

Infirmer le jugement sauf en ce qu’il a :

– jugé que son licenciement pour inaptitude était d’origine professionnelle et qu’elle était fondée à percevoir les sommes de 5.300 euros au titre du préavis outre 530 euros de congés payés et 6.547,09 euros à titre du reliquat,

– débouté l’association ODE de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau,

Fixer sa rémunération moyenne mensuelle brute à 2.650,40 euros,

Fixer son ancienneté à la date du 15 avril 2005,

Dire et juger qu’elle a été victime, à titre principal, de harcèlement moral discriminatoire fondé sur l’âge et à titre subsidiaire d’un burn-out du fait du stress au travail, d’atteinte à son équilibre psychologique et de souffrance au travail, et qu’en tout état de cause, l’association ODE a manqué à son obligation de prévention des risques psychosociaux,

Dire et juger que l’association ODE a manqué à son obligation de sécurité de résultat découlant de l’article L. 4121-1 du code du travail,

Dire et juger que son contrat de travail a été exécuté de manière déloyale,

Dire et juger que son licenciement pour inaptitude est d’origine professionnelle,

En conséquence,

Dire et juger qu’elle était fondée à percevoir les sommes de 5.300 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 530 euros au titre des congés payés afférents et 6.547,09 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement versés par l’association ODE,

Débouter l’association ODE de sa demande reconventionnelle de remboursement de ces sommes,

A titre principal, dire et juger que son licenciement est nul du fait du harcèlement moral discriminatoire subi,

A titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse du fait des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ayant causé l’inaptitude,

En conséquence,

Condamner l’association ODE à lui verser les sommes suivantes :

– à titre principal 63.609,60 euros nets de CSG CRDS à titre d’indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire 30.479,6 euros nets de CSG CRDS à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.041,14 euros à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de congés payés,

– A titre de reliquat d’indemnité de licenciement du fait de l’erreur dans l’ancienneté : à titre principal, si la cour juge que l’inaptitude est professionnelle : 7.084,22 euros nets de CSG CRDS à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement et à titre subsidiaire, si la cour juge que l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle : 3.391,91 euros nets de CSG CRDS à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement,

Dire et juger qu’elle était fondée à obtenir les sommes suivantes :

– 5.300 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 530 euros au titre des congés payés afférents et 6.547,09 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement versés par l’association ODE,

– 11.661,76 euros au titre du maintien de salaire, outre 1.116,17 euros à titre de congés payés afférents sur la période de septembre 2016 à juin 2018,

En conséquence,

Débouter l’association ODE de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles formées à titre incident,

Ordonner à l’association ODE de lui communiquer le registre d’entrée et de sortie du personnel et les formalités de dépôt du règlement intérieur,

Ordonner à l’association ODE de lui remettre les documents de fin de contrat (bulletin de salaire, attestation Pôle Emploi, solde tout compte, certificat de travail) conformes à la décision à venir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du huitième jour suivant la notification de l’arrêt,

Condamner l’association ODE à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

Condamner l’association ODE aux entiers dépens y compris les frais d’exécution de la décision à intervenir,

Autoriser la SELARL BDL Avocats à recouvrer les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 2 septembre 2022, l’association ODE demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la CPAM a reconnu la maladie professionnelle de Mme [F] en date du 2 mai 2019 et dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F] est d’origine professionnelle,

– dit que Mme [F] était fondée à percevoir les sommes découlant du caractère professionnel du licenciement,

– donné acte de ce qu’elle a versé à Mme [F] le 21 mai 2019 les sommes de 5.300,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 530,08 euros de congés payés afférents et 6.547,09 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles, à savoir:

– juger l’embauche de Mme [F] au 1er janvier 2007 et fixer son ancienneté à cette date,

– juger que Mme [F] a été parfaitement remplie de ses droits de quelque nature qu’ils soient,

– juger que l’inaptitude de Mme [F] est non professionnelle,

– juger que Mme [F] a perçu indument les sommes suivantes : 5.300,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 530 euros de congés payés afférents et 6.547,09 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– juger que Mme [F] a perçu indument 20% de son salaire mensuel brut de septembre 2016 à juin 2018,

– juger qu’elle est parfaitement justifiée en sa demande en répétition de l’indu (maintien du salaire perçu de septembre 2016 à juin 2018 et congés payés afférents),

En conséquence,

Débouter Mme [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamer Mme [F] à lui verser les sommes suivantes :

– remboursement d’indemnité compensatrice de préavis indûment versée : 5.300,80

euros,

– remboursement des congés payés afférents : 530,08 euros,

– remboursement d’indemnité de licenciement indûment versée : 6.547,09 euros,

Condamner Mme [F] à lui verser la somme de 11.661,76 euros à titre de répétition de l’indu sur le maintien du salaire perçu de septembre 2016 à juin 2018 et la somme de 1.166,17 euros au titre des congés payés afférents,

Condamner Mme [F] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [F] aux entiers dépens y compris les frais d’exécution de la décision à intervenir,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [F] de ses autres demandes,

A titre principal,

Juger que Mme [F] ne démontre pas l’existence d’une présomption de harcèlement moral discriminatoire,

Juger que la demande de nullité du licenciement de Mme [F] est infondée,

En conséquence,

Débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Juger que Mme [F] ne justifie pas qu’elle a manqué à son obligation de sécurité, de prévention des risques psychosociaux et en matière de burn out du fait du stress au travail, d’atteinte à son équilibre professionnel et de souffrance au travail,

Juger que le contrat de travail de Mme [F] n’a pas été exécuté de manière déloyale,

Juger infondée la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à son obligation de sécurité,

En conséquence,

Débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

Juger l’embauche de Mme [F] au 1er janvier 2007 et fixer son ancienneté à cette date,

Juger que Mme [F] a été parfaitement remplie de ses droits de quelque nature qu’ils soient,

Juger que l’inaptitude de Mme [F] est non professionnelle,

Juger que Madame [F] a perçu indument les sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 5.300,80 euros,

– congés payés afférents : 530,08 euros,

– indemnité de licenciement : 6.547,09 euros,

Juger que la demande d’indemnité compensatrice de congés payés de Mme [F] est infondée,

Juger que Mme [F] a perçu indument 20% de son salaire mensuel brut de septembre 2016 à juin 2018,

Juger que la demande de reliquat d’indemnité de licenciement de Mme [F] est infondée, que ce soit à titre principal ou à titre subsidiaire,

Juger la demande de répétition de l’indu (maintien du salaire perçu de septembre 2016 à juin 2018 et congés payés afférents) bien fondée,

Juger infondée la demande de sommation de communiquer tant du registre d’entrée et de sortie du personnel que des formalités de dépôt du règlement intérieur,

En conséquence,

Débouter Mme [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Mme [F] à lui verser les sommes suivantes :

– remboursement d’indemnité compensatrice de préavis indûment versée : 5.300,80 euros,

– remboursement des congés payés afférents : 530,08 euros,

– remboursement d’indemnité de licenciement indûment versée : 6.547,09 euros,

Condamner Mme [F] à lui verser la somme de 11.661,76 euros à titre de répétition de l’indu sur le maintien du salaire perçu de septembre 2016 à juin 2018 et la somme de 1.166,17 euros au titre des congés payés afférents,

Condamner Mme [F] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [F] aux entiers dépens y compris les frais d’exécution de la décision à intervenir.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 5 octobre 2022.

MOTIFS :

Au préalable, il est rappelé que les demandes de ‘donner acte’ ou ‘dire et juger’ ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, de sorte que la cour n’a pas à y répondre.

Sur la demande principale de nullité du licenciement en raison du harcèlement discriminatoire subi

Mme [F] expose dans ses dernières écritures (p.30-33) avoir fait l’objet d’un harcèlement moral en lien avec une situation de discrimination liée à son âge qu’elle dénomme ‘harcèlement discriminatoire’ et sollicite de ce fait la nullité de son licenciement.

En défense, l’employeur conteste tout harcèlement discriminatoire et sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement de la salariée fondée sur ce motif.

***

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement.

Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 du même code est nul.

L’article L.1132-1 du code du travail prohibe toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge et en application de l’article L. 1134-1, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge forme alors sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Le licenciement fondé sur une discrimination liée à l’âge du salarié est en application des dispositions de l’article L. 1132-4 du code du travail nul.

***

Mme [F] soutient que l’association ODE n’a ni répondu ni fait droit à ses trois demandes d’évolution de carrière en raison de pratiques discriminatoires liées à l’âge mises en oeuvre par l’employeur et dont la preuve résiderait dans l’aveu de l’association.

En premier lieu, Mme [F] fait référence dans ses écritures à l »aveu des pratiques discriminatoires sur l’âge par l’association ODE’ (p.30).

Elle entend établir cet aveu en se référant à :

– deux attestations par lesquelles M. [X], ancien salarié de l’association, a notamment indiqué : ‘Au moins par deux reprises, [H] [A] a voulu obtenir mon assentiment, en me disant : elle est fatiguée, elle serait mieux chez elle à prendre sa retraite, à son âge, vous ne trouvez pas [J]’,

– un courriel du 21 janvier 2014 par lequel la présidente de l’association ODE a notamment écrit aux salariés : ‘je vous suis reconnaissante d’avoir mené les débats avec professionnalisme appuyé par vos deux cadres et l’aide précieuse des plus jeunes de l’équipe’,

– un courriel du 2 février 2016 par lequel Mme [A], directrice de l’association ODE, a notamment écrit aux salariés : ‘Lors de cette réunion, nos interlocuteurs nous ont exposé la nouvelle politique d’insertion des élus du département et sa mise en place immédiate mais surtout l’ensemble des fragilités de notre équipe actuelle et notre grande difficulté en cas de non-changement de notre part, d’envisager de postuler au prochain AP AAVE en 2017″,

– un courriel du 3 février 2016 par lequel Mme [A] a écrit à Mme [F] : ‘Je te répondrai à la réunion [B] mais tu fais fausse route dès le début. La commande du département n’est plus d’être sur un accompagnement pédagogique mais un traitement de masse ! Déjà tu démarres en te leurrant et en restant sur tes positions. Parles en aux plus jeunes et plus modérés qui ont rejoint l’équipe et confronte ta réalité à la leur. Le métier a changé et si nous voulons garder un peu de notre âme, il est urgent de prendre en considération ces changements. A bientôt’.

En l’occurrence, il ne se déduit nullement des documents précités que l’employeur a avoué la pratique de discriminations fondées sur l’âge au sein de l’association.

Par suite, l’aveu allégué n’est nullement établi.

En second lieu, Mme [F] soutient qu’elle a sollicité l’association ODE à trois reprises pour bénéficier d’une évolution de carrière sans qu’aucune réponse ne lui soit jamais apportée.

A l’appui de ses allégations, elle se réfère à :

– un courriel du 7 octobre 2013 par lequel elle a candidaté auprès de l’employeur à un poste de coordonateur AVE occupé par son supérieur hiérarchique M. [E] qui avait ouvert ses droits à la retraite,

– deux courriers des 24 mai et 20 octobre 2014 par lequels Mme [F] a sollicité de l’employeur une augmentation de salaire.

Il ne ressort d’aucun élément versé aux débats que l’employeur ait répondu à ces courriers.

Toutefois, la seule absence de réponse par l’employeur aux trois courriers qui lui ont été adressés par la salariée est insuffisante pour caractériser des éléments de fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement de la salariée fondée sur le harcèlement discriminatoire invoqué.

Mme [F] sera ainsi déboutée de ses demandes pécuniaires subséquentes.

Sur la demande subsidiaire liée au manquement à l’obligation de sécurité :

Mme [F] soutient à titre subsidiaire dans ses dernières écritures (p.34 à 64) que le licenciement pour inaptitude qui lui a été notifié le 15 janvier 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur étant à l’origine de son inaptitude en raison de manquements à son obligation de sécurité et à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

En défense, l’association soutient au contraire qu’elle a respecté l’ensemble de ses obligations et que le licenciement de la salariée n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***

L’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’employeur en application de l’article L. 4121-1 du code du travail lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité qui l’a provoquée.

Selon l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

***

De manière générale, Mme [F] reproche à l’employeur des conditions de travail dégradées liées à une surcharge de travail, à l’absence de fiche de poste et au manque de moyens matériel et financier au sein de l’association ayant abouti à son burn-out.

A l’appui de ses allégations, elle se réfère à :

– une partie du rapport de stage de Mme [Z] déposé en 2013 dans lequel celle-ci a mentionné que l’équipe Accompagnateur Vers L’emploi (AVE) n’avait pas pu lui consacrer du temps car ses membres étaient ‘débordés par la charge de travail à laquelle ils devaient faire face’,

– des attestations par lesquelles M. [X] a notamment affirmé qu’il n’avait pas de budget pour sa mission de responsable informatique au sein de l’association,

– un courriel du 28 juin 2016 par lequel M. [U] a tenté d’expliquer à l’employeur son retard de contractualisation par rapport à ses collègues en lui indiquant qu’il a ‘perdu pied pendant les démarches de licenciement de la collègue (qu’il) remplace de façon permanente depuis 2014 sur les mois d’octobre et novembre 2015″,

– un courriel du 2 février 2016 par lequel M. [P] salarié a ainsi questionné la direction de l’association : ‘Quel est votre positionnement en qualité de gouvernance par rapport à la fragilité de l’équipe c’est le défaut de pilote sur la mission AVE!!!’,

– un rapport d’enquête administrative du 28 septembre 2018 de l’Assurance maladie relatif à sa déclaration de maladie professionnelle de mai 2018. Ce rapport se compose de deux parties : l’une rappelant les réponses de la salariée et de l’employeur aux questions de l’Assurance maladie sur l’environnement professionnel de Mme [F], l’autre comprenant des auditions par l’agent assermenté de l’Assurance maladie du président de l’association ODE et de la salariée,

– des courriels adressés notamment à Mme [F] au sujet des projets AVE et Convergence,

– des échanges de courriels entre Mme [F] et plusieurs stagiaires.

En premier lieu, il ressort de ces éléments qu’avant 2008, Mme [F] gérait entre 90 et 110 personnes en tant que chargée d’insertion professionnelle. Le président de l’association expose qu’à compter de l’année 2008 et l’arrivée du RSA, l’activité de l’association a augmenté et Mme [F] a ainsi dû gérer 140 dossiers à partir de cette année-là. S’il en résulte une augmentation objective de la charge de travail, la cour constate qu’il ressort de l’audition de Mme [F] par l’agent assermenté que celle-ci situe la surcharge de travail dénoncée non pas en 2008 mais en 2013 et ne se réfère nullement à l’augmentation du nombre de personnes à gérer pour l’établir. Par suite, la surcharge de travail alléguée n’est pas liée à cette augmentation. Dès lors, le rapport de Mme [Z], stagiaire entre 2011 et 2013 au sein de l’association est inopérant pour établir la surcharge de travail de Mme [F], outre que ce rapport n’est pas suffisamment précis pour établir ce fait. Il en est de même des courriels de MM. [P] et [U] qui ne font état d’aucune surcharge de travail affectant spécifiquement Mme [F].

En deuxième lieu, il ressort également des éléments précités que le président de l’association a reconnu que des changements de logiciels ont nécessité la mise en oeuvre de formations au profit des salariés car les nouveaux logiciels étaient générateurs de surcharge de travail en cas de mauvaise saisie. Or, non seulement Mme [F] a indiqué à l’agent assermenté de l’Assurance maladie que sa surcharge de travail était liée au changement par quatre fois du logiciel avec déperdition des données en cas de mauvaise saisie, l’obligeant ainsi à ne plus faire de pause méridienne, mais elle conteste également dans ses écritures avoir bénéficié de la formation informatique mentionnée par le président de l’assocation, produisant à cette fin l’attestation de M. [X] affirmant n’avoir pas eu de budget pour sa mission de responsable informatique. Il se déduit de ce qui précède que l’association a changé à plusieurs reprises de logiciels pouvant occasionner une surcharge de travail en cas de mauvaise utilisation. Or, comme le relève la salariée dans ses conclusions, l’employeur ne justifie pas lui avoir fait bénéficier d’une formation informatique afin de prévenir toute mauvaise saisie de donnée.

En troisième lieu, Mme [F] expose que ses missions n’ont pas été définies par l’employeur. Elle en tire argument pour dire qu’en sus de ses missions principales, elle a accompli des missions complémentaires auxquelles elle n’étaient pas tenues à savoir l’accompagnement de 13 stagiaires, la participation à la mission ‘appels de projets’ normalement dévolue à la directrice de l’association, la gestion du ‘groupement convergence’ et son rôle de trésorière bénévole au sein de l’association équestre Graville liée financièrement à l’association ODE et présidée par Mme [A], directrice de l’association ODE.

S’il ne ressort d’aucun élément produit que l’employeur a imposé à la salariée d’être trésorière bénévole de l’association Granville, force est de constater que les courriels produits attestent que Mme [F] a eu à s’occuper de plusieurs stagiaires et a participé aux missions ‘appels de projets’ et ‘groupement de convergence’.

Néanmoins, il est impossible au regard des éléments produits de distinguer entre les missions principales et complémentaires de la salariée puisqu’il n’est produit aucun élément tel que fiche de poste ou pièce contractuelle précisant les missions de la salariée au sein de l’association ODE. Or, il appartenait à l’employeur de définir précisément ces missions.

De même, il est impossible au regard des éléments produits d’affirmer que les ‘missions complémentaires’ réalisées par la salariée étaient de nature à créer une surcharge de travail dans la mesure où aucune quantification du temps passé à ces différentes activités n’est précisée dans ses écritures, la salariée se bornant à renvoyer sur ce point à 11 courriels qu’elle a adressé à l’employeur entre 2011 et 2016 soit tôt soit tardivement, à ses propres déclarations lors de l’enquête devant l’Assurance maladie selon lesquelles ses horaires de travail étaient de 9h à 12h30 et de 13h30 à 18H et aux attestations de son mari et de M. [X] affirmant qu’elle pouvait ne rentrer à son domicile que vers 18H30. En outre, contrairement aux affirmations de Mme [F] et comme le relève le conseil de prud’hommes, il ne se déduit pas des éléments produits que la salariée a alerté l’employeur sur une quelconque surcharge de travail.

Il se déduit de ce qui précède que l’employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en :

– ne faisant pas bénéficier à la salariée d’une formation informatique rendue indispensable par le changement de logiciel,

– ne définissant pas les missions de la salariée.

Par contre, il ne peut se déduire des éléments produits que ces manquements ont eu pour conséquence une surcharge de travail avérée à l’égard de la salariée.

***

Mme [F] expose que l’association ODE était confrontée à un public difficile et agressif et reproche à l’association de ne pas avoir mis en place une cellule de debriefing avec un psychologue qui lui aurait permis d’exprimer ses difficultés.

A l’appui de ses allégations, la salariée entend se référer à une attestation de M. [X] par laquelle ce dernier a indiqué avoir alerté ‘par courrier du 13 décembre aux institutions aux délégués du personnel’ sur le ‘comportement d’ODE dangereux pour la santé de ses salariés’. Dans cette attestation, M. [X] soutient que compte tenu du public difficile et des défaillances de la direction, le personnel de l’association était en détresse et en souffrance. Il indiquait avoir vu des salariés et notamment Mme [F] pleurer compte tenu de ces circonstances. La salariée se réfère également au rapport de stage de Mme [Z] selon lequel l’ambiance était très conflictuelle au sein de l’association. Enfin, elle se réfère à ses propres déclarations contenues dans des courriers et courriels.

En premier lieu, comme le relève justement l’association ODE, il n’est nullement établi qu’une norme lui imposait de mettre en place une cellule de debriefing compte tenu de son activité.

En second lieu, les éléments produits ne sont pas suffisamment précis pour établir, d’une part, que des faits précis, datés et circonstanciés auraient été commis à l’encontre de la salariée par un membre de la direction ou par une personne prise en charge par l’association et, d’autre part, que l’appelante aurait demandé à l’employeur la mise en oeuvre d’une cellule de debriefing avant le 28 juin 2016, date à laquelle débutait sa période d’arrêt de travail.

Il se déduit de ce qui précède qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité et à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut être reproché en l’espèce à l’employeur.

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Mme [F] reproche à l’employeur l’absence de formation de 2010 à 2016, d’entretien d’évaluation, d’entretien professionnel et de plan de formation.

En premier lieu, l’article L. 6315-1 du code du travail dispose qu’à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Or, en l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur qu’il a réalisé au profit de la salariée l’entretien professionnel prévu par ce texte. Il a ainsi exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

En second lieu, l’article L. 6321-1 du code du travail dispose que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Il ressort de ce dernier texte que ce plan de formation est assuré à l’initiative de l’employeur. Or, en l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par ce dernier qu’il a évalué les besoins de formation de la salariée entre 2010 et 2016, qu’il lui a proposé des formations et qu’il a mis en oeuvre le plan de formation prescrit par les dispositions législatives précitées. Il s’en déduit que l’association ODE a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

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Mme [F] reproche à l’employeur l’absence de revalorisation salariale significative en 13 années d’exercice malgré ses demandes en ce sens dans ses courriers des 24 mai et 20 octobre 2014 susmentionnés.

En défense, l’employeur soutient qu’il n’était tenue par aucune norme d’accorder à l’appelante une revalorisation salariale et qu’entre son intégration au sein de l’association ODE et la rupture du contrat de travail, elle a néanmoins bénéficié de plusieurs augmentations de salaire.

En l’espèce, il ressort des bulletins de paye produits que, comme l’affirme l’employeur, la salariée bénéficiait au moment du transfert de son contrat de travail en 2007 d’un salaire mensuel brut de 1.930 euros et que celui-ci a été augmenté à 2.350 euros en 2009, à 2.450 euros en 2011 et à 2.650,40 euros en 2015.

Or, comme le souligne l’association ODE, il n’est nullement justifié qu’une norme imposait à celle-ci de faire bénéficier à Mme [F] d’une revalorisation salariale supérieure.

Dès lors, aucun manquement à son obligation de sécurité et à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut être reproché en l’espèce à l’employeur.

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Mme [F] reproche à l’employeur d’avoir inexécuté le règlement intérieur de l’association en ne souscrivant pas à son profit un contrat de prévoyance pour garantir sa rémunération au cours de sa période d’arrêt maladie de juin 2016 à juillet 2018. Elle expose ainsi avoir été obligée de solliciter de l’employeur une avance sur salaire en octobre 2016 qui lui a versée à titre d’acompte pour la somme de 2.000 euros bruts, l’association ODE lui ayant ensuite réglé à compter du mois de novembre 2016 la totalité de son salaire.

En défense, l’association ODE expose avoir réglé la totalité du salaire de Mme [F] entre septembre 2016 et juin 2018, soit la somme mensuelle brute de 2.650 euros alors qu’au titre de la prévoyance elle ne devait lui verser que 80% de cette somme soit un salaire mensuel brut de 2.120,32 euros. Elle sollicite ainsi de manière reconventionnelle et à titre de répétition de l’indû la différence entre le montant perçu par la salariée et le montant qu’elle aurait dû percevoir sur la période considérée soit la somme de 11.661,76 euros, outre 1.166,17 euros de congés payés.

En l’occurence, l’article 8 du règlement intérieur de l’association ODE stipule :

‘8.1. En cas d’arrêt maladie, la structure assure le versement complet du salaire lors du 1er arrêt maladie et cela jusqu’à une durée d’un mois maximum si et seulement si la salariée totalise le nombre d’heures de travail nécessaire pour une prise en charge par la sécurité sociale.

(…)

8.3. A partir du 2ème mois d’arrêt, la prévoyance souscrite par la structure prendre le relai des versements. Toutefois, un délai de préavis d’un mois s’applique : le salarié ne sera donc indemnisé qu’à compter du 61 jour d’arrêt’.

En premier lieu, il ressort des stipulations de l’article 8.3 du règlement intérieur que l’association ODE a l’obligation de souscrire un contrat de prévoyance au profit de ses salariés pour garantir leur rémunération à compter du 61ème jour d’arrêt maladie. Or, comme le souligne Mme [F], il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur qu’il a souscrit un tel contrat pouvant bénéficier à la salariée pour sa période d’arrêt maladie débutant en juin 2016. Dès lors, la cour considère que l’association a méconnu les stipulations de l’article 8.3 du règlement intérieur et, par voie de conséquence, que celle-ci a a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

En second lieu, il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la rémunération d’un salarié, et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de celle-ci, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Si l’association ODE soutient que la prévoyance stipulée au règlement intérieur n’était de nature qu’à couvrir 80% de la rémunération de la salariée et non sa rémunération totale, elle ne se rèfère pour le dire à aucune norme législative, conventionnelle ou contractuelle. La cour constate en outre que le règlement intérieur ne précise nullement si seule une partie de la rémunération de la salariée est couverte par la prévoyance dont la souscription incombe à l’employeur.

Par suite, l’association ODE ne justifie pas qu’elle ne devait régler que 80% de la rémunération de Mme [F] pendant la période d’arrêt maladie et qu’elle a donc versé un indû en lui accordant pendant cette période la totalité de sa rémunération.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’association ODE de sa demande reconventionnelle en répétition de l’indû.

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L’article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres stipule : ‘Les employeurs s’engagent à verser, pour tout bénéficiaire visé aux articles 4 et 4 bis (cadres) de la convention ou à l’annexe IV à cette convention, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale’.

Les parties s’accordent sur le fait que les stipulations de l’article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres s’appliquaient à Mme [F].

Mme [F] reproche à l’association ODE de n’avoir pas cotisé à son profit à hauteur de 1,5% de la tranche A pour l’assurance des cadres en cas de décès, conformément à ce texte.

Pour justifier de l’exécution de cette obligation conventionnelle, l’employeur se borne à énoncer dans ses écritures (p.37): ‘il suffit de se reporter aux bulletins de paie pour constater le paiement des cotisations au titre de la prévoyance’ sans autre précision.

Or, contrairement aux allégations de l’association ODE, il ne peut se déduire des mentions des bulletins de paie produits qu’elle a exécuté l’obligation mise à sa charge par l’article 7 précité alors que la preuve de cette exécution lui incombe conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil. Dès lors, la cour considère que l’association a méconnu les stipulations de l’article 7 précité et, par voie de conséquence, que celle-ci a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

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Mme [F] reproche à l’association ODE une communication tardive aux représentants du personnel de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, ceux-ci n’en ayant été informés que le 6 novembre 2018 alors que sa demande a été adressée à l’Assurance maladie en mai 2018. Toutefois, la salariée ne justifie nullement que l’employeur a ainsi méconnu une disposition de nature légale, conventionnelle ou contractuelle s’imposant à lui. Dès lors aucun manquement à son obligation de sécurité et à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut lui être reproché en l’espèce.

Mme [F] reproche également à l’employeur son intention de nuire au cours de l’enquête menée par l’Assurance maladie relative à sa déclaration de maladie professionnelle. Plus précisément, elle reproche à l’association ODE d’avoir instrumentalisé la maladie de son fils en déclarant à l’enquêteur de l’Assurance maladie que ‘Mme [F] était dans une situation difficile avec son fils malade qui est majeur’ et d’avoir fait obstacle à l’audition de certains de ses collègues. S’il est vrai que l’enquêteur a noté la phrase précitée dans son enquête, il ne peut se déduire de celle-ci que l’employeur a entendu ‘instrumentaliser’ la maladie du fils de la salariée pour dénier tout caractère professionnel à la maladie déclarée par elle. De même, les témoignages produits ne permettent d’attester de l’intention de nuire alléguée par la salariée dans ses écritures. Dès lors aucun manquement à son obligation de sécurité et à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut être reproché à l’association ODE en l’espèce.

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Mme [F] reproche à l’employeur l’absence de prévention des risques psychosociaux au sein de l’association ODE.

Plus précisément et en premier lieu, elle soutient que l’employeur n’a pas réalisé la mise à jour au moins annuelle du document unique de prévention des risques comme lui impose l’article R. 4121-2 du code du travail.

L’employeur ne justifie nullement avoir réalisé les mises à jour du document unique, se bornant à énoncer que ces faits ne sont pas de nature à causer un préjudice à la salariée.

L’employeur ne justifiant pas dans ses écritures de la mise à jour requise par les dispositions réglementaires précitées, la cour considère dès lors qu’il a méconnu l’article R. 4121-2 du code du travail et, par voie de conséquence, a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

En second lieu, selon l’article L. 1321-4 du code du travail, le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité social et économique, est communiqué à l’inspecteur du travail.

Mme [F] reproche à l’employeur de ne pouvoir justifier des formalités de dépôt et de publicité du règlement intérieur alors ce document est indispensable dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux puisqu’il doit notamment comporter les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité conformément aux dispositions de l’article L. 1321-1 du code du travail.

L’employeur ne justifiant pas dans ses écritures des formalités de dépôt et de publicité requises par les dispositions législatives précitées, la cour considère dès lors qu’il a méconnu l’article L. 1321-1 du code du travail et, par voie de conséquence, a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

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En premier lieu, il ressort des pièces versées aux débats que suite à une enquête menée en septembre 2018 sur les conditions de travail de Mme [F], l’Assurance maladie de [Localité 5] a reconnu le 2 mai 2019 le caractère professionnel de la maladie déclarée le 11 mai 2018 par l’appelante à savoir un syndrome anxio-dépressif majeur suite à un épuisement professionnel, précédemment constaté par le médecin du travail dans le courrier qu’il a adressé le 28 juin 2016 au médecin traitant de la salariée suite à son avis d’inaptitude temporaire du même jour. Si l’avis d’inaptitude définitive ne reprend pas expressément ce diagnostic, il n’est pas contestable que cette inaptitude est directement liée à l’avis du 28 juin 2016 précité, d’autant que le médecin du travail y précisaitque l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’association. Il ressort en outre du courrier de l’association ODE du 15 juillet 2019 portant recours contre la décision du 2 mai 2019 précitée de l’Assurance maladie de [Localité 5] que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avait ainsi motivé son avis conduisant à la décision contestée : ‘Les conditions de travail telles qu’elles ressortent de l’ensemble des pièces du dossier ainsi que la chronologie d’apparition des symptômes et leur nature permettent de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel (de Mme [F]) et la maladie déclarée (par cette dernière)’.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que l’inaptitude constatée par le médecin du travail a au moins partiellement une origine professionnelle et ce, nonobstant le fait que l’association ODE a exercé un recours à l’encontre de la décision du 2 mai 2019 de l’Assurance maladie de [Localité 5] précitée.

En second lieu, il ressort des éléments produits que les difficultés entre l’association et la salariée ont pour origine l’année 2013 au cours de laquelle Mme [F] a, d’une part, candidaté en vain au poste de coordinateur AVE, son supérieur hiérarchique M. [E] devant quitter ce poste pour prendre sa retraite et, d’autre part, sollicité des revalorisations salariales qui n’ont pas été suffisamment satisfaites selon ses dires.

Si ces faits ne sont pas en eux-même fautifs et ne peuvent dès lors être reprochés à l’employeur, il n’en demeure pas moins qu’ils s’inscrivent dans le cadre de nombreux manquements à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail constatés par la cour dans ses développements précédents, à savoir :

– l’employeur n’a pas fait bénéficier à la salariée d’une formation informatique rendue indispensable par le changement de logiciel,

– l’employeur n’a pas défini les missions de la salariée,

– l’association a méconnu les dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail entre 2010 et 2016 en n’évaluant pas les besoins de formation de la salariée, ne lui proposant pas de formations et en ne mettant pas en oeuvre un plan de formation à son profit,

– l’employeur n’a pas réalisé d’entretien professionnel au profit de la salariée comme lui imposait de le faire les dispositions de l’article L. 6315-1 du code du travail,

– l’association n’a pas souscrit au profit de l’appelante une assurance de prévoyance afin de couvrir sa période d’arrêts maladie comme lui imposait de le faire les stipulations de l’article 8.3 du règlement intérieur,

– l’employeur n’a pas cotisé à son profit à hauteur de 1,5% de la tranche A pour l’assurance des cadres en cas de décès comme lui imposait de le faire l’article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres,

– l’employeur n’a pas mis à jour le document unique de prévention des risques comme lui imposait de le faire les dispositions de l’article R. 4121-2 du code du travail,

– l’employeur n’a pas procédé aux formalités de dépôt et publicité du règlement intérieur requises par les dispositions de l’article L. 1321-4 du code du travail.

Ces manquements étaient, comme l’affirme la salariée dans ses écritures, de nature à créer chez elle un sentiment de stress, d’isolement et d’abandon par rapport à la direction de l’association et, par voie de conséquence, le syndrome anxio-dépressif d’épuisement professionnel relevé par le médecin du travail et l’Assurance maladie. Ils s’analysent donc en un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Il se déduit de ce qui précède que l’inaptitude de la salariée, cause alléguée de son licenciement, trouve son origine dans le manquement par l’employeur à son obligation de sécurité qui l’a directement provoquée.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le caractère professionnel de l’inaptitude :

L’employeur expose que le licenciement pour inaptitude de Mme [F] n’avait pas d’origine professionnelle. La salariée soutient le contraire.

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie, et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. L’application de celles-ci n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude et il appartient aux juges du fond de rechercher eux-mêmes l’existence de ce lien de causalité.

Ainsi, la qualification d’accident du travail ou de maladie professionnelle rendant applicables les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail ne relève pas de la compétence exclusive de la caisse primaire d’assurance maladie.

Il appartient, en tout état de cause, au juge prud’homal de vérifier si l’inaptitude avait, au moins partiellement, une origine professionnelle et, dans l’affirmative, si l’employeur avait connaissance de cette origine.

En premier lieu, il ressort des développements précédents que l’inaptitude de Mme [F] avait au moins partiellement une origine professionnelle, peu important le fait que l’association ODE ait entendu exercer un recours contre la décision précité de l’Assurance maladie du 2 mai 2019.

En second lieu, il ressort du courrier du 15 juillet 2019 précité portant recours de l’employeur contre la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [F] que la caisse primaire d’assurance maladie a adressé le 4 juin 2018 à l’association ODE la déclaration de maladie professionnelle établie par Mme [F], indiquant qu’elle était victime d’un ‘syndrome d’épuisement professionnel et anxio dépressif’ et accompagnée du certificat médical établi le 7 mai 2018 par le docteur [D] lui prescrivant un premier arrêt de travail d’une quinzaine de jours pour ‘syndrome anxiodépressif majeur suite à un épuisement professionnel’. De même, l’employeur ne conteste pas avoir eu connaissance de l’avis d’inaptitude temporaire de 2016 et du courrier adressé au médecin traitant de la salariée portant un diagnostic identique. Il se déduit de ce qui précède que l’employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude de la salariée au moment de son licenciement survenu le 15 janvier 2019.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que Mme [F] était fondée à percevoir les sommes découlant du caractère professionnel du licenciement pour inaptitude.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

Les parties s’accordent sur le fait que la rémunération moyenne mensuelle brute de Mme [F] doit être fixée à la somme de 2.650,40 euros.

* Sur l’ancienneté de la salariée :

L’association ODE soutient que Mme [F] n’a été engagée par elle qu’à compter du 1er janvier 2007 et que son ancienneté ne doit donc être déterminée qu’à compter de cette date. Au contraire, Mme [F] soutient que son ancienneté doit être fixée à compter du 15 avril 2015, date à laquelle elle a été engagée par l’association Partage 77.

En l’espèce et en premier lieu, il ressort des pièces contractuelles versées aux débats que Mme [F] a été engagée par contrat de travail à durée déterminée du 15 avril 2005 par l’association Partage 77 pour la période du 15 avril 2005 au 14 avril 2006 puis, à compter du 15 avril 2006, par contrat à durée indéterminée du même jour. Par suite, l’ancienneté de la salariée au sein de l’association Partage 77 doit être déterminée à compter du 15 avril 2005 puisqu’elle a été employée sans discontinuité depuis cette date par cette association et ce, jusqu’au transfert de son poste à l’association ODE survenu le 1er janvier 2017.

En second lieu, l’association ODE et la salariée ont conclu un contrat en date du 19 décembre 2006 dénommé ‘avenant au contrat de travail à durée indéterminée signé le 15 avril 2006″ auquel l’association Partage 77 n’était pourtant pas partie et qui stipulait:

‘Ce contrat de travail est conclu dans le cadre d’un avenant modificatif au contrat de travail liant précédemment Mme [B] [F] à l’association Partage 77. Pour des raisons de transfert de l’action AAVE RMI du canton de [Localité 4], initialement efectuée par Partage 77 pour le conseil général de [Localité 5] à l’association ODE à partir du 1er janvier 2007, le poste de Mme [B] [F] initialement employée par Partage 77 pour réaliser cette mission est également transféré. Mme [B] [F] devient donc salariée de ODE en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2007 en qualité de chargée d’insertion professionnelle. (…) Mme [B] [F] conserve certains bénéfices liés à son contrat de travail d’origine dont son ancienneté’.

Il ressort des stipulations de l’avenant du 19 décembre 2006 précité que si Mme [F] n’a été embauchée au sein de l’association ODE qu’à compter du 1er janvier 2007, celle-ci s’est néanmoins engagée à reprendre l’ancienneté de l’appelante au titre de son contrat d’origine avec l’association Partage 77. Par suite, l’ancienneté de Mme [F] au sein de l’association ODE commence au 15 avril 2005 comme elle l’énonce.

* Sur le reliquat d’indemnité spéciale de licenciement :

Les parties s’accordent sur le fait que l’employeur a versé à Mme [F] la somme de 6.547,09 euros à titre d’indemnité de licenciement, puis le 1er mai 2019, une nouvelle somme de 6.547,09 euros pour tenir compte du caractère professionnel de l’inaptitude. Par suite, l’employeur a d’ores et déjà versé la somme de 13.094,18 euros à la salariée à titre d’indemnité de licenciement.

Mme [F] expose que compte tenu de son ancienneté déterminée à compter du 15 avril 2015, elle devait percevoir une indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 20.178,40 euros. Elle sollicite ainsi à titre principal la somme de 7.084,22 euros nets de reliquat. Elle sollicite également le rejet de la demande reconventionnelle de l’employeur de remboursement de la somme de 6.547,09 euros que ce dernier estime avoir indûment versé eu égard au caractère non professionnel de l’inaptitude de la salariée.

En défense, l’employeur s’oppose à la demande pécunaire de Mme [F] en soutenant, d’une part, que le point de départ de l’ancienneté de Mme [F] est le 1er janvier 2007 et non le 15 avril 2005 et, d’autre part, que doit être déduite de sa durée d’ancienneté la période au cours de laquelle elle a bénéficié d’arrêts maladie ayant pour effet de suspendre son contrat de travail et ce, conformément aux dispositions de l’article L. 1234-11 du code du travail qui prévoit que la période de suspension n’entre pas dans la détermination de la durée d’ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement.

En premier lieu, il ressort des développements précédents, d’une part, que le point de départ de l’ancienneté de la salariée est fixée au 15 avril 2005 et, d’autre part, que son inaptitude est d’origine professionnelle.

En deuxième lieu, selon l’article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9.

Selon l’article L. 1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie. La durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l’ancienneté dans l’entreprise.

Selon l’article R. 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans,

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Il se déduit de ces dispositions et des développements précédents que Mme [F] peut utilement réclamer une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemité légale de licenciement, celle-ci étant déterminée à partir d’une ancienneté débutant le 15 avril 2015 et tenant compte des périodes de suspension du contrat de travail liées aux arrêts de travail provoqués par la maladie professionnelle de l’appelante.

Par suite, Mme [F] peut prétendre à une indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 20.178,40 euros, conformément au détail du calcul mentionné dans ses écritures (p.70). Compte tenu des sommes déjà versées, il lui sera alloué un reliquat d’indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 7.084,22 euros nets. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Mme [F] de cette demande.

De même, l’association ODE sera déboutée de sa demande de remboursement. Le jugement sera confirmé en conséquence.

* Sur la demande reconventionnelle de remboursement de l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents :

Les parties s’accordent sur le fait que l’association ODE a versé la somme de 5.300 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 530 euros de congés payés afférents.

L’employeur soutient que la salariée n’avait pas droit au versement de ces sommes en raison du caractère non professionnel de son inaptitude. Il en demande ainsi la restitution. En défense, la salariée soutient le contraire.

L »indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre pas droit à congés payés.

Selon l’article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Compte tenu de l’ancienneté de la salariée et de son salaire, celle-ci doit bénéficier d’une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui d’une indemnité légale de préavis de deux mois, soit 5.300,80 euros.

Par suite a été indûment versée à Mme [F] par l’employeur la somme de 529,20 euros (5.300,80-(5.300+530)). Il y a donc lieu de condamner l’appelante à restituer cette somme à l’association ODE. Le jugement sera infirmé en conséquence.

* Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Mme [F] demande la condamnation de l’employeur à lui verser une somme globale de 4.041,14 euros à titre d’indemnité de congés payés comprenant :

– la somme de 3.668,40 euros au titre de la période de suspension du contrat de travail en application des dispositions de l’article L. 3141-5 du code du travail,

– la somme de 372,74 euros correspondant à une différence de droits ouverts de congés payés constatée sur les bulletins de paye mai et juin 2016.

En défense, l’employeur s’oppose à ces demandes.

En premier lieu, comme l’expose la salariée, l’employeur lui a versé la somme de 3.057,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés pour les congés payés dus au 1er juillet 2016 correspondant selon le bulletin de paye du 1er juillet 2016 à un solde de 25 jours.

Selon l’article R. 3141-3 du code du travail, le point de départ de la période de prise en compte pour le calcul du droit au congé est fixé au 1er juin de chaque année. Autrement dit, comme l’expose l’employeur, les droits à congés sont déterminés sur la période de juin de l’année N-1 à la fin du mois de mai de l’année N.

Or, comme le soutient Mme [F], il ressort des bulletins de paye produits que pour la période de juin 2015 à mai 2016 les droits à congés de l’appelante étaient de 31 jours alors que pour la nouvelle période commençant en juin 2016, ses droits à congés étaient de 28 jours. Ayant pris 3 jours de congés en juin 2016, Mme [F] soutient que son indemnité compensatrice de congés payés arrêtée en juillet 2016 aurait du être calculée à partir d’un solde de 28 jours (31-3) et non de 25 jours. Elle sollicite ainsi un reliquat de congés payés correspondant aux 3 journées indument décomptées selon elle.

L’employeur ne justifie pas dans ses écritures, alors que cette preuve lui incombe, la baisse des droits à congés payés de Mme [F] au titre de l’année 2016/2017 par rapport aux droits accordés pour l’année 2015/2016. Dès lors, faute d’éléments expliquant cette dimimution, il sera accordé à Mme [F] la somme de 372,74 euros bruts à titre de reliquat de congés payés, selon le détail du calcul mentionné dans ses conclusions (p.71).

En second lieu, selon l’article L. 3141-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Par suite et compte tenu des développements précédents, doit être considérée comme une période de travail effectif pour la détermination de la durée de congé la période de suspension du contrat de travail courant entre le 28 avril 2016 et le 15 janvier 2019 et ce, dans la limite d’un an.

Or, il n’est ni allégué ni justifié que l’employeur a versé à Mme [F] l’indemnité de congés payés prescrite par l’article L. 3141-5 du code du travail, dont le montant est déterminé selon le détail du calcul mentionné dans les conclusions de l’appelante (p.71)

Il se déduit de ce qui précède qu’il sera alloué à Mme [F] la somme de 4.041,14 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

* Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme [F] sollicite la somme de 30.479,60 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En défense, l’association ODE s’oppose à cette demande.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

En l’occurrence, pour une ancienneté de 13 ans et dans la mesure où la société employait habituellement plus de onze salariés, l’indemnité minimale s’élève à 3 mois de salaire brut et l’indemnité maximale est de 11,5 mois.

Eu égard à l’âge de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail (68 ans), à son salaire, à son ancienneté, au fait qu’elle perçoit une retraite de 980,56 euros bruts par mois inférieure à son salaire, il convient de lui allouer la somme de 15.000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur le remboursement des indemnités chômage :

Selon les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il ressort des développements précédents que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par la cour. Etant ainsi dans le cas prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les demandes accessoires :

Faute d’argumentaire à cette fin, Mme [F] sera déboutée de sa demande de communication du registre d’entrée et de sortie du personnel et des formalités de dépôt du règlement intérieur.

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents de fin de contrat conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

L’association ODE qui succombe partiellement, est condamnée à verser à Mme [F] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel. L’association ODE doit supporter les dépens d’appel. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [B] [F] de ses demandes pécuniaires au titre du reliquat d’indemnité spéciale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté l’association Orientation Développement Emploi de sa demande de remboursement des sommes versées au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié le 15 janvier 2019 à Mme [B] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l’association Orientation Développement Emploi à verser à Mme [B] [F] les sommes suivantes :

– 7.084,22 euros nets à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement,

– 4.041,14 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 15.000 euros nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel,

CONDAMNE Mme [B] [F] à rembourser à l’association Orientation Développement Emploi la somme de 529,20 euros qui lui a été versée à titre de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités,

ORDONNE la remise par l’association Orientation Développement Emploi au profit de Mme [B] [F] de bulletins de salaire, d’une attestation destinée à Pôle emploi, d’un solde de tout compte et d’un certificat de travail conformes à l’arrêt,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l’association Orientation Développement Emploi aux dépens d’appel,

AUTORISE la SELARL BDL Avocats à recouvrer directement les dépens d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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