Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02073

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Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02073

ARRET

[A]

C/

S.A.R.L. COMPES FRANCE

copie exécutoire

le 30 mars 2023

à

Me Wenzinger

Me Chopin

CB/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 30 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 22/02073 – N° Portalis DBV4-V-B7G-INUJ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 01 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG 21/00072)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [X] [A]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté, concluant et plaidant par Me Jean-Marie WENZINGER, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. COMPES FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d’AMIENS, postulant

concluant et plaidant par Me Agathe CHOPIN de la SELARL CABINET SIPP AVOCATS, avocat au barreau de ARRAS

DEBATS :

A l’audience publique du 02 février 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 30 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 23 avril 2001, M. [X] [A], né le 19 avril 1976, a été embauché par la société Compes France, ci-après nommée l’employeur ou la société, en qualité d’agent de maîtrise, niveau 5, échelon 1, coefficient 305.

La convention collective applicable est celle de la métalurgie de la Somme.

L’entreprise emploie un effectif inférieur à 11 salariés.

Le 16 novembre 2021, M. [X] [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Peronne afin d’obtenir la revalorisation de son statut à l’échelon 2 et au coefficient 335 de la convention collective applicable et de ce fait, afin d’obtenir des rappels de salaire en découlant. Il a également demandé à ce que soit constaté une discrimination salariale à son encontre et a sollicité en ce sens que soit désigné avant dire droit deux conseillers rapporteurs à l’effet qu’ils auditionnent toutes les personnes susceptibles de faire avancer l’instruction.

Par jugement du 1er avril 2022, la juridiction prud’homale a :

dit que les pièces 8 et 9 devaient être écartées des débats ;

débouté M. [X] [A] de sa demande de discrimination salariale ;

débouté M. [X] [A] de sa demande visant à désigner avant dire droit deux conseillers rapporteurs à effet de se rendre sur [Localité 4] d'[Localité 3], pour y auditionner toute personne et faire procéder à toutes mesures d’instruction utiles ;

dit ne pas condamner la société au paiement d’une indemnité spécifique de 3 000 euros pour résistance abusive et vexatoire ;

débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes ;

débouté la société de l’ensemble de ses demandes ;

dit que chaque partie devrait supporter la charge de ses propres dépens.

Le 27 avril 2022, M. [X] [A] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.

Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 5 décembre 2022, dans lesquelles M. [X] [A] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

dire n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces 8 et 9 produites par lui ;

dire et juger qu’il a été victime de discrimination salariale ;

Principalement, de :

condamner la société à lui régler :

– un rappel de salaire de 900 euros bruts, pour la période courant de novembre 2019 à avril

2020,

– un rappel de salaire de 300 euros bruts mensuels à compter du mois de mai 2020 ;

ordonner la revalorisation de son statut à l’échelon 2 et au coefficient 335 de la convention collective applicable ;

débouter la société de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

Subsidiairement, de :

constater le refus de la société de fournir les critères précis de détermination des différences de salaires entre messieurs [Y], [V] et lui-même ;

rejeter la demande d’irrecevabilité formulée par la société ;

désigner avant-dire droit deux conseillers rapporteurs à l’effet de se rendre sur [Localité 4] ‘ [Localité 3], pour auditionner toutes personnes et faire procéder à toutes mesures d’instruction utiles ;

En tout état de cause, de :

condamner la société au paiement d’une indemnité spécifique de 3.000 euros, pour résistance abusive et vexatoire ;

condamner enfin la société au paiement d’une indemnité de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 20 octobre 2022, dans lesquelles la société Compes France demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Peronne le 1° avril 2022 ;

débouter M. [X] [A] de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusion ;

débouter M. [X] [A] de ses demandes de rappels de salaire, le contrat de progrès ne pouvant trouver application ;

A titre subsidiaire, de :

constater qu’il n’existe aucune différence de traitement à l’égard de M. [X] [A] ;

débouter M. [X] [A] de toute demande de communication de pièce sous astreinte, la charge de la preuve lui incombant ;

dire que la demande de désignation d’un conseiller rapporteur est irrecevable ;

A titre subsidiaire, de :

debouter M. [X] [A] de sa demande de désignation d’un conseiller rapporteur ;

En tout état de cause, de :

condamner M. [X] [A] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de dommage et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

condamner M. [X] [A] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaires

M. [X] [A] soutient que le 17 mai 2019 il a signé avec M. [C] un contrat de progrès stipulant une augmentation de salaire en 3 temps en contre-partie d’une activité de programmateur, qu’il a perçu une première augmentation mais pas les suivantes.

Il argue être bien-fondé à réclamer une rémunération équivalente à celle de ses collègues M. [Y] et [V], que l’employeur doit justifier de raisons objectives fondant la différence de salaire, qu’il s’est refusé à communiquer les bulletins de paie des deux collègues qui permettrait de s’assurer du bien-fondé de la différence de rémunération, que la société ne peut invoquer que les fiches de paie qu’il produit aient une origine frauduleuse dés lors qu’elle souhaite maintenir une opacité des situations salariales.

Il fait valoir que les difficultés économiques de l’entreprise ne sont pas corroborées par des pièces comptables objectives, que la seule justification d’une autorisation de licenciement par la Direccte est insuffisante à les établir, que le témoignage de M. [L] n’est pas probant mais qu’il reconnait toutefois qu’il avait réalisé des ouverts et des plaquettes, que M. [C] dont il est invoqué l’absence de pouvoir, avait la qualité de directeur, que la réponse de la société suite à sa réclamation consistant à soutenir qu’il est conditionné à l’atteinte de résultats en terme de programmation consiste en un ajout au contrat de progrès.

Le salarié rapporte que l’employeur ayant procédé à une première augmentation démontre sa réalité et son application, qu’il ne lui a pas été donné d’explication sur l’arrêt de sa mise en oeuvre, que l’attestation de M. [O] a été rédigé pour satisfaire aux demandes de l’employeur et est dénuée de tout caractère probant, que les descriptifs de poste avec ses collègues montrent de très légères différences, que le témoignage de M. [V] est imprécis tant son niveau du diplôme possédé que sur son activité et notamment le nombre des ventes en 10 ans de son logiciel, alors qu’il a débuté la programmation en 2013 non pas en remplacement d’un concepteur mais en supplément.

Il fait valoir que M.[Y] ne programmait que les ponts et pas l’ensemble de l’outillage et que M. [S] devait l’assister alors qu’avec lui ils étaient chargés de l’activité programmation, que son passage en programmation n’avait pas de lien avec la retraite de M. [Y] mais avec la démission de M. [U], qu’il n’a pas eu de mise à niveau pour le premier stade du contrat de progrès car dés le premier jour il était autonome, qu’il produit des pièces sur ses compétences tant en qualité de concepteur que de programmateur, qu’il a réalisé les programmes après le départ de M. [U] en avril 2019, même s’il apparaît toujours le nom de ce dernier après qu’il ait quitté l’entreprise.

Subsidiairement il sollicite de la cour qu’elle désigne un conseiller rapporteur aux fins de procéder à toute mesure d’instruction utile, avec un transport sur les lieux afin de déterminer les tâches précises qui lui étaient confiées ainsi que celles de M. [V] alors que les premiers juges n’ont été saisis que d’une demande de communication de pièces.

La société Compes France s’oppose à cette demande répliquant que la demande de M. [A] ne peut être accueillie car le contrat de progrès ne peut s’appliquer du fait de graves difficultés économiques qui l’ont contrainte à arrêté en totalité la production d’usinage avec pour conséquence l’arrêt de toute programmation, qu’elle établit la réalité de la situation économique avec des pièces comptables démontrant une perte de plus de 500 000 euros au 31 décembre 2018 et baisse de 18, 97 % de l’activité en septembre 2019 qui a entrainé le lincenciement du salarié protégé autorisé par la Direccte.

Elle ajoute que la situation a encore empiré avec la crise sanitaire si bien qu’elle n’a gardé qu’une activité de bureau d’étude ce que le salaré sait parfaitement, que M. [C] a outrepassé ses pouvoirs en signant le contrat de progrès qui n’a été découvert qu’à son départ, qu’il s’était agi d’anticiper le départ de M. [Y], programmeur, que la première augmentation de salaire correspondait à une remise à niveau ; que le salarié n’a travaillé que sur des produits simples déjà définis par M. [V], mais qu’il n’a pas réalisé de véritable logiciel.

L’employeur précise que M. [Y] n’a pas été remplacé, que M.[S] n’effectue que des programmations simples, que le contrat de progrès stipulait une évolution fondée sur l’atteinte des résultats attendus, que le salarié ne peut revendiquer une revalorisation de salaire liée à une formation sans avoir effectué cette formation puisqu’il n’y avait plus d’activité d’usinage.

La société nie toute discrimination, sollicite de la cour qu’elle écarte les pièces 8 et 9 correspondant aux fiches de paie de M. [V] et [Y] qui ne les lui a pas communiquées et se les aient procuré de façon frauduleuse, que M. [A] ne peut se comparer à M. [Y] qui assurait aussi une partie de la gestion des ressources humaines, que M.[V] était aussi concepteur des outillages et développeur de logiciels avec des compétences plus étendues, que M. [A] ne disposait pas d’une fonction de polyvalence qu’elle produit des organigrammes à cet effet, que les nouvelles pièces communiquées par le salarié ne sont pas probantes .

Enfin la société argue que le salarié a bénéficié d’une augmentation de salaire en 2017 puis en décembre 2019 d’une nouvelle augmentation sur la base du premier pallier du contrat de progrès.

Sur ce

Sur l’application du contrat de progrès

En l’espèce M. [A] a produit le contrat de progrés signé le 1er juin 2019 par lui même et M. [C] alors directeur qui stipulait l’évolution du salarié en 3 étapes :

– une première étape au lancement avec une augmentation de salaire de 150 euros mensuels avec nécessité de remettre à niveau pour faire de la programmation, programmation des ouverts et plaquettes en autonomie dans le délai ( référence de temps entre juin et juillet 2019)

– une deuxième étape avec une autre augmentation de salaire de 150 euros mensuels avec nécessité de programmation ouverts de toutes formes, programmation de ponts simples en autonomie dans le délai ( référence de temps en décembre 2019)

– une troisième étape avec dernière augmentation de salaire de 150 euros mensuels avec nécessité de programmation des ponts simples et début de programmation de ponts difficiles en autonomie dans le délai ( référence de temps en juin 2020).

Si l’employeur soutient que M. [C] directeur avait outrepassé ses pouvoirs en signant ce contrat, il est toutefois opposable à la société puisque le directeur par sa signature engageait la société.

M. [A] produit aussi les diverses réclamations afin de voir appliquer ce contrat, soit rédigées par lui-même soit par son conseil et des organigrammes de l’entreprise.

Il est constant que suite à de mauvais résultats économiques débutés en 2018, poursuivis en 2019 qui se sont aggravés en 2020 la société a été contrainte de fermer l’activité usinage qui n’était pas rentable, les difficultés économiques sont avérées contrairement à ce que prétend le salarié.

Le contrat de progrès a été effectif pour le premier stade puisque le salarié a été augmenté de 150 euros.

Le contrat de progrès stipulait que les résultats permettant le passage à l’étape suivante seraient soumis à la validation par des tuteurs. Or du fait de la chute de l’activité puis de la disparition de l’usinage cette validation n’a pas eu lieu ni décembre 2019 ni en juin 2020.

M. [A] verse des listes d’outillages qu’il aurait programmé en octobre, novembre et décembre 2019 précisant pour octobre s’il s’agit de créations, de relances avec modifications ou de relances à l’identique et l’employeur ne réplique pas sur ces listes ne faisant référence qu’à deux programmations réalisées par le salarié en 2015 et 2016, ce qui démontre qu’il avait effectivement avant le contrat de progrès déjà effectué des programmations simples.

L’employeur aurait du faire valider ou refuser de valider le second terme du contrat de progrès alors que le salarié établit sans en être démenti qu’il a réalisé des programmations qui auraient pu être prises en compte pour le passage du second pallier. La société sera donc condamnée à payer à M. [A] une augmentation de 150 euros mensuels à compter du 1er janvier 2020.

En revanche pour la période postérieure la cour ne dispose que de trés peu d’éléments sur la réalisation de programmations telles qu’exigées par le contrat de progrès ce qui ne permet pas de faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base de la troisième étape du contrat de progrès.

Dans ces conditions, la cour, par infirmation du jugement jugera désormais que la demande de M. [A] en augmentation de salaire de 150 euros mensuels à compter du 1er janvier 2020 est bien-fondée et condamnera la société Compes France à lui payer la somme correspondante soit un rappel de salaire de 5850 euros montant arrêté au 30 mars 2023 date du délibéré et dit que le salaire de M. [A] devra être augmenté de 150 euros mensuels à compter du 1er avril 2023.

Du fait du passage à un salaire supérieur à celui précédemment versé le cumul annuel de salaire s’élévera à la somme de 27 792 euros ( 2166+150 mensuels). En application de l’article 3 de la convention collective applicable le salarié est bien-fondé à revendiquer la revalorisation du statut à l’échelon 2 au coefficient 335 qui prévoit que le passage à cet indice se réalise si le salarié perçoit au moins 27454 euros de salaire annuel.

Sur la discrimination

Les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail rappellent qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation, en raison de ses activités syndicales.

La discrimination correspond au fait d’établir une différence entre les salariés en se fondant sur un critère distinctif défini à l’article L 1132-1 du code du travail. Il s’agit de la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable au regard de son sexe, de son âge, de ses orignes, de ses moeurs…

Le principe d’égalité de traitement et la prohibition des discriminations sont des notions voisines et se rapprochent, ayant toutes les deux pour objectif de mettre en lumière une différence de traitement injustifiée.

Cependant, ce qui caractérise la discrimination c’est que la différence de traitement résulte de l’utilisation de critères prohibés par l’article L. 1132-1 du code du travail. En conséquence une différence de traitement entre les salariés d’une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination. M. [A] ne soulève pas d’élément tels que repris à l’article L 1132-1 du code du travail pour fonder sa demande en rappel de salaire.

La cour en déduit qu’il n’est pas argué par M. [A] d’une discrimination mais une inégalité de traitement par rapport à ses collègues.

Le salarié verse une fiche de paie de M. [V] qui a rédigé un témoignage indiquant qu’il n’avait pas remis d’exemplaire à M. [A], que les fiches de paie sont remises en mains propres par le responsable paie de la société et qu’il ne les ouvre que chez lui pour les archiver.

M. [A] n’explique pas la façon dont il est parvenu à obtenir de document qui est par nature confidentiel ce qui suppose qu’il se l’ait procuré de façon déloyale.

Aussi il y lieu d’écarter ce document des débats dont l’utilité n’est que très relative dans la mesure où l’employeur ne conteste pas que la rémunération de M. [A] était moindre que celle de M. [V].

Il en est de même pour la fiche de paie de M. [Y] dont le salarié n’indique pas comment il se l’ai procurée. Mais là encore la cour constate que l’employeur ne conteste pas que la rémunération de M. [A] était moindre que celle de M. [Y].

Le premier organigramme produit par M. [A] le désigne comme FAO/CAO

( fabrication assistée par ordinateur et conception assistées par ordinateur) n’est pas daté mais dans la mesure où l’activité fabrication-usinage a cessé début 2020 il est nécessairement antérieur à cette période, le second qui le désigne comme CAO est daté du 12 juin 2020.

Enfin M. [A] verse des tableaux par année à compter de 2013 qui listent les outillages qu’il affirme voir programmés ce qui justifie l’inégalité de traitement selon lui car les tâches étaient similaires à celles exécutées par M. [V] et [Y] qui les exécutaient aussi.

La société produit quant à elle un organigramme du 15 mars 2021 qui classe M. [A] en CAO et non en FAO.

L’inégalité de traitement suppose un traitement différencié du salarié par rapport à d’autres alors que leur situation tant au regard de la formation que des tâches accomplies sont similaires.

La cour relève sur les fiches de poste communiquées que M. [Y] qui était programmateur, assurait par ailleurs la gestion d’une partie des ressources humaines et que M. [V] concepteur d’outillage développait des logiciels internes Euclid 3, Ficcao et Gpao alors que M. [A] n’en était que l’utilisateur. M. [V] atteste d’ailleurs qu’il a repris le développement du logiciel Euclid, suite au départ de deux ingénieures dont les emplois étaient trop lourds pour la société, qu’il s’agit d’un logiciel essentiel, que le développement est toujours d’actualité car les demandes des clients évoluent, qu’il assure les sauvegardes, maintenances et mises à jour, développe pour les machines outils de l’atelier avec transfert des données sur ces machines, automatisation des tâches répétitives et fiabilisation et vérifications des programmes.

Si le salarié conteste sa capacité de conception de logiciel il n’apporte pas d’élément probant à l’appui de ses allégations, s’il conteste le descriptif des tâches accomplies telles que reprises dans ces documents il ne produit pas plus d’élément en démontrant l’inexactitude ; qu’il en est de même en terme de formation initiale par rapport à ses collègues.

Ainsi l’employeur établit que la rémunération de M. [Y] et [V] était justifiée par des compétences supplémentaires par rapport à M.[A] mais aussi par rapport à l’ancienneté puisque M. [Y] est parti en retraite après avoir travaillé pour Compes France et M. [V] est entré dans l’entreprise en 1985.

Dans ces conditions la cour, par confirmation du jugement déboutera M. [A] de sa demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement.

Sur la demande de mesures d’instruction avant-dire droit

Subsidiairement M. [A] sollicite de la cour qu’elle ordonne une mesure d’instruction sur le fondement des dispositions de l’article 144 du code de procédure civile car l’employeur pratique une politique d’opacité en refusant de fournir des critères précis de détermination des différences de salaires entre lui et M. [V] et [Y].

La société s’y oppose répliquant que cette demande avant dire droit ne peut être soulevée à titre subsidiaire.

Sur ce

L’article 144 du code de procédure civile dispose que ‘Les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.’

La cour rappelle que s’agissant d’une mesure d’instruction avant dire droit elle ne peut être demandée subsidiairement, devant par essence être ordonnée avant toute décision sur le fond.

La cour relève qu’une telle mesure n’a pas été nécessaire pour trancher le litige, la cour ayant disposé d’éléments suffisants pour statuer.

La cour confirmera le jugement qui a débouté le salarié de cette demande.

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire

La société Compes France rapporte que la demande du salarié qui a varié au cours du temps depuis le 21 février 2020 constitue un abus de droit qui justifie la condamnation de M. [A] à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages set intérêts pour procédure abusive.

M. [A] s’y oppose.

Sur ce

Selon l’article L. 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés.

Le droit d’agir ou de se défendre en justice constitue un droit et ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.La cour a fait droit à une partie des demandes de M. [A], qu’il était donc bien-fondé sur une partie de ses demandes. Il s’en déduit que la procédure qu’il a initié n’était pas abusive ou dilatoire.

La société sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre par confirmation du jugement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance relatives aux dépens seront infirmées.

Succombant en partie en cause d’appel, la société Compes France sera condamnée en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à M. [A] une somme que l’équité commande de fixer à 2500 euros pour l’ensemble de la procédure.

La société Compes France sera condamnée aux dépens de l’ensemble de la procédure et sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 1er avril 2022 par le conseil de prud’hommes de Péronne sauf :

– en ce qu’il a débouté M. [X] [A] de sa demande de rappel de salaires à compter du 1er janvier 2020 suite à l’application du contrat de progrès et à la reclassification

– en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Rejette la mesure d’instruction foréme à titre subsidiaire ;

Condamne la société Compes France à payer à M. [X] [A] la somme de 5 850 euros montant arrêté au 30 mars 2023 à titre de rappel de salaire ;

Dit que le statut de M. [X] [A] est revalorisé à l’échelon 2 au coefficient 335 de la convention collective ;

Dit que le salaire de M. [A] devra être augmenté de 150 euros mensuels à compter du 1er avril 2023 ;

Condamne la société Compes France à payer à M. [X] [A] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;

Déboute la société Compes France de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne la société Compes France aux dépens de l’ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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