Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01191

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Droit du logiciel : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01191

ARRET

[X]

C/

S.A.S. BETRANCOURT

copie exécutoire

le 30 mars 2023

à

Me Thuilliez

Me Coppin-Cange

CB/MR/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 30 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 22/01191 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMA7

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 04 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG F 21/00018)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et concluant par Me Marjorie THUILLIEZ, avocat au barreau D’ARRAS

ET :

INTIMEE

S.A.S. BETRANCOURT agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau D’AMIENS, postulant

Concluant par Me Isabelle COPPIN-CANGE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MARSEILLE

DEBATS :

A l’audience publique du 02 février 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame [M] [N] indique que l’arrêt sera prononcé le 30 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [M] [N] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 22 juillet 2015, M. [J] [X], né le 17 mai 1972 a été embauché par la SARL Betrancourt Aérospace Maintenance, ci après dénommée BAM, en qualité de technicien aéronautique coefficient 280.

Le 24 Juillet 2020 la société Betrancourt Aérospace Maintenance a été dissoute sans liquidation mais avec transmission universelle du patrimoine à la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique, ci-après nommée l’employeur ou la société.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie de la Somme.

La société employait 4 salariés.

La société BAM a procédé au licenciement économique de son personnel. Le 3 juin 2020, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 10 juin 2020, il lui a été proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qu’il a accepté le 19 juin 2020 entraînant rupture du contrat de travail.

Le 26 février 2021, M.[X] a saisi le conseil de prud’hommes de Péronne afin d’obtenir des documents relatifs aux résultats comptables de la société permettant de démontrer les prétendues difficultés économiques de cette dernière, de faire constater que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, qu’en outre, le reclassement n’a pas été loyal et devait entrainer la requalification du licenciement en licenciement abusif.

La demande de M. [X] portait également sur la requalification de ses fonctions et de son poste ainsi que sur des dommages et intérêts au titre du licenciement et du préjudice moral.

Par jugement du 4 février 2022 la juridiction prud’homale a :

– débouté M. [X] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté la société de ses demandes ;

– dit que chaque partie devrait supporter la charge de ses propres dépens.

Le 15 mars 2022, M. [X] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.

Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 12 janvier 2023, dans lesquelles M. [X] demande à la cour de :

dire mal juge bien appelé ;

réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Péronne en date du 4 février 2022 ;

dire que le licenciement économique n’est pas fondé ni sérieux ;

dire que les difficultés économiques n’étaient pas démontrées ;

dire que le reclassement n’a pas été loyal ;

requalifier le licenciement en licenciement abusif ;

requalifier ses fonctions et son poste au coefficient 365 ou 395 du Niveau 7 de l’agent de maîtrise ;

condamner la société défenderesse à lui payer :

– 28880 euros (8 mois de salaire) pour dommages et intérêts au titre du licenciement abusif et non respect de l’obligation de rechercher un reclassement ;

– la somme de 3500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de cette rupture abusive et anti loyale qui a nécessairement causé un préjudice distinct moral par une dévalorisation de soi ;

– la somme forfaitaire et indemnitaire de 3000 euros au titre de la revalorisation de son coefficient hiérarchique et de son collège d’affectation ;

– une somme complémentaire de 189,67 euros ;

ordonner la rectification et la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision qui va être rendue ;

débouter la société défenderesse de ses demandes fins et conclusions principales et reconventionnelles ;

ordonner l’exécution provisoire ;

condamner la société défenderesse à une indemnité procédurale de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 22 décembre 2022, dans lesquelles la société Betrancourt demande à la cour de :

recevoir la société intimée dans ses conclusions, les disant bien fondées ;

constater que M. [X] a été rempli de ses droits en matière de salaire ;

constater que M.[X] a été rempli de ses droits en matière de classification ;

constater la réalité et le sérieux du motif économique allégué dans la lettre de licenciement de M. [X] ;

‘ confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Péronne le 4 février 2022 dans toutes ses dispositions ;

‘ débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes ;

Reconventionnellement, de :

allouer à la société Betrancourt une somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [X] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 2 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur la demande de reclassification

M. [X] soutient avoir été embauché en qualité de technicien aéronautique et ensuite évolué au poste de responsable de navigabilité en octobre 2016, qu’il est légitime à revendiquer le collège d’agent de maîtrise coefficient 365 ou 395 de niveau 7, que contrairement aux affirmations de l’employeur si l’on n’est pas propriétaire de l’avion, seule une personne habilitée peut gérer la navigabilité, que seul un organisme officiel peut le faire en application du règlement eu-1321-2014, qu’il s’agit d’une fonction supposant la détention d’une licence part-66 délivrée par l’Europe.

Il ajoute avoir besoin de ce certificat de compétence pour retrouver un emploi plus facilement, que son ancien employeur auprès duquel il était responsable d’entretien l’avait placé au coefficient 395, il sollicite l’indemnisation du préjudice né de l’absence de valorisation pendant plusieurs années de sa classification.

La société s’y oppose répliquant que la charge de la preuve en la matière incombe au salarié qui est défaillant à ce titre, que son envoi à l’adresse de son avocat ne constitue pas une preuve, que la dénomination responsable de gestion de navigabilité est imposée par l’aviation civile pour s’assurer de la maintenance des avions afin de voler, que les fonctions de M. [X] n’ont pas évolué et que le poste occupé chez l’ancien employeur était responsable d’entretien alors qu’il était simple mécanicien de la société BAM.

Sur ce

La cour analyse la demande du salarié non en une requalification mais en une reclassification au niveau agent de maîtrise.

La cour rappelle que la qualification professionnelle d’un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable.

M. [X] produit à la procédure des documents de l’organisme pour la sécurité de l’aviation civile, l’un daté du 4 février 2016 qui le désigne en qualité de suppléant du RE suite à la délivrance d’un certificat d’agrément d’organisme de maintenance, l’autre daté du 28 juillet 2017 qui le désigne comme responsable des revues d’organisation. Il verse aussi un courrier de ce même organisme qui le désigne le 18 octobre 2016 en qualité de responsable de navigabilité.

Le règlement (UE) n °1321/2014 de la Commission du 26 novembre 2014 relatif au maintien de la navigabilité des aéronefs et des produits, pièces et équipements aéronautiques, et relatif à l’agrément des organismes et des personnels participant à ces tâches fixe des règles techniques et des procédures administratives communes destinées à assurer le maintien de la navigabilité d’aéronefs, y compris tout élément à y installer.

Il n’est pas justifié que la désignation du salarié en qualité de responsable de navigabilité ait pour effet de le faire changer de la grille de classification de la convention collective.

Par ailleurs il n’est pas contesté que depuis son embauche le 22 juillet 2015, en qualité de technicien aéronautique, les fonctions du salarié aient changé et notamment qu’il ait assumé des fonctions d’encadrement d’autres salariés alors que l’échelon 365 revendiqué requiert selon les termes de la convention collective applicable un rôle de coordination de groupes dont les activités mettent en oeuvre des techniques diversifiées et évolutives et la responsabilité de la réalisation d’objectifs à terme en étant associé à l’élaboration de bases prévisionnelles.

Le fait que chez un précédent employeur il ait été classé agent de maîtrise au coefficient 395 en qualité de responsable d’entretien ne peut modifier sa situation chez le nouvel employeur dans la mesure où d’une part il n’occupait pas les mêmes fonctions et d’autre part il ne justifie pas d’un changement des fonctions initialement exercées au cours de la relation de travail.

Ainsi, les moyens débattus et les éléments produits ne permettent pas de retenir que M. [X] assumait concrètement des fonctions relevant de la classification qu’il revendique et qui correspond à un niveau plus élevé de la hiérarchie,

C’est à bon droit que les premiers juges l’ont débouté de cette demande.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

M. [X] rapporte que la cessation totale d’activité de l’entreprise fonde un licenciement économique, qu’il a été décidé en raison de la perte financière subie par la société alors qu’elle peut résulter de la faute de gestion du dirigeant, qu’elles pouvaient être supportées par la SAS Betrancourt société mère qui pouvait aussi assurer le reclassement des salariés ; que la SARL Betrancourt Aérospace Maintenance avait été maintenue pour éviter de dépasser le seuil de 50 salariés de la SAS Betrancourt.

Il argue qu’il a été produit les résultats financiers de la société BAM pour les années 2017 et 2018 et de la SAS Betrancourt pour les années 2019 et 2020, qu’ils démontrent que le chiffre d’affaire de 2018 a augmenté par rapport à 2017 avec corrélativement une augmentation de la production et du résultat net, qu’il en est de même pour l’excédent brut d’exploitation et de la capacité d’auto-financement avec 6 embauches ; que si la société souffrait de difficultés en 2017 elles se sont résorbées en 2018.

Il ajoute qu’en 2019 les salariés ont reçu une notice sur les résultats qui s’étaient effondrés de 137 000 euros à – 300 000 euros, que l’on ne voit pas l’aide que la SAS Betrancourt affirme avoir apporté à la société BAM, que le bilan 2020 révèle qu’à compter de janvier l’activité a cessé ( avec vente des immobilisations et de marchandise) pour liquider et licencier alors que les dettes fournisseurs n’ont cessé d’augmenter et que la perte de l’exercice est moins importante que prévue.

Il en conclut qu’il y a eu une volonté d’arrêter toute possibilité de développement et que ce ne sont pas les difficultés économiques qui ont abouti au licenciement mais la décision de la direction de liquider, que les mauvais résultats de 2020 n’ont été connus qu’en août alors qu’il a été licencié en juin.

Il souligne que l’activité de maintenance aéronautique a connu un rebond fin 2020, que le carnet de commande n’a pas été communiqué, qu’en 2019 la SAS Betrancourt avait contracté un emprunt de 1 587 000 euros et avait supporté des charges exceptionnelles de plus de 110 000 euros qui ont grevé le résultat ; enfin que le directeur M. [I] est resté en poste après les licenciements économiques et avait un bulletin de paie en août 2020.

La société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique réplique que les licenciements ont été exposés dans la note d’information transmise aux salariés car le déficit de l’exercice sur 16 mois clôturé au 31 décembre 2019 s’élevait à 300 K euros soit une situation négative de 600K euros, que depuis 2013 elle avait consenti de nombreux abandons de créances et de comptes courants au profit de la société BAM (82 K euros pour le seul exercice clôturé au 31 décembre 2019), que depuis la situation ne s’était pas améliorée car elle n’était pas viable, que des tentatives de reprise de l’entreprise avaient échoué et seule restait la cession d’activité entraînant la suppression de l’ensemble des emplois.

Elle explique que M. [I], directeur, est parti après le reste du personnel pour assurer la transmission en faisant rentrer un maximum de trésorerie, alors que le carnet de commande était vide ; elle relate que la prolongation de l’exercice comptable au delà de 12 mois n’a pas été dictée pour des raisons fiscales ou comptables mais pour permettre de rechercher un repreneur.

Elle soutient que les difficultés sont établies sur la durée, que pour les années 2017 et 2018 elle a du abandonner des comptes courants pour 150 K euros qui ne correspondent pas à des emprunts, que des salariés de la société BAM ont été mis à sa disposition ce qui permettait de diminuer les charges salariales, que les pertes sont liées à l’insuffisance du chiffre d’affaire, que les résultats de l’exercice 2020 ne sont pas tronqués et ne sont que le dernier élément d’une dégradation financière débutée plusieurs années auparavant.

Sur ce

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à la cessation d’activité de l’entreprise ou à une réorganisation de celle-ci nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique.

La cessation d’activité de l’entreprise, quand elle n’est pas due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable constitue un motif de licenciement.

La cour est tenue de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais elle ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en ‘uvre de la réorganisation.

Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.

Même si les éléments constitutifs du licenciement pour motif économique sont réunis, le licenciement n’est justifié que si l’employeur a réalisé des efforts de formation et d’adaptation et s’il a cherché sérieusement, au préalable, à reclasser le salarié dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

La cour doit non seulement apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement mais aussi vérifier que le motif invoqué par l’employeur remplit les conditions des articles L. 1233-3 et suivants du code du travail ; ainsi en cas de litige, le juge vérifie :

– la réalité de la cause économique, c’est-à-dire la réalité des difficultés économiques, de la mutation technologique ou de la réorganisation de l’entreprise

– la réalité de la suppression ou de la transformation de l’emploi, ou de la modification du contrat de travail

– l’existence d’un lien de causalité entre le contexte économique de l’entreprise (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation de l’entreprise) et la mesure décidée par l’employeur (c’est-à-dire les conséquences sur le contrat du travail, suppression, transformation de l’emploi, ou modification du contrat de travail)

– le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement.

M. [X] a été licencié le 19 juin 2020 pour motif économique tenant au déficit de l’exercice d’une durée exceptionnelle de 16 mois clôturé au 31 décembre 2019 qui fait apparaître un résultat de négatif de 600 K euros alors que cette situation nette tient compte des abandons de créances et de comptes courants depuis 2013 pour plus de 210 K euros dont 82 sur le seul exercice clos au 31 décembre 2019.

La société a produit aux débats le bilan des années 2017-2018 arrêté au 31 août 2018 qui révèle un résultat net déficitaire de 137 335 euros alors que l’année précédente il était aussi déficitaire de 210 621 euros ; le résultat de 2018 est moins déficitaire que le précédent mais il l’est tout de même.

Le résultat clos au 31 décembre 2019 est aussi négatif de 386 849 euros. Enfin le dernier exercice clos avant la dissolution au 31 août 2020 confirme la persistance d’un résultat déficitaire de 255 285 euros.

Ainsi il est constant que pendant au moins trois années consécutives le résultat de la société a été négatif alors que le résultat de la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique n’est qu’à peine positif à hauteur de 159 599 euros et qu’il n’était donc pas possible pour elle de continuer à alimenter financièrement sa société fille au risque pour elle de se retrouver en situation déficitaire, ce qui a fini par se produire en août 2020 puisque le dernier exercice justifié à la procédure indique que le résultat a été déficitaire de 1 783 940 euros étant précisé que suite à la transmission universelle de patrimoine elle a perçu un mali de confusion de 873 608 euros.

Elle a d’ailleurs du licencier à son tour pour réduire ses charges salariales.

Ainsi si en 2018 la situation de la société BAM était moins mauvaise qu’en 2017 elle était toujours en négatif.

La période des années 2020-2021 a été difficile pour l’industrie aéronautique du fait de la pandémie de covid 19 et la fragilité de la société s’en est trouvée renforcée.

Il ne saurait dés lors nier la réalité des difficultés économiques de la société BAM alors qu’il n’est pas établi l’existence d’une quelconque légèreté blâmable dans la gestion de la société et qu’il n’est pas contesté que depuis plusieurs années la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique a abandonné des créances et des comptes courants pour aider sa filiale.

Par ailleurs il existe un lien de causalité entre le contexte économique de l’entreprise et la mesure décidée par l’employeur qui a décidé de dissoudre la société BAM et de licencier le personnel n’ayant plus la possibilité de financer celle-ci, l’aide qui lui avait été apportée depuis plusieurs années n’ayant pas permis d’enrayer la situation.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats que la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique apporte suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la situation financière de la société BAM était obérée par des difficultés financières tenant au déficit de l’exercice d’une durée exceptionnelle de 16 mois clôturé au 31 décembre 2019 ne permettant pas de continuer l’activité ; le moyen de ce chef est donc rejeté et la cour confirmera le débouté de la demande en contestation du caractère économique du licenciement.

Sur le reclassement

M. [X] affirme que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement car la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique exerce la même activité que la société BAM, en l’occurrence la mécanique aéronautique, qu’elle n’a pas recherché d’emploi puisque la lettre de licenciement indiquait qu’il n’était pas permis de penser à un reclassement.

Il prétend que pour assurer la paix sociale elle a préféré favoriser les salariés chargés de famille plutôt que ceux dont la compétence professionnelle était établie, qu’en tant que société mère elle aurait du proposer un reclassement aux licenciés de la société filiale.

Il ajoute que la recherche de reclassement ne s’arrête pas à l’envoi de la lettre de licenciement, que la société Betrancourt aérospace division maintenance aéronautique ne verse pas le bilan de l’année 2017 alors que le reclassement doit s’effectuer au sein du groupe, qu’il n’a pas été proposé une liste d’emploi disponible ou de suivre une formation dont il n’a pas été prouvé qu’il aurait fallu une formation initiale.

La société Betrancourt aérospace division maintenance rétorque que son activité était différente de celle de la société BAM car elle s’occupe d’entretien et de réparation d’avions légers alors que la société BAM avait pour activité la fabrication de pièces d’usinage de précision sans montage des pièces, que les compétences des salariés étaient donc différentes, qu’il aurait fallu une formation initiale complète à M. [X] pour être reclassé au sein de la société Betrancourt aérospace division maintenance et non une formation complémentaire.

Elle fait valoir qu’une telle formation dépasse son obligation de reclassement, qu’aucune disposition légale ne la contraint à rechercher auprès des entreprises locales ayant la même objet, qu’elle a été en situation difficile et en justifie.

Sur ce

Lorsqu’il est appelé à se prononcer sur le caractère réel et sérieux d’un licenciement économique, le juge doit contrôler le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement, même si cette question n’a pas été soulevée par les parties ; ainsi, alors même qu’il résulte d’une suppression d’emploi procédant d’une cause économique, le licenciement pour motif économique n’a une cause réelle et sérieuse que si l’employeur s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié. Il appartient au juge saisi d’une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de rechercher si l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement.

En application de l’article L1233-4 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 22 décembre 2017 ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C’est à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen.

Le licenciement économique d’un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, il appartient à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible.

Sauf dispositions conventionnelles étendant le périmètre du reclassement, l’employeur n’est pas tenu de rechercher des reclassements extérieurs à l’entreprise, lorsque celle-ci ne relève pas d’un groupe dans lequel des permutations d’emplois sont possibles.

L’employeur doit rechercher et proposer au salarié les postes disponibles avant tout licenciement économique et le reclassement doit être tenté avant la notification du licenciement.

Le manquement par l’employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

En l’espèce, la société Betrancourt aérospace division maintenance est tenue d’une obligation de reclassement au sein du groupe. Il n’est pas contesté que le groupe n’était constitué que de deux sociétés. Elle justifie de l’envoi le 20 mai 2020 par la société BAM d’un courrier à destination de la SAS Betrancourt sollicitant le reclassement de 3 mécaniciens et d’un responsable de site. Celle-ci a répondu par courrier du 25 mai 2020 en l’informant de l’absence de poste pouvant convenir à la reprise expliquant être très impactée par la crise sanitaire et envisager le licenciement de 12 personnes pour raison économique, une première en 75 ans d’existence.

Par ailleurs la loi limite l’obligation de reclassement au groupe sans qu’il soit nécessaire de rechercher auprès des sociétés concurrentes.

Enfin l’activité des deux sociétés fussent elles proches nécessitait pour un reclassement le suivi d’une formation initiale ce qui n’entre pas dans les obligations du reclassement.

En tout état de cause la situation économique dans ce secteur d’activité directement impacté par la crise sanitaire rendait impossible un reclassement même après formation.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société BAM a rempli son obligation de reclassement à l’égard de M.[X] en recherchant auprès de la société Betrancourt aérospace division maintenance un reclassement. En conséquence, la cour par confirmation du jugement, juge que le licenciement de M. [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur le solde de tout compte

M. [X] soutient qu’il lui reste du une somme de 189,67 euros au titre du solde de tout compte, que l’employeur a reconnu son erreur mais ne l’a pas réparée.

La société s’y oppose répliquant qu’il ne s’agit pas d’une erreur mais d’une rectification d’un net fiscal imposable, le logiciel de paie ayant commis une erreur sur la base imposable de l’indemnité de licenciement et soumise à l’impôt.

Sur ce

L’employeur justifie de l’envoi au salarié le 23 novembre 2020 d’un courrier lui adressant un bulletin de paie complémentaire et une attestation rectifiant la rémunération nette imposable car elle avait intégré au dernier bulletin de paie l’indemnité de licenciement payée par ailleurs suivant le solde de tout compte du 1er juillet 2020. Il justifie aussi l’envoi à la perception de la rectification car l’indemnité de licenciement n’est pas soumise à l’impôt.

Ainsi il n’est pas établi qu’il reste du une somme au titre du solde de tout compte.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance relatives aux dépens seront infirmées.

Succombant en toutes ses demandes en cause d’appel, M. [X] sera condamné en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à la société Betrancourt aérospace division maintenance une somme que l’équité commande de fixer à 100 euros pour l’ensemble de la procédure, le jugement n’ayant pas statué sur ce point.

Partie perdante, M. [X] sera condamné aux dépens de l’ensemble de la procédure et sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 4 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Péronne sauf en ses dispositions relatives aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne M. [J] [X] à payer à la société Betrancourt aérospace division maintenance la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure;

Déboute M. [J] [X] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne M. [J] [X] aux dépens de l’ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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