C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp + GROSSES le 30 JANVIER 2023 à
la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
ABL
ARRÊT du : 30 JANVIER 2023
N° : – 23
N° RG 20/02447 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GH3I
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BLOIS en date du 23 Octobre 2020 – Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANTE :
Madame [K] [G]
née le 24 Octobre 1971 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS,
ET
INTIMÉE :
S.A.S. SIGNALISATION LOGISTIQUE PROTECTION GROLHIER agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Xavier REY de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de BLOIS,
Ordonnance de clôture : 8 novembre 2022
A l’audience publique du 17 Novembre 2022
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 30 JANVIER 2023 (délibéré initialement prévu le 27 janvier 2023), Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidnte de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS et PROCEDURE
Mme [K] [G], née en 1971, a été embauchée à compter du 18 juin 2007 par la SAS Signalisation Protection Logistique (SPL) en qualité de responsable qualité et SAV, statut cadre, position II, coefficient 100, suivant contrat de travail à durée indéterminée. A compter du 1er octobre 2016, elle a bénéficié du coefficient 114 après transaction du 26 octobre 2016 portant notamment sur sa classification et les conditions d’exécution de son contrat de travail.
La société SPL est spécialisée dans la conception et la fabrication d’équipements de protection, de confort et d’informations pour les collectivités publiques et les entreprises (mobilier urbain notamment). Elle regroupe plus de 150 salariés et relève des conventions et accords collectifs applicables dans les industries métallurgiques, en particulier la convention collective territoriale du Loir-et-Cher.
Par courrier en date du 25 novembre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 12 décembre 2016, et s’est vue notifier à l’issue une mise en garde pour défaut de vigilance.
Selon avenant du 24 mai 2017, il a été proposé à la salariée d’occuper un poste de responsable SAV, statut agent de maîtrise, niveau V, échelon 2, coefficient 335. Mme [G] a refusé.
Par lettre du 21 juillet 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 31 juillet suivant et a été licenciée le 3 août 2017 pour insuffisance professionnelle.
Contestant son licenciement, Mme [G] a, par requête du 03 mai 2018, saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une demande tendant à reconnaître le licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, l’annulation de la sanction notifiée le 19 décembre 2016 ainsi que le paiement de diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 23 octobre 2020, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
– dit et jugé que le licenciement de Mme [G] n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse,
– ordonné l’annulation de la sanction disciplinaire,
– débouté Mme [G] de ses autres demandes,
– débouté la société SPL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [G] aux entiers dépens,
Par déclaration du 27 novembre 2020, Mme [G] a régulièrement interjeté appel à l’encontre de la décision prud’homale, qui lui a été notifiée le 2 novembre 2020.
PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 27 octobre 2022, Mme [G] demande à la cour de :
> la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
> infirmer le jugement en ce que critiqué par elle,
Statuant à nouveau :
> déclarer recevables et bien fondées ses demandes,
> déclarer nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé le 3 août 2017,
> condamner la SAS SPL à lui régler les sommes suivantes :
– 61 700 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement nul, ou sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> déclarer la société SPL irrecevable, en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, ainsi qu’en son appel incident, et l’en débouter.
> confirmer la décision entreprise en ce qu’elle ordonne l’annulation de la sanction disciplinaire,
> condamner la société SPL aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, la SAS SPL demande à la cour de :
> confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Blois en date du 23 octobre 2020 en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement de Mme [G] n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté Mme [G] de ses autres demandes,
– condamné Mme [G] aux dépens.
Faisant droit à l’appel incident et statuant à nouveau :
> infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Blois en date du 23 octobre 2020 en ce qu’il a ordonné l’annulation de la sanction disciplinaire et débouté la société SPL de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnation de Mme [G] aux dépens,
En tout état de cause :
– déclarer irrecevable et pour le moins mal fondée Mme [G] en l’ensemble de ses demandes,
– débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [G] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700
du code de procédure civile,
– condamner Mme [G] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 08 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 19 décembre 2016
La procédure disciplinaire est définie par les articles L. 1332-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels notamment, le salarié doit être informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui, et être convoqué à un entretien préalable, sauf si la sanction envisagée est un avertissement, ou une sanction de même nature, n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Il est constant que constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif.
En application des articles L. 1333-1 à L. 1333-3 du code du travail, le juge doit vérifier en cas de litige, la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.
L’employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction, et au vu de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, Mme [G] fait valoir qu’elle s’est vue notifier une mise en garde sans qu’aucune faute ne lui soit reprochée, la société faisant seulement état d’une négligence, qu’au surplus elle conteste dans la mesure où elle n’avait pas l’autorité pour valider la facture querellée. L’employeur maintient que la salariée aurait dû contrôler les éléments en sa possession, ce qui lui aurait permis de relever l’erreur signalée.
Aux termes de la lettre de mise en garde du 19 décembre 2016, il est reproché à la salariée d’avoir reçu et transmis pour paiement la facture CDC 2015 -1994 concernant la certification PEFC sans en contrôler le montant, ce qui a conduit à une perte pour la société de 3 553 euros. La société concède qu’il s’agit d’une négligence, ‘ qui n’est pas de votre seule responsabilité’ mais demande à la salariée d’être plus vigilante à l’avenir et lui notifie une mise en garde.
Pour autant, aucun élément ne vient établir qu’il relevait du champ des compétences de la salariée de contrôler le montant de la dite facture, étant précisé qu’il n’est pas discuté que les annotations sur la facture querellée ‘OK [K] le 15 février 2016″ ne sont pas de la main de la salariée, laquelle conteste avoir été sollicitée à ce sujet.
Il s’en déduit que l’employeur échoue à rapporter la preuve de la négligence qu’il allègue à l’encontre de Mme [G]. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a annulé la mise en garde.
En réparation du préjudice découlant de cette sanction injustifiée, la salariée sollicite la somme de 3 000 euros, exposant que la mesure lui a été notifiée à la veille des fêtes de fin d’année, ce qui l’a profondément affectée moralement, outre le fait que ce n’était que le prélude à son licenciement ultérieur. L’employeur objecte que la salariée ne rapporte pas la preuve du préjudice subi.
Il s’avère que la notification de la sanction est intervenue le 19 décembre 2016 et se concluait par l’éventualité d’un licenciement si un tel incident venait à se reproduire. Le fait que la salariée ait attendu pour contester cette décision ne permet pas de remettre en cause le préjudice subi alors qu’il est légitime qu’elle en ait ressenti un inconfort, une instabilité et une incertitude ainsi qu’elle le décrit, accentués par la période festive. Il lui sera donc allouer la somme de 1 000 euros en réparation.
– Sur les demandes au titre du licenciement pour insuffisance professionnelle
Il sera rappelé que l’insuffisance professionnelle s’analyse comme l’incapacité du salarié à exécuter ses fonctions contractuelles. L’appréciation de cette insuffisance relève du pouvoir de direction de l’employeur mais ne le dispense pas d’invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables, de satisfaire préalablement son obligation de formation et d’adaptation au poste et de prendre en compte, pour y remédier, les demandes pertinentes du salarié sur ce point ou sur sa charge de travail.
Par ailleurs, l’insuffisance de résultats ne peut à elle seule caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, sauf si des objectifs commerciaux, réalisables et compatibles avec le marché et les moyens du salarié concerné, lui ont été préalablement fixés par l’employeur, ce contexte devant être vérifié par la cour. Il peut alors être tenu compte du délai imparti au salarié pour atteindre les objectifs fixés, des résultats obtenus par ses collègues sur un secteur ou un laps de temps comparables, de la situation du marché, de l’évolution de l’entreprise et de sa politique commerciale.
En l’espèce, aux termes de sa lettre de licenciement du 3 août 2017, il est reproché à Mme [G] :
– la non-réalisation, totale ou partielle, des objectifs qui lui ont été assignés pour le premier trimestre 2017 à savoir la modification du mode de saisie des non-conformités dans CEGID, la mise en place d’un indicateur par atelier/poste/usine selon pertinence et l’animation d’un suivi mensuel avec les responsables d’atelier à la manière des indicateurs efficacité, le dépôt du dossier ICPE avant le 31 mars 2017,
– l’incapacité à réaliser les objectifs à venir comme l’organisation du contrôle réception négoce à échéance au 31 décembre 2017,
– le non-respect des consignes données illustré par l’incident sur les plots 120021,
– le manque de rigueur comme par exemple pour le fourreau 204338, l’incident sur les pièces effet Acajou ou la gestion des indicateurs qualité/NC,
– un manque d’initiative démontré dans la gestion du litige avec Faro.
L’employeur souligne à cet égard le statut cadre de la salariée et déplore qu’elle n’utilise pas à bon escient l’autonomie afférente ‘malgré un accompagnement poussé et des mises en garde répétées de votre encadrement pour vous aider à mener à bien vos objectifs.’
Sur la non-réalisation des objectifs du premier trimestre 2017, l’employeur fait tout d’abord grief à la salariée de ne pas être parvenue, en totale autonomie, à modifier le mode de saisie des non-conformités dans CEGID à travers la détermination de nouvelles règles comme il lui l’avait demandé aux termes de son entretien d’évaluation du 4 janvier 2017 après une première alerte le 24 novembre 2016, réitérée le 30 novembre 2016, conduisant M. [T], directeur industriel, à intervenir en ses lieux et place. La salariée objecte qu’elle n’avait pas la main sur le logiciel et soutient que l’employeur ne justifie que de relances de communication du tableau de suivi des non-conformités. Il apparaît qu’après l’identification du problème fin 2016, une réunion a été prévue le 16 janvier 2017 entre M. [T] et Mme [G] à propos de ‘la saisie des NCs’ et que la salariée était tout au plus régulièrement en retard pour communiquer ces indicateurs en début de mois, une erreur étant relevée à son actif le 15 mai 2017. Si la salariée n’a jamais soulevé de difficultés d’accès à l’outil informatique avant ses écritures, il doit cependant être constaté que les pièces soumises à l’appréciation de la cour n’établissent pas une difficulté de sa part dans la modification du mode de saisie des non-conformités. Le fait allégué n’est donc pas avéré.
L’employeur reproche également à Mme [G] de ne pas avoir mis en place l’animation des indicateurs de février et mars 2017 sans en référer au préalable à sa hiérarchie et d’avoir tardé s’agissant de ceux de juin outre le fait qu’elle a délégué cette tâche au responsable de production. Il sera observé que l’employeur ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations alors que la salariée rappelle avec pertinence qu’il s’agissait d’une mission supplémentaire mise en place en janvier 2017, que le technicien SAV embauché en soutien n’est pas resté après le mois de mars et que rien ne lui interdisait la délégation querellée. Ces faits ainsi que le manque de rigueur et de pilotage qui en sont déduits ne sont donc pas caractérisés.
Il est encore invoqué à l’encontre de la salariée l’absence de dépôt du dossier ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) en vue de la certification ISO 14001, à l’échéance du 31 mars 2017, cet objectif n’ayant pas été atteint en 2016 ainsi que cela ressort de l’entretien professionnel du 4 janvier 2017. A cet égard, il sera relevé que si la salariée explique alors le peu d’avancement du dossier par la lenteur du prestataire, l’employeur ne partage pas son analyse et considère en tout état de cause que le niveau de performance 2017 devra refléter le gain de disponibilité consécutif au renforcement du service. Il justifie du compte rendu des discussions avec la salariée par mails des 6 février et 6 mars 2017 aux termes desquels sont listées les actions à conduire ainsi que différentes instructions : il s’en évince un manque d’autonomie pour une cadre sans qu’il soit toutefois permis d’affirmer qu’il s’agit de pallier son insuffisance professionnelle, ce d’autant qu’il n’est pas démontré, à l’exception de la fourniture du plan des eaux pluviales et usées, que Mme [G] ne s’est pas correctement conformée aux directives de son employeur. Au surplus, ainsi que le fait justement observer la salariée, il n’est pas établi que les manquements allégués soient à l’origine du retard prétendu du dépôt du dossier ICPE, dont la date demeure inconnue tout comme celle de demande et d’obtention de la certification ISO 14001, aucun élément ne venant corroborer les dires de l’employeur selon lesquels Mme [G] aurait admis lors de son entretien préalable ‘avoir lâché le dossier fin mars.’
Il apparaît donc que l’insuffisance professionnelle tirée de la non-réalisation, totale ou partielle, des objectifs assignés à Mme [G] pour le premier trimestre 2017 ne peut être retenue.
L’employeur se plaint aussi du non-respect de l’objectif tenant à l’organisation du contrôle réception négoce, considérant, bien que celui-ci soit à échéance au 31 décembre 2017, que les éléments en sa possession démontrent l’incapacité de la salariée à piloter cette activité et à suivre le travail de ses collaborateurs. Il fait état de quatre incidents dans la lettre de licenciement, qui n’apparaissent toutefois pas pertinents dans la mesure où s’agissant des têtes inox D76, la salariée a certes effectué le contrôle qualité à travers le film protecteur du produit mais celui-ci est destiné à éviter les rayures et il n’est pas établi que l’avis de la salariée en a été faussé ainsi qu’elle le souligne ; de la même façon, à propos du défaut sur tête boule ACC20039, il n’est donné aucune explication sur ce qui était attendu de la salariée ; par ailleurs, il ne saurait être reproché à la salariée de ne pas mentionner dans un rapport du 2 mai 2017 au sujet des coussins berlinois des erreurs de visserie évoquées dans un mail postérieur du 31 mai suivant ; quant aux trois rapports de contrôle, aucun élément versé aux débats ne permet d’affirmer que celui du 2 mai 2017 n’a pas été porté à la connaissance du service concerné et il est insuffisant de produire ceux des 7 février et 15 mars 2017 sans statut ‘accepté’ ou ‘refusé’ pour en déduire le grief allégué ; enfin, les deux mails qui attestent de la réception d’arceaux détériorés ne permettent aucunement d’accabler la salariée. Au surplus, les critiques de ces chefs apparaissent prématurées compte tenu du terme de l’objectif fixé après la procédure de licenciement engagée contre la salariée, laquelle le souligne judicieusement.
L’employeur excipe par ailleurs du non-respect de ses consignes portant sur la fermeture d’un code produit (plots 120021) afin d’en bloquer la commercialisation en raison de son caractère dangereux mais aucune pièce ne vient soutenir ce grief contesté par la salariée.
Il considère encore que Mme [G] fait régulièrement preuve d’un manque de rigueur s’appuyant sur trois exemples, dont un n’apparaît pas justifié et deux guère probants. Ainsi sur la transmission de mauvaises informations à propos des dimensions des fourreaux 204338, il doit être observé que le mail initial était source de confusion et sur les pièces effet acajou, il n’est pas avéré que le choix du transporteur Schenker, qui ne livrait pas le samedi, était le fait de la salariée. Le manque de rigueur allégué n’est donc pas caractérisé.
Enfin, l’employeur reproche à Mme [G] un manque d’initiative dans la gestion du litige Faro pour lequel la salariée estime avoir accompli sa mission sans autre précision. Il joint au soutien de ses critiques des mails dont il ressort que la salariée, avisée d’une non-conformité le 28 avril 2017, ne s’enquiert de plus amples informations que le 23 mai 2017 ; il fournit en outre le témoignage de la responsable RH de la société, laquelle atteste que le litige avec ce fournisseur a été évoqué la première fois en comité d’usine du 2 juin 2017 sans que Mme [G] soit ultérieurement en mesure d’apporter de nouveaux éléments sur le dossier même après que le directeur lui ait demandé d’appeler directement son interlocuteur, ce qu’elle n’a pas fait. Il s’en déduit qu’en sa qualité de cadre, il appartenait effectivement à la salariée de prendre la mesure du litige qui lui avait été signalé ainsi que les décisions qui s’imposaient et être en tout état de cause en capacité d’en faire le rapport au comité d’usine. Le grief est donc avéré.
L’employeur en déduit que Mme [G] ne présente pas les compétences attendues pour une cadre ‘malgré un accompagnement poussé et des mises en garde répétée de votre encadrement pour vous aider à mener à bien vos objectifs’. La salariée réfute ces critiques, faisant valoir qu’elle n’a pas bénéficié de la formation adaptée à l’évolution de son poste en responsable QHSE-SAV ni de formations régulières, qu’elle n’a profité du renfort d’un technicien SAV qu’entre janvier et mars 2017 et que jusqu’en novembre 2016, l’exécution de son contrat de travail s’est déroulée sans difficulté particulière avant qu’il soit envisagé de la rétrograder puis de la licencier. Elle voit dans cette dernière décision une mesure de rétorsion à la transaction du 26 octobre 2016.
Force est de constater qu’au cours de la relation de travail, l’employeur justifie d’une seule journée de formation, le 29 novembre 2016 sur la mise à niveau ISO 14001 alors même qu’il ressort des évaluations de la salariée communiquées à partir de 2013, qu’il lui était alors reproché de ne pas assurer la fonction de responsable qualité ; il était toutefois admis aux termes de l’entretien professionnel pour l’année 2015 réalisé par M. [T], nouvel évaluateur, que la salariée présentait un niveau conforme aux attentes avec les commentaires suivants ‘Bon- Doit réussir à se dégager du temps pour agir sur la qualité’ ; pour autant l’année suivante, le même donnait une évaluation de ‘1″ à la salariée, indiquant : ‘[K] doit profiter du renfort de son équipe en SAV pour démontrer ses capacités à mener à bien les sujets QUALITE chez SPL en 2017″. Or, il ressort des débats que le dit renfort a été temporaire, sans qu’il soit établi que ce soit du fait de la salariée, et que par ailleurs, l’employeur n’a pas mis en place de plan d’amélioration des performances comme préconisé par l’échelle d’évaluation.
Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à Mme [G] une insuffisance professionnelle tirée de son seul manque d’initiative au regard de son statut cadre alors que l’employeur n’a pas satisfait préalablement à son obligation de formation et d’adaptation au poste et n’a pas pris en compte, pour y remédier, les demandes pertinentes du salarié sur sa charge de travail. Par motifs surabondants, il sera rappelé que la cour a confirmé l’annulation de la mise en garde du 19 décembre 2016, de sorte que la procédure de licenciement se trouve avoir été engagée hors de toute alerte préalable.
Il s’en déduit que le licenciement de Mme [G] pour insuffisance professionnelle doit être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse, infirmant la décision déférée de ce chef, sans cependant être annulé dans la mesure où il ne résulte pas des débats qu’il s’agissait d’une mesure de rétorsion à son égard pour avoir préalablement fait valoir ses droits.
En réparation du préjudice découlant de son licenciement injustifié, la salariée est bien fondée à solliciter le paiement des dommages et intérêts, qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois selon les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans leur version applicable au présent litige.
Lors de son licenciement, elle était âgée de 46 ans et présentait plus de 10 ans d’ancienneté. Elle atteste être célibataire avec deux enfants à charge ; elle justifie d’un contrat de professionnalisation du 8 octobre 2018 au 8 avril 2020 après avoir intégré l’école d’ingénieurs du CESI. Depuis 2021, elle exerce comme ingénieur QHSE en contrat à durée indéterminée mais ses avis d’imposition témoignent de périodes de chômage préalablement ainsi que d’une baisse de ses revenus. Dès lors, en considération de sa situation particulière, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et en l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, il lui sera alloué la somme de 30 000 euros en réparation de la perte injustifiée de son emploi.
– Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée d’office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [G] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités.
Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [G] la somme totale de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa propre demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a débouté Mme [K] [G] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en conséquence de l’annulation de la mise en garde du 19 décembre 2016, dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a condamnée aux dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Mme [K] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Signalisation Logistique Protection (SPL) à payer à Mme [K] [G] les sommes suivantes :
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la mise en garde injustifiée du 19 décembre 2016,
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement injustifié,
Condamne la SAS SPL (Signalisation Protection Logistique) à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [K] [G], du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités ;
Condamne la SAS SPL (Signalisation Protection Logistique) à payer à Mme [K] [G] la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne la SAS SPL (Signalisation Protection Logistique) aux dépens de première instance et d’appel et la déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure;
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET
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